Invitation à la poésie : le cinéma de Terrence Malick

Le forum Les Ailes Immortelles a choisi de mettre à l'honneur ce très grand cinéaste qu'est Terrence Malick en lui consacrant une petite rubrique à part. J'invite le maximum de fans de son cinéma à discuter ici pour enrichir les débats le plus possible, et les autres bien sûr à découvrir cet artiste incroyable, véritable génie de la caméra.
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Invitation à la poésie : le cinéma de Terrence Malick

Messagepar phoenlx » ven. juin 12, 2009 12:34 am

J'ouvre un topic sur ce cinéaste que j'adore pour parler de son cinéma en général.

( Voir aussi les topics suivants sur ses films :
* La Balade Sauvage (Badlands)
* Les Moissons du Ciel (Days of Heaven)
* La Ligne Rouge (The Thin Red Line)
* Le Nouveau Monde (The New World)
* The Tree of Life
* A la Merveille (To the Wonder)
* Knight of Cups
* Song to Song
* Voyage of Time : Au fil de la Vie (documentaire IMAX sur la naissance de l'univers)

(ainsi que le topic d'Am Stram Gram sur allociné)
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Malick est un réalisateur que j'affectionne particulièrement, j'aimerais vous en parler et recueillir vos avis (parmi ceux qui ont eu l'occasion de voir certains de ses films) ; Il est diversement aimé ; Les critiques de cinéma le reconnaissent en général comme un très grand, mais son cinéma est très particulier, souvent très lent et contemplatif, ce qui emplit beaucoup de spectateurs d'un ravissement extrême mais d'autres à l'inverse ressentent parfois de l'ennui devant ses oeuvres. Je viens de revoir Le Nouveau Monde et c'est un sentiment que je peux comprendre.

Ses films me touchent pourtant, ils me parlent, me traversent ; je crois qu'ils titillent la fibre panthéiste qui est en moi.

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Capture du film Days of heaven (les moissons du ciel) avec Richard Gere


La plupart des films de Malick sont avant tout des odes à la nature sauvage ; Je vous conseille de voir La ligne rouge pour bien vous représenter son style. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, il s'agit d'un film de guerre centré sur la bataille de Guadalcanal dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, et ses combats terribles entre les américains et les japonais. Le film est servi par un casting impressionnant : Sean Penn, John Cusack, John Travolta, Adrien Brody, George Clooney, Jim Caviezel, Jared Leto, Miranda Otto ... Mais le plus important est ailleurs ^^ Ce film de guerre se situe à des années lumières d'un film comme Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg au niveau du style, c'est filmé très très différemment. On est aussi très loin de plein d'autres films de guerre où ça bastonne sans cesse , on est très loin de La chute du faucon noir de Ridley Scott ou de films comme ça. Malick filme la guerre mais il filme aussi la nature autour, et les scènes lentes et poétiques alternent avec les scènes de boucherie , toute la magie du film résidant dans ce contraste troublant. Une voix off narrative ( celle de Jim Caviezel) accompagne le film avec parcimonie, distillant au compte goutte des phrases qui peuvent paraître énigmatiques, mais chargées de sens si on se laisse pénétrer par elles comme on se laisserait pénétrer par un poème. Ces phrases sont souvent pleines de philosophie et de spiritualité. Et c'est un procédé qu'il reprend dans l'excellent film plus récent Le nouveau monde (avec Christian Bale et Colin Farrell ; cliquez pour accéder au topic des ailes sur le film), Le nouveau monde qui est une sorte de réappropriation de l'histoire de la jeune indienne Pocahontas.

J'aime beaucoup ce film et il est bien à l'image de ce que sait magnifiquement faire Malick, filmer la nature mieux que personne, nous entraîner dans une rêverie et une méditation sur la beauté de ce monde à travers des ambiances calmes, des plans soignés à la perfection ( un peu comme dans le cinéma de Stanley Kubrick) ; Ses films sont toujours des émerveillements, faits de sons et d'images où le spectateur se repose du stress et du tumulte quotidien - en tout cas je les ressens comme tel - nous invitant à nous laisser bercer par le chant des oiseaux ou la caresse des fleurs, c'est une véritable expérience sensitive, visuelle, sonore, presque tactile. Les thèmes musicaux de ses films sont souvent inspirés ou repris de la musique classique (A titre d'exemple on peut citer la bande originale du film Le nouveau monde : Si le compositeur est James Horner, également auteur de la BO de Titanic entre autres, la particularité de cette BO est que les thèmes de Horner sont mélangés avec un thème magnifique de l'Or du rhin de Richard Wagner et avec des musiques de Mozart qui sont exploités à merveille, notamment dans la scène d'introduction et la dernière scène du film. On croirait que ces musiques ont été inventées pour ce film et pour accompagner les plans enivrants de la nature sauvage.

Mais Malick est aussi un cinéaste très mystérieux, soignant son image, n'apparaissant jamais devant les caméras, cultivant son mystère (autre comparaison avec Kubrick) ; Il a même disparu de la scène pendant 20 ans, entre ses premiers films qui l'ont révélé (comme Les moissons du ciel) et sa réapparition en 1999 avec La ligne rouge. Autant dire que chacun de ses films est un petit évênement en général très attendu de ses fans ;

Certains critiquent son style, parfois farouchement, il divise, on adore ou on déteste ; il est vrai qu'il faut accrocher à ses réalisations souvent lentes à souhait, et être sensible à la profonde poésie qui émane de ses films. On est loin de certains films d'action où les explosions, les cascades et les répliques bourrines s'enchainent. C'est ainsi par exemple que dans La ligne rouge, le réalisateur s'attarde à profusion sur cette nature sauvage belle et qui contraste avec l'horreur des combats. Le focus est souvent placé ailleurs, il faut que ça plaise ^^ Lorsque les soldats américains sont pris dans la tourmente de cette bataille contre les japonais, l'horreur cotoie ainsi la poésie. La mort est souvent adoucie par certains plans sur les arbres, l'eau , l'herbe , le ciel, les oiseaux, manière quelque part de faire encore plus ressortir l'absurdité de cette boucherie. Les films de Malick cherchent toujours à replacer l'Homme dans le contexte de ce grand Tout qu'est la nature, et à nous réconcilier avec la simplicité, trop souvent oubliée dans nos sociétés. Les films de Malick se ressentent plus qu'ils ne s'analysent. Certains disent qu'ils sont vides , vides de sens, de profondeur, d'intérêt. Qu'ils ne disent rien. C'est paradoxalement un peu vrai. Après les avoir vu moi j'ai souvent un peu de mal à les analyser mais une chose est sûre, j'ai toujours l'impression d'avoir vécu une expérience cinéphile énorme et inoubliable ! Il en va un peu de même de ses film que quand on regarde le monde qui nous entoure (ça peut être un paysage naturel, mais aussi une jolie femme qui nous fait vraiment ressentir ce qu'est l'amour) tout celà ne parle pas avec des mots mais parle à notre âme et notre coeur, et c'est exactement ainsi que le cinéma de Malick agit sur moi.

Certains spectateurs par conséquent n'adhèrent pas et n'adhèreront jamais à son style. Il y a des gens qui vont au cinéma pour voir tout "sauter" à chaque seconde, qui aiment les cascades de Willis dans les films de Mc Tierman ( remplacez Willis par Jason Stattam ou d'autres et Mc Tierman par Michael bay que sais-je .. ) , ou qui préfèrent les films plus pêchus, ceux-ci seront en général peu sensibles à la magie du cinéma de Malick, et trouveront ses films lents et ennuyeux, s'attachant à des détails absurdes au lieu de se concentrer sur l'essentiel ( la guerre en l'occurence, dans le cas de La ligne rouge par exemple) Mais c'est oublier un peu que le cinéma est fait aussi pour nous remuer et nous interpeler et ne doit pas être qu'un simple exutoire c'est du moins mon avis, et ça ne m'a jamais empêché d'admirer personnellement des films de guerre très différents par essence de Spielberg , Oliver Stone (Platoon, à des années lumières de la ligne rouge dans l'esprit) ou d'autres , très bons aussi à leur manière ! ..
Malick est simplement un cinéaste bien particulier, qui filme à la perfection et dont les obsessions sont très spécifiques, c'est un de mes cinéastes préférés car il a un vrai style à part, et ne ressemble à personne.

De plus, je me sens très proche de ses messages, si tant est qu'il y ait des messages dans ses films et je le crois , sinon j'en parlerais pas ; le panthéiste spinoziste que je suis est littéralement en symbiose avec sa vision, et il traite subtilement de tellement de problématiques "écologiques" que je ne peux pas ne pas être sensible à son cinéma. C'est toute une idée de la nature humaine qu'il remue en nous ; C'est sans doute (à mon sens) le cinéaste le plus "altermondialiste" par essence, la prétention en moins, car ses films ne sont jamais prétentieux, ils sont subtils. Ils sont beaux car ils sont simples. Ils montrent sans blesser l'orgueil du spectateur. Ils nous remuent avec poésie et grâce, et non pas en martelant certains messages comme d'autres le font ( Michael Moore style ! ) Ils nous effleurent à la manière de la caresse du vent, et c'est sans doute aussi ce qui dérange car certains y voient .. du vent !! du néant. Mais c'est aussi absurde que de dire que le vent n'existe pas.

Plus qu'un voyage , ses films sont souvent une invitation à remettre en cause notre rapport au monde, et à la vie. Une invitation à nous désaliéner et à nous laisser entraîner par tout ce qui est beau en ce monde ; la moindre senteur, saveur naturelle. Telle image de ruisseau qui coule au milieu de la végétation sert à nous désaltérer et purifier l'esprit dans une invitation à la rêverie. Les personnages de ses films, souvent parlent peu. En revanche, on "entend" parfois leurs pensées. Ces dernières sont surtout des interrogations, parfois presque métaphysiques. Un peu comme des brainstormings emmêlés mais passionnants, nous rappelant des questions qu'on se pose tous : Qu'est-ce que la vie, que sommes-nous, d'où venons-nous, où allons-nous. Pourquoi mourrons nous.

Si certains films de guerre cherchent à dénoncer l'horreur de la guerre (en la montrant) La ligne rouge cherche avant tout à en montrer l'absurdité (en la montrant peu, et en montrant par contraste la VIE) C'est une philosophie complètement différente, qui me touche beaucoup, et qui résume très bien le cinéma de Malick. Je trouve que ce qui caractérise souvent ses atmosphères c'est la mélancolie, la tristesse, mais souvent teintée d'espoir malgré tout, le nihilisme est compensé par des choses positives.

Le nouveau monde, par exemple traite de certains thèmes identiques à ceux traités dans un film d'indiens comme Apocalypto, de Mel Gibson. L'époque de la conquête des Amérique, du choc civilisationnel... Pourtant, Le nouveau monde de Malick est l'anti Apocalypto dans l'esprit.

Si les films de Gibson , que ce soit Apocalyto ou La passion du Christ nous remuent en osant nous montrer de manière crue et terrible le monstre qui est tapi au coeur de l'homme et s'il se concentre sur la barbarie des sauvages indiens, Malick lui nous dépeint plutôt le bon sauvage rousseauiste ; Si je mets ces 2 films en parallèle c'est en fait car j'aime les 2 chacun à leur manière, et que les 3 sont souvent critiqués pour des raisons différentes : certains voient les films de Gibson comme voyeuriste, se complaisant dans une surenchère de violence. A l'inverse, certains voient les films de malick comme ennuyeux à l'extrême .. Or c'est juste que les points de vue adoptés, à mon sens, sont différents, mais selon moi tout aussi valables d'un point de vue cinéphile. Or il est vrai que la vision des indiens dans Apocalypto est très dure, chez Gibson comme je le disais, elle est beaucoup plus positive ( presque rousseauiste)

Mais les deux cinéastes nuancent leur vision, et c'est ce qui me fait beaucoup apprécier les deux à leur manière. 1492 de Ridley Scott cherche un peu à le faire aussi, mais c'est beaucoup moins subtil et la démonstration est même sans intérêt à mon sens car le film est assez maladroit et assez creux au final malgré quelques séquences d'anthologiue , il ne parle pas de la même manière.

Par certains côtés la vision des indiens de Malick dans Le nouveau monde est sans doute un peu naïve, mais de cette naïveté idéaliste nécessaire en ce monde qui marche de plus en plus sur la tête, et qui nous fait souvent oublier les valeurs essentielles. Toutes les personnes qui ont perdu l'habitude de s'arrêter pour écouter le bruissement des feuilles des arbres, qui ne ressentent plus rien devant la poésie , la caresse d'une voix ou la magie des mots d'une langue (autre thème qui m'intéresse à travers Tolkien cette fois car c'est au coeur de sa vie et son oeuvre) , tous ces gens qui sont entraînés tous les jours à parcourir le métro un peu comme des machines, humant le smog des grandes villes polluées et pensant à la journée stressante qui va venir, enfermées dans le train train quotidien souvent aliénant, toutes ces personnes auront sans doute un peu de mal avec ce réalisateur car elles ont perdu l'habitude de voir, de sentir, de ressentir. Ces personnes - j'en fais peut-être presque partie- sont MORTES. Je l'ai d'ailleurs sûrement été à une époque , on se laisse tous facilement enfermé par le moulage de la société, nos tabous divers, nos habitudes aliénantes ( particulièrement je pense dans les grandes villes ) ; Il est probable que si j'avais connu ce réalisateur il y a plusieurs années, je l'ai trouvé moi-aussi ennuyeux. Pourtant, il est fait en particulier pour eux, pour nous ! ( je me compte parmi ces personnes en premier car je possède et suis contaminé par le même virus de la vie moderne)

Il y a 10 ans, je n'aurais sans doute pas percu ce que ces films avaient de beau. Je les aurais trouvé rasoirs, sans intérêt. Trop longs, presque inutiles. Il a fallu que dans ma vie réelle je me prenne des grosses baffes dans la tronche pour comprendre que des gens comme Malick visaient juste.


Ses films sont une expérience que je recommande vraiment à tous ceux qui cherchent à vivre des expériences cinématographiques, et qui sont fascinés à la fois par le spectacle de la nature, par la beauté de la vie terrestre, qui pensent encore que l'amour le vrai (le simple et pur, proche de la vision romantique) veut encore dire quelque chose. Je ne parle pas du pseudo-amour souvent malheureusement un peu cynique qui existe dans nos sociétés modernes (peu de gens s'aiment à la manière de certains personnages de ces films, et peu donc peuvent sans doute comprendre en quoi les scènes entre Collin Farell et la jeune indienne du nouveau monde sont belles et sensuelles. ( lire cette critique intéressante sur le site du journal Le monde )

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Messagepar phoenlx » mar. nov. 17, 2009 6:59 pm

En fait à travers ce topic je voulais aussi annoncer un peu le prochain projet sur lequel travaille Malick : le film Tree of life ( L'arbre de vie) que personellement j'attend beaucoup, qui devrait sortir bientôt (et que certains annoncent comme un possible candidat lourd pour les oscars)

On retrouvera Brad Pitt et Sean Penn au casting ..

Plus d'infos sur le scénario de Tree of life :

Alexandre Desplat :
"Notre film est une épopée cosmique, un hymne à la vie.
nous suivons le parcours d'un garçon de 11 ans dans le Midwest, Jack, l'un des trois frères de la famille. Au début, tout semble merveilleux pour l'enfant. Il voit ce que sa mère (Jessica Chastain) accomplit, avec les yeux de son âme. Elle représente la voie de l'amour et de la miséricorde tandis que le père (Brad Pitt) tente de lui enseigner la voie pour être le meilleur. Chaque parent a ses principes, et Jack doit concilier leurs revendications.

Puis l'image s'assombrit lorsqu'il découvre les premiers signes de maladie, la souffrance et la mort. Le monde, une fois la gloire acquise, devient un labyrinthe.

Une fois adulte, Jack (Sean Penn) est un esprit perdu dans un monde moderne, cherchant à découvrir à travers les périodes changeantes de sa vie ce qui demeure stable : le schéma éternel dont nous faisons partie. Quand il voit tout ce qui s'est passé dans la préparation de notre monde, chaque chose semble un miracle, précieuse, incomparable. Jack, avec sa nouvelle conception, est capable de pardonner à son père et faire ses premiers pas sur le chemin de la vie.

