Je suis allé comme prévu à la conférence d'ouverture de Vincent Ferré et d'Adam Tolkien jeudi dernier
J'ai beaucoup aimé, et l'ambiance et le contenu. Le grand auditorium était rempli, après une longue file d'attente, d'une population disparate composée à la fois de curieux, de plus ou moins fans et érudits des oeuvres de JRR Tolkien et/ou de l'homme, d'étudiants de Vincent Ferré, et d'éminents experts français de ce domaine, tels Damien Bador ou Léo Carruthers, entre autres ... et bien sûr de tout sexe et de tout âge.
Le contenu lui-même était très intéressant, et je trouve fort agréablement présenté par les cinq intervenants.
Après une rapide présentation de JRR Tolkien, de Vincent Ferré en tant que commissaire de l'exposition, d'Adam Tolkien, fils de Christopher Tolkien et donc petit-fils de JRR Tolkien, et de l'exposition par un responsable de la BNF, y compris du pourquoi de ce souhait d'exposition (outre la notoriété incontestable de l'auteur en France et en Navarre, le contexte du brexit et le souhait d'exposer les archives inédites pour la plupart d'entre nous de ce grand romancier anglais), Vincent Ferré et Adam Tolkien ont en effet fait le choix de proposer au public une discussion entre eux deux.
Vincent Ferré (re)posait à Adam Tolkien plusieurs sujets de discussion, et Adam Tolkien lui répondait en donnant son avis personnel sur ces questions, la plupart concernant son grand-père, tant son œuvre, sa volonté, que sa vie, ou encore les travaux de son père Christopher. Tout cela étant préparé à l'avance. Vincent Ferré donnait parfois son propre point de vue, ou des explications complémentaires pour éclaircir les dires d'Adam Tolkien.
Ainsi, pour chaque sujet, Vincent Ferré commençait en disant par exemple "tu as choisi de parler de ..." et Adam Tolkien répondait.
La conversation a donc porté sur de nombreux sujets, agrémentés de présentation diapo présentant le site du tolkien estate notamment des peintures de son grand père telle la présentation diapo de "la forêt de la lothlorien" ou une représentation "se rapprochant" de l'Arbre de Niggle ("Arbre fleuri")...
https://www.tolkienestate.com/fr/peindr ... rbres.html (il faut cliquer un peu partout, le clic droit pour récupérer ici le lien des images étant interdit)
Autre particularité, le choix d'Adam Tolkien de faire lire, par des lecteurs récitant théâtralement le texte, certains passages lui tenant à cœur, par exemple des passages de Feuille de Niggle, on l'a dit ailleurs métaphore efficace pour traiter de l'envie et de la difficulté d'approfondir suffisamment une œuvre de création, un passage de la découverte de la lothlorien par la communauté de l'Anneau, la lecture du passage de la création des Arbres par les Valars, suivi d'une discussion rapide sur le déroulement du Premier Age. Et à la fin par une lectrice le passage de la mort du roi-sorcier, afin de mettre en évidence que les femmes pouvaient avoir un rôle fort dans ses romans. Un passage magistral à la gloire d'Eowyn pour clore une fort sympathique présentation.
Adam Tolkien a particulièrement insisté sur le désir de son grand-père de protéger la Nature, faisant un parallèle avec l'urgence climatique actuelle, en précisant que ce point lui tenait particulièrement à cœur. On peut comprendre là aussi son choix de mettre en lumière Feuille de Niggle, entre autres.
Il a également été question dans les discussions de la démarche de son père, Christopher Tolkien, dans son travail de mise en lumière et de restitution des écrits de son père.
