Bon j'ai terminé la série hier soir ...
Je voulais un peu de recul pour rédiger ma conclusion sur cette série, et je ne sais pas si j'en ai encore assez, à vrai dire.
J'ai encore du mal à décider si j'ai adoré cette série, ou si j'ai simplement aimé (tout en ... reniant profondément certains aspects)
C'est sur le FOND que ça bloque. et en parler est un peu difficile, déjà à cause du risque de spoilers, mais sans parler des spoilers éventuels, ça fait appel à des notions de physique quantique, et à certains concepts scientifiques et philosophiques (reliés au libre arbitre, aux univers multiples, à l'indéterminisme quantique, et à la fin de la série il y a même certains concepts qui rappellent un truc qu'on a dans matrix) ---> bref, tout ceci fait qu'en parler est un peu complexe, subtil, pour des gens qui n'ont pas vu la série, mais même pour ceux qui l'ont vu, j'essaierai de dire ce qui m'a .. profondément dérangé, philosophiquement, et sur le REALISME , ou la vraissemblance (car il y a des choses que je trouve risibles dans cette série, absurdes, ridicules)
dis comme ça, le portrait n'est pas reluisant. mais peut-être qu'avec le temps, je l'apprécierai mieux.
ça c'était ma première remarque, sur le FOND. Fond que je juge négativement, donc, bien que (pourtant), ça partait bien, avec pas mal de concepts intéressants.
Mais je voudrais commencer par reparler de la FORME car là, tout au contraire, j'ai ADORE !!!!
cette série, pour la forme est un petit bijou, une petite pépite. Je vais me répéter (cf mes précédents messages) mais quand , comme moi, on aime déjà certains films de Danny Boyle (où Alex Garland a participé, comme l'excellent Sunshine)
quand on aime d'autres films du réalisateur Alex Garland comme Ex Machina (à noter que je n'ai pas vu Annihilation par contre, souvent plus critiqué) , j'y retrouve tout ce qui fait le charme de ce genre de films , dans Devs
La mise en scène, les décors, les ambiances musicales ... tout y est !!!
Les musiques (comme évoqué précédemment) me rappellent un peu l'ambiance de Sunshine par moment (le film avec le vaisseau qui se dirige vers le soleil) et pas que les musiques.
certains décors de Devs, notamment au sein de la startup Amaya (décors de verre, assez épurés, cliniquement très propres, et baignés d'une lumière jaune solaire) rappellent évidemment le film Sunshine et certaines ambiances au sein du vaisseau baigné par l'écrasante présence du soleil. En fait, en voyant cette série, Devs, on sent clairement que ce réalisateur a participé à Sunshine. Jusque dans certaines scènes où l'on voit les personnages (scientifiques) de la startup qui sont tous réunis, assis ou debout, en train de regarder l'écran où se joue la simulation quantique (concept phare de toute la série), en regardant, fascinés.
ça m'a rappelé l'équipage de l'Ikarus dans Sunshine, en train de regarder le soleil à travers l'écran de protection.
Ainsi donc, on pense vite à Sunshine en voyant cette série. Mais on pense un peu aussi au film Ex Machina, avec la belle actrice Alicia Vikander (qui incarne une robote), film centré sur les problématiques autour de l'IA, à conseiller vivement aussi aux amateurs de petites pépites SF. Ce qui se retrouve de ce film-ci dans devs, c'est surtout certaines ambiances notamment au niveau des décors (constructions de verre, épurées, au milieu de forêts de pins, des personnages qui discutent devant de grandes baies vitrées, ainsi que l'ambiance lente, contemplative, comme pour les scènes avec Oscaar Isaac dans l'autre film.
Au-delà de ça, l'autre film commence aussi un peu "normalement" et peu à peu, à mesure que le scénario se déroule (j'essaie de ne pas spoiler) certains personnages surtout un vont devenir très inquiétant. notamment un personnage avec une profession donnée (difficile de ne pas spoiler
)
et ici, dans Devs, c'est un peu la même chose (quoique l'individu le plus inquiétant je trouve n'est pas le scientifique ici, à mon sens, mais celui chargé de la sécurité)
Mais quoiqu'il en soit dans les deux cas, Garland aborde le thème de la mégalomanie de certains scientifiques, qui fait parfois déraper des projets en apparence nobles et intéressants scientifiquement (ou technologiquement) et les font basculer dans le drame, ou l'horreur. Un thème souvent traité en SF, et avec ce réalisateur, traité délicatement, subtilement au moins sur la FORME (loin des blockbusters hollywoodiens où tout pète toutes les minutes dans tous les sens)
et cet aspect là de Devs, comme de Ex Machina, moi j'aime beaucoup. Cette ambiance, sonore, visuelle.