L'histoire se termine dans l'espérance, en reconnaissant la beauté et la joie en toute chose, dans le quotidien et surtout dans la famille, notre première école, le seul endroit où la plupart d'entre nous apprennent la vérité sur le monde et sur nous-mêmes, et apprendre à découvrir l'amour désintéressé."


ça semble vraiment intéressant (en plus de "sonner" très malickien ... )
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Messagepar Fullstorm » mar. juil. 06, 2010 12:00 am

Un réalisateur que j'affectionne tout particulièrement également, et tu en as bien parlé.
Il faudra que je revienne sur ce topic.

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Messagepar phoenlx » mar. juil. 06, 2010 12:02 am

salut Philippe ! :hello:

En ce moment ils repassent Les moissons du ciel dans certains cinémas parisiens tu es au courant ?
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Messagepar phoenlx » sam. sept. 18, 2010 10:04 pm

Attendu à Cannes en 2010, "Tree of Life" de Terrence Malick y sera en 2011... ou pas

Ce devait être l'événement du Festival de Cannes 2010. Le cinquième long-métrage depuis 1973 du réalisateur Terrence Malick - qui alimente sa propre légende en ruinant régulièrement ses producteurs, en refusant de se faire photographier, en séchant ses conférences de presse -, Tree of Life s'annonçait comme un récit follement ambitieux, parcourant le temps de la préhistoire jusqu'à la seconde guerre mondiale. A l'affiche, Brad Pitt et Sean Penn se partageaient la vedette. Quel festival n'aurait pas voulu d'un tel projet ? Mais Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, a dû se résoudre à le déprogrammer.



Le cinéaste n'était pas prêt. Qu'à cela ne tienne, la Mostra de Venise l'attendait de pied ferme. Cette fois, c'est Marco Müller qui en fut pour ses frais. Les rumeurs les plus folles ont commencé à courir, doublement nourries par la réputation du cinéaste et les affres dans lesquelles semblait plongée la société de production Apparition. A la veille du Festival de Cannes, Bob Berney, son PDG, avait démissionné sans préavis, laissant la société décapitée. Malick avait-il une responsabilité dans cette démission ? Le film allait-il réellement sortir un jour ?

SUR LA TABLE DE MONTAGE

Etant donné le casting, les Oscars semblaient un rendez-vous à ne pas manquer, ce qui faisait dire, fin août, à Pierre-Ange Le Pogam, distributeur français du film avec sa société EuropaCorp Distribution, qu'il avait de fortes chances de sortir avant la fin de l'année 2010.

L'achat du film par Fox Searchlight, filiale de la Fox consacrée au cinéma d'auteur, devrait clarifier la situation. Pour l'heure, le distributeur américain s'est contenté d'annoncer que le film sortirait aux Etats-Unis en 2011, ce qui l'exclut d'office de la course aux Oscars 2010. Et donnerait peut-être raison à l'ancien critique de Variety, Todd McCarthy. Le 18 août, il regrettait de ne pas pouvoir, lui non plus, programmer le film au New York Film Festival, où il participe à la sélection, et pariait qu'on le retrouverait à Cannes en 2011, "à moins qu'il n'aboutisse au prochain Festival de New York (qui se tient de fin septembre à début octobre)".

Tout reste ouvert, puisque Tree of Life serait toujours sur la table de montage. L'histoire est résumée ainsi : "L'évolution d'un garçon du -Midwest, de l'innocence de l'enfance jusqu'au désillusionnement de l'âge adulte."

Ce qui ne semble pas faire de doute en revanche, c'est que Terrence Malick s'apprête à tourner à nouveau, au mois d'octobre, un "drame romantique", avec Ben Affleck, Javier Bardem, Rachel Weisz. Pour ce cinéaste qui était habitué à laisser passer de cinq à vingt ans entre chacun de ses films (La Balade sauvage, en 1973, Les Moissons du ciel, en 1978, La Ligne rouge, en 1998, Le Nouveau Monde, en 2005), on peut se demander si la malédiction n'est pas en passe de se dissiper.

Isabelle Regnier
( source : Le monde )
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Messagepar phoenlx » jeu. nov. 04, 2010 1:35 pm

L'affiche de Tree of life

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Messagepar phoenlx » dim. nov. 28, 2010 6:17 pm

Je relance ce topic qui a peu de succès (mais je le relance pour le futur quand il y aura enfin des fans de Malick sur le forum :lol: ) en postant cette petite bio du cinéaste , issue du blog d'un certain Julien Libert ;
Je viens de découvrir le lien et j'ai appris des choses intéressantes, notamment l'influence de l'essayiste Henry David Thoreau sur la pensée du cinéaste ( A noter aussi que Malick a été professeur de philosophie, qu'il a enseigné en France pendant un temps , entre la sortie des moissons du ciel et celle de La ligne rouge, chose que j'ignorais totalement :shock:




Sa vie

Il est né le 30 novembre 1943 à Waco, Texas d’après la plupart des sources. D’origine libanaise par son père, il étudie la philosophie à Harvard et à Oxford. Etudiant brillant, il enseigne la philosophie au MIT et traduit l’un des philosophes les plus controversés et des plus complexes du XXe siècle : Heidegger. Mais il possède également une énorme connaissance dans la philosophie transcendantaliste américaine. Et ce sont des personnages comme Emerson, Whitman et surtout Thoreau qui influenceront son œuvre.

Son œuvre

• 1973 : La Balade sauvage (Badlands)
• 1978 : Les Moissons du ciel (Days of Heaven)
• 1998 : La Ligne rouge (The Thin Red Line)
• 2005 : Le Nouveau Monde (The New World)
• 2009 : Tree of Life

Cinq films en 36 ans de carrière. Voilà un des éléments qui sert à fonder le mythe Malick. Vingt longues années entre son deuxième et troisième film. Années durant lesquelles, il part enseigner la philosophie en France.
Son premier film, Badlands, est un digne successeur de Bonnie & Clyde ou comment démontré la violence gratuite d’une manière sobre et profonde (juste l’inverse d’un « Natural Born Killer »).

En effet, on touche une des cordes sensibles et je dirais même le fil d’Ariane de toute l’œuvre de Malick : précision, sobriété, justesse. Certains détracteurs parlent de maniérismes. Les plus philosophes diront qu’il possède le rythme du monde, le battement de cœur la terre est son métronome.

Dans cette première œuvre, il esquisse déjà dans certains plans un élément qui deviendra sa marque de fabrique : la révélation de l’état de l’homme par contraste avec le monde. Cet élément est clairement un élément que l’on retrouve dans le Walden de Thoreau. Ce dessin de l’homme par le monde atteint sa maturité dans le film suivant Days of heaven.

Film révélant Richard Gere. Querelle d’un homme et de son amante qu’il fait passer pour sa sœur face à un propriétaire terrien tout puissant qui aboutira à une lutte presque fratricide. Il est intéressant avec se film de voir la profondeur d’analyse de l’être humain face aux passions, déchirées et déchirantes. Ici aussi, la nature est présente comme actrice principale. Champs à perte de vue, vide des cœurs, champs en flamme comme l’ardeur de nos protagonistes.

Vingt ans s’écoulent, personne ne sait ce qu’il devient mais en 1998. Il revient avec un casting d’exceptions dans The thin red line. En effet, son mythe est né. Il est le réalisateur le plus discret mais le plus demandé. George Clooney, Nick Nolte, Jared Leto, Sean Pean, Jim Caviezel, John Cusack, Adrien Brody, Woody Harrelson, ils sont tous là dans la boue du Pacifique. Film de guerre ? Non, film sur la vie, la mort, l’humanité. Là encore, la nature terrible exprime ce que l’homme est incapable d’exprimer. A côté de la boucherie, les indigènes, ils ne sont pas des hommes comme nous occidentaux. Ils font partie de la nature, ils sont la nature et vivent en harmonie avec elle. Rêve brumeux et souvenir évanescent d’un Eden terrestre du héros ou paradis qu’il rejoindra ? Les frontières ne sont jamais claires. Parce que nature et paradis se comprennent, ils sont les seuls lieux de l’ataraxie.
Enfin, continuant dans la thématique de l’intrusion des maux de l’homme dans l’Eden terrestre, Malick nous livre The new world. Le film nous conte l’établissement d’une colonie anglaise en Virgine au début du XVIIe siècle et l’amour naissant entre Pocahontas et John Smith. Amour platonique, amour naturel, rencontre et fusion de deux êtres dans une nature en fusion avec les indiens. Abandon de la civilisation pour John, mais retrouvaille avec sa propre personne. Mais celle-ci le rattrape et l’envoi loin de son amour. Alors un autre John, Rolfe, remplace le second mais là, l’amour est consommé. L’innocence de Pocahontas alias Rebecca s’envole, elle se ternit progressivement pour finir par disparaître. L’Angleterre a perdu cette nature fusionnelle. Sa source de vie s’est enfuie.

Actuellement, Terrence Malick prépare Tree of life dont le scénario est écrit depuis près de 30ans racontant l’histoire de l’humanité jusqu’à la première guerre avec Brad Pitt (remplaçant Heath Ledger) et Sean Penn. On peut encore s’attendre à un grand questionnement métaphysique sur la place de l’homme dans l’univers.

Son style

Contemplatif est le mot le plus correct pour définir son style. De longs plan-séquences où la nature dans toute sa splendeur nous dévoile la nature de l’homme. Certains ne peuvent supporter ses films les qualifiant de lent et de pompeux. En réalité, les films de Malick sont extrêmement dynamiques. Il arrive à condenser l’action en quelques plans montrant ainsi sa grande capacité à maitriser le rythme. D’où ma préférence pour le mot « contemplation » dans lequel on n’est pas simplement ébahi par la beauté mais où une infinité de questions vient nous frapper, nous questionner et rend ainsi la légitimité à se déploiement de vie.
La nature comme vous avez pu le remarquer fait partie intégrante de son œuvre. Il s’agit d’une nature capitale que l’on retrouve chez Thoreau. Une nature qui doit faire partie de l’homme pour que celui-ci reste homme. On peut également voir une influence de son enfance passée dans les champs du Texas, car il n’y a pas que de l’idéalisme chez Malick, le pragmatisme est très présent. La nature est cruelle. Cette nature plus pragmatique est souvent effacée par les détracteurs de Malick qui ne voit en lui qu’un Rousseauiste sans saveur. Peut sont-ils eux-mêmes trop idéalistes ?

Son mythe

En effet, comme je le disais plus haut,Terrence Malick est un homme très discret mais plus que cela, il est le réalisateur de Hollywood dont personne (hormis ceux qui ont travaillé avec lui) n’est capable de le décrire pour la simple et bonne raison qu’il refuse de se montrer. Non pas qu’il soit un mégalomane refusant la présence de l’homme mais l’anonymat lui permet d’analyser en toute liberté l’homme et la nature. On ne le voit dans aucun making of, il est stipulé dans ses contrats qu’il ne fait pas la promotion de ses films. Selon lui, ses œuvres doivent être vues sans aucun commentaire de sa part.

Julien Libert






Il faut vraiment que je vois la balade sauvage ...
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Messagepar phoenlx » jeu. déc. 16, 2010 10:49 am

Le trailer de Tree of life (ainsi que le synopsis précis) sont enfin révélés :

http://trailers.apple.com/trailers/fox_searchlight/thetreeoflife/

Synopsis : Texas, fin des années 60, Jack l'aîné d'une fratrie de trois, vient de perdre son frère cadet, RL. Devant cette fatalité de la vie, Jack se souvient de son enfance, des doux moments où il était encore le seul fils, grandissant dans la félicité procurée par l'amour inconditionnel de sa mère. La travée de la mémoire s'ouvre... et tout lui revient... les petits frères qui mobilisent l'attention de la mère, la discipline d'un père absent et autoritaire. Jack se laisse envahir par les souvenirs du passé et c'est ainsi qu'au gré de ses expériences, de son parcours initiatique, et au rythme de la perte progressive de ses illusions et de son innocence, nous explorons le cycle de la vie qui n'en finit plus de tourner autour de nous et qui nous précipite tantôt vers le bonheur tantôt vers le drame. The Tree of Life nous propose une profonde réflexion sur le sens de l'aventure humaine.


J'ai créé aussi un topic sur le film où on pourra en discuter plus spécifiquement d'ici sa sortie début 2011 ..




Pour ceux que ça intéresse je signale ce portrait du cinéaste Terrence Malick paru dans Vanity Fair en 1999 , autrement dit avant la sortie du Nouveau monde ( merci à Singleservingjack d'allociné pour la découverte )
portrait signé Peter Biskind et où on apprend notamment des choses sur les rapports entre Malick et la France, son amour du jardin des plantes etc

http://www.vanityfair.com/hollywood/classic/features/runaway-genius-199812

Le texte est en anglais, voici un résumé du texte en version française, publié dans les inrocks..

http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/terrence-malick-une-aussi-longue-absence/

Image
source de l'image


Au cas où le lien ne fonctionnerait plus je copie colle :



Terrence Malick - Une aussi longue absence

24/02/1999 | 02H01

Dans les années 70, un jeune cinéaste s'affirme aux côtés des Scorsese et Cimino en signant deux oeuvres cultes. Ensuite, Terrence Malick disparaît. La Ligne rouge, rumination sur la guerre d'une amplitude et d'une singularité rares, concrétise le retour d'un artiste à la personnalité complexe qui, pendant vingt ans, a choisi de fuir une carrière hollywoodienne toute tracée. Pour s'exiler à Paris ou observer les oiseaux.

Un nouveau film de Terrence Malick, c'est un peu comme si JD Salinger publiait un nouveau roman ou si Greta Garbo avait consenti à revenir sur les écrans dans les années 60. Si l'ampleur du mythe Malick est en partie due à cette réclusion énigmatique de vingt années, s'il est vrai qu'un silence prolongé sécrète de l'attente et du mystère, il faut d'abord remonter aux deux films réalisés par Malick dans les années 70 pour saisir la portée de son aura, pour mesurer les immenses promesses données par le cinéaste et laissées subitement en jachère pour des raisons mystérieuses.

1973 : Terrence Malick signe son premier film, La Balade sauvage (Badlands), avec deux acteurs inconnus, Sissy Spacek et Martin Sheen. L'histoire est adaptée d'un fait divers sanglant qui avait défrayé la chronique dans le Nebraska des années 50 : deux amants terribles avaient semé une vingtaine de cadavres sur leur chemin en l'espace de quelques semaines. A partir de cette trame fictionnelle classique, Malick renouvelait le road-movie et le film noir. Avec La Balade sauvage, Malick inscrivait son nom sur la carte du cinéma américain montant alors qu'une nouvelle génération prenait le pouvoir. D'un côté, les Entertainers, les Lucas et Spielberg, à la fois cinéastes et entrepreneurs, héritiers de Disney, fascinés par le cinéma mais aussi par la bande dessinée, la technologie et le succès. De l'autre, les Artistes, dont Malick faisait partie avec Scorsese et Cimino, plus purement cinéastes et plus exclusivement cinéphiles, descendants des Ford et Walsh, des Fuller et Aldrich.

La Balade sauvage était le grand film culte de 73 avec le Mean streets de Scorsese, au point de marquer un jeune rocker cinéphile du nom de Bruce Springsteen, qui reprendra d'abord le titre du film (Badlands) pour ouvrir son nouvel album (Darkness on the edge of town), puis carrément le synopsis pour sa chanson Nebraska. La Balade sauvage connaîtra aussi une descendance postmoderne boursouflée dans le cinéma avec le True romance de Tony Scott et le Tueurs-nés d'Oliver Stone.

Terrence Malick mettra cinq ans (déjà un indice de sa future éclipse ?) pour confirmer son statut de maverick avec Les Moissons du ciel, vision élégiaque du sud rural des Etats-Unis au début du siècle, film étrange baignant dans la sublime lumière du chef-opérateur Nestor Almendros et révélant ce coup-ci un certain Richard Gere. En revoyant ces films aujourd'hui, on ne peut qu'éprouver une certaine nostalgie pour une époque, pas si lointaine, où le grand cinéma américain était encore aventureux et diversifié, où de grosses productions de studio engendraient couramment des films personnels et libres, lançant des acteurs inconnus dans le grand bain.

