Ar-Pharazon est né dans les dernières années du Deuxième Age, fils de Gimilkhad, frère cadet de Tar-Palantir, roi de Nùmenor. Son père était le chef de file des opposants à la politique de Tar-Palantir, l'un des rares rois depuis des siècles à tenter de renouer avec les Elfes et l'héritage du Premier Age. Car comme on le sait, les Nùmenoriens avaient grandi dans leur orgueil jusqu'à jalouser l'immortalité dont ils étaient privés au contraire des Elfes. Durant sa jeunesse Ar-Pharazon se lia d'amitié avec son cousin Amandil, seigneur d'Andunie et futur chef de file des Fidèles (les Nùmenoriens sympathisants des Elfes), une amitié qui devait disparaitre du fait de leurs positions politiques irréconciliable.
Cadet de la famille royale, le jeune Ar-Pharazon n'avait guère de chances d'accéder au pouvoir. Car son oncle le roi avait une fille, Tar-Miriel, et la loi de Nùmenor autorisait les femmes à régner après leurs pères. A la mort de Tar-Palantir, l'ambitieux Pharazon choisit de braver la loi et lança un coup d'état: ayant épousé sa cousine contre la volonté de cette dernière (et contre les lois de Nùmenor, qui prohibaient le mariage entre cousins germains) il s'autoproclama Roi de Nùmenor. Le vingt-cinquième des souverains ayant régné sur l'île, il mena l'Empire Nùmenorien à son apogée, et amplifia la colonisation et l'esclavage dont étaient victimes les Humains moindres. Sa richesse et son prestige n'avaient pas de limite, et c'est fort de sa position qu'il dédaigna les appels à l'aide des Elfes d'Eriador, aux prises avec Sauron. Mais lorsque la puissance de ce dernier en vint à faire de l'ombre à la sienne, Ar-Pharazon lança une campagne éclair qui mit à genoux le Mordor. Sauron fut ramené en otage, laissant son empire brisé derrière lui.
Mais à peine ramené à Nùmenor, le lieutenant de Morgoth se glissa dans les bonnes grâces du Roi, profitant de l'orgueil et de la crédulité de ce dernier. Ayant senti la peur fatidique de la mort qui habitait Ar-Pharazon, Sauron accentua sa haine contre les Elfes et les Valar. Les persécutions contre les Fidèles redoublèrent, et Ar-Pharazon devint ainsi "le plus effroyable tyran de l'histoire de Nùmenor". Sauron convainquit même le Roi d'instituer le Culte de Morgoth, et de préparer des sacrifices humains. Mais il est dit que lorsque l'ancien seigneur du Mordor suggéra au roi d'abattre l'arbre blanc de Nùmenor, dernier vestige de l'alliance avec les Elfes, ce dernier refusa d'abord. Ressentait-il des remords, une voix dans son esprit l'avertissait-il que son orgueil le conduisait à sa perte ? De même Ar-Pharazon avait épargné des persécutions son ancien ami d'enfance Amandil, chef des Fidèles. Mais il finit par céder, et l'arbre blanc fut abattu (non sans qu'Elendil, fils d'Amandil, n'ait prélevé une de ses pousses).
Certain de son influence, Sauron alla encore plus loin: il affirma au Roi que seul la conquête des Terres immortelles et la soumission des Valar lui permettraient d'échapper au trépas. Cette fois encore Ar-Pharazon fut lent à se laisser convaincre, mais sa peur de la mort l'emporta, et il arma la plus grande armada qu'aient connues les Terres du Milieu. Comme on le sait, il mena l'assaut contre Valinor, et malgré un instant d'hésitation, de prise de conscience de ce qu'il s'apprêtait à faire, il fut le premier à poser pied sur la Terre Sacrée. Mais les Valar firent alors appel à Erù, le créateur d'Arda, qui se déchaîna contre Nùmenor. Un violent cataclysme s'abattit sur l'océan, et l'île fut engloutie, tandis que le Roi et sa flotte étaient enfermés dans les Cavernes de Mandos "jusqu'au jour du jugement". Seul les Fidèles purent s'échapper, Elendil et ses fils à leur tête.
Le personnage d'Ar-Pharazon apparait essentiellement négatif, par son orgueil démesuré, par sa crédulité, et par les crimes dont il se rend coupable. Mais quand on l'étudie de plus près, il révèle des aspects profondément humains: après tout qui ne pourrait se prévaloir de n'avoir jamais été orgueilleux, ou souhaité l'immortalité ? C'est une véritable mise en garde que nous adresse Tolkien. Surtout, le personnage n'est pas entièrement et irrécupérablement mauvais: son amitié sincère avec Amandil, et ses nombreuses hésitations face aux suggestions de Sauron fissurent le manichéisme. De plus, je ne peux m'empêcher d'être interpellé par la mention de son enfermement jusqu'au jour de Dagor Dagorath: la Bataille des Batailles offrirait-elle au détestable roi une occasion de se rattraper ?