Cette manière, lente, délicate, subtile, d'amener le scénario vers son climax.
certains spectateurs (malheureusement) s'ennuieront, s'endormiront, je le crains, une partie du public moderne est comme ça.
Pour ma part j'ai été plutôt bien immergé, c'est une série que j'ai vu en quasi-binge watching cette semaine, elle m'a pris dès l'épisode 1 et ne m'a pas quitté jusqu'au 8, j'en garderai un bon souvenir malgré les bémols sur la forme sur lesquels je tenterai de revenir plus en détail. J'aime les films et les séries à atmosphères, et on est en plein dedans.
Les acteurs (certains peu connus) savent aussi nous embarquer, ils sont plutôt justes, intéressants, l'héroïne (asiatique) dégage des choses, dans le regard, et son drame personnel nous touche. Le personnage du scientifique bien que critiquable sous certains aspects, nous touche aussi pour d'autres choses (qu'on évitera de spoiler), tout comme sa relation à sa maitresse, qui bosse aussi dans la boite (laquelle est incarnée par une actrice que j'ai aussi beaucoup aimé) Tout ce petit casting est ma foi, intéressant, et en osmose avec la série, avec son atmosphère.
Pour revenir aux musiques et à certaines .. influences ? (ou pas, j'en sais rien, c'est peut-être un hasard), au-delà de la comparaison avec Sunshine ou Ex Machina, moi ça m'a rappelé un peu les atmosphères musicales du film Solaris (de Soderbergh) dont les musiques sont composées par Cliff Martinez. Certains thèmes de Devs font penser à ceux de ce film.
D'autres rappellent un peu ce qu'on entend dans le film Premier Contact (de Denis Villeneuve) dont le compositeur est pourtant différent. Je pense notamment à ces très étranges compositions avec des voix bizarroïdes qui se répètent, moments sonores super bizarres (et charmants en même temps), on croirait même réentendre la BO de l'autre film.
Ainsi Devs est une série qui à la fois, expérimente des choses, et qui semble reprendre par ci par là des influences (en les mélangeant un peu) tout en ayant une vraie patte, une personnalité propre, sur la forme (son, musiques, visuels, ambiances décors, personnages / jeu d'acteur)
Maintenant sur le FOND, c'est une autre musique (si j'ose dire !! )
Je n'ai pas tout détesté, loin de là. Au contraire, ce qui m'a donné envie de continuer, ce qui m'a accroché, c'est aussi le fond, inutile de se le cacher.
ci-dessous : une scène de l'épisode 5 de la série, lors d'une conférence sur la physique quantique, et sur laquelle je vais un peu revenir
allez en guise d'apéritif sur ce qui va suivre, on va poster cette petite vidéo d'un youtubeur (qui fait échos à une scène de la série - celle de la conférence dans l'épisode 5 - lorsqu'il est question notamment de l'expérience des sciences de young, et tout ce qui s'ensuit,
jusqu'à l'interprétation d'Everett où il est question de la ramification de la réalité à chaque micro-instant)
je poste aussi cette vidéo du youtubeur science-etonnante (sur l'expérience fameuse des fentes de Young, et tout ce que ça implique. formidable vulgarisateur au passage lui, on ne le répètera jamais assez)
et pendant qu'on y est, je poste aussi cette vidéo de l'astrophysicien Roland Lehoucq
elle-aussi parfaitement dans la thématique du hasard et du déterminisme
et cette conférence (brillante comme souvent) de l'astrophysicien Aurelien Barrau !!
Je l'ai dis plus haut dans ma critique des épisodes 5-6, quand une série nous prend par la main en nous parlant de physique quantique, d'ordinateurs quantiques, de q-bits, quand elle commence à évoquer l'interprétation de Everett de la physique quantique, les théories des univers multiples, ou l'interprétation de Copenhague, la réduction du paquet d'ondes, les théories de Penrose, de Von Neumann, et ce genre de choses, ou encore l'éternel débat philosophique Parménide / Héraclite (évoqué par un personnage sur un lit d'hopital qui parle de la métaphore d'un homme qui "ne traverse jamais la même rivière", forcément, c'est une série sympatoche qui a le don de titiller un peu notre intellect, et pas seulement nos émotions.
petit schéma simpliste illustrant l'interprétation de everett par rapport à la fameuse expérience mentale du chat de schrödinger
(vous l'aurez compris en gros à la fameuse question : le chat est-il vivant ou mort si je ne fais pas l'expérience d'ouvrir la boite pour le savoir, la réponse serait ici : les deux à la fois, vivant dans un des univers ramifié, mort dans l'autre ramification .. les deux affirmations sont vraies, chacune dans une ramification donnée, en gros .. )
Bref, je ne sais pas si tout le public comprendra certaines allusions (bien qu'elles soient un peu plus explicitée dans les épisodes suivants), mais moi j'ai trouvé ceci très intéressant, et en même temps .... plus la série avançait, plus ça me faisait peur aussi, avec le désagréable sentiment que tout ce .. background philosophico-scientifique, semblait là surtout pour justifier un truc assez absurde, limite grotesque qui allait se passer.