Avec ces deux films, deux succès critiques et publics, Malick a imprimé sa vision dans les consciences cinéphiles : en cette année 78, c'est un authentique auteur qui promet. Or, la déflation de toutes ces promesses va être encore plus radicale que dans le cas de Cimino : depuis Les Moissons du ciel (1978) et jusqu'à La Ligne rouge (1998), plus de film, plus de projet, même plus de potins hollywoodiens, rien. Silence radio.

Une partie du mystère est dévoilée par le reporter Peter Bliskin dans une passionnante enquête publiée récemment par le magazine américain Vanity Fair. Il en ressort que le cinéaste avait disparu de la circulation pour un écheveau de raisons, à la fois personnelles et professionnelles, existentielles et relationnelles. Dans un premier temps, il y a eu chez Malick une volonté très nette de prendre ses distances par rapport à la célébrité, de désacraliser le métier de cinéaste et le milieu hollywoodien, d'essayer de mener une vie ordinaire. Dans un deuxième temps, il y a eu la très lente maturation du projet La Ligne rouge, film constamment retardé par les propres hésitations du cinéaste, par des conflits humains et par des difficultés de montage financier. Le temps d'accumuler toutes ces complications, et vingt ans ont passé.

En 78, Malick est contacté par Bobby Geisler, producteur velléitaire et fan de La Balade sauvage. Esthète cultivé, Geisler souhaiterait démarrer sérieusement sa carrière de producteur et propose à Malick de travailler un script basé sur la vie de John Merrick, l'Elephant man. Pendant quelques mois, Geisler et Malick se côtoient, apprennent à se connaître. Un jour, le producteur va se faire une première idée de la personnalité très spéciale du cinéaste : il reçoit une invitation pour l'avant-première des Moissons du ciel et découvre seulement à cette occasion que Malick sort un deuxième film ­ le cinéaste ne lui en a jamais touché un seul mot ! Une proche de Malick à l'époque le décrivait comme un perfectionniste obsessionnel, qui souhaitait atteindre dans son travail une qualité comparable à la pureté d'une goutte tombant sur un plan d'eau. Si un film ne visait pas ce genre de perfection, Malick ne voyait pas l'intérêt d'en faire un. Autant de détails qui permettent d'ébaucher le portrait d'un grand paranoïaque.

Epuisé par le tournage des Moissons du ciel, abandonnant le projet Elephant man (dont s'était emparé David Lynch), Malick s'enfuit à Paris avec sa copine et emménage rue Jacob. Il s'attelle à un projet très ambitieux sur les origines du monde et de la vie ­ pas moins. Il travaille son scénario, contacte un spécialiste des effets spéciaux, envoie des équipes tourner des images sur l'Etna ou dans l'Antarctique. De temps à autre, pour faire patienter la Paramount, il leur fait parvenir quelques pages de son travail : de longues tirades poétiques ou philosophiques, de splendides descriptions visuelles, mais pas une ligne de dialogue. Les types de Paramount perdent patience : "Envoyez-nous un script qui commence par la page 1 et qui se termine par le mot "fin" ! N'importe quoi, ce que vous voulez, mais mettez-vous au boulot !" Ce projet prométhéen est abandonné.

A défaut de tourner des films, Terrence Malick continue à vivre. A Paris, il rencontre Michèle, une de ses voisines, et emménage avec elle. Celle-ci est fascinée par un homme capable de parler avec sérieux et profondeur de la nature, des plantes, des insectes ou de philosophie, un homme doté d'un monde intérieur très intense. Plus tard, Michèle, Terrence et la petite fille de Michèle déménagent à Austin, la ville natale du cinéaste. Michèle va alors découvrir d'autres aspects moins fascinants de la personnalité de Malick et les révéler au reporter de Vanity Fair. Cet homme capable de discuter des sujets les plus élevés et des plus séduisantes abstractions s'avère être un psycho-rigide en matière de vie quotidienne. Quand le couple se dispute, Malick disparaît des jours, voire des semaines, sans jamais prévenir ni laisser d'adresse. Autres petites excentricités malickiennes : le cinéaste interdit formellement à son épouse l'accès à son bureau, le droit de lire ou de discuter ses projets de scripts... Un homme délicieux. A Paris, Malick survit en cachetonnant sur divers travaux scénaristiques (pour Louis Malle, Mike Medavoy, Barry Levinson...). Le producteur Rob Cohen raconte sa brève relation avec l'étrange personnage : "Il est trop intense et fragile, pas du tout fait pour être réalisateur. Lors d'un rendez-vous, il se levait toutes les cinq minutes et se cachait derrière un pilier : il croyait être épié. Ou alors il me passait un coup de fil et j'entendais des camions qui roulaient en bruit de fond. Il appelait d'une cabine sur le bord de la route : il marchait du Texas à l'Oklahoma pour observer les oiseaux !"

En 88, Bobby Geisler (associé à John Roberdeau, autre producteur velléitaire et admirateur du travail du cinéaste) recontacte Malick pour lancer enfin sérieusement un projet. C'est le point de départ de La Ligne rouge. Le cinéaste et les deux producteurs scellent leur nouvelle alliance à Paris, dans l'île Saint-Louis. Ils dînent à la Brasserie de l'Ile, où James Jones, auteur du livre La Ligne rouge (édité chez Pocket), avait ses habitudes. Après le dîner, ils marchent jusqu'au 10 quai d'Orléans, où habitait l'écrivain, et Malick s'incline respectueusement devant l'immeuble. Pourtant, le film est loin d'être fait. D'un côté, Malick travaille lentement et prend mille précautions par rapport au livre, demeure méfiant dans les relations humaines ; de l'autre, le duo Geisler/Roberdeau, producteurs cultivés à la fibre artistique mais très mauvais gestionnaires, entreprend de séduire Malick et de nouer avec lui une relation de confiance et d'amitié. Le processus est très long et très onéreux : les duettistes traitent Malick comme un prince et se ruinent en voyages, en repas, en acquisitions de droits sur des projets parallèles. Par exemple, Malick essaiera longtemps de transposer au théâtre L'Intendant Sansho de Mizoguchi. Ce projet insensé pour un novice en matière théâtrale, qui culmine par une collaboration tragicomique avec Andrzej Wajda et finit par un échec et une rupture avec le cinéaste polonais, coûtera au cinéaste beaucoup de temps et d'énergie, poussant les deux producteurs quasiment à la ruine ­ pendant un temps, ils vendront des meubles et des CD pour survivre.

En 95, Geisler et Roberdeau accrochent à leur projet Mike Medavoy, producteur expérimenté et puissant. Dès lors, la rumeur La Ligne rouge commence à enfler dans le tout-Hollywood : Brad Pitt, Kevin Costner et Johnny Depp seraient intéressés ; des comédiennes appellent pour jouer dans ce film sans femme, même pour une simple apparition de quinze secondes ! Mais on est encore loin de voir le bout de l'affaire. Malick est empêtré dans ses problèmes intimes et ses incertitudes professionnelles : il demande le divorce, ne souhaite pas de superstars dans un film sur des soldats anonymes, hésite à se replonger dans la mise en scène d'un film lourd et craint de laisser filer d'autres projets qui lui tiennent à coeur. Par ailleurs, un conflit de pouvoir éclate entre Geisler/Roberdeau et Medavoy au sujet des crédits de producteurs.

En 97, après un désistement de Sony, La Ligne rouge reçoit l'appui de Fox 2000, qui cofinance le film et le prend en distribution, à condition que des stars figurent au générique. Les stars seront là, en effet, mais dans des rôles secondaires. Enfin, le tournage peut commencer en Australie. L'affaire prend alors un tour amer pour le couple de producteurs, interdits de présence en Australie ! Que cette éviction soit le fait de Malick lui-même ou de Medavoy n'est pas très clair. Plus tard, Geisler renversera dix-sept pilules colorées devant le reporter de Vanity Fair en lui déclarant "Il y a quelques années, je ne prenais rien. Maintenant, j'ai de la tension artérielle, du diabète, je suis gros, je bois trop. Je ne vais jamais m'en remettre. Nous étions en situation de dépendance par rapport à Malick. Son travail est traversé par les thèmes du pardon, du sacrifice, de l'amour, du courage, de la camaraderie, mais tout ça ne correspond pas à ce qu'il est réellement : un homme sans merci, qui ne fait pas de quartier. Enfin, les grands artistes ne sont pas obligatoirement des personnes sympathiques.

Février 99, hôtel Crillon, Paris. On a rendez-vous avec un troufion, un capitaine et un colonel. Plus exactement avec Jim Caviezel, Elias Koteas et Nick Nolte. Trois acteurs, trois générations, trois statuts ­ un débutant, un outsider dont la carrière commence à prendre, une vieille connaissance. Trois regards différents sur Malick, trois expériences singulières du tournage de La Ligne rouge. Avant ce film, Caviezel n'avait jamais entendu parler de Terrence Malick, Koteas connaissait vaguement sa réputation et Nolte savait tout de lui et de son travail.

Engoncé dans son costume noir, Caviezel semble mal à l'aise sous les lambris d'un palace parisien. Il a l'air fragile et pas entièrement dégrossi du brave gars des campagnes américaines qui a débarqué récemment à Hollywood, fermement ancré sur les bons vieux repères que sont la croyance en Dieu et l'éthique du travail : "Ce que nous avons vécu sur le tournage, même si c'était dur, n'a rien à voir avec l'enfer qu'ont vécu les vrais soldats. Terrence change tous les jours d'humeur et de méthode dans sa relation aux acteurs. Un jour, il peut être très dur, le lendemain, il peut être très encourageant avec un acteur démoralisé... Il a souvent recours à la psychologie pour influencer les acteurs. Parfois, il nous donne un texte à répéter hors caméra... Ses méthodes ne sont pas toujours immédiatement compréhensibles, mais finalement, je lui ai fait confiance et je me suis beaucoup appuyé sur lui."

Caviezel garde de Malick un souvenir où se mélangent l'amitié et une admiration qui confine presque à la révérence : "Je n'ai jamais été intimidé. Terrence est un homme très humble, complètement différent de ceux qu'on rencontre habituellement dans ce métier. C'est pour ça qu'il ne vit pas à Hollywood. Quand j'ai vu Terry traiter tout le monde avec le même respect, j'ai su qu'il était un homme bien. J'étais moi-même un inconnu et il m'a traité avec beaucoup d'attention. Terrence se fiche de son statut de cinéaste, ce qui importe à ses yeux, ce sont les gens qu'il aime et qui l'aiment. Sur La Ligne rouge, il a abandonné ses pourcentages. Il possède une vieille voiture, sans air conditionné, alors qu'il vit dans le sud du Texas. Le spirituel est beaucoup plus important pour lui que le matériel."

Pour Koteas, l'expérience aura été tout aussi intense, mais beaucoup plus douloureuse. De sa voix étrangement douce et musicale, l'acteur raconte comment il a été choisi au dernier moment, comment il a débarqué sur le tournage sans la moindre préparation : "Le fait que je n'aie pas eu le temps de préparer le rôle, l'énormité du tournage, la réputation de Malick, tout cela m'a procuré beaucoup de stress, de pression. Mon aventure d'acteur sans masque a été parallèle à celle de mon personnage, le capitaine Staros : il fallait que je réussisse ma mission. Le génie de Terrence est là : avoir capturé la personnalité profonde de chaque acteur pour la transfuser dans le personnage. Pour moi, il n'y avait pas de travail de comédie au sens technique où on l'entend habituellement. Notre peur, nos doutes, notre angoisse, notre douleur, c'est tout cela que Terrence a capté sur la pellicule. Les doutes de Staros, ce sont les miens. C'est une méthode qui rend humble. Je joue depuis longtemps et il a fallu me délester d'un ensemble de techniques acquises, il a fallu tomber le masque. C'était très douloureux, mais il ne pouvait en être autrement."

Travailler sur La Ligne rouge semble avoir été une expérience des limites pour Koteas et la conversation prend parfois des tournures quasi psychanalytiques : "Ce tournage a été effrayant ­ et c'est un euphémisme. J'avais toujours le sentiment de rater la scène, de ne pas être juste, car je n'avais pas mes repères habituels. Je n'avais que ma propre électricité et ma volonté de fer pour aller de l'avant. J'ai tout appris sur place. Toute cette pression s'est accumulée sur ma tête jour après jour, pendant des mois. Bien sûr, mon anxiété était celle de Staros, donc le résultat est là. Ce fut un travail douloureux, émotionnellement épuisant, je ne le ferais pas sur chacun de mes films, mais il faut admettre que ça valait le coup. Mais c'est dur de se dévoiler ainsi sur un écran. Encore aujourd'hui, le simple fait d'en parler m'aide à évacuer et dépasser cette expérience."

Mais c'est peut-être cette bonne vieille trogne de Nick Nolte qui parle le mieux de Terrence Malick, de la spécificité de sa vision. Avant le tournage, l'acteur avait longuement discuté avec Malick de son rôle, d'Hollywood, de choses et d'autres. C'est avec chaleur et intelligence qu'il analyse la personnalité de Malick de sa grosse voix caverneuse : "Terrence ne vit pas grâce à l'industrie du film. C'est son choix. S'il était dépendant d'Hollywood, ça entraverait sa liberté de décision. Et sa liberté, il y tient plus que tout. Même raisonnement en ce qui concerne son refus d'apparaître dans les médias. Il ne veut pas que le public le voie comme une figure de maestro, il refuse que l'image de grand maître s'interpose entre le public et le film. Il ne veut pas gâcher le processus créatif, il place l'art au-dessus de la célébrité. C'est pour cela qu'il disparaît pendant de longues périodes, ça me paraît simple à comprendre."

C'est avec la même sagacité et la même empathie que Nolte apprécie le style et la façon de travailler du cinéaste : "Malick est comme Kubrick, il attend. Si une scène ne fonctionne pas, il arrête et il attend que l'inspiration vienne. Le temps est une donnée fondamentale, il permet de réfléchir aux choses, d'atteindre une certaine maturation. Par exemple, Terry ne termine jamais une scène : au bout d'une semaine, il se retrouve avec cinq ou six scènes incomplètes. Il dit alors "On trouvera le moyen de terminer ces scènes la semaine prochaine." Evidemment, en travaillant ainsi, Malick rend les acteurs fous furieux, ils perdent tous leurs repères. Terrence recherche l'inspiration, la vérité d'une scène. Ce film n'avait aucune obligation de délai, d'emploi du temps, excepté sa propre vérité, sa propre maturation. Je me souviens aussi que, pour terminer ces fameuses scènes, Terry regardait toujours le soleil : il attendait 6 h du soir, quand le ciel devient orange. Peu importait le bon raccord, ce qui comptait était cette qualité dorée de la lumière. S'il avait informé le studio qu'il ne tournerait qu'entre 6 et 8, ils auraient refusé catégoriquement !"

Selon Nolte, travailler avec des cinéastes comme Malick est un bien précieux et rare : "Pour un acteur, les méthodes de Terrence sont fantastiques, car il n'y a rien de plus précieux que le temps pour ruminer un rôle. C'est rare de travailler dans un contexte où seule compte la créativité, où il n'y a pas la pression habituelle du résultat. Par ailleurs, la plupart des acteurs, surtout les jeunes, veulent savoir quel est leur statut dans le film, s'ils ont le premier, le second ou le troisième rôle. Terry est muet à ce sujet, il ne dit pas qui est le personnage principal : il filme. Il filme tout le monde, chaque acteur, chaque personnage. J'ai trouvé cela merveilleux, parce qu'on doit laisser son ego au vestiaire. C'était très libérateur ! Puisque je ne savais pas combien de temps j'apparaîtrais dans le montage final, puisqu'il se pouvait très bien que je ne sois même pas dans le film, pourquoi ne pas tout tenter ? Terrence est l'un de ces cinéastes que l'on compte sur les doigts de la main, l'un de ceux qui racontent leur histoire, qui font le film qu'ils ont profondément besoin de faire."

Alors, Terrence Malick est-il un humaniste généreux ou un paranoïaque misanthrope ? Un des grands cinéastes de notre temps ou un mégalo insupportable qui se prend pour un génie ? Un metteur en scène qui tire le meilleur de ses acteurs ou un despote cruel et sadique ? En vertu de quoi un homme ne serait pas en droit de préférer vivre une vie ordinaire plutôt que de construire une carrière ? Quelle bizarrerie y aurait-il à désirer vivre à Paris plutôt qu'à Hollywood, à observer les oiseaux plutôt qu'à répondre aux attentes d'une industrie ? Au final, l'effacement de vingt années semble faire partie de l'oeuvre de Terrence Malick au même titre que ses films : comme une manifestation irréfutable de l'authenticité, de la force et de la singularité d'un cinéaste hors du commun.

