Connaissez-vous le Shibboleth de Fëanor ?
Il s'agit d'un texte linguistique que l'on peut trouver de manière partielle dans les Contes et légendes inachevées ( Tome 2 : Deuxième Âge ) et de manière plus complète dans le tome 12 de l'Histoire de la terre du milieu : The peoples of Middle-earth ( dans le chapitre 11 ). Il explique entre autre que dans la langue quenya primitive, les s étaient remplacés par le caractère Þ.
Exemple : Míriel Serindë ( le nom de la première épouse de Finwë ) s'écrivait Míriel Þerindë !
Comment ça vous vous en foutez ? J'essai de vous cultiver Trêve de plaisanterie, ça peut paraître anecdotique comme ça ( à part pour les passionnés des langues elfiques chez Tolkien et de leur évolution mais vous remarquerez au passage encore une fois que non seulement il y a plusieurs langues elfiques , non seulement elles évoluent tout au long de la vie de Tolkien --> puisqu'il les retravailla , mais qu'en plus il y a clairement une évolution des langues à l'intérieur de ses récits , comme je l'explique souvent )
En fait ce passage du Þ au s fut à l'origine d'une querelle au sein des noldor.
Fëanor , qui en plus de tous ses autres talents était aussi un grand linguiste ( inventeur notamment des fameuses runes de Fëanor ) refusait d'abandonner le Þ, en souvenir de sa mère Míriel Þerindë, qui tenait au Míriel Þerindë de son nom.
La seconde épouse que Finwë son père reprit pour compagne, Indis, tenait quant à elle au s et ceci n'arrangea pas les relations entre Fëanor et sa belle mère Indis, déjà compliquées pour tellement d'autres raisons et plus généralement cette querelle linguistique traduisit une scission plus profonde entre les noldor et notamment entre les partisans de Fëanor et plus tard ses fils, et les princes descendant d'Indis : Fingolfin , Finarfin et leurs descendants , on connait bien cette fameuse rivalité quand on a lu le silmarillion, elle est omniprésente ..
En fait le titre du texte ( Le Shibboleth de Fëanor ) n'a pas été choisit au hasard par Tolkien, il y a une petite allusion à la Bible et au livre des Juges ( 12 ) :
Petite citation de cet extrait biblique :
5. Galaad s’empara des gués du Jourdain du côté d’Éphraïm. Et quand l’un des fuyards d’Éphraïm disait : Laissez-moi passer ! les hommes de Galaad lui demandaient : Es-tu Éphraïmite ? Il répondait : Non.
6. Ils lui disaient alors : Hé bien, dis Schibboleth. Et il disait Sibboleth, car il ne pouvait pas bien prononcer. Sur quoi les hommes de Galaad le saisissaient, et l’égorgeaient près des gués du Jourdain. Il périt en ce temps-là quarante-deux mille hommes d’Éphraïm.
(Livre des Juges, 12:5-6)
On comprend mieux l'allusion ^^ Un shibboleth (ou schibboleth, שבולת) est un terme hébreu qui désigne une phrase ou un mot qui ne peut être utilisé — ou prononcé — correctement que par les membres d'un groupe. Par extension, ce mot désigne parfois un jargon spécialisé. Dans tous les cas il révèle l'appartenance d'une personne à un groupe. Autrement dit, un shibboleth représente un signe de reconnaissance verbal ( dixit wikipédia ).
Plusieurs shibboleths interviennent d'une manière similaire au cours du Moyen Âge et de la Renaissance. Ainsi, une légende célèbre veut que la prononciation du mot sicilien ciciri (« pois chiche ») ait permis aux Siciliens de reconnaître leurs ennemis angevins et donc de les exécuter lors des Vêpres siciliennes.
Durant la Première Guerre mondiale, les Alsaciens eurent leur shibboleth. Il arrivait que des prisonniers allemands aient tentés de se faire passer pour des Alsaciens, afin de bénéficier du régime spécial accordé à ces derniers. Or il était relativement facile à un Badois ou à un Bavarois de contrefaire le dialecte alsacien...
Dans Cromwell, Victor Hugo place aussi une allusion au schiboleth et à l'évênement biblique ! :
« Olivier, capitaine et juge dans Sion !
Les saints, siégeant à Londre en congrégation,
Sachant que ta science est un vase à répandre,
Te demandent par nous s'il faut brûler ou pendre
Ceux qui ne parlent pas comme saint Jean parlait,
Et disent Siboleth au lieu de Schiboleth. »
Victor Hugo, Cromwell, Acte III, scène 2.
Pour revenir à Tolkien et nos récits, dans le shiboleth de Fëanor on apprend d'autres choses sympathiques, par exemple que le nom de Fëanor est erroné, il s'agit d'une erreur de copiste ! ( copiste à l'intérieur du monde des terres du milieu entendons-nous bien, pas d'une erreur des éditeurs de Tolkien )
En fait la mère de Fëanor, Miriel lui donna le nom quenya de Fëanáro, ce qui veut dire "esprit de feu" et qui provient de la racine fëa ( voir mon topic sur le fëa )
Sous sa forme sindarisée, le nom aurait du devenir Faenor , mais il y a eu un jour une erreur d'un copiste traduisant les textes quenya en sindarin et finalement le nom qui est resté est Fëanor ( qui est une forme bâtarde quenya / sindarin ) Mais malgré cette erreur, c'est bien ce nom qui est resté dans les mémoires et qui fut usité dans toutes les légendes !!
Anecdote amusante !
( reference : The Peoples of Middle-earth, page 343 )