Le topic du sengoku-jidai

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phoenlx
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Le topic du sengoku-jidai

Messagepar phoenlx » sam. juin 22, 2019 11:22 am

Ce topic est à l'état d'ébauche. j'ai rédigé ceci il y a plusieurs mois en m'aidant de plusieurs sources dont wikipédia, mais j'espérais compléter et le mettre davantage en forme avant de vous le dévoiler. Mais n'ayant eu la possibilité de le faire depuis je préfère mettre ceci en ligne dès maintenant, il sera terminé au plus tard d'ici la fin 2021 à priori, n'hésitez pas à revenir le lire quand tout sera fini ^^

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1. Introduction au topic : On pose le contexte !!

L'époque Sengoku est une période de l'Histoire japonaise qui se déroule du milieu du XVème siècle à la fin du XVIème siècle
(Le terme japonais est sengoku-jidai qui signifie littéralement ère des provinces en guerre, en référence à la période des Royaumes combattants chinois). Attention donc en français de ne pas dire "ère sengoku jidai" car il s'agirait d'un pléonasme, on dit l'ère sengoku, ou le sengoku jidai ^^

Cette période troublée est marquée par l'affaiblissement du pouvoir politique du shogunat Ashikaga, et par la montée en puissance dans tout le territoire japonais de multiples chefs de clans dominant des territoires plus petits et cherchant à s'étendre et à se renverser les uns les autres. Cette époque porte bien son nom et fut marquée par de multiples affrontements entre des clans samouraï rivaux. On distingue deux périodes :
:arrow: la première est une période de fission durant laquelle le pouvoir central ne cesse de s'éroder jusqu'à ne plus être que théorique, ce sont les différents daimyos (chefs de clans) qui exercent un vrai pouvoir mais localement tout en redessinant le pays en érigeant leurs territoires autour de frontières naturelles diverses. Les petits chefs de guerre sont souvent battus et leurs clans disparaissent ou sont avalés par les plus puissants, et les trahisons et changements d'alliance sont légion à cette époque. On commence à voir s'installer de nombreux micro-états mais pendant un certain temps aucun clan n'arrive à imposer vraiment son hégémonie sur tout le territoire japonais.
:arrow: Ensuite arrive une période de fusion où quelques clans finissent par se répandre sur de très grandes zones jusqu'à l'époque des 3 Unificateurs (Oda Nobunaga, Hideyoshi Toyotomi et Tokugawa Ieyasu) qui règneront progressivement sur tout le pays, par étapes, ce qui aboutira au shogunat suivant : la dynastie des Tokugawa, qui dirigea le pays jusqu'au 19ème siècle. Nous verrons tout ceci en détail dans ce topic.

La période sengoku s'inscrit à la fin de l'époque plus large dite Période de Muromachi (1333 – 1573). Il s'agit d'une époque correspondant au shogunat des Ashikaga, dynastie gouvernant le pays au nom de l'Empereur en place.

ci-dessous : une chronologie qui replace la période Muromachi dans son contexte historique plus large. Nous allons donc nous intéresser ici essentiellement à la FIN de cette période, ainsi qu'à la période Azuchi Momoyama (qui correspondra à celle des grands unificateurs du Japon)

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A cette époque, la capitale du Japon est encore Kyōto (et non Edo qui deviendra Tokyo, cette dernière prenant de l'importance à partir du 17ème siècle durant l'ère suivante qui pour cette raison d'ailleurs s'appellera l'ère Edo) . Le nom de cette période historique, Muromachi, provient du quartier de Kyōto où le troisième shogun Ashikaga Yoshimitsu établit son bakufu (littéralement, « gouvernement sous la tente ») autrement dit, sa résidence.

L'ère sengoku est donc une période se situant à la fin de l'ère Muromachi, entre l'effondrement du shogunat des Ashikaga et la mise en place du shogunat suivant, celui des Tokugawa. Elle se caractérise par des turbulences sociales, des conflits politiques et des affrontements militaires quasi constants entre divers clans samouraï cherchant à étendre leur domination sur le pays. Cette période historique, et plus largement le siècle et demi allant de 1450 à 1600, correspond à une longue phase de transition entre le Japon médiéval et le Japon de la « première modernité ».

Au sens strict le sengoku jidai va de la fin des guerres d'Ōnin en 1477, qui ouvre sur une une période de conflits récurrents, jusqu'en 1573, lorsque le seigneur de la guerre Oda Nobunaga destitua le dernier shogun Ashikaga et prit le contrôle de la capitale de l'époque : Kyoto.
Les guerres d'Ōnin (1467-1477) plongèrent le gouvernement central du Japon dans une crise grave, rendant l'autorité politique des shoguns de la dynastie Ashikaga nulle, et avec elle celle de l'aristocratie de la capitale Kyoto, laissant la voie toute ouverte pour la domination de la catégorie des guerriers (samouraïs).

L'autorité fut rapidement bouleversée par un ensemble de désordres que les contemporains désignaient par le terme gekokujō, renvoyant à l'idée de renversement de l'ordre établi. Gekokujō est un terme japonais pouvant se traduire par l'expression « les plus faibles gouvernent les plus forts » ou bien « le faible domine le fort ». En effet, ce furent en général des personnes provenant des clans des couches moyennes et inférieures de la catégorie guerrière qui renversèrent l'élite militaire traditionnelle et se rendirent indépendants du pouvoir central en formant dans les provinces une myriade d'entités politiques qu'ils géraient sans rendre de compte à un suzerain : C'est ainsi que plusieurs grandes familles se mirent à dominer différentes régions de l'archipel : les clans Go-Hōjō, Imagawa, Oda, Takeda, Mōri, Shimazu, et bien d'autres.

De temps à autre dans le topic j'évoquerai les blasons des clans samouraï les plus célèbres (qu'on appelle des mon, ou kamon), en espérant que ça vous aide à les retenir car il y a de quoi s'embrouiller avec tous ces clans et chefs guerriers 8-)
ci-dessous, voici un aperçu des kamon de certains clans qui ont joué une grosse importance

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ci-dessous à gauche : Imagawa Yoshimoto, l'un de ces daimyo (chefs de clans) ayant pris de l'importance à l'époque, et qui était à la tête du clan Imagawa. A droite : son emblème (ou mon). Le clan Imagawa émergea dans la province de Suruga et il était l'un des trois daimyos qui dominèrent la région du Tōkaidō et l'un des principaux daimyos au Japon jusqu'à sa mort, en 1560, alors qu'il marchait vers Kyoto pour devenir shōgun. Il a été tué dans le village de Dengakuhazama à la bataille d'Okehazama.

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autre exemple de daimyo de cette époque : Mori Ranmaru (ci-dessous à gauche), seigneur féodal régnant sur le clan Mori et qui s'allia au célèbre Nobunaga du clan Oda, combattant finalement pour ce dernier. à droite : le mon du clan Mori

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ci-dessous : portrait de Shingen Takeda, autre très grand daimyo de cette époque, l'un des plus célèbres de l'ère sengoku
(n'hésitez à lire le topic spécifique du forum consacré au mythique Clan Takeda, mis à l'honneur notamment dans plusieurs films du célèbre cinéaste Akira Kurosawa. Dans le présent topic je reprendrai d'ailleurs certains éléments de l'autre topic quand il sera question de ce clan)
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ci-dessous : Uesugi Kenshin (autre chef de clan samouraï de cette époque, qui dirigea la province d'Echigo, actuelle préfecture de Niigata) Kenshin fut l'un des plus célèbres et coriaces adversaires de Takeda Shingen)
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Tous ces grands seigneurs féodaux sont donc désignés par le terme de daimyō, terme qui qualifie un chef guerrier. Le daimyo domine une portion du territoire japonais où il tente de se maintenir et, s'il rencontre le succès, de s'étendre. Le pouvoir des daimyō reposait sur leurs capacités militaires et celles de leurs vassaux guerriers, qui constituaient le socle des États provinciaux de cette période.

ci-dessous : une carte géographique montrant les zones d'influence des principaux daimyos de cette époque (leurs territoires sont ici représentés à l'apogée de leur extension, de manière forcément arbitraire du fait des changements constants). Carte issue du livre Le crépuscule des samouraïs (de Julien Peltier)

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Le siècle de Sengoku fut émaillé d'une série de conflits, certes souvent d'ampleur limitée, mais suffisants pour empêcher la stabilisation du pouvoir des seigneurs de la guerre, qui sont nombreux à connaître des échecs condamnant leur construction territoriale et souvent même leur clan. L'ampleur des conflits et les violences qui les accompagnent vont croissantes durant le XVIe siècle, provoquant de nombreuses destructions dans toutes les couches de la société.
L'instabilité politique de la période se traduit par des affrontement guerriers entre les différents clans, et également des luttes intestines au sein de clans eux-même, ou entre suzerains et vassaux, se traduisant par des revers de fortune, et la disparition régulière de seigneurs de la guerre voire de clans. Bien que certaines de ces entités politiques soient parvenues à élaborer un ordre politique interne reposant sur une armée, un système juridique et l'exploitation des ressources économiques du territoires dans un but essentiellement guerrier, elles tendirent à connaître un mouvement de concentration politique dans la seconde moitié du XVIe siècle.

ci-dessous : une carte montrant la répartition approximative des ères d'influence des principaux clans en 1570.