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Messagepar phoenlx » mer. janv. 05, 2011 1:00 pm

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Ayant enfin vu La balade sauvage (Badlands) et bouclé la filmographie de malick, je renvoi vers le topic spécifique avec ma critique
viewtopic.php?t=7486

Je rappèle aussi les autres topics avec nos critiques des films :

La ligne rouge
viewtopic.php?t=7340

Le nouveau monde
viewtopic.php?t=2689

Tree of life ( prochain film, 2011)
viewtopic.php?t=7374



Je complète ce post par une critique intéressante ( de Badlands et plus généralement du cinéma de Terrence Malick ) trouvée sur le blog cineclub-normalesup.blogspot.com ; article récent du 15 octobre 2010

Premier coup d’éclat « Tranchant et opaque, Badlands reste l’un des premiers films les plus fulgurants de ces deux dernières décennies et l’un des rares qui ne doive rien à un genre, qui s’inspire plus d’une culture que du cinéma antérieur, l’un des plus contrôlés dans son écriture, son cadre, sa photographie, sa bande sonore : la musique, mais aussi les voix, les sons, les accents, le mixage [1] . »

Dans la droite ligné de Citizen Kane (1941), Le Point de non-retour (Point Blank, 1967), ou Portrait d’une enfant déchue (Puzzle of a Downfall Child, 1970), Badlands (La Balade sauvage, 1974), le premier long-métrage du cinéaste américain Terrence Malick, fait partie de ces quelques premiers films qui semblent sortis de nulle part tant ils sont maîtrisés, inventifs et originaux. D’ailleurs, tout comme Orson Welles, Jerry Schatzberg ou John Boorman, les auteurs respectifs des trois films cités plus haut, Malick partage un parcours qui ne le prédestinait pas au cinéma. On sait que Welles était acteur et metteur en scène de théâtre, puis homme de radio ; quant à Schatzberg et Boorman, le premier était photographe de mode et le second réalisait des documentaires pour la télévision anglaise. Malick, lui, fils d’un dirigeant de compagnie pétrolière qui grandit au Texas et en Oklahoma, a étudié à Magdalen College à Oxford en tant que boursier (sans finir son cursus). Parallèlement à cela, dans sa jeunesse, il a travaillé en été en tant que saisonnier dans des champs au Canada et aux Etats-Unis, ainsi que comme ouvrier, mais aussi comme journaliste pour les prestigieuses revues Life, Newsweek et The New Yorker. Il a suivi des cours de philosophie à Harvard, avant de devenir lui-même professeur au MIT, époque à la quelle il se lie d’amitié avec le philosophe américain Stanley Cavell. Mais au bout d’un an, il quitta son poste, laissant en plan sa thèse sur « le concept d’horizon chez Husserl et Heidegger » et suivit une formation en cinéma à l’American Film Institute. Après avoir dirigé un court-métrage dans lequel il jouait également, il se fit une réputation dans la réécriture de scénarios[2], puis réalisa La Balade Sauvage, avec une équipe réduite, non syndiquée et un budget de 300 000 dollars plus que dérisoire. Le tournage fut compliqué, faillit s’arrêter par manque d’argent ; Malick remplaça lui-même un acteur absent le temps d’une courte scène [3] .

Un cinéaste rare

Car Malick fascine, aussi bien les critiques et le public. En 1996, au moment où il tourne La Ligne rouge (The Thin Red Line, sorti en 1998), son troisième film après vingt années d’absence, le tout Hollywood se bouscule à sa porte ; ainsi, le film qui relate la bataille de Guadalcanal pendant la guerre du Pacifique voit une myriade de stars masculines incarner de simples soldats ou des militaires haut gradés… Georges Clooney qui apparaît en haut du générique n’apparaît en réalité que trente secondes à la fin du film qui dure trois heures.

Si Malick peut être considéré comme un cinéaste rare en raison de son talent exceptionnel, il l’est aussi par son absence dans les médias : en effet, sur l’ensemble sa carrière, il n’a accordé que trois entretiens à la presse internationale et n’apparaît jamais dans les cérémonies ni pour assurer la promotion de ses films. Il n’existe que quelques photos de lui et il n’apparaît jamais dans les bonus de DVD.

Après son second chef-d’œuvre, Les Moissons du ciel (Days of Heaven, 1979), qui fit découvrir le jeune Richard Gere et pour lequel le chef opérateur Nestor Almendros remporta un Oscar et Malick le prix de la mise en scène à Cannes, le cinéaste rentrait dans un silence long de deux décennies dont on ne sait quasiment rien, si ce n’est, grâce en partie à un article de Michel Ciment[4] qu’il travailla à un projet de film nommé Q et qui devait narrer la création du monde et l’histoire de l’humanité (!), ainsi qu’à une adaptation théâtrale du film L’Intendant Sansho de Mizoguchi, ainsi qu’il vécut entre Paris, sur l’île Saint-Louis, et Austin au Texas, voyageant à travers le monde. Il se lança finalement dans la production épique de La Ligne rouge, adapté d’un roman de James Jones, après avoir hésité à porter à l’écran le Tartuffe de Molière.

Malick, sur ses personnages

Dans une interview donnée à la sortie du film, le cinéaste évoque ainsi ses personnages[5] : « Il y a de l’humour dans le film, à mon avis. Pas des plaisanteries. Cela repose sur l’erreur d’appréciation que commet Holly au sujet de son auditoire, sur ce qui intéressera ces gens ou ce qu’ils seront prêts à croire. (Elle semble parfois considérer son récit comme une séance d’audiovisuel au lycée.) Quand ils traversent les badlands, au lieu de nous raconter ce qui se passe entre elle et Kit, ou rien de ce que nous aimerions ou devrions savoir, elle décrit ce qu’ils ont mangé et quel goût cela avait, comme si nous nous préparions au même voyage et examinions son aventure de cette manière-là. (…)

« Le côté sudiste de Holly est essentiel pour la comprendre. La mort de son père ne la laisse pas indifférente. Elle a peut-être versé des torrents de larmes, mais elle ne veut rien vous en dire. Ce ne serait pas convenable. On doit toujours rester sensible au fait qu’elle ne mentionne pas de grandes parties de son aventure parce qu’elle a un sens aigu, mal placé, des convenances. On peut sûrement se demander comment une personne qui passe par où elle passe peut s’intéresser le moins du monde aux convenances. Mais c’est son cas. Et son genre de clichés n’est pas né dans les magazines à dix sous, comme l’ont suggéré certains critiques. Il est présent en Nancy Drew et Tom Sawyer. Ce n’est pas, voilà ce que j’essaie de dire, le symptôme d’un esprit affaibli, nourri de romans de gare, mais celui de l’ « innocent égaré ». Quand les gens expriment ce qui leur tient le plus à cœur, cela prend souvent la forme de clichés. Cela ne les rend pas risibles ; c’est une sorte de fragilité qu’ils évoquent. Comme si, en s’efforçant d’atteindre ce qu’ils ont de plus personnel, ils ne trouvaient ce qu’ils ont de plus général. (…) Les films cultivent le mythe que la souffrance rend profond. Qu’elle incite à dire des choses profondes. Qu’elle forme le caractère et assainit l’âme. Qu’elle donne des leçons inoubliables. Les gens qui ont souffert promènent dans les films des mines longues et pensives, comme si tout s’était écroulé pas plus tard que la veille. Ce n’est pas le cas dans la vie, pourtant, pas toujours. La souffrance peut faire devenir superficiel et, loin de rendre vulnérable, endurcir. C’est l’effet qu’elle a produit sur Kit.

« Kit ne se voit pas du tout comme un être triste ou pitoyable, mais comme un sujet d’un incroyable intérêt, pour lui-même et pour les générations à venir. Comme Holly, comme un enfant, il ne croit qu’à ce qui se passe au-dedans de lui. La mort, les émotions des autres, les conséquences de ses actes – tout cela est plutôt abstrait pour lui. Il se voit en successeur de James Dean – en « rebelle sans cause » - alors qu’il est plutôt un conservateur à la façon d’Eisenhower. « Prenez en compte l’opinion de la minorité, dit-il pour le magnétophone de l’homme riche, mais essayez de vous accorder avec l’opinion de la majorité dès lors qu’elle est acceptée. » Il ne croit vraiment rien de tout cela, mais il envie les gens qui le font, qui y arrivent. Il veut être comme eux, comme l’homme riche qu’il enferme dans le placard, le seul qu’il ne tue pas, le seul qui suscite sa sympathie, et celui qui a le moins besoin de sympathie. Il n’est pas rare que les gens des bas-fonds soient ceux qui défendent le plus énergiquement les règles qui les ont précipités et maintenus là où ils sont. »

Un cinéaste du cosmos

L’une des récurrences du cinéma de Terrence Malick, et présente dès son premier film, est les inserts de plans de la faune et la flore qui entourent les personnages. C’est même chaque élément qui peuple le monde et l’espace dans lequel se jouent ses films qui est à l’écran : par l’ondoiement de l’eau d’une rivière ou par le tournoiement de hautes herbes, Malick fait apparaître le vent ; ses deux premiers films présentent d’incroyables scènes d’incendies ; les astres et les planètes sont souvent à l’écran et de nombreux objets sont également montrés en gros plans. Ainsi, ses films sont « remplis » par tout ce qui habite le monde et Malick confère à chacun d’eux une apparence relative : un homme pourra être vu en gros plan, aussi bien que comme un petit être dans l’immensité d’un paysage et le cinéaste confère le même sort aux constructions ou aux animaux, établissant de cette manière un certain ordre cosmique.

Mais il semblerait que ces êtres et ces choses peuplant un seul et même monde ne cohabitent pas nécessairement. Et cette idée d’une nature et d’une faune indifférentes au drame humain qui se déroule à côté d’elles est donc bel et bien transmise par la mise en scène du cinéaste : littéralement, et la plupart du temps, les humains, les animaux et les plantes, fleurs ou arbres, sans citer les éléments naturels et les astres n’apparaissent donc pas dans le même plan. C’est ce que Christian Viviani appelle le « bestiaire » dans un article général publié à la sortie de La Ligne rouge : « Symbole de vie car symbole de mort, le bestiaire intervient souvent par inserts, son caractère immuable ainsi abstrait du conflit humain. Posé sur lui comme un commentaire. La vie va et vient, tandis que les hommes, eux, semblent aller vers leur anéantissement. (…) Tout comme le commentaire, le bestiaire mélancolise et transcende à la fois [6] . »

« All things shining »

Les détracteurs de Malick lui ont souvent reproché une soi-disant nostalgie des temps premiers, un rousseausime naïf. Mais en réalité, comme le dit bien le philosophe et cinéphile Philippe Fraisse : « Il n’y a dans cette œuvre aucune nostalgie du paradis perdu. Juste la certitude que, dès qu’il est, le paradis doit se perdre [7] . » Comme chez Kubrick, les films de Malick sont avant tout une expérience et ils défient l’analyse. Pensons à un autre grand cinéaste maintes fois commenté : David Lynch. A la sortie de la projection d’un film de Lynch, on est déboussolé, on n’a pas tout compris, mais on veut comprendre ou tout du moins construire une interprétation, non exclusive, mais qui pourrait un temps nous satisfaire. Beaucoup de choses nous ont échappé, mais on sent qu’il est possible d’en saisir quelques unes, car pour cela nous avons des bouts d’éléments (un geste, une réplique, un mouvement de caméra, un objet,…) qui peuvent nous le permettre. Reconstituer un puzzle, construire une réflexion. Après avoir vu un film de Terrence Malick, émerge cette même insatisfaction. L’œuvre, comme c’est le cas des plus réussies d’entre elles, nous paraît insaisissable. Et pourtant, le sentiment est différent de chez Lynch. On ne veut pas tellement chercher à comprendre car précisément on ne sait pas tellement ce qui nous a échappé. Tout était là sous nos yeux et maintenant, plus rien, les lumières se sont rallumées. On pourrait tout simplement dire, comme Michel Chion au début de son livre sur La Ligne rouge, qu’on pourrait s’arrêter là et « nous contenter d’admirer, muet comme un enfant [8] ». Car c’est là que se situe l’un des traits de génie et l’une des originalités des films de Malick : être beaux, véritablement. Mais une beauté qui ne dure pas, qui apparaît et disparaît le plan suivant. Une beauté resplendissante (« All things shining » est la dernière phrase de La Ligne rouge). Voilà donc ce qui est insaisissable et voilà où réside l’un des mystères de ses œuvres. Malick ne filme pas un paradis terrestre perdu mais il filme ce qui est déjà en train de se perdre. Un temps qui n’existerait pas, un « présent antérieur ». Malick ne fait pas des films avec de beaux plans (comme certains veulent bien le définir de manière condescendante) mais il fait de beaux films. Si l’adjectif peut sembler galvaudé et perdre de son sens car bien souvent utilisé, il colle pourtant à tous les films de Malick. Chaque plan est comme une révélation, à saisir immédiatement. Et l’on peut ainsi ressentir la même chose que les personnages de ses films, exclus du monde, impossible de saisir sa beauté même s’ils la contemplent parfois. Ses films ne fonctionnent pas selon la structure d’un chute suivant le temps d’un paradis terrestre mais commencent bel et bien sur le sentiment de la perte ; la première phrase de son dernier film en date Le Nouveau monde (The New World, 2007) résonne par la voix off de Pocahontas qui essaye d’incanter l’esprit de la mère Nature, en vain. Le film ne raconte pas la destruction d’une tribu de natifs américains et de leur monde par l’arrivée des Anglais, mais plutôt propose une nouvelle lecture du mythe en évoquant la mélancolie face à un monde déjà perdu, avant que quoi que ce soit ait déjà commencé. De là, on comprend mieux la belle expression de Christian Viviani dans l’introduction de son article qui parle de « triste beauté », sentiment diffus et prenant qui sourde dans les plans des films de Malick. Comme le dit Philippe Fraisse, la question que pose les films du cinéaste, au spectateur comme à ses personnages, c’est : « Comment répondre à ce don reçu de l’existence ? », et l’auteur de continuer : « Seul demeure l’infini du don, et notre incapacité à y répondre. (…) Voir un film de Malick, c’est accepter de faire une expérience qui est de nature spirituelle. Je dis spirituelle parce que c’est un cinéma qui ne propose pas grand chose à l’intelligence et à la culture, qui ne répond à aucun souci intellectuel. Et encore moins idéologique. Malick filme les arbres, les herbes et les oiseaux, les horizons, les nuages et les reptiles. Non pour signifier un panthéisme moribond et nous en donner la nostalgie (si tant est qu’il fut jamais), mais pour nous confronter à l’évidence de notre peine, celle de ne pas pouvoir être simplement à la hauteur des choses [9] . »

De cette exclusion du monde pour ses personnages, exclusion rendue donc tangible par sa mise en scène, et de cette perte perpétuelle de la beauté insaisissable du monde, naît la mélancolie de son cinéma.

L’invité

Michel Ciment est historien, journaliste et critique de cinéma. Il a enseigné la civilisation américaine à l’Université Paris-VII dont il est professeur émérite. Il est directeur de la publication et membre du comité de rédaction de la revue de cinéma Positif où il écrit depuis 1962 et pour laquelle il a notamment mené de nombreux entretiens avec les plus grands cinéastes, mais a aussi collaboré avec des revues et quotidiens en France et à l’étranger. Par ailleurs, il est depuis les années 1990 producteur pour France Culture de l’émission de radio hebdomadaire Projection privée, dans laquelle il continue ses entretiens avec les gens qui font le cinéma et ceux qui le commentent. On peut également l’entendre dans l’émission critique Le Masque et le plume sur France Inter. En dehors de son activité d’éditeur, il a publié de nombreux livres consacrés au cinéma parmi lesquels des monographies (contenant des entretiens) consacrées à John Boorman, Stanley Kubrick, Francesco Rosi ou encore Jerry Schatzberg, des livres d’entretiens avec Elia Kazan, Joseph Losey et d’autres cinéastes hollywoodiens (Passeport pour Hollywood), ainsi que des essais comme Le crime à l’écran, une histoire de l’Amérique ou Les conquérants d’un nouveau monde, essais sur le cinéma américain. Il a été membre de jurys de prestigieux festivals, notamment ceux de Cannes, Venise et Berlin et anime chaque année, depuis ses débuts, la leçon de cinéma du Festival de Cannes où il s’est déjà entretenu avec Tarantino, Scorsese ou Bellochio. Il participe régulièrement à des bonus DVD et intervient dans des institutions, cinémathèques, festivals et ciné-clubs (!) pour présenter des films, animer des débats et donner des conférences. Il a également été président de la FIPRESCI.