Là je suis obligé de parler un peu en spoiler pour la suite.
Déjà, leur machine, pour faire simple, c'est une machine capable de prédire l'avenir. Ils ont des super calculateurs (à base de q bit apparemment, donc c'est des super ordinateurs quantiques) et grace à la puissance de calcul démesurée, ils peuvent prédire .. absolument tout ce qui se passe dans le monde, passé comme futur.
par exemple en faisant des projections dans le passé, ils peuvent voir absolument tout tout tout, même en remontant à l'homme de néeandertal par exemple, dans les grottes, dans telle grotte à tel endroit à tel moment, ils voient ce qui se passe, tel personnage, telle fille avec tel loup , tel homme qui peint une paroi rupestre.
d'autres dans la série s'amusent à remonter à des personnages historiques anciens comme le christ, ou à Marilyn Monroe, BREF, les projections dans le passé vont très loin. et dans le futur, la machine peut aussi prédire tout ce qui va se passer sauf que ... ça s'arrête à un certain moment , à cause d'un personnage dont la machine n'arrive pas à prédire ce qu'elle va faire, au-delà d'un certain moment. comme si tout le futur dépendait d'elle, de son choix.
Déjà il faudra revenir sur cet aspect là des choses, mais j'ai trouvé ça bizarre, peu cohérent.
ensuite (plus basiquement) sur le concept même de cette machine, je trouve ça limite absurde.
comment une machine , aussi perfectionnée soit-elle, pourrait-elle prédire le futur de l'univers, ou même extrapoler son passé à l'atome près , ou au quark près (ou pire , surtout qu'on ne connait même pas ce qui se passe aux échelles encore inférieures)
là j'aimerais carrément avoir un débat avec des passionnés de physique quantique , plus connaisseurs que moi car mes propres connaissances sont limitées, mais même en acceptant le fait qu'une oeuvre de SF peut avoir des libertés , ça me parait ... fort de café
tout ceci me rappelle un peu cette phrase de Pierre Simon de Laplace , comme quoi, une intelligence suffisamment vaste pourrait prédire le futur de l'univers à la particule près. Laplace, grand représentant du déterminisme au sens le plus strict.
on va répéter la phrase exacte, autant être rigoureux
« Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, la position respective des êtres qui la composent, si d'ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l'analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'Univers, et ceux du plus léger atome. Rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir comme le passé seraient présents à ses yeux. » j'ai longtemps été laplacien (au sens radical) moi-même, et puis j'ai grandi , appris, lu des choses, et quand on commence à mettre le nez (dans les études ou dans les livres de vulgarisation simples) dans les concepts de la physique quantique, je dois avouer que ... ça perturbe
et en même temps, j'en parle souvent sur le forum, mais je crois qu'une partie de moi est un peu comme Einstein, j'ai toujours à l'heure actuelle du mal avec la mécanique quantique.
comme si tous ces concepts d'indéterminisme, ces lois et équations que l'on doit à Heisenberg, De Broglie, Bohr et tous les autres, comme si tout cela cachait une espèce .. d'ignorance de notre part,
et d'ailleurs il faut bien rappeler qu'à l'heure actuelle, la mécanique quantique et la théorie de la relativité d'einstein (qui contrairement à la théorie quantique modélise l'univers aux échelles macroscopiques) , ces deux théories ne sont pas unifiées, et c'est la grande quête, encore à l'heure actuelle, des physiciens.
ça "prouve" en tout cas que quelque chose .. cloche !!!! dans l'une ou l'autre, et un jour je pense que ces deux paradigmes seront probablement dépassés, pour faire émerger une théorie plus vaste encore et englobante.
En tout cas, et là évidemment c'est très personnel ce que je vais dire, pour ma part, philosophiquement, j'ai tendance à être (et depuis toujours, depuis le lycée voire le collège quand j'ai commencé à réfléchir à ces questions) j'ai tendance à être proche des pensées déterministes.
Mais avec subtilité cependant.
Je me sens assez proche de la pensée du philosophe Spinoza. Ce qui au passage, combine très bien je trouve, pensée déterminisme, et libre arbitre (subtilement, et paradoxalement !)