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L'époque Azuchi Momoyama, qui succède à la période Sengoku et s'étend de 1573 à 1600, correspond en fait à une dernière phase des conflits entre seigneurs de la guerre, conclue par l'unification du Japon sous l'action successive d'Oda Nobunaga(qui commença le premier à constituer un État hégémonique dans le Tōkai et le Kinai), de Toyotomi Hideyoshi. Nobunaga et Hideyoshi éliminèrent ou soumirent progressivement les autres seigneurs de la guerre et entités politiques indépendants, permettant ainsi d'aboutir à l'unification du Japon. Le dernier des grands unificateurs fut le célèbre Tokugawa Ieyasu qui fonda le shogunat Tokugawa et mit en place le régime d'Edo en 1603, établissant sa domination sur le pays au début du XVIIe siècle.

Ci-dessous : représentations des trois grands unificateurs du Japon : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu
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Durant l'ère sengoku, les structures politiques et sociales du Japon médiéval furent ébranlées puis progressivement abattues dans un contexte de troubles et de guerres permanentes, qui vit arriver sur sa fin la mise en place d'un nouvel ordre socio-politique posant les bases de la longue ère Edo (1603-1868).

Cette période fut aussi caractérisée par la mise en place de structures politiques plus autonomes s'élevant dans le contexte d'affaiblissement des pouvoirs centralisateurs, à partir des communes rurales de plus en plus autonomes qui donnèrent naissance à plusieurs ligues de guerriers locaux, parfois sous les auspices de mouvements religieux. Cette époque fut également marquée par un essor économique, avant tout perceptible dans le domaine commercial, qui se traduisit aussi par un essor urbain et une affirmation politique des communautés de bourgeois des grandes villes (Kyoto, Sakai). L'horizon du Japon s'ouvrit à la suite de l'établissement des premiers contacts avec des navires Européens en 1543, puis le début de l'implantation du christianisme dans le pays. Du point de vue culturel, le Japon restait marqué par une importante influence chinoise, mais connut des développements marquants à partir de la culture d'Higashiyama (années 1480-1490), contribuant à forger l'esthétique japonaise des périodes suivantes, notamment dans l'art de la cérémonie du thé, de la composition florale, la peinture sur rouleaux et paravents, l'organisation de l'espace intérieur, etc.

Evolution des armes, armures, et de l'art de la guerre à l'époque sengoku

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( source de l'image)

Vers l'époque Heian, bien avant l'ère sengoku les guerriers étaient le plus souvent des cavaliers munis d'arcs ou yumis (ci-dessus) ; On parlait à l'époque de La voie de l'arc et du cheval, et ils complétaient leur arsenal par un tachi, sabre spécialement conçu pour être utilisé à cheval et attachés à la ceinture, la lame vers le bas. Ce sabre était accompagné d'un poignard court (Koshigatana) porté dans la ceinture du bushi. Mais ceci va évoluer par la suite durant l'ère Muromachi et Momoyama, avec l'apparition d'un autre type de sabre, le katana. A mesure que les guerriers se battront davantage à pied, les forgerons montèrent les lames avec une garde à deux mains permettant une frappe plus puissante et plus précise. Il faut aussi pouvoir se mettre en position de combat rapidement, et c'est ainsi que tout change : on retourne la lame, son tranchant étant alors vers le haut. Ainsi le guerrier en dégainant son sabre se retrouve immédiatement en capacité de pourfendre son adversaire.

Ainsi l'ère sengoku se caractérise de plus en plus par la prédominance du sabre, on abandonne l'arc. De plus en plus les samouraï sont aussi munis de lances à cette époque. Toute cette période seraainsi l'occasion de nouvelles évolutions non seulement dans les armes des guerriers, mais aussi les tactiques militaires, et la place des fantassins.

Concernant les armures, c'est durant la période Heian plusieurs siècles en arrière, entre 794 et 1185, que l'armure japonaise évolue dans sa forme la plus connue, ō-yoroi. Des pièces de cuir imperméabilisées avec de la laque sont employées conjointement avec du métal, de la soie et différents alliages comme le shakudō (or et cuivre) ou le shibuichi (argent et cuivre). Les armures sont de type lamellaire, constituées de petites plaques de métal ou de cuir lacées les unes aux autres. Elles pèsent entre 20 et 30 kg. Le casque de ces premières armures est plutôt évasé, pour pouvoir bien tourner la tête à cheval.

Au XVIème siècle, le commerce avec l'Europe enrichit l'armure japonaise avec, par exemple, le morion. L'arrivée des armes à feu impose un renforcement de l'armure qui sera désormais construite de plaques faites de fer et d'acier, au lieu de lames. De même, le besoin d'armures en raison des conflits de l'époque Sengoku amène l'introduction de plastrons faits de larges bandes lacées ou rivetées au lieu du long laçage d'écailles alors en vigueur, des tenues plus légères facilitant les déplacements rapides. Ces nouvelles armures appelées tōsei gusoku pèsent entre 10 et 13 kg en moyenne. En comparaison, l'armure argentée du roi Henri VIII pèse 30,13 kg.

ci-dessous : masque et armure de samouraï durant l'ère sengoku
(source : Ann and Gabriel Barbier-Mueller Museum, Dallas, USA)

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Durant l'ère sengoku s'impose aussi de plus en plus l'usage des armes à feu.

En effet en 1543 survient un événement majeur : Un bateau un portugais, faisant le trajet de Chine à Okinawa, est venu s'échouer sur l'île de Tanegashima (petite ile japonaise située au sud de la grande ile de Kyushu). Le navire transportait entre autre des missionnaires chrétiens et une grande quantité d'arquebuses que les japonais copièrent par la suite et produisirent en masse

L'ère sengoku est l'occasion d'une révolution militaire qui voit les effectifs gonfler. Les chefs de clans ont besoin d'armées nombreuses et enrôlent de nombreux fantassins appelés ashigarus (terme qui veut dire littéralement "pieds légers") Ce sont les unités d'infanterie de base du Japon médiéval, principalement constituées de paysans coiffés du jingasa.
Leur origine remonte à l'ère kamakura, époque où ils sont plutôt utilisés comme serviteurs ou écuyers, et appelés Zôhyô (soldats à pied).
Il faudra attendre les guerres de d'Onin (1467-1477) pour voir leur rôle véritablement évoluer. A cette époque, l'anarchie règne au Japon, infesté de brigands armés (Akutô) et de paysans en révolte (Nobushi). Les ashigarus sont alors engagés en nombre par plusieurs Daimyos pour affronter ces bandes armées.

ci-dessous : un ashigaru type

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Leur nom provient du peu d'armure dont ils disposaient, leur offrant une certaine mobilité mais peu de protection. Ashigaru qui signifie "Pieds légers" fait aussi référence au fait qu'ils couraient initialement derrière les samouraï à cheval, il valait mieux être rapide !!

En raison de sa lourdeur et de l'encombrement que les armures de type ō-yoroi causaient aux fantassins (mais pas aux cavaliers), les ashigaru étaient équipés de modèles plus légers et mobiles appelés dō-maru ou haramaki. L'armure dō-maru avait une ouverture sur le côté droit que l'on fermait à l'aide de cordons. Le haramaki se laçait dans le dos et ne protégeait que le buste. Au fil du temps, les samouraïs de haut rang ont commencé eux aussi à utiliser ce genre de cuirasses, moins contraignantes.

L'arme de l'ashigaru était théoriquement le naginata (vouges). Ils étaient munis de casques souvent coniques (produits en masse) et portaient des rations de riz accrochés à leur cou qu'ils transportaient dans leurs campagnes militaires.