[1] COURSODON Jean-Pierre et TAVERNIER Bertrand, 50 ans de cinéma américain, Nathan, Paris, 1995, p. 685.

[2] Pratique peu connue en France, il s’agit, pour ces scénaristes, la plupart du temps à la demande d’un producteur ou d’un cinéaste, de retravailler sur une première version de l’histoire écrite par un autre.

[3] C’est donc le seul document qui nous permet de visualiser Malick en mouvement et d’entendre le son de sa voix, le cinéaste n’ayant donné que des interviews à la presse écrite et n’apparaissant absolument jamais à la radio, à la télévision ou dans des documentaires.

[4] CIMENT Michel, « L’absence de Malick », Positif, n° 446, avril 1998, p. 52.

[5] Propos recueillis par Beverly Walker et publiés dans la livraison de Sight and Sound du printemps 1975. Traduit de l’anglais par Alain Masson pour la revue Positif, n° 591, mai 2010, pp. 27-28.

[6] VIVIANI Christian, « Terrence Malick, l’harmonie de la disharmonie », Positif, n° 457, mars 1999, p. 11.

[7] FRAISSE Philippe, « Les voix sauvages de Terrence Malick », Positif, n° 591, mai 2010, p. 25.

[8] CHION Michel, La Ligne rouge, Les Editions de La Transparence, Chatou, 2005, p. 11.

[9] FRAISSE, p. 26.

Analysée rédigée par Arthur



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Messagepar phoenlx » mer. janv. 05, 2011 2:39 pm

j'ai fais une petite capture de Terence Malick dans La balade sauvage ( le cinéaste joue une scène très courte dans le film où il a remplacé au pied levé un acteur absent ; c'est l'une des rares photos que l'on peut avoir du cinéaste qui cultive le mystère 8-) ; il n'apparaît jamais devant les caméras , jamais dans les bonus des DVD )

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » ven. mai 13, 2011 2:20 am

L'introduction des moissons du ciel !

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » ven. mai 13, 2011 8:42 pm

Quelques interviews sur Terrence Malick :super:

Mike Medavoy
Agent de Terrence Malick, puis producteur de son troisième film, La Ligne rouge.

Je me trouvais en 1970 dans le bureau de Monte Hellman, qui préparait Macadam à deux voies. Je vois traîner un synopsis signé d'un certain Terrence Malick. C'était vraiment très bien écrit. Je m'imaginais bien devenir l'agent de ce garçon d'évidence talentueux. Malick avait grandi à Waco, au Texas, où il passait l'été à travailler sur des puits de pétrole. Il avait fait ses études à Harvard puis, avant d'intégrer la première promotion de l'American Film Institute, enseignait la philosophie au MIT (Massachusetts Institute of Technology). C'était un parcours étonnant pourquelqu'un qui travaillait à Hollywood. Terry s'est renseigné sur moi, ce qu'il fait toujours avant de tisser le moindre lien professionnel. Je lui ai trouvé plusieurs jobs de scénariste, dont un sur L'Inspecteur Harry, avec Clint Eastwood (1971). Puis je l'ai aidé à financer son premier film, La Balade sauvage.

David Handelman
Journaliste, il a publié un article intitulé "Absence of Malick" en 1985, alors que le cinéaste avait arrêté de faire du cinéma.

Malick a filmé La Balade sauvage dans l'est du Colorado, entre août et septembre 1972. Ses producteurs ignoraient quand il finirait son film. Il travaillait sans salaire ; ses comédiens et son équipe pour une somme symbolique. Tout le monde a fini par passer devant la caméra, y compris Malick en personne. Mécontent de son directeur de la photo, Brian Probyn, il a fini par le virer. L'assistant de Probyn, Tak Fujimoto, a pris la suite, avant de jeter l'éponge. Le responsable des effets spéciaux a été grièvement blessé lors du tournage de la séquence de l'incendie du début du film. N'ayant pas les moyens d'affréter un hélicoptère, Malick l'a emmené à l'hôpital en voiture, à la grande fureur de l'équipe qui s'est mise en grève.
Les dernières semaines de tournage, l'équipe se réduisait à Malick, sa femme et un élève d'un lycée du coin. Présenté en clôture du Festival de New York, La Balade sauvage a été unanimement salué comme un chef-d'oeuvre.

Mike Medavoy
Steve McQueen avait tellement aimé La Balade sauvage qu'il voulait que Terry écrive un scénario pour lui. Nous avons roulé jusqu'à Palm Springs pour le voir. Terry ne tenait pas spécialement à écrire pour McQueen mais il trouvait dommage de ne pas le rencontrer.

David Handelman
Le tournage des Moissons du ciel, le deuxième film de Malick, s'est étiré durant toute l'année 1976. Le réalisateur a ensuite passé deux ans en salle de montage. Il était impossible, à partir du tournage, de comprendre quelle histoire Malick voulait raconter. Mais il s'en est remarquablement sorti en créant une cohérence grâce à la voix off.

Jack Fisk
Chef décorateur de tous les films de Terrence Malick depuis La Balade sauvage.

Lorsqu'on me demande ce que représente une collaboration avec Terry Malick, je réponds: " Il ne demande rien, mais attend tout de vous. " Le tournage des Moissons du ciel s'est révélé le plus épuisant auquel j'ai participé. Nous ne disposions que de quatre semaines pour bâtir la demeure victorienne du film. Terry ne voulait pas d'une maison texane, je me suis alors inspiré de la peinture d'Edward Hopper, House by the Railroad.

Gilles Jacob
Président du Festival de Cannes.

Alors que j'étais à Los Angeles, en 1978, j'ai appris qu'une projection des Moissons du ciel était organisée dans une salle privée. J'y suis allé et je suis tombé amoureux du film. Dans l'avion qui me ramenait à Paris, j'ai écrit un télex au patron de la Paramount, Barry Diller, pour le convaincre d'inclure le film dans la sélection du Festival. Sa réponse m'a semblé négative. Je lui ai alors suggéré de me donner le film pour l'année suivante. J'ai eu Malick au téléphone, il était d'une timidité maladive. Il se protégeait énormément. Mais je n'ai pas lâché. J'ai fini par avoir le film en 1979. Il a remporté le Prix de la mise en scène.

John Travolta
Acteur, premier choix de Terrence Malick pour le rôle finalement tenu par Richard Gere dans Les Moissons du ciel.
Le producteur d'une série télévisée, Welcome back, Kotter, dont je tenais le rôle vedette, ne voulait pas me libérer pour le tournage des Moissons du ciel. Cela a brisé le coeur de Malick qui m'a dit qu'il ne referait plus jamais de film. Nous étions assis sur un banc et Malick s'est mis à sangloter. Je l'ai regardé et je me suis dit : "C'est triste, mais je m'en remettrai. Il a beau m'assurer du contraire, lui aussi s'en remettra, c'est une question de temps."

Mike Medavoy
Le propriétaire de Paramount, Charlie Bluhdorn, avait été séduit par Les Moissons du ciel. Il était prêt à donner tout l'or du monde à Malick pour son nouveau projet. C'était déjà The Tree of Life.

David Handelman
Malick a utilisé l'argent de Paramount pour commencer à réaliser The Tree of Life, tantôt au Texas, tantôt à Paris, où il vivait par intermittence dans les années 1980. Le récit était précédé d'un prologue mettant en scène la création du monde. Il a consulté un astrophysicien. Des équipes sont parties filmer la barrière de corail, l'Etna, les glaces de l'Antarctique. Le prologue a fini par cannibaliser le reste du scénario. Finalement, Malick s'est désintéressé du projet et a laissé tomber.

Jack Fisk
Peu après le tournage des Moissons du ciel, Terry m'a parlé d'un autre film. Il ne s'intitulait pas encore The Tree of Life. J'étais loin d'imaginer qu'il faudrait attendre plus de trente ans pour le voir. J'avais appris à l'époque qu'un cameraman tournait exclusivement des éclipses solaires. J'entends tellement d'histoires sur Terry que je ne sais même plus laquelle croire. Il a arrêté de faire du cinéma sans que je comprenne pourquoi. Nous avons perdu le contact durant cette période, sauf à une occasion où nous nous sommes parlé au téléphone.

John Travolta
A chaque fois que j'ai recroisé Malick durant cette longue période d'inactivité de près de vingt ans, je lui ai demandé : "C'était vraiment cela ? Le fait que les producteurs ne m'aient pas libéré pour jouer dans Les Moissons du ciel ?" Il me l'a confirmé : " Oui. Il y a quelque chose dans le fonctionnement de la machine hollywoodienne qui me met dans un état de panique."

Mike Medavoy
Il m'a annoncé qu'il prenait une année sabbatique, puis une deuxième, puis une troisième. Il a fini par perdre la notion du temps. Quand je lui demandais pourquoi il ne faisait plus de films, il m'assurait vouloir passer à autre chose. Puis il s'est remarié, il a eu des enfants, et il s'est dit qu'il pourrait refaire de la mise en scène. Mais même lorsqu'il me remit le scénario de La Ligne rouge, je n'étais pas certain qu'il le réalisât.

Jack Fisk
En 1994, quand j'ai appris que Terry travaillait sur La Ligne rouge, j'ai eu peur qu'il cherche un autre décorateur. Je lui ai aussitôt envoyé un télégramme : "Je commence tout juste à me remettre du tournage des Moissons du ciel, j'aimerais bien retravailler avec toi."

Will Wallace
Acteur, beau-fils de Malick.
Lorsqu'il a commencé à préparer La Ligne rouge, tout le gratin des acteurs hollywoodiens - Kevin Costner, Ethan Hawke, Leonardo DiCaprio, Matthew McConaughey - s'est précipité chez Malick, à Austin, au Texas. Johnny Depp, Brad Pitt et Nicolas Cage lui ont téléphoné. Peu importait la longueur du rôle, ils voulaient faire partie de l'aventure. Durant les auditions, Malick passait de la musique classique en mettant le volume à fond. Les comédiens étaient perturbés, mais lui s'en moquait.

Elias Koteas
Acteur dans La Ligne rouge.

Durant le tournage, Malick nous avait prévenus que nous ne reconnaîtrions pas le film après le montage. Aucun de nous n'avait la moindre idée du film que nous étions en train de faire.

Nick Nolte
Acteur dans La Ligne rouge.

En général, lorsque Terry commençait à tourner une scène, il s'arrêtait au milieu. "Ce ne serait peut-être pas plus mal de la terminer la semaine prochaine, non ?", disait- il. Vers 17 ou 18 heures, au moment où le soleil devient orange, Terry s'écriait : "Et si on reprenait la scène de la semaine dernière ? La lumière ne sera pas raccord, mais ce n'est pas grave, elle est magnifique." J'imagine que si Terry avait prévenu les producteurs qu'il ne comptait tourner qu'entre 16 et 20 heures, on ne l'aurait jamais laissé faire. En laissant les scènes ouvertes, il obligeait les comédiens à inventer un moyen de les jouer différemment. Terry cherche à échapper à tout a priori. Il est en quête d'une forme d'inspiration divine. Aussi étrange que cela puisse paraître, je crois qu'il attend de son film qu'il lui dise de quoi il parle.

Adrian Brody
Acteur dans La Ligne rouge.

Les comédiens en ont bavé en raison des conditions de tournage très difficiles dans la jungle, en Australie, à porter un uniforme que personne ne se donnait la peine de nettoyer. Malick tenait à ce que mon visage exprime en permanence la peur. Il était d'autant plus exigeant avec moi qu'il était entendu que j'avais l'un des rôles principaux avec Nick Nolte et Sean Penn. J'ai tout donné, mais je n'ai rien reçu en échange. Lorsque je suis allé à la première du film, en 1998, à New York, avec mes parents, la rumeur m'annonçait comme la révélation du film. Il ne faut jamais croire une rumeur. Nous avons regardé le film : je n'y apparaissais en tout et pour tout que cinq minutes. Je n'ai pas reconnu l'histoire que j'avais lue dans le scénario, et qu'il me semblait avoir tournée. Malick avait complètement modifié son concept.

Pierre Lescure
Ancien patron de Canal+.

En 2003, il a failli produire un film de Malick sur Che Guevara, finalement réalisé par Steven Soderbergh.
J'ai rencontré Malick pour la première fois en 2001 chez Mike Medavoy, à Los Angeles. Le réalisateur des Moissons du ciel a débarqué avec son blazer bleu. Il avait l'air d'un professeur d'université à la retraite. Il s'est adressé directement à moi, en tant que patron de Canal+ et propriétaire du PSG : "Monsieur Lescure, il est fondamental que le Paris-Saint-Germain reste au Parc des Princes et ne déménage pas au Stade de France." Je suis tombé de ma chaise. Puis il a ajouté : "Le Parc des Princes est l'âme du PSG. S'installer au Stade de France reviendrait à dévoyer l'histoire de ce club." Malick m'a raconté qu'il avait habité à Paris, rue de Turbigo. Bien que ne parlant pas français, il le comprend, et se rend encore régulièrement en France.

Mike Medavoy
Je pense que La Ligne rouge est tout près d'être un chef-d'oeuvre. Bien après sa sortie, Terry estimait que le film souffrait de mettre en scène un trop grand nombre de personnages.

Pierre Lescure
Après avoir été viré de Canal+, j'envisageais de me lancer dans la production. Je suis entré en contact avec Steven Soderbergh, qui m'a parlé de son projet sur le Che. Un peu plus tard, il m'a rappelé pour m'informer que Malick, qui avait chroniqué le procès de Régis Debray pour le New Yorker, voulait participer à l'écriture du Che. Après une session de travail avec lui, Soderbergh m'a expliqué que Malick se sentait prêt à le réaliser. J'ai considéré cela comme une grande nouvelle. C'était en fait le début des ennuis. Malick voulait faire un film où la voix off serait prédominante. Cela me semblait inapproprié. Je lui ai expliqué que pour un public connaissant peu le Che, il serait important d'entendre sa voix. En 2004, trois jours avant de signer son contrat, Malick s'est retiré sans aucune explication, pour se lancer dans la réalisation du Nouveau Monde. Je crois, avec le recul, que l'obligation qu'il avait de partager le film avec Soderbergh et Benicio Del Toro était une aventure qu'il n'arrivait pas à vivre. Mes relations avec lui sont vite devenues tendues. Cet homme est incapable de transiger, ce qui est d'abord une qualité. Il est renfermé, parle peu, se montre susceptible. Il y a quelque chose d'étriqué chez lui, qui contraste avec ses films.

Emmanuel Lubezki
Directeur de la photo du Nouveau Monde et de The Tree of Life.

J'ai reçu un appel d'une personne me demandant si cela m'intéressait de rencontrer Terrence Malick. J'étais incroyablement excité. Nous avons parlé trois heures du Che et de la Bolivie. Je pensais que ce serait bien de tourner ce film avec une petite équipe dans des conditions de tournage modestes, en utilisant uniquement la lumière naturelle. Malick m'a rappelé le lendemain pour me demander si j'étais certain de vouloir filmer ainsi, je lui ai confirmé ma conviction, et là, il m'a dit que j'étais engagé. Le film ne s'est pas fait. Aucune compagnie d'assurances ne voulait couvrir un tournage en Bolivie, je crois. Terry m'a alors parlé d'un autre film, Le Nouveau Monde, dont il s'apprêtait à commencer les repérages en Virginie. Il m'a envoyé un texte d'une dizaine de pages sur le film. C'était d'une complexité incroyable et embrassait aussi bien l'histoire, l'écologie que la philosophie.

Thierry Frémaux
Délégué général du Festival de Cannes.