En ce qui concerne les adaptations, Adam Tolkien a critiqué Peter Jackson, le qualifiant de peu imaginatif, tout en précisant que contrairement à son père, il n'était pas systématiquement opposé à des adaptations, perspectives fort excitante s'il en est puisque en filigrane on comprend que l'interdit de l'adaptation du silmarillion et des trois grands textes peut potentiellement être levé désormais. Il a rappelé d'ailleurs qu'il était désormais à la tête du tolkien estate et on comprend mieux comment le projet actuel d'adaptation en série sur le Deuxième Age a pu voir le jour, et dans quel contexte (à noter qu'Amazon a déjà validé une seconde saison). Adam Tolkien n'a cela dit pas dit un mot sur le projet d'Amazon. Il faut dire que Vincent Ferré a montré à mon sens une certaine réticence - certes avec humour - au moment où quelqu'un dans le public a osé poser une question sur les films de Peter Jackson, de mémoire en leur demandant s'ils pensaient que l’œuvre était adaptable au cinéma ... (Vincent Ferré à répondu une boutade du genre "je pense qu'on va s'en aller on a un rendez-vous soudain ailleurs")
Bref, et bien que je serais hélas incapable de me rappeler de chaque parole, ou de chaque thème discuté, j'ai souvenir d'une présentation passionnante et conviviale, et d'un moment agréable, m'ayant donné envie de revenir assister aux conférences suivantes (si je peux).
Seul regret, je n'ai pas réussi à poser à Adam Tolkien la question qui me brûle depuis des années sur la démarche précoce de son grand-père de créer une mythologie pour l'Angleterre, et surtout sur la possibilité qu'il ait choisi ou non comme méthode de créer plusieurs versions d'une même histoire, comme faux substrat historique ...etc (j'en ai déjà amplement parlé dans d'autres topics donc je ne m'étale pas ici). J’essaierais de poser cette question lors d'une autre conférence si possible.
Il m'a semblé que tout le monde ou presque voulait en effet poser des questions au glorieux petit fils de JRR tolkien (certaines étaient d'ailleurs très intéressantes, telles des réflexions d'Adam Tolkien et de Vincent Ferré sur la nature divine des valars - Adam Tolkien pense qu'il faut faire un parallèle avec le panthéon hindou par exemple, et Vincent Ferré les voit d'avantage comme des sortes d'archanges ...) - et il y a eu peu d'élu au final ayant reçu un micro pour pouvoir le faire, car le temps était compté -
Je crois que l'ensemble du public ou presque aurait bien volontiers continué à discuter longuement avec Adam Tolkien, sur mille et un sujets divers et variés. Il a par exemple été quasiment pas question de ses propres traductions, alors qu'Adam Tolkien est celui à qui on doit une partie de celle des HOME, même si elle n'est que partielle. tout juste a t'il rappelé que tous les volumes n'avaient pas été traduits, sans rien préciser sur l'avenir de ce point qui pourtant le concerne directement.
Quant à l'exposition elle-même, les deux heures que j'y ai passé m'ont permis de juste en explorer un bon tiers - je me suis arrêté à la salle sur la représentation de la forêt -
Ce qui m'a le plus enthousiasmé dans l'exposition, est le fait qu'elle commence par une magnifique chronologie succincte des trois âges du Légendaire mettant celui-ci au tout premier plan, donc. Quand on pense que par exemple dans la file d'attente précédant la conférence j'ai discuté avec un compositeur de musique classique relisant régulièrement le Seigneur des Anneaux, mais n'ayant pas lu Le Silmarillion car estimant que c'était une œuvre indépendante périphérique, on comprend l'importance énorme qu'il y a à bien insister sur la filiation voire l'indivision manifeste et fondamentale de l'ensemble du Légendaire de JRR Tolkien. La présentation de l'exposition en fait la part belle et j'ai hâte d'y retourner pour mieux voir à quel point elle y parvient - il y a plusieurs salles dédiées au travail de JRR Tolkien sur le Silmarillion et Valinor.