Mais, avec le temps, leur armement a été de plus en plus constitué de yari (lances) pour finalement être remplacé par les arquebuses tanegashima ou Teppô, après l'introduction des premières armes à feu dans l'archipel par les portugais. Ces derniers seront de plus en plus massivement utilisés par les troupes des trois grands unificateurs : Nobunaga, Hideyoshi et Tokugawa.

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Les ashigaru constituaient la majeure partie des troupes d'une armée et la presque totalité des troupes à pied. Au départ, de simples paysans armés de manière désordonnée, ils devinrent de vraies troupes d'infanterie, armées de mousquets après l'apparition de ceux-ci au XVIème siècle. Ils étaient redoutables en groupe. Le rôle qu'ils ont joué dans la victoire d'Oda Nobunaga sur la cavalerie Takeda à la bataille de Nagashino reste célèbre (comme nous le verrons plus loin). Le règne du samouraï en mode cavalier archer ne faisait plus le poids face à des centaines de tireurs munis de mousquets, ce qui fit considérablement évoluer l'art de la guerre et les techniques à cette époque. Le nombre des ashigaru décupla sur les champs de bataille vers cette époque. L'époque de Momoyama sera celle des Ashigarus, comme l'époque de Kamakura avait été celle des Bushis. Mais ces troupes, bien qu'efficaces, restaient indisciplinées et responsables de nombreux pillages et massacres, très loin de l'éthique et du sens de l'honneur des véritables Bushis.

A présent que nous avons planté le décor, et posé l'introduction de ce topic, nous allons voir en détail et chronologiquement les multiples événements et batailles de l'ère sengoku.


2. Déroulement de l'ère sengoku : les grandes étapes

Début de la période Sengoku : La guerre d'Onin (1467 - 1477)

Le début de la période Sengoku est marqué par une décennie de guerres qui va de 1467 à 1477, regroupées sous la dénomination de « guerres d'Ōnin » (Ōnin no ran) ou parfois « guerres d'Ōnin et de Bunmei », Ōnin (1467-1469) et Bunmei (1469-1487) étant les ères durant lesquelles elles se déroulèrent. Ces conflits se déclenchèrent dans un contexte d'affaiblissement du shogunat des Ashikaga, en principe l'autorité politique suprême du pays, mais mis à mal par l'assassinat du shogun Yoshinori en 1441. Cet événement ouvrit la voie à une montée en puissance des grands clans dont les chefs sont détenteurs de commandements militaires provinciaux, les shugo, en particulier dans les provinces orientales, mais aussi dans la région de Kyoto, le Kinai, où les clans Yamana et Hosokawa luttaient pour la domination de la cour du shogun.

ci-dessous : le mon du clan Yamana (mon, ou kamon désigne les blasons des clans, j'emploierai par la suite souvent ce terme)

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Parlons un peu de ce Clan Yamana que j'évoquais précédemment. Il était l'un des plus puissants clans de la période Muromachi, descendant du fameux clan Minamoto (mis en scène dans la saga littéraire Le Dit du Genji). Le clan Yamana était originaire de la province de Kōzuke mais il s'installa ensuite dans la province d'Inaba (voir carte géographique des provinces de cette époque, un peu plus bas dans le topic).

Ce clan faisait partie des clans ayant combattu pour l'établissement du shogunat Ashikaga. Son soutien apporté au clan Ashikaga valut au clan des privilèges dans la période Muromachi. En 1363, ses membres régnaient déjà sur 5 provinces.

Les principaux clans du pays étaient souvent divisés par des guerres successorales, et c'est l'une d'entre elles, au sein du clan Hatakeyama, qui devait déclencher le conflit dans lequel seraient entraînés les autres clans, dont les deux plus importants, puisque d'un côté se trouvait Hatakeyama Masanaga, allié à Hosokawa Katsumoto, et de l'autre Hatakeyama Yoshinari, allié à Yamana Sōzen (ou Mochitoyo). À cela s'ajoutaient un conflit successoral au sein du clan Shiba dont les parties prenantes cherchèrent une alliance similaire, ainsi qu'un conflit dans la famille du shogun Ashikaga Yoshimasa, entre son frère Yoshimi et son fils Yoshihisa. Quoi qu'il en soit ces litiges furent un prétexte pour les Hosokawa et les Yamana d'en venir aux armes en 1467 : les premiers formèrent la coalition de l'Est et les seconds la coalition de l'Ouest, qui entrèrent dans une série de conflits qui provoqua dès le démarrage des hostilités la destruction de la majeure partie de Kyoto, en premier lieu son secteur officiel, et la dévastation des campagnes du Kinai.

ci-dessous : Hosokawa Katsumoto et Yamana Sōzen Mochitoyo
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La mort de maladie des deux chefs des coalitions, Hosokawa Katsumoto et Yamana Sōzen, en 1473, provoqua un apaisement des conflits, qui se poursuivirent encore quelques années. Mais l'essentiel avait eu lieu : l'affaiblissement du shogunat avait été accéléré, et bien que Yoshihisa Ashikaga ait accédé au pouvoir à la suite de l'abdication de son père il n'exerçait plus aucun contrôle sur les principaux chefs militaires provinciaux qui étaient parvenus à s'émanciper encore plus après la dévastation du centre politique du Japon. Parallèlement, les révoltes paysannes déjà courantes dans la première moitié du XVe siècle s'étaient propagées dans le Kinai dans le courant des années 1470. La période des guerres d'Ōnin, se concluant sans vainqueur parmi les belligérants, avait fait basculer le Japon dans une nouvelle ère.

Avant de poursuivre, je poste une petite généalogie des différents shoguns Ashikaga de toute cette période (avec leurs dates et autres membres familiaux), histoire de donner quelques points de repère, mais comme vous vous en doutez, le pouvoir de ces derniers étant très affaibli durant l'ère sengoku, dans la suite du topic nous parlerons surtout de certains chefs de clans fameux qui luttèrent pour renverser le pouvoir établi et se disputèrent le pouvoir sur le Japon, la dynastie Ashikaga se révélant durant toute cette période incapable de mettre fin aux conflits émergeant dans tout le pays ...

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Les diverses origines des daimyō (seigneurs de guerre)

Les sengoku-daimyō (seigneurs de guerre) avaient des origines diverses, regroupées en quatre catégories par K. Nakahara.

:arrow: Certains étaient issus de familles disposant auparavant de la charge de shugo, gouverneur militaire d'une province, dans laquelle ils avaient conservé leur position en y retournant après la guerre d'Ōnin, et bénéficièrent d'une indépendance de fait qu'ils avaient pu préserver ; on y compte les Imagawa, les Takeda, les Shimazu.

:arrow: Le second groupe est issu de la catégorie des shugodai, « prévôts », délégués représentant dans leur province les shugo qui résidaient longuement dans la capitale. Ils profitèrent alors de l'éloignement de leur maître lors des conflits dans le Kinai pour l'écarter et prendre le contrôle de leur province. C'est le cas des Oda, qui renversèrent l'autorité de leurs maîtres les Shiba.

:arrow: Le troisième groupe était issu d'une catégorie encore inférieure dans l'échelle administrative et sociale, celle des kokujin ou kunishū, « barons » locaux. Dans ce cas de figure, un de ces personnages prenait le dessus face aux autres barons de la province, puis parvenait à acquérir un pouvoir suffisant pour revendiquer le statut de daimyō dominant. C'est la trajectoire qu'empruntèrent les Mōri dans l'ouest de Honshū, ou encore les Matsudaira (futurs Tokugawa) à Mikawa.

:arrow: Le dernier groupe comprenait des personnages dont les origines sont à chercher dans les couches basses de la société, avec des personnages ambitieux parvenant à profiter du désordre régnant à cette période pour connaître une ascension sociale fulgurante : Hōjō Sōun, Saitō Dōsan, aussi Toyotomi Hideyoshi.

En revanche, les clans de l'élite des guerriers (buke) de la période antérieure à la guerre d'Ōnin, comme les Hosokawa, les Yamana, les Hatakeyama ou encore les Shiba ne parvinrent en général pas à maintenir leurs positions et s'effondrèrent pour la plupart dans les premières décennies de l'époque Sengoku.