Depuis plusieurs années, il nous arrivait de nous retrouver à Los Angeles, Terry venant d'Austin et moi de France. Il me rejoignait au bar de mon hôtel, sans cérémonie. La première fois, je fus sidéré par sa conversation, sa volubilité, sa curiosité envers les autres, envers la France aussi. Je me souviens lui avoir demandé : "Pourquoi prenez-vous tant de temps entre deux films ?" "Parce qu'il faut que je retourne dans la vie, m'a-t-il répondu, sinon de quoi pourrais-je parler dans mes films ?"

Emmanuel Lubezki
Chacun des films de Malick est différent et pourtant visuellement très homogène. Cela vient des indications que nous donne Terry. Il pourrait être le chef opérateur de tous ses films, aussi bien que le monteur ou l'interprète. C'est l'homme-orchestre par excellence. J'ai mis plusieurs semaines à m'adapter à ses méthodes de travail. C'est le contraire de ce que l'on nous enseigne. En général, sur un plateau, on nous demande de nous imposer à notre environnement. Avec Terry, c'est l'inverse. Il recherche l'imprévu, s'adapte aux éléments extérieurs. C'est déstabilisant pour les acteurs. C'est aussi épuisant, tant nous sommes poussés à bout. Je crois que, si quelqu'un avait débarqué sur le plateau de The Tree of Life, il n'aurait rien compris à ce que nous faisions. Terry possède une culture hors du commun. Il est capable, par exemple, de reconnaître n'importe quel oiseau, rien qu'à son chant. Je me suis souvent demandé pourquoi il m'avait choisi. Rien dans mon travail ne me prédisposait à être son directeur de la photo. Je n'ai jamais osé lui demander.

Jack Fisk
Les méthodes de travail de Terry évoluent en permanence. Je croyais vraiment qu'après Les Moissons du ciel il réaliserait un film sans dialogues, tant il se montrait sévère avec ce qu'il écrivait. Le fait qu'il ne travaille désormais qu'à la lumière naturelle nous permet de nous dégager des contraintes habituelles d'un tournage. Mais la part la plus importante de son travail s'effectue lors du montage, auquel je ne participe pas. Il a beau être mon ami, il reste un mystère à mes yeux.

( source lemonde.fr )
Petite compilation d'interviews très sympatique dénichée par Kraham sur allociné ( merci à lui ! )

Dommage que ce cinéaste ne fasse pas plus d'adeptes ici
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » sam. mai 14, 2011 5:39 pm

Allociné sort un dossier super intéressant sur le cinéaste !

http://www.allocine.fr/article/dossiers ... -18591668/

Je le recopie histoire de le conserver ( au cas où il disparaîtrait du site ) :

Christian Viviani est Maître de conférence à l’Institut d’Histoire de l’Art et d’Archéologie - Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, et chargé de cours à Paris 4 (Histoire du cinéma italien). Il est depuis 1995 membre du comité de rédaction et coordinateur de l’incontournable revue de cinéma Positif


AlloCiné : quels sont les motifs qui traversent l’œuvre de Terrence Malick, depuis Badlands [La Balade Sauvage] jusqu’à aujourd’hui ? Vaste question, bien sûr…
Christian Viviani : Oui, et pour laquelle il faut aussi employer de grands mots, parce que Terrence Malick est, finalement, l’un des rares cinéastes contemporains qui requiert ce genre d’approche. Il y a deux aspects : l’un, très américain, est représenté par la présence de la terre américaine, ou de la terre américaine à travers ses représentants (comme dans La Ligne rouge), ou même via le souvenir de la terre américaine. Il y a quelque chose - je ne veux pas dire quelque chose de nationaliste, j’aurais l’impression de restreindre les choses… Mais disons que Malick est un cinéaste lié, d’une manière quasiment exceptionnelle maintenant, à sa propre culture nationale, et qui travaille dans le sens de sa propre culture. Puis, d'un autre côté, on trouve un aspect "transcendance", c’est-à-dire que tout ce que l’on voit, et même tout ce qui nous semble lié à la terre américaine, sert en réalité de tremplin pour basculer vers autre chose, vers un discours beaucoup plus universel, beaucoup plus humaniste, qui ne connaît pas de frontières. Voilà à peu près comment je le perçois.

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Est-ce parce qu’il est fortement lié aux mythes, à l’épopée nationale, qu'on parle de lui comme d'un cinéaste de l’épique ?
Je dirais qu’il est un cinéaste de l’épique tout simplement parce qu’il est un cinéaste américain. Cela peut sembler très simple, mais ça ne l’est pas autant qu’il y paraît. Malick appartient à cette catégorie de cinéastes que l’on a vus se mettre en place à l’origine de l’histoire du cinéma américain, c’est-à-dire à l’origine de l’histoire du cinéma tout court. Je pense à D.W. Griffith, à John Ford, des gens comme ça. Dans ses contours les plus réalistes, c’est une œuvre qui est donc liée à la terre américaine, et qui exerce à ce titre - là je me place du point de vue du spectateur non-américain - un attrait exotique très fort, comme ont pu l’avoir les films de Ford ou de quelques grandes pointures comme Raoul Walsh. Mais, exactement comme Walsh, Ford ou Griffith (et en cela il est complètement américain), c’est un bâtisseur de mythes, d’icônes, il développe un discours totalement universel qui est pour moi l’explication de ce que j’appellerais la prévalence du modèle américain dans le cinéma. On peut toujours couper les cheveux en quatre, développer un grand discours d’ordre politique en parlant d’ « hégémonie commerciale » du cinéma américain... Bien sûr cela existe, mais les Américains n’auraient jamais eu les résultats qu’ils ont eus s’il n’y avait pas, au départ, une pensée philosophique, une volonté artistique qui était, elle, universelle, probablement peu structurée par rapport à ce qui se passait en Europe à ce moment-là, mais quand même probablement bien plus réfléchie qu’on ne l’a dit. La prévalence du cinéma américain n’aurait jamais pu avoir lieu s’il n’y avait pas eu des artistes au départ. Et Malick est de cette espèce-là.


Ils sont nombreux à avoir sombré en voulant s’attaquer à l’universel, au mythe, et à avoir au final réalisé des films grandiloquents, boursouflés. Comment Malick parvient-il à éviter cela ?
[Il y parvient] parce qu’il est hors mode, parce qu’il est hors du contemporain. Si l’on prend Badlands, pour commencer, c’est un schéma classique utilisé mille fois dans le cinéma américain, celui du couple en fuite. On a un décalage dans le passé puisque le film ne se passe pas à l’époque où il a été tourné ; un très léger décalage, mais qui suffit à nous arracher aux côtés les plus "plan-plan", les plus terre-à-terre qui peuvent parfois alourdir certains discours. Un bon équivalent, ce serait Paul Thomas Anderson : je pense à There Will Be Blood, qui est sans doute l’une des rares œuvres comparables à la démarche de Malick, et qui fonctionne également sur ce décalage. Puis il y a une approche totalement désinhibée de la recherche de la beauté. Malick est quelqu’un qui recherche le Beau, le Beau au sens ancien, celui qu’il pouvait avoir pour les artistes de la Renaissance par exemple ; l’équilibre, entre le ciel et la terre, entre l’ombre et la lumière, entre une couleur et une autre, la grâce de la posture d’un acteur, soit des questions qui pour d’autres cinéastes, plus ancrés dans leur temps, sont très souvent secondaires parce que l’action prime. Certes, ils peuvent être de très bons et brillants cinéastes, mais le fait est là, on constate une intensification du tempo dans le cinéma américain contemporain. C’est tout à fait normal, je ne dis pas cela pour regretter l’époque où l'on prenait plus de temps. Dans l’histoire du cinéma américain il y a des périodes comme cela, qui se caractérisent aussi par la durée des films. Les films des années 1930 étaient très rapides et très courts, puis dans les années 1940-50 on a fait des choses beaucoup plus longues. Aujourd’hui on revient à quelque chose qui est à la fois long et rapide ; on a un montage très rapide, mais des films qui sont beaucoup plus longs qu’ils ne l’étaient. La raison d’être de San Francisco en 1936, c’est le tremblement de terre, lequel est expédié en une minute et demie, éblouissante certes, mais une minute et demie… Aujourd’hui, cela durerait le film entier. On n’imaginerait pas un film portant sur un tremblement de terre qui expédierait la chose en une minute et demie !


Les films de Malick épousent un rythme particulier (notamment ses deux derniers, beaucoup plus longs, sans même parler des versions longues ou des premiers cuts), très différent de cette accélération généralisée, mais ils s’inscrivent donc aussi dans cette tendance à dilater le temps que vous évoquez ?
Oui, je le pense, parce que même Badlands, qui est le plus bref de ses films, est plus court parce que son argument est très simple, qu’il peut être réduit à quelques lignes. Mais si vous isolez certaines scènes, vous vous apercevez qu’effectivement, Malick prend son temps. Certaines scènes sont très longues. C’est particulièrement évident dans La Ligne rouge, un film de guerre qui devrait pétarader à n’en plus finir et qui n’est pas cela, qui s’intéresse à d’autres détails dans les scènes de guerre. Il y a un goût du détail, presque de la nature morte ou de l’exaltation des paysages qui inscrit Malick dans une grande tradition picturale américaine, chose qui n’est pas propre aux cinéastes américains contemporains.


Le tout Hollywood se battait pour jouer dans La Ligne rouge (avant d’être souvent coupé au montage…), chef-d’œuvre reconnu qui n’a cependant reçu aucun oscar, confronté au Soldat Ryan (et à… Shakespeare in Love). Quelle est exactement la place d’un Malick dans le panthéon cinématographique américain ?
Il est ce qu’on pourrait appeler un outsider. Il y en a toujours eu dans l’histoire du cinéma américain. Ils ont toujours attiré comme des aimants la crème hollywoodienne, parce que c'est un plaisir, parce que c'est valorisant de jouer dans des films dont on sait qu’ils ne rapporteront pas d’argent, mais qui vous satisfont à un niveau personnel ou artistique. C’est ce qui se passait avec Robert Altman par exemple. Les acteurs se battaient pour jouer avec Altman, alors que très peu de ses films ont été des succès commerciaux. Stanley Kubrick est un cas un petit peu différent. Mais dans le cas de Malick, notre homme est aussi, bien que de manière assez discrète et extrêmement subtile, un showman, un homme de spectacle. Il a donc très bien su se mettre en scène, disparaître ainsi de la circulation, s’isoler dans le silence, refuser qu’on le photographie, etc. ; bref créer sa propre légende. Evidemment si cela s’appuyait sur un cinéma profondément banal, cette mise en scène serait complètement inutile, mais en l’occurrence elle sert totalement le propos. Bien entendu cela lui ouvre les portes d’une certaine manière, même du point de vue budgétaire. [Ses films appartiennent à] ces productions qui, là aussi, existent depuis très longtemps et dont les grands pontes hollywoodiens savent qu’il faut les faire, même s’ils ne rapportent pas d’argent. C’était le grand discours d’Irving Thalberg à la fin des années 1920 et au début des années 1930.



On évoque souvent sa formation de philosophe, la prégnance de la pensée philosophique dans son cinéma. Qu’en est-il des références littéraires, puisque Malick est également auteur/scénariste de ses films ?
Ce rythme très particulier - je ne veux pas utiliser le mot lenteur… ce rythme très particulier des films de Malick est la transcription cinématographique et assez peu hollywoodienne de certains procédés littéraires, comme la description par exemple. La description qui, évidemment, même chez Balzac, n’est pas un simple catalogue, et derrière laquelle il faut voir autre chose. C’est exactement ce qui se passe avec l’œuvre de Malick. On sait qu’il s’intéresse également au théâtre, qu’il y a fait quelques incursions, une mise en scène de L'Intendant Sansho, inspirée notamment du classique de Mizoguchi. Si l’on pense à un film comme Les Moissons du ciel, on y trouve des références littéraires absolument évidentes, qu’il s’agisse de Faulkner, d’Hemingway, de Steinbeck, toute cette littérature qui est partie de l’Amérique en crise, avec cette redécouverte du monde rural. Et comme pour mieux souligner l’origine littéraire de la chose, Malick a recours extrêmement souvent à un commentaire, très écrit, qui entre pour beaucoup dans cette gestion très personnelle de la durée. Cela crée une relation très particulière avec le spectateur : le commentaire introduit à la fois une distance et une intimité, puisqu’en général c’est l’un des personnages qui parle, mais pas toujours celui qu’on attendait. Dans Les Moissons du ciel par exemple, c’est la petite fille qui commente toute l’ histoire. Il est évident qu'il s'agit d'un procédé littéraire.



Comme le trahit le titre original des Moissons du ciel [Days of Heaven], on retrouve également des références bibliques et mythologiques, et plus largement un certain mysticisme, ou du moins la présence d’une transcendance, dans la façon dont Malick montre par exemple la Nature, face à la civilisation…

Il y a certainement de cela, mais aussi tout un courant philosophique propre à l’Amérique, lié à un rapport quasi mystique à la Nature. Ce sont Walt Whitman, Thoreau, Emerson, des figures littéraires et philosophiques de cet ordre-là, que l’on retrouve également chez les grands peintres paysagistes américains. Malick s’inscrit dans cette pensée-là, et, chose toujours extrêmement intéressante, il parvient à cette espèce d’exaltation mystique au travers de personnages qui ne sont jamais de purs héros ou des saints, qui sont même souvent des personnages troubles, déchirés, des criminels, etc. Il y a donc là une approche à mon sens très américaine, que l’on peut même retrouver ailleurs dans certains grands films. On peut faire des rapprochements avec Arthur Penn [réalisateur, entre autres, de Bonnie and Clyde quelques années avant Badlands], avec Sam Peckinpah [dont Malick employa l'un des acteurs fétiches, Warren Oates, dans Badlands], ou en remontant plus loin avec King Vidor, ce genre de cinéastes.

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John F. Peto, Letter Rack on Black (1895)

Comment décrire sa démarche esthétique, cette immédiateté, cette façon de s’adresser aux sens pour transmettre un discours intellectuellement mûri, mais très sensoriel et non intellectualisant ?

Il faut encore en revenir à son inscription dans de grandes tendances de la culture américaine. La peinture américaine, que l’on peut qualifier très globalement de réaliste, est une peinture qui balance continuellement entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, et déjà ce balancement est porteur de sens, de transcendance. Vous avez par exemple toute une série de peintres qui travaillent sur une manière de repenser la tradition de la nature morte ; je pense à des peintres comme John F. Peto par exemple, qui reproduisent avec un œil quasiment photographique un tableau sur lequel on a épinglé des choses, avec des traces de punaises, des éraflures, ou une arme à feu, rendue avec une précision maniaque… De l’autre côté, vous avez les grands peintres de l’Ouest, les Charles Marion Russell, Frederic Remington et autres qui ont également inspiré John Ford, et qui, eux aussi, sont dans ce discours articulé autour de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. L’une des caractéristiques que l’on retrouve dans le cinéma de Malick, mais aussi chez tous les membres de la "famille" dans laquelle il vient se placer, ce sont ces personnages très petits à l’intérieur d’un paysage immense. Cela a même abouti, vers la seconde moitié du XIXème siècle, à toute une tendance de la peinture américaine qui a laissé des traces très fortes dans le cinéma : le luminisme, où la trace humaine disparaît, et ne reste que le paysage. Le rapport à l’eau, la manière dont se déploie le paysage dans les plans de Malick… On peut évidemment en retrouver la trace chez les grands peintres luministes américains de la seconde moitié du XIXème siècle. Ce que je veux dire par là, c’est que Malick nous paraît tout à fait unique maintenant - et il l’est. Mais en même temps, s’il était né quarante ou cinquante ans plus tôt, il se serait trouvé avec d’autres cinéastes et artistes qui étaient dans la même mouvance, la même pensée. Je pense, encore une fois, à Ford ou à des gens comme lui.