J'ai autrement lu la partie écrite (les 60 premières pages ) du guide de l'exposition, que j'ai trouvé très intéressant, avec des passages plutôt érudits, un peu à l'image de certaines entrées du Dictionnaire Tolkien ou de certains extraits de livres, par exemple celui d'Isabelle Pantin sur la formation d'Arda.Outre un résumé succinct de Damien Bador sur la création de langues par JRR Tolkien, on peut y lire aussi un résumé intéressant d'Isabelle PANTIN sur les connaissances géographiques et cartographiques que l'auteur avait, en précisant à quel point il suivait des méthodes plutôt modernes - présenter les villes par des points plutôt que des images symboliques agrandies comme c'était une des tendances alors -, un autre chapitre sur ses qualités d'illustrateurs, avec un parallèle fait avec la tendance de l'époque d'illustrer les textes - certaines de ses illustrations avaient vocation à accompagner une édition du hobbit - d'autres chapitres résumant un peu sa vie et sa carrière universitaire (par Léo Carruthers)...avec à chaque fois quelques références vers des œuvres exposées - qu'on retrouve dans une deuxième partie du catalogue -
Une partie très intéressante est d'ailleurs dédié au pourquoi de la présence des œuvres de JRR Tolkien à la Bodleian library (la famille Tolkien a accepté de confier à cette société anglaise une partie du trésor) et/ou à Marquette University aux USA - pour la partie concernant les préparatifs d'écriture du Seigneur des Anneaux, que Tolkien leur avait vendu pour récupérer quelque argent pour aider sa famille pendant sa retraite.
Un autre traite de la manière de travailler de JRR Tolkien, comme son accord avec le collège pour pouvoir utiliser les feuilles vierges des copies d'examens - à l'époque, le papier était rare. C'est ce qui explique je pense pourquoi les premières cartes du Silmarillion sont créés sur des copies d'examens. Et l'origine de la fameuse première phrase du hobbit - avant cela, je m'étais toujours demandé comment Tolkien avait pu ainsi réquisitionné des copies en brouillon.
Nous avons aussi dans le chapitre proposé par Léo Carruthers un paragraphe passionnant sur le travail de récupération et de restitution réalisée par Christopher Tolkien, où il expose une biographie succincte. On y lit notamment que, outre sa fonction de pilote lors de la seconde guerre mondiale, il a lui aussi été philologue émérite à l'université comme son père, et s'est mis en retraite anticipée vers 1975 pour avoir le temps d'effectuer sa tâche monumentale d'édition et d'écriture - et pour emménager en France où il habite depuis tout de même presque 50 ans. A ce sujet, lors de la conférence, une quesiton a été posée sur l'"aversion supposée du français par JRR Tolkien, question à laquelle son petit-fils a élégamment répondu par une pirouette signifiant que ce n'est pas parce que son grand-père aimait moins le français qu'il était totalement opposé à cette langue et les personnes qui le parlent, rappelant que souvent il suffit de dire imprudemment "moins aimer" pour que tout le monde entende "détester". J'ai trouvé la remarque fort sage de sa part et c'est volontiers ce que je conserverais de cette courte rencontre, un homme sage, humble voire simple, et généreux aussi, ayant envie de continuer l'oeuvre fédératrice de sa famille.
Bien sûr, pour revenir au catalogue, certains autres chapitres étaient pour moi moins originaux - car déjà lu dans maints autres ouvrages - mais me semblent tout aussi importants pour d'autres lecteurs moins connaisseurs de l’œuvre (je pense à un chapitre sur les différentes races par exemple, où il est rappelé qu'au départ Tolkien avait hésité sur le nom donné aux elfes, passant dans les Contes Perdus de gnomes à elf, fae ... puis elfes. Intéressant. )
Je n'ai donc pas encore fini de lire et relire ce catalogue, mais je trouve réjouissant de se dire qu'à travers ce magnifique catalogue, et le public enthousiaste découvrant cette exposition et ces conférences, de nombreux éléments concernant Tolkien, sa vie, sa rigueur, et ses différents centres d'intérêts, mis en parallèle avec l'actualité artistique, sociale et politique de son temps, vont être mieux connus par les visiteurs ayant répondu présents. Un vrai grand événement donc, dénotant un important travail en amont.
Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.
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) Il y avait aussi un représentant des éditions Bragelone de mémoire
. Après dans la file apparemment ça mêle tout le monde mais bon, c'est énorme. 
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