Avant de continuer, un peu de géographie japonaise

Avant de continuer à parler de tous ces clans qui s'affrontent à cette époque, parlons un peu géographie. Les 3 cartes postées ci-dessous sont toutes issues du livre Le crépuscule des samouraïs (de Julien Peltier)

je poste pour commencer une carte montrant la géographie du Japon avec les principales grandes îles (pour les lecteurs novices qui ne sont pas familiers avec les noms) La grande île du sud (Hokkaido) n'est pas représentée ici, du fait de sa colonisation bien plus tardive consécutive à la restauration Meiji à la fin du XIXème siècle. On peut voir en revanche les iles de Kyushu, Shikoku et la grande île de Honshu qui sera le principal théâtre des opérations.

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ci-dessous : une autre carte montrant les 66 provinces du Japon au XVIème siècle

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une autre carte un peu plus complète (trouvée sur le net) montrant aussi les localisations des différentes provinces du Japon médiéval de cette période.

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Je reposte la carte déjà postée plus haut, montrant les clans de samouraï majeurs et leur zone d'influence

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A cette époque la région de la capitale Kyoto, le Kinai, perdit son rôle politique central et moteur avec l'effacement du shogunat Ashikaga, et connut une très grande instabilité, aucune force stable n'y assurant son autorité. Les provinces en revanche virent émerger progressivement des constructions politiques établies par les seigneurs de la guerre les plus puissants, et leurs successeurs s'ils parvenaient à préserver leur héritage. L'époque Sengoku fut donc aussi une époque d'affirmation politique et de développement des « périphéries », en particulier les provinces de Tōkai, le Kantō, l'Ouest de Honshū et Kyūshū.

Le mécanisme d'unification du Japon a démarré au centre de l'île de Honshu, dans la plaine du Kanto, vaste région agricole. C'est dans cette zone qu'eurent lieu beaucoup de combats entre clans samouraïs rivaux pour dominer cette plaine fertile, c'est là que les principales familles de samouraï qui vont nous intéresser, virent leur pouvoir émerger.
Le processus de domination et d'unification de tout le Japon gagna ensuite peu à peu du terrain (vers l'est et l'ouest) jusqu'à recouvrir tout le territoire. L'ile de Kyushu resta pendant longtemps en retrait de ce processus, et plutôt rebelle au pouvoir central et il faudra attendre longtemps avant qu'elle rejoigne les autres territoires sous la domination du pouvoir central.

Voyons plus en détail les événements qui amènent à tout ce contexte d'unification du Japon.


Kyoto et le Kinai : daimyō, temples, ligues et cités

Au sortir de la guerre d'Ōnin, le Kinai, comprenant Kyoto et les provinces l'entourant, restait plongé dans des troubles graves. Une des étincelles ayant allumé le conflit qui avait consumé le pays, la rivalité au sein du clan Hatakeyama, n'avait toujours pas été éteinte, et les deux branches rivales poursuivirent leurs luttes, désormais circonscrites dans le sud de la province de Yamashiro, y provoquant de nombreux dégâts. Les populations locales, déjà exaspérées quelques années auparavant par l'augmentation des taxes, qu'elles avaient faites annuler par leur mobilisation, s'organisèrent en 1585 une ligue qui monta une armée, forçant les deux branches des Hatakeyama à se retirer.

La ville de Kyoto, capitale impériale et plus vaste ville du Japon avait été ravagée au début de l'ère d'Ōnin. ses palais et principaux temples furent pour la plupart incendiés. Le nord de la ville était le quartier officiel, où se trouvaient le palais impérial et le palais du shogun (le palais Muromachi) et le grand temple Shōkoku-ji. Le reste de la ville se développait au sud suivant un plan orthonormé, de longues avenues rectilignes se coupant en angle droit délimitant plusieurs quartiers résidentiels, artisanaux, commerciaux ou organisés autour de sanctuaires. Après la guerre d'Onnin, ce plan régulier explosa et la ville se divisa en deux parties : au nord, l'ensemble appelé Kamigyō regroupant le shogunat, la cour impériale, les principales maisons aristocratiques, et au sud celui appelé Shimogyō, ville populaire, artisanale et marchande, plus densément peuplée. Bien qu'affaiblie, la ville restait la principale métropole du Japon.

Ci-dessous : Représentation de Kyoto à l'époque Sengoku sur un paravent : Vues à l'intérieur et à l'extérieur de la capitale (par l'artiste Kanō Eitoku, v. 1561-1562)
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(cliquez sur l'image pour agrandir)

La guerre d'Ōnin avait aussi bouleversé l'organisation sociale et politique de la ville de Kyoto, qui s'organisa autour de quartiers et sections citadines (machigumi), avant tout pour gérer l'auto-défense dans un contexte de conflits allant tous azimuts (impliquant les seigneurs de la guerre, le shogunat, les temples, les révoltes rurales animées par un fort sentiment anti-urbain, les ligues religieuses) et d'essor du banditisme et plus largement de l'insécurité.

Les principaux pouvoirs politiques de Kyoto étaient tout aussi impuissants à se faire entendre dans les provinces. Le pouvoir shogunal était depuis plusieurs décennies en déclin, et la charge de kanrei, administrateur du gouvernement et maître effectif de la cour du shogun, était transmise au sein du puissant clan Hosokawa, établi dans plusieurs provinces autour de la mer intérieure de Seto. Le shogun retiré Yoshimasa termina sa vie en 1490 dans son domaine de Higashiyama sans jamais revenir à la vie politique. Le shogun régnant, Yoshihisa Ashikaga, tenta vainement de jouer un rôle politique, lorsqu'il dirigea en 1487 une armée dans la province d'Ōmi contre Rokkaku Takayori qui avait pris des domaines de la cour et des temples de la capitale, mais il échoua et mourut peu après.

Le nouveau shogun,Yoshitane Ashikaga, fut forcé de fuir Kyoto en 1493 par le kanrei Hosokawa Katsumoto qui fit alors introniser Yoshizumi. Yoshitane revint à Kyoto en 1499, mais il fut encore chassé par le nouveau kanrei, Hosokawa Masamoto, et se réfugia auprès du principal chef militaire de l'ouest, Ōuchi Yoshioki. Celui-ci leva une armée qui se dirigea vers la capitale en 1507 : Masamoto fut alors tué, et Yoshizumi s'enfuit, permettant à Yoshitane d'occuper à nouveau la fonction de shogun. À ce point, celle-ci n'avait plus de valeur politique ou militaire notable.

Les Hosokawa se divisèrent dans une querelle successorale et furent placés sous la coupe d'un de leurs vassaux, le clan Miyoshi. Les forces Ōuchi restèrent dans la capitale pour protéger le shogun jusqu'en 1518, après quoi elles furent contraintes de retourner dans leurs domaines occidentaux où leur autorité était en péril, laissant la place aux Miyoshi qui contrôlèrent alors à la fois les kanrei Hosokawa et les shogun Ashikaga. Néanmoins Hosokawa Harumoto renversa les Miyoshi en 1532, en faisant assassiner le chef du clan, Motonaga, et reprit le contrôle de la cour du shogun.

Les années qui suivirent furent marquées par la montée en puissance des institutions religieuses, qui étaient des acteurs majeurs des affrontements de l'époque. L'Enryaku-ji du Mont Hiei et le Hongan-ji d'Ishiyama, fondé en 1532, furent parmi les principales forces politiques de la région, en mesure de tenir tête aux principaux chefs militaires grâce à leurs propres troupes.

ci-dessous : L'Enryaku-ji du Mont Hiei
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Les bandes des ligues de la secte Ikkō (Ikkō-ikki, issues du Hongan-ji), et celles d'une mouvance du bouddhisme du Lotus (Hokke-ikki) furent particulièrement actives dans le Kinai à cette période. Elles entraînèrent la région de Kyoto dans des sortes de conflits religieux ayant aussi un fort aspect social (les ligues Ikkō avaient une proximité avec les révoltes rurales tout en ayant pour bases des villes-temples ; celles du Hokke avaient un ancrage urbain), marquée notamment par la destruction du Kōfuku-ji de Nara en 1532 par des membres de la secte Ikkō dans le Yamato, et la défaite des ligues Hokke conduite en 1536 par les troupes de l'Enryaku-ji, qui s'étaient assurées de la neutralité des autres institutions religieuses ainsi que de l'appui du daimyō Rokkaku de la province d'Omi. De même, les institutions urbaines se renforcèrent pour faire face aux troubles du temps : à Kyoto, mais aussi à Sakai, principale ville marchande de la région, certes frappée par un incendie de 1532, mais sa reconstruction fut accompagnée d'une période d'essor remarquable des activités commerciales, et de plus grande autonomie de cette cité. Le Kinai était donc plus que jamais éclaté entre des forces politiques de natures différentes, aucun seigneur de la guerre ne parvenant à s'y affirmer.