Est-ce qu’on peut parler d'obsessions dans sa manière de filmer (par exemple ces contre-plongées qui capturent une lumière tamisée par les feuilles des arbres) ?
Oui, et c’est un peu normal. Tous les grands artistes, tous les grands esthètes sont des obsédés ; l’art comporte une dimension ressassement. Ou plutôt, si on le saisit comme ressassement, c’est qu’il y a lassitude, perte d’inspiration. Mais quand il n'est pas perçu ainsi, on est vraiment dans un discours artistique au sein duquel, en effet, des éléments reviennent de manière très régulière. Malick emploie des chefs opérateurs extrêmement différents. Mais même avec quelqu’un d’aussi identifié que Néstor Almendros par exemple [directeur photo oscarisé des Moissons du ciel, devenu progressivement aveugle en cours de tournage], il y a une lumière qui est autant, et peut-être même plus, la lumière de Malick que celle d’Almendros [le cinéaste tourna une bonne partie des plans durant "l'heure bleue" ou golden hour].


Puisqu’on parle de leitmotive, quelle fonction joue la musique dans ses films, comment s’en sert-il ?
Elle casse l’attente, en fait. Je sais que c’est l’un des aspects les plus contestés de Malick, qu’il y a de grands admirateurs de Malick qui souhaiteraient qu’il fasse uniquement appel à des compositions originales, et n’use pas de ce patchwork un peu à la Kubrick qu’il préfère en général. Je ne me lancerai pas là-dedans, cela ne me gêne pas particulièrement et j’en comprends tout à fait le sens : Malick casse l’attente, et ce faisant il invite évidemment le spectateur à aller au-delà des images, à entrer dans ce trip transcendant qui fonde sa démarche. S’il utilise Erik Satie ou Gabriel Fauré sur des images où il pourrait tout à fait se servir de Jerry Goldsmith ou John Williams, c’est que Jerry Goldsmith ou John Williams (de très bons musiciens) entrent dans le cadre d’un programme de musique pour le cinéma. Et si Malick trompe l’attente et place du Satie ou du Fauré à ces moments-là, il introduit un léger déséquilibre chez le spectateur. Cette instabilité pousse, je crois, le spectateur là où il cherche à le mener : il y a des images, la beauté de l’éclairage, des personnages auxquels vous vous attachez, mais ne vous laissez pas avoir par tout cela, et cherchez ce qu’il y a derrière.


Que sait-on de sa manière de travailler ? S’il emploie différents chefs opérateurs, il a également quelques collaborateurs attitrés comme le chef décorateur Jack Fisk. Par ailleurs, on balance à son sujet entre deux clichés, celui du cinéaste autoritariste, et celui de l’illuminé qui part filmer des oiseaux pendant des heures en plein tournage de La Ligne rouge. Quel réalisateur est-il vraiment, sur un plateau ?
Probablement un peu des deux. Qu’il soit autoritaire, cela me semble certain et inévitable. Le grand cinéaste est une figure d’autorité. Cette autorité peut être plus ou moins bienveillante, ou se faire tyrannie. Le grand cinéaste est comme ça, il impose sa manière de voir. Mais Malick est aussi illuminé, il a un côté enfantin dans lequel j’inclus cet aspect illuminé ou fasciné. Ici aussi, il existe une manière de cliché dans lequel il ne tombe pas : avec une thématique personnelle aussi fortement affirmée, un refus de certaines conventions hollywoodiennes, le côté somme toute non spectaculaire de ses films, on pourrait très bien imaginer que Malick tourne ses films sans acteurs connus. Et pourtant, non : il recherche des acteurs affirmés, connus, qui amènent avec eux leur passé, leur image, leur vécu, qui permettent au spectateur de projeter un certain nombre de choses. En cela, il fait montre à la fois d’une connaissance et d’une fascination de l’acteur qui a quelque chose d’enfantin. Il est toujours prêt à se laisser émerveiller, en fait.


Peut-on aussi parler d’une part de "cynisme raisonnable", comme chez Kubrick ? On imagine que Terrence Malick sait parfaitement qu’il faut appâter le public pour que ce dernier vienne voir des films qu’il n’irait peut-être pas voir sinon, même si cet aspect cadre moins avec la légende qu’on a bâtie autour de lui...
Je pense que cet aspect existe, bien sûr. Les grands cinéastes hollywoodiens ne perdent jamais cela de vue. N’oublions pas que dans l’histoire du cinéma hollywoodien, le culte de l’acteur, même s’il est souvent un esclavage doré, a précédé celui du metteur en scène. Il en reste donc toujours quelque chose : même s’il ne s’inscrit pas dans le star system, un cinéaste américain en a au moins la perception ou le souvenir. Il ne peut donc pas échapper à cela. Par ailleurs, indépendamment du calcul commercial, on voit bien que les acteurs ne sont pas uniquement choisis pour la valeur économique de leur nom, mais que cette valeur doit être assortie d’une harmonie avec le rôle, d’une photogénie et d’un talent bien particuliers. Je ne pense pas qu’on puisse parler de cynisme, mais plutôt d’une soumission à certaines règles du jeu - pas à toutes, mais à certaines.

Il existe de nombreux cas de « disparition » ou d’effacement derrière une œuvre, en littérature notamment - comme celui de Maurice Blanchot pour citer un exemple connu. Mais les choses semblent différentes pour un homme de l’image : a-t-on quelques pistes pour expliquer l’absence de Malick aux yeux du monde, ou encore son éclipse de vingt ans (sans qu'il paraisse avoir pour autant rompu avec le milieu) ?
Je ne sais pas, cela a peut-être à voir avec sa psychologie. Malick est quelqu’un qu’on a très peu approché, et dont on sait relativement peu de choses. Même ses acteurs parlent peu du fond de sa personnalité. Est-il timide, est-il réservé… On ne sait pas vraiment. Peut-être l’explication est-elle aussi bête que cela. Peut-être est-ce quelqu’un qui n’aime simplement pas être dans la lumière. Mais par ailleurs, chacun de ses films témoigne à un niveau tel de sa volonté et de son choix de cinéaste, qu’il est parfaitement légitime que Malick pense la chose suivante : "ce qu’ils doivent savoir de moi, je le leur fais savoir dans mes films. Ils n’ont pas besoin de savoir autre chose."


Comment est-il revenu – non pas matériellement, puisque les contacts étaient toujours là et qu’il aurait toujours eu des projets, comme le fameux Q - : La Ligne rouge marque-t-elle une rupture ou la reprise d’une œuvre ? Y-a-t-il en somme une première et une seconde manière, ou bien Malick a-t-il repris les choses là où ils les avaient laissées ?
Je crois qu’il a repris là où il s’était arrêté, avec un élément supplémentaire qu’il a peut-être géré par ce silence : tout à coup la dimension épique, déjà très évidente dès Badlands, peut, dans un film comme Le Nouveau monde, se déployer et prendre une envergure qu’elle n’a jamais eu auparavant. Et cela il le doit, soudain, aux acteurs qu’il attire, lesquels entraînent des budgets en conséquence, et cela se traduit par un souffle de plus en plus ample, de plus en plus vaste. Ce en quoi Malick est tout à fait remarquable, c’est qu’il continue à gérer tout cela comme il le faisait quand, dans Les Moissons du ciel, il faisait jouer Richard Gere, qui n’était pas connu à l’époque - ou encore Martin Sheen, lui aussi inconnu au moment de Badlands.


Sait-on à quoi ont ressemblé ses débuts comme scénariste [avec notamment une version préliminaire du script de Dirty Harry] ? A-t-on une idée du Malick scénariste d'avant Badlands ?
C’est très difficile de savoir. L’un des rares films où il est mentionné de manière parfaitement nette au générique, c’est Les Indésirables de Stuart Rosenberg, et cela ne lui ressemble pas beaucoup… Ça ne lui ressemble pas du tout, même, bien que Paul Newman et Lee Marvin soient des acteurs qu’il aurait tout à fait pu intégrer dans son discours, quelques années plus tard. Il serait absolument passionnant de voir émerger un jour les versions initiales de ses scénarii. Mais tels qu’on connaît ces films et en l’absence de ces documents, il est difficile de porter un jugement, à cause de cette méthode de travail typique du cinéma hollywoodien qui consiste à faire écrire plusieurs versions du scénario. Que reste-t-il de la vision de Malick dans L'Inspecteur Harry ? C’est difficile à savoir, particulièrement dans le cas de ce scénario qui est passé par énormément de versions, de réalisateurs, de scénaristes, etc.

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Pourquoi Malick semble-t-il aujourd’hui "pressé" ? Même s’il ne fait pas un film par an, on observe une certaine accélération de la cadence ["seulement" 5 ans entre les sorties du Nouveau monde et de The Tree of Life, achevé depuis un moment, tandis que l’opus suivant, encore sans titre, est déjà en post-production]. Ressent-on chez lui si ce n'est un sentiment d’urgence, du moins l'impression de ne pas avoir assez filmé ?
Là aussi on en reste aux spéculations. Mais néanmoins, je trouve que quelque chose se dégage, et en cela on peut parler d’une évolution, sinon d’une rupture, à partir de La Ligne rouge : au-delà des thèmes, de la tonalité des films, il y a quelque chose que Malick partage beaucoup plus qu’il ne le faisait du temps des Moissons du ciel ou de Badlands, l’enthousiasme et le plaisir de filmer, c’est-à-dire quelque chose de très communicatif. Tout d’un coup quand un paysage se déploie sous nos yeux ou quand une couleur vibre, on ressent probablement la même excitation qu’il a pu ressentir à ce moment-là. Cela, Malick le communique magnifiquement, alors que, bien qu’il s’agisse de films que j’admire énormément, je trouve que les deux premiers ont quelque chose de plus réservé, de plus froid. Les réticences de certains à l’égard du Nouveau monde viennent de là, en réalité. Certains ont reproché à Malick de tomber dans une certaine mièvrerie. Je ne pense pas du tout qu’il s’agisse de mièvrerie, mais tout simplement d’une émotion sincère qu’il est de plus en plus à même de faire partager. L’apport de ces dernières années, qui explique peut-être l’intensification de son rythme de tournage, c’est pour moi le côté palpable de l’enthousiasme de filmer.


Malick s’est fait plus ouvertement lyrique…
Complètement, oui, il assume son lyrisme. Mais en même temps, ce qui fait la beauté des Moissons du ciel ou de Badlands, c’est justement l’aspect réprimé de ce lyrisme.

Au-delà de cet aspect lyrique, peut-on déjà se faire une idée de son influence, par exemple sur un cinéaste qu’il a lui-même dirigé en tant qu’acteur, Sean Penn (ce n’est peut-être pas un hasard s’il travaille une seconde fois avec lui), dans The Pledge ou Into The Wild (où est mentionné Thoreau) ? A-t-il des émules, des héritiers, à l'instar du Paul Thomas Anderson* de There Will Be Blood que vous évoquiez ?
Oui. Je ne sais pas si l’on peut vraiment parler d’héritiers ou d’émules, mais en tout cas on sent très bien que Malick "est passé par là". Vous l’évoquiez dans The Pledge, pas seulement pour l’aspect visuel, mais peut-être encore pour ce qui est du rythme. Je crois que Malick a rendu tout d’un coup possible des films comme There Will Be Blood, c’est-à-dire des films qui ne sacrifient plus à ce diktat du rythme rapide qui est le propre du cinéma américain contemporain. Il y a un nouveau tempo, je dirais, que l’on retrouve chez Sean Penn cinéaste, chez Paul Thomas Anderson au moins dans ce film, et l’on pourrait vraisemblablement trouver d’autres cas, qui ont probablement été inspirés par l’exemple de Terrence Malick.



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Christian Viviani

Maître de conférence à l’Institut d’Histoire de l’Art et d’Archéologie - Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, également chargé de cours à Paris 4 (Histoire du cinéma italien).
Membre du comité de rédaction et coordinateur de Positif, revue de cinéma, depuis 1995.


Bibliographie sélective (outre les participations à des ouvrages collectifs, dictionnaires, colloques…) :

Ouvrages
Audrey Hepburn, la grâce et la compassion, avec Michel Cieutat, Scope éditions, Paris 2009.
Les grands réalisateurs, avec Jean A. Gili, Daniel Sauvaget et Charles Tesson, Larousse, Paris 2006.
Pacino/De Niro, Regards croisés, avec Michel Cieutat, 3ème édition, Nouveau Monde Editions, Paris 2005.
Lubitsch, avec N.T. Binh, Rivages Cinéma, Paris 1992 (Prix du meilleur livre de cinéma, Syndicat Français de la Critique de cinéma, 1992).
Coppola, avec Jean-Paul Chaillet, Rivages Cinéma, Paris 1987.
Frank Capra, Editions des Quatre Vents, Paris 1988.
Les séducteurs du cinéma américain, Editions Henri Veyrier, Paris 1987.
Le Western, Editions Henri Veyrier, Paris, 1982.


Direction d’ouvrages collectifs

Le Costume au cinéma, Cinémaction, à paraître en 2012.
Larousse mondial du cinéma, Larousse, Paris, 2010.
Hollywood, Connections françaises, Nouveau Monde Editions, Paris 2007.
L’acteur de cinéma : Approches plurielles (avec Vincent Amiel, Jacqueline Nacache et Geneviève Sellier), presses universitaires de Rennes, 2007.
Création et direction de la collection intitulée Jeux d’acteurs (avec Scope Editions).
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. mai 18, 2011 11:53 pm

Je continue avec ce topic - qui n'intéresse personne d'autre que moi , même les fans de Malick préfèrent poster ailleurs sur le forum mais c'est pas grave - je vais faire en sorte qu'il devienne une sorte de dossier complet sur le cinéaste ; ces derniers jours beaucoup de choses fleurissent sur le net, et même certains sites web qui m'avaient échappé, sans doute remis en évidence dans le contexte du film récent. Je vous en fais profiter mais je rappèle aussi le topic d'Am Stram Gram sur allociné qui constitue aussi une excellente approche du cinéaste et de ses films, avec des liens sympa ( et contrairement à ici, un vrai débat ^^ ) :

http://www.allocine.fr/communaute/forum/message_gen_nofil=695087&cfilm=&refpersonne=&carticle=&refserie=&refmedia=.html

Pour enchainer donc, je poste un texte synthèse trouvé sur le site critikat.com , l'auteur s'appèle Romain Genissel )
Source )


L'esthète romantique


À l’instar d’un Thomas Pynchon pour la littérature ou d’un Stanley Kubrick pour le cinéma, la figure de Terrence Malick demeure une énigme pour quiconque a été illuminé par son cinéma et la personnalité qui s’y masque. Auteur de quatre films en près de quarante ans, Terrence Malick est rapidement devenu un réalisateur culte de par ses apparitions sporadiques et sa position originale dans le cinéma hollywoodien. Refusant de dévoiler son image aux médias et d’accorder toute forme d’entretien avec la presse spécialisée, Malick cultive à jamais l’aura qui embaume son œuvre sublime et exceptionnelle. Son édifice cinématographique est à ce jour constitué de quatre films qui, reliés a posteriori par deux, sont traversés par une absence des plus énigmatique. Ainsi, entre Les Moissons du ciel (Days of Heaven, 1978) et La Ligne rouge (The Thin Red Line, 1998), Terrence Malick s’est arrêté de réaliser et a déserté le cinéma pour semble t-il voyager, visiter les musées et développer quelques projets inaboutis. De cette disparition longue de vingt ans, un mythe s’est alors emparé de sa personne et une mélancolie a figé la beauté de ses deux poèmes enchanteurs que sont La Balade sauvage (Badlands, 1973) et Les Moissons du ciel.


Ainsi lorsque Michel Ciment dans son texte fondateur « Le Jardin de Terrence Malick » publiée dans la revue Positif (seule revue qui a pu s’entretenir avec le cinéaste et l’a finalement toujours soutenu) évoquait à l’époque des Moissons du ciel « une Œuvre où chaque élément (dialogue, musique, image, son, commentaire, acteurs…) se retrouvait dans un rapport d’équilibre interne sous le contrôle d’une mise en scène totalisante ». , il ne pouvait se douter que son intuition résonnerait davantage, deux décennies plus tard, face à la grandeur épique de La Ligne rouge et du Nouveau Monde (The New World, 2005). Car le réalisateur qui réapparaît au cinéma en 1998 a ceci d’original qu’il est tout autre mais en même temps ce même créateur travaillé par des préoccupations tenaces. Des préoccupations qui cette fois-ci élargissent les échelles, bouleversent les repères et ouvrent à un ton méditatif que l’on jugera plus profond que jamais.