Mais pour comprendre ceci, on va poster deux vidéos du youtubeur Le Précepteur, qui explique mieux la chose que je ne saurais le faire
Spinoza, également philosophe du panthéisme, et qui associe l'idée de Dieu à la nature, à l'univers dans son ensemble (mais ici par rapport à Devs et à la vision que la série propose on pourrait dire : au multivers)
En bref, je n'oppose pas l'idée d'un déterminisme fondamental, et l'idée de libre arbitre (ou de ... sensation de libre arbitre)
et c'est là que je m'en réfère à Spinoza car c'est assez subtil dans sa pensée.
Devs souligne philosophiquement de vraies questions par rapport à ça, notamment l'idée que toutes nos actions seraient déterminées, sans qu'on le sache, un peu (métaphoriquement) comme si on suivait des rails, mais qui nous sont invisibles, et donc, on a parfois la sensation qu'il n'y a pas de railles.
Tout ceci évidemment me parle, cette série me parle, m'intéresse, ces questionnements, ces concepts, et ça contribue à lui donner une aura intellectuelle que j'aime. indéniablement.
Maintenant là où je tique c'est dans la manière dont ces questions sont traitées surtout vers la fin. Il y a des situations quand même bien absurdes je trouve.
Par exemple : la machine prévoit que tel personnage va agir de telle manière (aller d'un point A à un point B, ou alors venir dans tel lieu et buter tel autre à tel endroit, etc)
ok ... d'un pur point de vue déterministe, et pour moi l'indéterminisme quantique n'exclue pas le déterminisme macroscomique, je me dis : pourquoi pas !!!
le soucis c'est que dans la série il y a une scène où : la machine prévoit donc que quelque chose va se passer.
et les personnages concernés voient la prédiction,
et à ce stade, selon moi, ça devrait tout changer. ça devrait induire une autre ligne de causalité. Or, on les voit ensuite faire exactement la même chose.
Maintenant est-ce que la machine avait prévu que : elle-même (la machine) ferait une prévision qui serait vue par les personnages et que c'est ça même qui entrainerait la conséquence ? pourquoi pas (même si le côté mise en abime du truc a de quoi rendre fou
) sauf que ... la manière dont c'est montré notamment dans la scène de l'épisode final, j'ai trouvé ça extrêmement tiré par les cheveux. mais énormément tiré par les cheveux ...................
Bref, je crois qu'il faudra en redébattre quand d'autres personnes du forum auront vu la série, car là, ça me fait encore cogiter
A part ceci, j'évoquais une petite comparaison avec Matrix. Ceci vient du fait que cette machine (et je l'ai longtemps cru) fait une similation, elle fait des projections du passé, du futur.
Mais .. pas seulement en fait. la toute fin de série nous laisse penser qu'elle ne fait pas que simuler, elle recrée une réalité, en quelque sorte.
on voit en effet les personnages (censés être morts) revivre dans une sorte de réalité parallèle.
dans un monde parallèle (monde parallèle du multivers pourrait-on dire, si on se place dans la fameuse "interprétation de Everett" qu'on évoquait plus haut , à savoir : une ramification de l'univers à chaque micro-instant)
Donc en bref, leur fameuse machine là, si je comprend bien le topo, elle leur montre (à ceux d'une réalité A qu'on appellera la réalité de la série depuis le début) ce qui se passe - dans le futur - dans d'autres réalités possibles (mais désormais déconnectées du monde réel A)
sauf que .. je ne sais pas moi mais il doit y avoir une infinitité de réalités B, B' , B'', B''' etc rien qu'un micro instant après la fameuse scène de bascule qu'on voit dans le dernier épisode.
c'est donc .. étrange de nous montrer qu'une seule. Vous en pensez quoi ?
BREF !!!!!
A part ces bizarreries, et si on accepte l'idée qu'un super calculateur quantique puisse générer ce genre de modèles avec autant de précision (je le répète pour moi c'est fort de café même pour une oeuvre de SF où on peut admettre pas mal de choses mais admettons), si on accepte un peu tout ça, la série a au moins le mérite de nous faire réfléchir sur ces concepts de déterminisme, de libre arbitre, en manipulant des concepts quantiques intéressantes.
hier j'écoutais une vidéo d'un youtubeur qui semble avoir (un peu comme moi) aimé la forme, beaucoup moins le fond.
mais en fait comme il l'avoue lui-même, il est croyant, et il regrette quant à lui qu'alex garland dans sa série ne laisse aucune place à Dieu et place l'homme, le scientifique au coeur de tout. sauf que ... à bien y réfléchir je crois que je ne suis pas du tout d'accord avec les remarques de ce youtubeurs à ce propos. Vaste débat en tout cas.
Je poste sa critique, comme base de réflexion, n'hésitez pas à l'écouter une fois que vous aurez terminé la série
allez on va poster un peu de Etienne Klein aussi pour finir (et pour creuser encore un peu la notion de hasard)