La lutte autour du shogunat se poursuivit néanmoins, ce pouvoir restant celui sur lequel comptaient s'appuyer ceux qui avaient pour ambition de dominer la scène politique du Kinai voire celle du pays. Le clan Miyoshi était désormais dominé par Miyoshi Nagayoshi (1522-1564), fils de Motonoga précédemment mis à mort et gouverneur de la province de Settsu, qui parvint progressivement à rétablir son influence : il vainquit en 1547 le seigneur de la guerre de la province voisine de Kawachi, Kizawa Nagamasa, puis il parvint à Kyoto et défit Hosokawa Harumoto en 1549. Ce dernier tenta avec le shogun Yoshiteru un retour trois ans plus tard, mais ils échouèrent. Nagayoshi était dès lors détenteur du pouvoir à Kyoto et ses alentours, où il installa ses collatéraux et vassaux, s'implantant de son côté à Iwori dans la province de Kawachi où il avait évincé ce qu'il restait du clan Hatakeyama.

Mais il délaissa à partir de 1560 les affaires politiques et militaires au profit d'un de ses vassaux, Matsunaga Hisahide (1510-1577), dont la base était située dans le Yamato qu'il avait lui-même soumis, et qui étendit à son tour son influence sur tout le Kinai. Les intrigues de Hisahide provoquèrent notamment la mort d'un des frères de Nagayoshi, peu avant le décès de ce dernier en 1564, et il entra en rivalités avec le neveu et successeur de celui-ci, Yoshitsugu, qui tentait de préserver l'influence des Miyoshi. En 1565, Hisahide provoqua le suicide du shogun Yoshiteru et intronisa Yoshihide, qui ne put même pas rentrer dans Kyoto, alors en proie à de grands troubles, marqués notamment par l'incendie du Tōdai-ji par les troupes de Hisahide qui y pourchassaient des vassaux des Miyoshi. Un autre membre des Ashikaga, Yoshiaki, avait entre temps revendiqué le poste de shogun et fait appel au principal daimyō des provinces du Tōkai, Oda Nobunaga, qui investit Kyoto en 1568, forçant Hisahide à se soumettre et le renvoyant dans son domaine du Yamato.


Entre Kinai et Kantō : Asakura, Imagawa, Oda, Saitō

Après avoir évoqué dans le paragraphe précédent les rivalités autour de la capitale (Kyoto) siège des shoguns, nous allons à présent évoquer les nombreuses rivalités entre clans rivaux dans les autres Provinces du Japon car la situation est instable de partout.

Dans les provinces situées entre le Kinai et le Kantō, le clan Shiba qui détenait au milieu du XVe siècle les fonctions de shugo de Tōtōmi, d'Owari et d'Echizen fut l'un des principaux perdants de l'époque de la guerre d'Ōnin dans laquelle il avait été très impliqué, puisqu'il laissa échapper la domination de ses domaines à ses shugo délégués (shugodai).

Ci-dessous : une petite carte mettant en évidence la Province d'Echizen
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En Echizen, c'était Asakura Toshikage (1428-1481), qui avait débuté la guerre d'Ōnin du côté de l'Ouest avec son seigneur Shiba, mais avait changé de camp entre temps pour rejoindre l'Est et les Hosokawa. Ses mérites au combat lui valurent de se faire confirmer la charge de gouverneur de l'Echizen, où il établit son domaine autour du Château d'Ichijōdani. Ses successeurs du clan Asakura se maintinrent dans la province jusqu'en 1573.

ci-dessous : Entrée du manoir des seigneurs Asakura à Ichijōdani (préfecture de Fukui).
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Le Tōtōmi (province proche de l'Echizen) passa à la fin du XVe siècle sous la coupe d'Ujichika du clan Imagawa, une des branches collatérales des Ashikaga qui avait la charge de shugo de la province voisine de Suruga. Son fils et successeur Yoshimoto (1519-1560) étendit sa domination sur la province de Mikawa, où il soumit les seigneurs locaux, le clan Matsudaira (les futurs Tokugawa). Il entra également en rivalité contre les daimyō de l'ouest du Kantō, les Takeda et les Hōjō, avec qui il conclut finalement la paix dans les années 1550.

En Owari, les représentants locaux des Shiba étaient les chefs des deux branches du clan Oda, ayant leurs sièges à Kiyosu et Iwakura, qui s'affrontaient régulièrement. Un des membres du premier, Oda Nobuhide (1511-1552) se détacha de son groupe et s'installa à Shobata où il posa les bases d'un nouveau domaine, s'étendant vers les provinces de Mino et Mikawa où il fut confronté aux Imagawa. Son fils et successeur Oda Nobunaga (1534-1582) parvint finalement à vaincre les autres branches du clan Oda, à se débarrasser de son frère qui tentait de le renverser, et l'Owari fut unifié en 1559.

La province de Mino était quant à elle confiée aux shugo du clan Toki, mais le pouvoir leur y échappa au profit de leurs shugo délégués, le clan Saitō, puis de serviteurs de ces derniers, les Nagai. C'est alors que commença la remarquable ascension sociale de celui qui devait être connu sous le nom de Saitō Dōsan (ou Saitō Toshimasa ; v. 1494-1556), surnommé la « vipère de Mino » en raison de ses méthodes brutales. C'était un personnage d'origine roturière, apprenti moine puis marchand d'huile et ensuite guerrier pour le compte des Nagai, qui se fit remarquer par le chef du clan Toki, Yorinari, puis renversa les Nagai en 1530 et hérita de la direction de la maison Saitō et du titre de shugo délégué en 1538. Il ne s'arrêta pas là, puis qu'il défit finalement Yorinari Toki, qui se réfugia auprès d'Oda Nobuhide, mais l'affrontement tourna à l'avantage de Dōsan. La fin du clan Toki en 1552 assit sa domination sur Mino. Il s'allia ensuite aux Oda, mariant à fille à Nobunaga. Il fut renversé en 1556 par son fils Yoshitatsu.

Plus à l'ouest, au contact du Kinai, la province d'Ōmi était dominée par le clan Sasaki, qui s'était scindé en deux branches, les Kyōgoku et les Rokkaku, branche aînée et détentrice de la charge de shugo d'Ōmi. Ces deux branches avaient choisi d'appuyer un camp différent lors de la guerre d'Ōnin, la première choisissant les Hosokawa et la seconde les Yamana. Les Rokkaku s'affirmèrent par la suite comme une famille puissante, Takayori repoussant en 1487 la tentative du shogun Ashikaga Yoshimasa de le mettre au pas après qu'il eut saisi des domaines de nobles et de temples de Kyoto. Ses successeurs profitèrent de la situation de leur territoire sur les routes commerciales entre Kinai et Kantō pour se renforcer et devenir finalement un des protecteurs des Ashikaga dans la première moitié du XVIe siècle. De leur côté, les Kyōgoku disparurent, supplantés par un de leurs serviteurs, Azai Sukemasa, avec l'aide des Asakura et des Saitō, et dominait le nord d'Ōmi, que ses successeurs (notamment Nagamasa) conservèrent malgré les entreprises des Rokkaku pour les dominer.

En 1560 Imagawa Yoshimoto, sûr de ses forces, décida de diriger ses troupes vers Kyoto, afin de placer la cour sous sa coupe. Sur son chemin se trouvait l'Owari, et plus précisément le château de Kiyosu où résidait Oda Nobunaga, qu'il décida d'attaquer. La bataille d'Okehazama (mai ou juin 1560) vit la défaite totale des troupes des Imagawa, dont le daimyō fut tué, malgré leur très large supériorité numérique, et ouvrit la voie aux ambitions de Nobunaga.

ci-dessous : Bataille d'Okehazama, avec Oda Nobunaga à cheval, et mort de Imagawa Yoshimoto

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Afin de consolider sa victoire face aux Imagawa, Oda Nobunaga s'allia à un de leurs plus puissants vassaux, Matsudaira Takechiyo (qui devint officiellement Tokugawa Ieyasu à partir de 1566) qui dominait le Mikawa, et à Takeda Shingen, daimyō de la province de Kai. Ce furent ces deux derniers qui se chargèrent de mettre une fin définitive en 1569 à la puissance des Imagawa, dont le chef, Imagawa Ujizane, devint alors un vassal des Tokugawa.

