Messagepar itikar » mar. oct. 16, 2018 6:53 pm
Je pense que Melkor voit et pense l'environnement comme sous un prisme qui l'empêche de le voir ou de le penser aussi parfaitement que ne l'a façonné Eru. Ainsi, je crois que souvent Melkor créé à son sens les meilleures créatures possibles à ses yeux, ne comprenant pas que, par essence, ce qu'il créé ne peut être que disharmonieux, donc que abominable aux yeux communs.
Ainsi, à ses yeux forcément disharmonieux, entre un orque et un elfe, la meilleure race est forcément l'orque, l'elfe étant inférieur, et le racisme dont lui et ses séides font preuves vis-à-vis des elfes tout le long du silmarillion va bien dans ce sens. Un peu comme un daltonien persuadé que le rouge est vert, et vice versa. Constatant qu'il est un peu le seul à penser noir là où les autres vont plutôt penser blanc, il aurait pu en développer beaucoup de frustration, s'il n'avait pas plutôt opté par la solution d'éradiquer tout ceux qui voient et pensent autrement.
Peut-être même qu'il a un sentiment de création (ou de re création) quand il détruit, ce qui doit lui faire ressentir une émotion similaire à celle qu'un artiste va ressentir quand il créé une oeuvre.
C'est en tout cas assez net dans la musique que Melkor est par essence un être qui veut aller à l'encontre des choses, dans son esprit pour faire mieux.
Je crois que dans l'esprit de Tolkien, Melkor est l'élément perturbateur qui est là pour soit freiner soit renverser tout l'ordre créé et désiré par Eru.
En ce sens, il est aussi effectivement très séduisant, car toute forme de transgression a un côté séducteur.
On pourrait reprendre ici l'analogie avec le discours de Yoda sur le Côté Obscur de la Force à Luke dans Star Wars "Non, non, non plus rapide, plus facile, plus séduisant ..." car, souvent, en effet, choisir l'ordre a quelque chose de rébarbatif et déplaisant, et on peut penser qu'en plus de la terreur, la corruption de Melkor vient de son offre de rédemption sans vergogne et de pouvoir facile certes en échange d'une stricte soumission (là, on peut prendre l'analogie avec Daesch ayant offert à la fois pouvoir et soumission (à une religion) à des assassins en puissance recevant en quelque sorte une justification pour assassiner, peut-être à leurs yeux à se venger)
Finalement, l'être Maléfique va tout se permettre de fait à ses yeux de son droit légitime à agir sans contraintes ni limites sans avoir à compenser avec les motivations des gens extérieurs à leur cause.
C'est ici une caractéristique commune à Melkor et à Sauron, entre autres. Et à toute âme choisissant le Mal.
Le vertueux au contraire, va accepter de bon gré de limiter sagement son appétit pour permettre à tout le monde - dans l'idéal - de manger aussi, au sens large d'avoir légitimement sa part du gâteau global.
C'est là un trait que n'ont ni Melkor ni Sauron. Ce ne sont absolument pas des altruistes, car ils ne donnent qu'à ceux qui oeuvrent pour eux, et ne considèrent tous les autres que comme au mieux des obstacles à abattre ou dominer. Ils sont donc en tout cas tout deux complètement égocentriques. Ce sont des dictateurs sans partage et ivres de conquêtes.
Cela permet à Melkor en tout cas de créer et façonner le monde sans voir du tout l'intérêt d'en faire une terre protectrice. Et, on le constate, le Mordor est une terre morte, et volcans et laves sont légions dans les oeuvres de Melkor. On le sait, la lumière permet la Vie, d'où par extension, le déploiement d'un autre pouvoir que le sien. D'où la haine de Melkor - et sans doute Sauron - et de leurs séides contre tout ce qui créé de la lumière : les Lampes, les Arbres, jusqu'à, bien plus tard, la fiole repoussant Shelob.
Finalement, l'un comme l'autre veulent créer un Monde de Ténèbres, pour Melkor parce qu'il a peut-être l'impression que c'est le meilleur monde qui puisse être. ET, pour Sauron, parce qu'il veut continuer l'oeuvre de son Maître dont il est le lieutenant le plus fanatique. L'un comme l'autre estiment qu'ils sont les seuls légitimes à créer - un événement ou un système politique - et dominer voire annihiler tout le reste. L'un comme l'autre ont l'appétit de leurs ambitions, ne pouvant accepter quelque idée de partage du monde ou de statu quo avec des peuples pensant autrement, à défaut d'en avoir la puissance, finalement, et c'est ici leur côté tragique (et en même temps heureux, dans le sens permettant la victoire des peuples libres)
Quant à Eru, c'est une figure paternelle, dans le sens où lui et ses apôtres vont tout à la fois prêcher la bonne parole, la bonne conduite, la voie droite, et épauler, rarement mais puissamment, ses enfants quand c'est nécessaire. Certes, il va jauger leur qualité de vie et de choix de vie et agir en conséquence mais à part contre le Mal, sa pire sentence sera de ne pas agir. Contrairement à Melkor ou Sauron (ou Daesch), il n'obligera pas par la violence à aller et penser dans son sens , peut-être à une exception près, celle de la submersion de Numenor.
C'est là qu'on peut faire un raccourci hardi : on voit lors de "la Grande Colère" que Eru et les Valars, et leurs alliés, se déchainent contre Melkor sans doute avec la même furie que tout ce qu'il a déjà pu lui-même leur causer comme maux. Ainsi, les Valars, le Bien, utilisent contre le Mal les mêmes armes, la même hargne, que le Mal contre le Bien. Côté du Mal, c'est la même chose sauf que pour eux, le Mal est le Bien, et le Bien le Mal.
C'est donc dans tout le reste que se situe leurs différences, c'est-à-dire en gros ce qu'il va se passer en temps de paix. Côté des Valars, absolument rien, en fait, à part peut-être et encore un peu de prosélytisme rampant et philosophique de la part de leurs sympathisants rester en Terre du Milieu ils cherchent à s'isoler en Valinor sans influencer la Terre du Milieu. Côté de Melkor ou Sauron, en temps de paix, leurs actes sont tout entier dirigé vers la conquête. C'est là la grande différence entre eux. Et peut-être entre le Bien et le Mal tout court.
Cet aspect là, Tolkien nous l'enseigne avec ses écrits autour de Numenor. Jusqu'à l'akkalabeth, sa submersion. En effet, les Valars laissent librement les numénoréens se corromprent avec le temps au point où leur âme devient ivre de conquête et de Mal. Et à ce moment là, ils éradiquent le problème.
Ainsi, le Bien n'agit violemment que contre le Mal. Tant qu'on a pas atteint le statut d'être maléfique, on ne craint rien d'eux, et on peut penser par nous-mêmes, et on a intérêt donc à rester assez pacifique. En tout cas pas trop maléfique (pendant tout un temps, les numénoréens déplaisaient aux valars et aux elfes de Valinor de par leurs conquêtes violentes et leur attitude tyrannique mais ils se contentaient de critiquer en silence tant qu'ils n'attaquaient pas leur propre terre)
Ainsi, le Mal agit tout le temps violemment, l'idée de paix n'est pas acceptable pour eux, si ce n'est pour mieux se préparer à la guerre et à la conquête.
C'est là une grande différence morale entre Eru, et Melkor et Sauron. Ils ne sauraient de fait être interchangeables, et on ne peut pas considérer qu'il s'agit juste d'une inversion de point de vue. C'est fondamental je pense.Et finalement classique et universel, dans la représentation du Bien et du Mal, que cela soit dans la fiction ou dans la réalité.
Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.