Pendant ce temps, Oda Nobunaga avait tourné son regard vers l'ouest, où il s'était également allié matrimonialement aux Azai et aux Saitō, mais après la mort de Dōsan il élimina ces derniers lors de la prise de leur château d'Inabayama (1567). Ayant désormais des ambitions nationales, il reçut des messages de l'empereur et du shogun destitué Yoshiaki qui souhaitait être rétabli. En 1568 il prit donc la route de Kyoto, éliminant au passage le clan Kitabatake d'Ise et les Rokkaku, et soumettant les villages du district de Kōga.

Cette région vit par ailleurs l'émergence dans le courant du XVIe siècle d'expériences politiques moins hiérarchisées, avec la ligue régionale de la province d'Iga, organisée autour de familles guerrières, qui se consolida surtout dans les années 1560, et entretenait des relations avec le district voisin de Kōga (sud de la province d'Ōmi), qui disposait également d'une organisation communautaire solide. Les ligues Ikkō étaient également implantées dans la région, avec leur temple-forteresse de Nagashima et d'autres temples dans la province de Mikawa, ces derniers étant détruits par les troupes Matsudaira en 1564 (bataille d'Azukizaka).


Kantō et Est : Uesugi, Go-Hōjō, Takeda

Le Kantō, région aux particularismes prononcés à l'époque médiévale, était en principe placé sous l'administration d'un représentant du pouvoir de Kyoto, issu d'une branche des Ashikaga, ayant la charge de kubō et installé à Kamakura. Mais un conflit avait opposé à partir de 1449 le détenteur de cette charge, Ashikaga Shigeuji, au plus puissant clan de la région, les Uesugi, détenteurs de la charge de kanrei du Kantō, qui depuis refusaient de reconnaître le représentant nommé par Kyoto, le kubō désormais installé à Koga, et avaient nommé contre lui leur propre kubō, installé à Horikoshi. Les Uesugi dominaient de fait la région, mais ils étaient divisés en plusieurs branches rivales qui s'opposaient lors de divers conflits, réduites à deux dans les années 1480, les Ōgigayatsu et les Yamanouchi. Les seconds triomphèrent finalement en 1505 grâce à l'appui d'un clan parent, les Fushiyoshi, mais le chef militaire de ce dernier, Nagao Tamekage, homme d'extraction basse, s'affirma d'abord contre son suzerain qu'il élimina, puis contre les Uesugi. Dans ce conflit, il gagna l'appui d'un autre daimyō du Kantō, Hōjō Sōun (1432-1519), autre personnage d'origine obscure, ancien serviteur des Imagawa, né Ise Shinkuro Nagauji, qui prit le nom du prestigieux clan Hōjō, fondant un lignage que l'on nomme de ce fait les « Hōjō postérieurs » (Go-Hojō).

ci-dessous : L'emblème, ou mon du célèbre clan Go-Hōjō

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Installé dans la forteresse de Nirayama en Izu, Sōun avait placé cette province sous sa coupe, puis le Sagami, juste avant sa mort, grâce à son alliance avec Tamekage. Le clan Hōjō se constitua rapidement une entité politique solide au cœur du Kantō, parmi les plus novatrices de l'époque dans le domaine administratif. Ujitsuna (1486-1541) poursuivit avec son allié les attaques contre le clan Uesugi, dont les branches restaient affaiblies par leurs divisions internes, et s'empara du Musashi en 1524, puis tua le kubō de Koga et domina l'Awa. Son fils et successeur Ujiyasu (1515-1571) continua l'expansion des Hōjō en défaisant une coalition des Uesugi dirigée par Norimasa de la branche des Yamanouchi, lors du siège de Kawagoe en 1545 (qui vit l'anéantissement de la branche Ōgigayatsu). La défaite des Uesugi était alors totale, et Norimasa se réfugia en 1557 dans l'Echigo auprès du fils de Tamekage, Nagao Terutora. Il lui transmit sa charge de kanrei du Kantō (1559) et le destin du clan Uesugi en l'adoptant (1561). Ce personnage est passé à la postérité sous le nom de Uesugi Kenshin (1530-1578), l'un des principaux seigneurs de la guerre de son époque.

Le principal adversaire direct de Kenshin était alors le clan Takeda, qui dirigeait la province de Kai, et dont le daimyō était Takeda Shingen (1521-1573), depuis qu'il avait déposé en 1541 son propre père, Takeda Nobutora, qui voulait le déshériter. Shingen avait défait plusieurs clans voisins, les Suwa, les Ogawara puis les Murakami, ces derniers sollicitant alors l'aide de Kenshin. Les affrontements entre les deux, lors des différentes batailles de Kawanakajima (entre 1553 et 1563, au nombre de cinq selon la tradition), illustrent pour la postérité l'intensité de la rivalité entre les seigneurs de la guerre de cette période.

ci-dessous : la dernière et la plus importante bataille de Kawanakajima (estampe de l'artiste Hiroshige)
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Ci-dessous des statues représentant le combat de Shingen Takeda et Uesugi Kenshin , qui est entré dans la légende.

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Ces conflits impliquèrent également les Hōjō, toujours dirigé par Ujiyasu qui a consolidé leur puissance : d'abord adversaire de Shingen, il s'allia avec lui face à la menace plus redoutable que constituait pour lui Kenshin, qui assiégea sa capitale sans succès en 1561. Ujiyasu cherchait également à contrecarrer ce rival en trouvant l'appui de la ligue de la secte Ikkō (Ikkō-ikki), établie depuis 1486 dans le Kaga et disposant alors d'un pouvoir militaire important lui ayant permis d'écarter le clan local dominant, les Togashi, et donc située au voisinage direct des domaines de Kenshin. Cela eut pour effet de tenir à distance temporairement ce dernier et offrit l'opportunité aux Hōjō de lui infliger une défaite. Cette dynamique d'alliances entre les principaux daimyō du Kantō y ouvrit la voie à des affrontements encore plus destructeurs qu'auparavant. Par ailleurs les Takeda et les Hōjō étaient voisinés à l'ouest par le domaine des Imagawa, avec qui ils parvinrent à faire la paix, avant de profiter de leur défaite face à Oda Nobunaga en 1560 pour participer à leur anéantissement, en 1569.

Plus au Nord et à l'Est, les provinces étaient dominées par des clans anciens mais de moindre importance, impliqués dans divers conflits locaux, notamment les Satake, les Ashina en Aizu, les Yūki de Shimōsa et les Date à Sendai. L'île de Sado, au large de la mer du Japon, vieille terre d'exil des élites de la capitale déchues, était quant à elle sous la coupe du clan Honma, détenteurs de la charge de shugodai.

Ouest : Ōuchi, Mōri, Ōtomo, Shimazu, Chōsokabe

Dans les provinces occidentales de Honshū (l'actuel Chūgoku) également, les conflits d'Ōnin avaient bouleversé la situation politique, érodant considérablement les assises du clan Yamana, qui dominait la région avec le clan Ōuchi. Durant l'époque Sengoku, les membres du premier, auparavant l'un des plus puissants lignages du Japon médiéval, n'avaient plus d'autorité que sur les provinces d'Inaba et de Tajima et avaient été chassés de leurs autres domaines par plusieurs de leurs anciens vassaux. Les Ōuchi consolidèrent dans un premier temps leurs positions, mais leur rivalité avec les Hosokawa, qui les impliquait dans les luttes de pouvoir autour de Kyoto et les y faisait résider régulièrement, affaiblit progressivement leurs positions provinciales alors que les potentats locaux devenaient de plus en plus autonomes, en premier lieu les Amako qui avaient une charge de shugodai. Les XVème et XVIèmes siècles virent par ailleurs les provinces occidentales du Japon (dont Kyūshū) connaître un essor politique et économique, profitant de leurs liens commerciaux avec le continent asiatique, leur conférant une place plus importante qu'auparavant au niveau national.

Les troubles dans leurs domaines, provoqués par des guerriers locaux, y rappelèrent les Ōuchi une première fois en 1477 à la fin de la guerre d'Ōnin, puis une nouvelle fois en 1518, alors que leur daimyō Yoshioki (1477-1529) était à Kyoto où il tenait sous sa coupe le shogun, laissant la place libre aux clans du Kinai comme vu plus haut. Ōuchi Yoshitaka (1507-1551), qui devint chef du clan en 1528, dominait alors de nombreuses provinces occidentales (Suō, d'où le clan était originaire, Nagato, Buzen, Chikuzen, Iwami, Aki), même s'il dut lutter contre quelques révoltes, et étendait aussi son influence sur le nord de Kyūshū. Son conflit contre le clan Amako, établi dans la province d'Izumo, contrôlant les îles Oki et convoitant l'Aki, fut moins heureux puisqu'il se solda par son échec à s'emparer de leur château de Toda en 1543 même si ses positions ne furent que peu érodées et qu'il parvint à conserver dans sa mouvance le clan local, les Mōri.

Les domaines sous la coupe du clan Mōri vers 1568.
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Néanmoins Ōuchi Yoshitaka fut attaqué et acculé au suicide en 1551 par son plus proche conseiller, Sue Harukata. Ce dernier tenta alors d'installer un neveu du défunt daimyō, Yoshinaga, issu de la lignée des Ōtomo de Kyūshū, pour prendre la tête du clan Ōuchi comme marionnette, mais il fit face à l'opposition d'autres vassaux du clan, emmenés par Mōri Motonari (1497-1571). En 1555, ce dernier l'emporta à la bataille d'Itsukushima : Harukata puis Yoshinaga se suicidèrent, mettant fin au clan Ōuchi, dont les possessions furent alors reprises par Motonari qui devint le plus puissant daimyō de l'ouest. Dans les années qui suivirent, il assit son autorité dans plusieurs des provinces qui lui étaient revenues, puis se tourna contre les Amako, qui subirent une cuisante défaite en 1566, qui se solda par la prise de leur château de Toda et la perte de l'essentiel de leur autorité. Les dernières années de sa vie furent dominées par les affrontements contre le clan Ōtomo.

Le long des côtes de la Mer intérieure de Seto, se trouvaient par ailleurs des clans de « pirates » (kaizokushū), dont les chefs étaient en fait de véritables « seigneurs de la mer ». C'était le cas des Murakami, dont les trois branches étaient établies en plusieurs points de cette mer (notamment sur l'île d'Innoshima). S'adonnant aussi bien au commerce qu'au brigandage, ils dirigeaient et administraient leurs territoires côtiers de la même manière que les daimyō le faisaient pour leurs domaines, et fournissaient à l'occasion à des seigneurs de la guerre l'appui de leur flotte.

L'île de Kyūshū était dans une situation de division politique, partagée entre plusieurs lignages, les plus importants étant les Shimazu du Satsuma, les Ōtomo du Bungo et les Ryūzōji du Hizen66. Avant leur déclin, les Ōuchi avaient d'importants intérêts sur Kyūshū puisqu'ils dominaient la riche ville commerciale de Hakata (Fukuoka) au nord de l'île. Les Ōtomo s'étaient par la suite posés en rivaux de leurs successeurs les Mōri, qui cherchaient également à dominer le nord de Kyūshū. Au nord-ouest de l'île, un des anciens vassaux des Ōuchi, Ryūzōji Takanobu (1529-1584), monta en puissance à partir des années 1550. Les Shimazu du sud-ouest furent néanmoins ceux qui prirent le plus de puissance au cours du xvie siècle, s'étendant au détriment de leurs rivaux, en particulier sous Iehisa (1547-1587). Parmi les autres clans de Kyūshū, il convient de mentionner les Ōmura du Hizen, dont l'un des daimyō, Sumitada (1533-1587), converti au christianisme (comme son contemporain Ōtomo Sōrin), fonda le port de Nagasaki en 1570 et prospéra comme les autres daimyō de l'île grâce au commerce maritime. Enfin, comme dans d'autres régions du Japon, des espaces conservaient une certaine autonomie au milieu des conflits entre daimyō : c'était le cas de la province de Higo, où coexistaient des petits clans de guerriers locaux (les « cinquante-deux familles », gojūninin-shu) positionnés entre les trois clans majeurs, qu'ils combattaient ou appuyaient selon l'occasion.

L'île de Shikoku, anciennement placée sous l'autorité des Hosokawa (qui avaient leur fief principal dans la province d'Awa), était divisée entre plusieurs clans rivaux. Les Chōsokabe de Tosa devinrent progressivement le seul clan dominant dans le courant du xvie siècle. Le daimyō Chōsokabe Kunichika (1502-1560) dirigeait à sa mort la moitié de l'île, et son fils et successeur Motochika (1539-1599) devait achever son œuvre de conquête69.

L'île occidentale de Tsu-shima était quant à elle sous la coupe du clan Sō, qui disposait de la charge de shugo de cette province, et entretenait des relations privilégiées avec la Corée.

Nord et Ezo

La partie septentrionale du Japon comprenait certes des clans dont l'autorité s'apparentait à celle des daimyō des autres parties du pays, mais ils étaient dans une situation marginale et ne disposaient pas de moyens leur permettant de jouer un rôle dans les affaires des autres régions.

Le nord de Honshū était dominé par le clan Nanbu (nord de la province de Mutsu), mais son hégémonie dans la région fut contestée à partir des années 1570 par un de leurs subordonnés, Ōura Tamenobu, qui parvint à arracher son autonomie puis à consolider son domaine autour de Tsugaru (son lignage devenant par la suite le clan Tsugaru).

Sur l'île d'Ezo (Hokkaidō), le clan disposant de l'autorité était celui des Andō (plus tard les Akita), mais en fait ils étaient établis à Honshū (à Akita dans le nord de la province de Dewa depuis le milieu du xve siècle), et leur principal relais sur place était les Kakizaki (plus tard le clan Matsumae). En fait, ces clans n'étaient installés que dans le sud de l'île, faisaient face aux Aïnous, qui consolidèrent leurs positions face à l'expansion des établissements japonais. En 1551, les Andō conclurent un accord fixant les limites entre le domaine des Kakizaki établis à Matsumae (à l'extrême-sud de l'île) et celui des clans Aïnous locaux, qui assura la paix dans la région pendant environ un siècle.


Unification et centralisation (1568-1603)

À partir des années 1560, un groupe de guerriers provenant du Tōkai regroupé autour d'Oda Nobunaga mettait la main sur Kyoto et le reste du Kinai, se constituant les bases nécessaires pour ambitionner de soumettre le reste du Japon, en éliminant les autres seigneurs de la guerre et les communautés locales autonomes des villes et des campagnes. Ce projet fut mené à son terme par Toyotomi Hideyoshi après la mort de Nobunaga en 1582.

Cette période, connue sous le nom d'époque Azuchi-Momoyama (d'après le nom de châteaux construits respectivement par Nobunaga et Hideyoshi ; on trouvera aussi Shokuhō, d'après la lecture alternative des premiers caractères des noms Oda et Toyotomi), correspond à un stade final de l'époque Sengoku puisque le Japon restait divisé entre des daimyō rivaux indépendants jusqu'en 1590, mais les deux daimyō dominant successivement la scène politique firent passer un plus grand nombre d'entre eux dans leur vassalité (le groupe dit des « shokuhō-daimyō »).

Le Japon à l'époque Azuchi-Momoyama

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Cette période fut marquée par des conflits de plus en plus violents, mobilisant des dizaines voire des centaines de milliers de combattants, et par la mise en place d'un nouvel ordre politique et social émergeant des bouleversements et expérimentations politiques de l'époque Sengoku. La nouvelle situation devait se stabiliser sous les auspices de Tokugawa Ieyasu, qui prit le pouvoir après la mort de Hideyoshi Toyotomi, dans les années 1598-1603, et de ses successeurs.

Ces trois seigneurs de la guerre sont couramment perçus comme un groupe de trois unificateurs mettant fin au désordre de l'époque Sengoku, des personnages majeurs de l'histoire japonaise, qui peuvent être interprétés à la fois comme des représentants de l'époque des guerres civiles et comme les acteurs d'une rupture radicale puisqu'à l'issue de ces trois décennies le pays était engagé dans une voie radicalement différente de celle de l'époque médiévale, vers la « première modernité ».


Le premier de ces trois grands unificateurs, Oda Nobunaga prit la tête de son fief de Nagoya par des moyens brutaux (exécution de son frère cadet, répressions de multiples rébellions...). Il tenta ensuite d'agrandir son maigre domaine par tous les moyens.

Nobunaga est aussi connu pour avoir fait construire le château d'Asuchi entre 1576 et 1579 sur les rives du lac Biwa, pour garder les environs de Kyōto ; cependant il ne construit pas le château dans la ville même de Kyōto pour préserver celui-ci des incendies ou des troubles de la ville. L'emplacement choisi a un autre avantage : c'est le carrefour des grandes routes que pourraient utiliser les grandes forces militaires de l'époque pour mener une attaque. En effet, les terres du clan Uesugi se trouvent au nord du château, celles du clan Takeda à l'est et celles du clan Mōri à l'ouest.

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Ce château est incendié en 1582.
Le but de ce château est militaire mais il sert à Oda Nobunaga pour intimider ses rivaux. Il fait construire une petite ville autour du château qui héberge en 1582 jusqu'à 5 000 habitants. Pour peupler cette ville, Oda Nobunaga garantit des privilèges sur les impôts et force tous les voyageurs qui passent par là à s'installer dans la ville.

Le château a servi de modèle au château d'Osaka et a donné son nom à cette période de l'histoire japonaise : l'époque Azuchi Momoyama.

Lors de ses nombreuses conquêtes de territoires, Oda Nobunaga s'allie avec Tokugawa Ieyasu et remporte de nombreuses victoires, notamment lors de la bataille de Nagashino, qui l'oppose à Takeda Katsuyori, qui est le fils de Takeda Shingen, le célèbre général, ce dernier venant de décéder. Mais avant d'évoquer cette bataille, faisons un petit retour en arrière en évoquant la vie et le destin du père de Katsuyori : Shingen Takeda.

[à compléter]

Ci-dessous : La mort du brillant stratège Takeda Shingen (chef du clan Takeda), en 1573. scène de la série-fiction Age of Samouraï - Battle for Japan (netflix)

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Après la mort de Shingen, Takeda Katsuyori prend le contrôle du clan Takeda. Il est ambitieux, et, désireux de continuer le legs de son père, il marche vers les forteresses Tokugawa. Cependant, une force combinée de Tokugawa Ieyasu et Oda Nobunaga donne un coup ravageur sur les Takeda à la Bataille de Nagashino
Lors de cette bataille, les mousquets furent utilisés en nombre pour la première fois au Japon et apportèrent la victoire à Oda Nobunaga ; les arquebusiers de Nobunaga détruisent en effet la cavalerie Takeda.

Pour plus de détails sur le contexte de cette bataille très importante, je vous laisse visionner cette vidéo du youtubeur Sur le champ qui parle notamment de tout l'aspect tactique et de l'apport des arquebuses.



Un peu plus tard Tokugawa Ieyasu (allié de Nobunaga) saisit l'occasion qui lui est offerte et vainc le clan Takeda très affaibli à la bataille de Tenmokuzan. Katsuyori Takeda se suicide après la bataille, et le clan Takeda ne s'en remettra jamais.

Entretemps, un nouveau shogun fut nommé au Japon mais dont l'importance est très faible : Nobunaga est maintenant maître de tout le centre du Japon. Il bat les sectes religieuses qui lui barraient la route et est finalement à son tour nommé shogun par l'empereur. Alors qu'il partait rejoindre un allié en difficulté, gardé seulement par une faible escorte, Oda Nobunaga est trahi par un de ses généraux, Akechi Mitsuhide, qui le force à se faire seppuku le 21 juin 1582 au cours de l'incident du Honnō-ji.

L'incident du Honno-ji (estampe de l'ère Meiji)
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Le deuxième grand unificateur du Japon est Toyotomi Hideyoshi. Il va se débarrasser de tous les autres prétendants au pouvoir suprême notamment Akechi Mitsuhide qu'il bat à la bataille de Yamazaki. Il reprend l'unification du Japon qui est finalement achevée en 1590 et expulse les chrétiens. Toyotomi Hideyoshi entreprend alors la conquête de la Corée. Il parvient à débarquer par surprise mais sa flotte est détruite par les navires coréens, les bateaux-tortues, menés par l'amiral coréen Yi Sun-sin et équipés de canons dont les navires japonais étaient dépourvus. Sur terre, les Japonais sont battus et Hideyoshi meurt en 1598.

Le troisième, dernier et plus important homme de l'unification est Tokugawa Ieyasu. À la titanesque bataille de Sekigahara (elle dura plus de 24 heures !) il se débarrasse de ses rivaux et prend le contrôle d'un Japon d'ores et déjà unifié. Il élimine le fils d'Hideyoshi, Toyotomi Hideyori et instaure le bakufu (gouvernement sous la tente, donc militaire) qui donne le pouvoir absolu au shogun Tokugawa Ieyasu, qui fonde une dynastie qui durera 300 ans.

Après sa victoire à Sekigahara, Ieyasu redistribue les fiefs à ses fidèles et en réduit le nombre. Ils ne constituent plus les parcelles éclatées d’une puissance régionale personnelle, mais des unités administratives dépendant du pouvoir central, qui peut à sa guise les attribuer ou les reprendre. Dans cette réorganisation administrative, des milliers de soldats, dont les petits vassaux, doivent choisir entre redevenir paysans ou accepter un emploi militaire chez un seigneur plus puissant. De nombreux hommes se retrouvent sans revenus et vont grossir la masse des rōnin.


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phoenlx
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Re: Le topic du sengoku-jidai

Messagepar phoenlx » mar. juin 23, 2020 12:44 pm

Bon en attendant de vous terminer la grosse introduction historique de ce topic sur l'ère sengoku (il me reste beaucoup à dire et je n'ai malheureusement pas eu le temps de le compléter) je vous signale la parution prochaine du nouveau livre de Julien Peltier, grand passionné et parmi les spécialistes français de la question .. son livre sera consacré à la fameuse bataille de Sekigahara (qui termine cette époque des provinces en guerre et qui va consacrer pour plusieurs siècles la dynastie des Tokugawa, ouvrant donc sur l'ère EDO qui suit ..

un livre passionnant en perspective , qui sort au mois d'aout (et qu'on peut d'ors et déjà précommander)

Image

description (fnac.fr)
À l'automne 1600, Tokugawa Ieyasu, l'un des plus fascinants personnages de l'histoire du Japon, sort vainqueur de la plus grande bataille de samouraïs jamais livrée. L'enjeu est de taille puisqu'il ne s'agit rien de moins que l'empire tout entier, enfin pacifié. Le suzerain de la maison Tokugawa sera le troisième des Unificateurs du pays. Avant de parvenir à engranger les dividendes de la paix, il aura pourtant fallu tout risquer une ultime fois sur le tapis vert des rizières de Sekigahara, mince vallée sise en plein coeur de l'archipel. La suprême querelle se vide au matin du 21 octobre 1600, mettant aux prises les meilleurs capitaines et les plus vaillants champions de leur temps. Épreuve du gigantisme, près de 170 000 combattants s'y sont taillés en pièces, laissant 30 000 d'entre eux sur le carreau. Il faudra attendre l'épopée napoléonienne, deux siècles plus tard, pour voir se lever des effectifs similaires sous nos latitudes. À la charnière de deux siècles que tout oppose, Sekigahara bruit également du chant du cygne qu'entonnent malgré eux les guerriers de jadis. A l'issue de la bataille, le temps des seigneurs de guerre, des samouraïs et des citadelles est révolu.
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Re: Le topic du sengoku-jidai

Messagepar phoenlx » ven. août 27, 2021 1:40 pm

Un article intéressant sur Toyotomi Hideyoshi (le deuxième unificateur du Japon)
https://furansujapon.com/toyotomi-hidey ... _lOWy1tffQ

(ne lisez pas le reste du topic pour le moment, je dois le compléter depuis des lustres il manque plein de choses :lol: )
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Re: Le topic du sengoku-jidai

Messagepar phoenlx » dim. févr. 26, 2023 6:24 pm

La vidéo qui suit déborde du sengoku jidai (car le youtubeur présente aussi des samourai ayant vécu très hors de cette période) mais je la partage car c'est une très belle présentation de 5 samourai qui ont marqué les esprits et parmi eux on a évidemment Takeda Shingen (je découvre cette chaine youtube qui parle de culture japonaise et de japanimation, elle est cool et élève bien le niveau par rapport à d'autres :super: )

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Re: Le topic du sengoku-jidai

Messagepar yoko » lun. févr. 27, 2023 11:04 am

Ah c'est intéressant, merci pour la vidéo !!!
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