Terrence Malick, on le sait, est un intellectuel brillant formé à Harvard et Oxford qui a débuté dans le journalisme avant de se consacrer au domaine de la philosophie. Élève du philosophe Stanley Cavell, il est très vite devenu professeur à la « Massachusetts Institute of Technology » avant de traduire en anglais « L’essence du fondement » de Heidegger. Et comme le souligne bien Marc Cerisuelo : « Que le philosophe soit devenu cinéaste ne renvoie pas à un quelconque changement d’orientation, car il est bien resté philosophe. Malick est d’évidence cinéaste de la nature. » De ce fait, la formation philosophique de Malick va jouer un rôle majeur et constituer le ciment d’un cinéma qui ne réduit pas le monde dans une forme clôturée mais ouvre à une méditation profonde (et souvent opaque) sur l’essence dualiste de la nature.

Ainsi, l’esthétique des films de Terrence Malick implique toujours un point de vue qui pénètre la nature comme dans un songe et cherche constamment à nouer une relation neuve (originelle) à son contact. Focalisé sur les phénomènes perceptifs qu’offre la beauté de la nature à l’œil étranger, le regard de Malick questionne l’environnement alentour et sonde de façon obsessionnelle les pures manifestations du cosmos. Il est alors, comme le dit Lawrence à propos de Melville, « plus séduit pas les étranges glissements et collisions de la matière que les actions de l’homme ». Véritable âme romantique, le cinéaste n’a de cesse de vouloir méditer face à la grande demeure naturelle en refondant ce que l’on pourrait appeler un regard de l’aube. Ainsi, la dimension spirituelle de ce cinéma totalement dévolu aux splendeurs qui habitent le temple naturel renoue avec toute une tradition de la culture américaine qui voit en l’Ouest, un paradis irradiant et pour le dire autrement le Jardin de Dieu. Un Jardin enchanteur, aux dimensions infinies, dont il faudra comprendre dès l’origine sa beauté étrangère et prendre acte, au fil du récit, de sa Chute, sa perte irrémédiable. Une tristesse éminemment élégiaque que porteront physiquement les personnages de Malick dans leurs déambulations solitaires et en eux-mêmes, au fond de leurs âmes mélancoliques.

Transcendantal Malick


Il est évident, et les exégètes l’ont remarqué dès ses débuts, que Terrence Malick appartient et se réfère constamment aux arts et aux lettres qui ont fondé l’authentique culture américaine au milieu du 19e siècle. Et pour saisir pleinement les enjeux d’un cinéma qui laisse parfois étranger ceux qui se contentent de la pure surface, il apparaît primordial de connaître le fondement de cet héritage culturel. Car la vision de l’œuvre de Terrence Malick ne peut se suffire à elle-même si elle n’est pas traduite et repensée par le biais des écrits du philosophe Ralph Waldo Emerson, des poètes Henry David Thoreau et Walt Whitman mais aussi des peintres de l’« Hudson River School » que sont Thomas Cole ou encore Albert Bierstadt. Des références diverses et multiples mais qui convergent tous à leur manière vers une même quête d’infini et trouvent leur matière à travers cette croyance commune dans la beauté secrète de la nature. Ainsi, le transcendantalisme américain fonde son identité par le biais d’un rapport idéal avec le monde qui l’environne et parvient à « devenir » lors de phases de contemplation où son esprit se connecte de manière absolue avec l’univers. On accède alors à l’état transcendantal lorsque la nature fait signe à l’esprit qui s’y recueille, pour mieux s’y éveiller. De ce dialogue imaginaire naît une relation particulière où l’âme de celui qui observe est transportée et s’élève, comme dans un songe, au cœur de splendeurs jaillissantes.

Cette volonté de saisir l’apparition sacrée dans la nature parcourt ainsi touts les pages de l’expérience Walden qu’a vécue le jeune Thoreau au plus profond de la nature sauvage et sur les bords d’un lac métamorphosé par le cours des saisons. Ainsi, ce qui ressort finalement de la méditation de Walden, et qui convient si bien au cinéma de Malick, c’est l’idée de la disparition physique de l’homme derrière le ballet perpétuel d’un cosmos irradiant et transcendant. La pure contemplation se substitue alors à la vie en société et le regard de Thoreau embrassant les glissements uns de la faune et de la flore, se pose tel un illuminé conquis la cosmogonie. Ce désir d’union avec le fond qui habite le décor sauvage de la nature sied parfaitement à l’esthétique de Malick et apparaît même comme son vecteur, sa dynamique essentiel(le). Et le sage Emerson, auteur de l’essai et manifeste transcendantaliste Nature, a semble t-il touché du doigt ce fondement lorsqu’il écrit : « Debout sur le sol dénudé, la tête baignée par l’air vif, transporté par l’espace infini, tout égoïsme mesquin disparaît. Je deviens un globe oculaire transparent, je ne suis rien, je vois tout ; les courants de l’être universel circulent à travers moi, je fais partie intégrante de Dieu. »

De fait, cette religion qui se pratique à ciel ouvert et au sein d’une nature aurorale a bel et bien une dimension métaphysique prégnante que le cinéma de Malick a toujours rendu compte. Le projet méditatif de Malick est envisagé de telle sorte que le film ne cessera de nouer des relations entre la nature et l’homme et de proposer des rapports originaux entre le Cosmos et la Culture. L’approche du réalisateur a ceci d’original qu’elle offre toujours à voir des conflits fondamentaux au cœur de la nature (en général) et invite à faire siennes des questions toujours laissées en suspens.

Dès lors, les films de Malick stigmatisent des moments emblématiques où l’homme s’est détourné du bien que peut représenter une vie en accord avec la nature et s’est vu transformé cette dernière en l’objet de ses désirs individuels et matériels. En ne considérant plus la nature comme une réalité vivante et le symbole supérieur d’une création divine, les hommes, et plus sensiblement la race blanche, se sont ainsi autoédifiés comme maître et possesseur de l’univers. En cela, Terrence Malick appartient à toute une lignée d’artistes romantiques qui ont vu en la marche de la civilisation les signes annonciateurs d’une défaite, de la perte irrémédiable d’une nature bientôt domestiquée et à jamais transformée. Cette perte est stigmatisée chez Malick à travers toutes les images de souillure et de conflits qui traversent tous ses films. Déclinés à l’infini, les plans symboliques et métonymiques où la nature est heurtée, brûlée et finalement défaite par la main de l’homme, résultent toujours de l’idée du péché originel et renvoient constamment au crépuscule de l’Ancien Monde.

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L'expulsion du Jardin d'Éden ( par Thomas Cole )

Dès lors, la question de la perte de l’Amérique, en rapport avec la forme élégiaque du cinéma de Malick, doit être mis en correspondance avec le tableau de Thomas Cole intitulé Expulsion of the Garden of Eden. Véritable pionnier de l’« Hudson River School », Thomas Cole peint à travers cette fresque la minuscule figure d’hommes repoussés par une lumière pure et ineffable qui symbolise la porte d’un paradis où la végétation demeure luxuriante et sauvage. Les hommes sont ici expulsés vers un monde infernal où le ciel est voilé par de sombres ténèbres et où la végétation apparaît comme décomposée, inerte. Ainsi, le tableau de Cole figure un monde divisé en deux entités, un univers brisé de manière symbolique par cette montagne impénétrable qui repousse les hommes du paradis. L’antagonisme que peint Cole et exprime une vision pessimiste concernant le devenir de l’homme (voir aussi la série Course of Empire), rejoint alors cette idée d’une fracture insurmontable entre le devenir contingent de l’homme et un paradis auquel l’humanité ne peut plus accéder. Et l’architecture des films de Malick repose elle aussi sur une forme divisée, un principe fragmentaire entre les formes sereines d’un cosmos qui, imperturbable à la débâcle des hommes, se caractérise par sa vitalité permanente. À l’écart du continuum spatio-temporel dans lequel les hommes existent et sont représentés comme des mondes en soi, les multiples formes de la nature capturées dans leur être-là invitent toujours à entendre une harmonie sereine et la pérennité d’un ordre. Le statut accordé à ces détails qui sont capturés dans le cosmos et replacés dans le courant du film en tant que fragments nous les montre alors comme directement isolés du conflit que se livrent les hommes entre eux. Il apparaîtra alors que l’origine de la division entre la nature et l’homme commence à partir de tous ces moments où les formes diverses d’une même nature sont représentés comme des digressions prégnantes qui régissent tout le montage dialectique et la forme méditative à l’œuvre du cinéma de Malick.

La Balade sauvage ou des débuts « On the road »

Les débuts de Malick commencent en 1973 avec La Balade sauvage, fable fortement inspirée de Bonnie and Clyde (Arthur Penn, 1967) et retraçant l’errance de deux adolescents criminels que sont les tout jeunes Kit (Martin Sheen) et Holly (Sissy Spacek). Digne représentant du cinéma américain des années 1970 et d’une contre culture qui bat de l’aile, La Balade sauvage semble être un cauchemar enchanteur, un conte sanglant qui épingle la fin de l’innocence pour ce jeune couple de hors-la-loi. L’histoire relate ainsi le parcours d’un jeune rebelle fasciné par la figure de James Dean qui va prendre sous son aile une adolescente au visage virginal et à l’esprit fantaisiste. Afin d’accaparer pleinement le cœur de la florale Holly, Kit va pénétrer sa demeure familiale et abattre froidement le père. De l’incendie laissé derrière la fuite des amants, il constituera alors l’origine d’une chute irrémédiable et le point de non-retour d’une virée aussi brutale que solaire. Kit et Holly enclenchent alors une dérive qui, balisé par des meurtres commis de sang froid, les mènera dans les bois et jusqu’aux plaines du Montana. Le road-movie des amants criminels métaphorise alors l’idée d’une insouciance, d’un fantasme extravagant pour ces deux adolescents autistes et littéralement dépassés par les évènements.

Sous ses aspects romantiques et juvéniles, le premier film de Malick inscrit déjà à travers la ligne qu’il trace, des préoccupations que l’on retrouvera tout au long de la carrière du cinéaste. Structuré en trois parties, La balade sauvage inscrit dès le départ le déroulement à venir des films de Malick. Un itinéraire qui s’organise toujours de la même manière et distingue à chaque fois un arrachement originel du mouvement de conquête et enfin de la fuite, la débâcle. En cela un film comme La Balade sauvage, né dans la période des années soixante dix, condamne lui aussi l’idéal de changement que porte à l’époque tous les films de cette nouvelle génération de cinéastes. La séquence idyllique dans les bois où les deux héros tentent de vivre leur robinsonnade à l’écart du monde symbolise à elle seule une brève respiration, bientôt étouffée par une justice punitive. Mais Malick semble quelque peu critique envers les idéaux contestataires qui rejaillissent à l’époque. La balade de Kit et Holly est ainsi suspendue à une sorte de vision romantique dépassée et en l’occurrence fantasmée. Le caractère cliché de la balade est véhiculé par les postures de Kit (son désir de reconnaissance et de laisser une trace) mais aussi à travers les lectures d’Holly, percevant le monde par le prisme du National Geographic alors que les splendeurs l’environnent de toute part. Clichés et fantasmes que l’on retrouvera à l’évidence au centre de ce qui détermine l’originalité même de La Balade sauvage ; sa narration, ici confiée à la voix songeuse et distante de la jeune Holly.

Le récit de La Balade sauvage détient ainsi sa dimension enchanteresse, « spontanée » et sensitive grâce à la voix subjective qui l’émaille. Fenêtre ouverte d’une conscience immature, enfermée entre les parois d’une âme juvénile, la voix râpée d’Holly marque dans Badlands un renouveau flagrant du procédé narratif. Fait de béances, de sauts digressives en totale inadéquation avec l’image, le récit de la voix-over substitue à une transparence narrative claire la fraîcheur poétique de l’âge innocent. Véritable bulle en apesanteur, la voix d’Holly s’inscrit comme étant profondément distante de Kit et demeure celle, étrange, qui n’a aucunement conscience de la tristesse que renferme la parenthèse enchantée. Malick rapportait ainsi à Michel Ciment que les deux adolescents de Badlands sont : « perdus dans la nature […] Ils ne savent que réagir à ce qui est à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils ne communiquent pas avec le monde extérieur, ils ne comprennent pas ce que les autres ressentent. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas d’émotions, ni qu’ils soient insensibles. »

Constat moderne qu’il faudra prendre comme la donnée essentielle du cinéma de Malick, de celui du rapport verbal au monde et de cette question de l’ambivalence des êtres au monde et des hommes entre eux. Et les films suivants, par leur dispositif sonore complexe, approfondiront plus encore cette question à jamais déconnectée et l’idée d’une étrange cohabitation avec la nature dont on dira qu’elle est la condition fondamentale de la nature humaine.

Les Moissons du ciel ou la dernière porte du Paradis

Après Badlands, Malick revient une seconde fois au cinéma pour y transposer un mélodrame au cœur des plaines dorées du Texas et dont le titre original dit déjà presque tout, Days of Heaven. Ici, le cinéaste américain commence déjà à désancrer dans le temps et dans l’Histoire le cadre temporel qui paramètre l’histoire. Passé les influences de la contre culture, Malick se tourne, dans une pure tradition hollywoodienne, vers la fresque historique et y implante, dans les années 1920, le triangle amoureux du mélodrame. Tourné en Cinémascope et enregistré avec un tout nouveau procédé sonore, Les Moissons du ciel clame à chaque plan un désir de grande forme. Pour coller à ses nobles ambitions, Malick s’entoure alors de trois chef opérateurs (Néstor Almendros en premier chef), recrute Ennio Morricone pour composer une partition lyrique et scelle une collaboration avec celui qui va devenir son fidèle directeur artistique (et porte-voix), Jack Fisk.

Après le sublime générique qui scande des instantanés photographiques de l’époque, le film s’ancre pour un temps dans la ville de Chicago et visite sa géographie industrielle. Ici, les flammes des métallurgies brûlent à l’image alors que le fracas des usines stigmatise la dimension infernale d’une ville plombée par le fer et la matière. Un ouvrier à qui l’on demande plus de rendements se retourne alors contre son supérieur et l’abat. L’ouvrier (Bill alias Richard Gere) et sa mystérieuse petite sœur (Linda interprété par Linda Manz) sont alors condamnés à fuir et s’acheminent en train vers l’Ouest et les champs de blé texan. Il faut dès lors voir dans ce train qui traverse le paysage, le mobile d’une échappatoire mais surtout le signe déjà annonciateur d’un intrus au sein du paradis, de la machine au cœur du jardin. Thème central des Moissons du ciel qui contaminera tout le récit et brisera l’horizon de la pastorale, d’un Eden en voie d’extinction. Ainsi, les travailleurs saisonniers débarquent sur une terre irradiante de beauté et y pénètrent ainsi par un portique, symbole manifeste de la porte du paradis. Les personnages Jack, Linda et Abby (Brooke Adams) sont alors engagés, parmi des centaines, par le propriétaire des terres (Sam Shepard) pour y récolter la moisson, la semence des blés. Le film capture alors d’un côté des scènes du folklore pastorale, éclairées par une lumière solaire et traversées par des moments de joie, d’harmonie collective. De l’autre, il condamne le dur labeur de journées harassantes passées dans les champs sous l’œil du propriétaire terrien. Mais plus fondamentalement encore, Malick épingle, par quelques séries de plan représentant le bruit infernal des moissonneuses-batteuses, le caractère disharmonique de l’outil et d’une l’agriculture industrialisée. Car dans Les Moissons du ciel, ce sont ces imposantes machines qui brisent le bel horizon, dévorent les offrandes de la terre et terrorisent le bestiaire niché au cœur des champs de blé. De cette envahissement des machines au cœur du jardin d’Eden, il en résultera alors une scission fondamentale des hommes avec la nature et ses fragments prélevés à part, dans l’à côté.

Ce qui fonde alors le montage des Moissons du ciel, tient donc à ces plans contemplatifs qui dépassent la fable et invitent à la rêverie. En réalisant de nombreux décentrements vers les splendeurs de la nature, Malick invite à saisir la vitalité permanente du cosmos ainsi que ses élans fugaces et fragiles. L’image la plus forte du film demeure alors ce plan niché au cœur de la terre et représentant (en accéléré) une herbe jaillissante sous les rayons bienveillants du soleil. Le cinéaste réalise ici ce fantasme cosmique qui plaisait tant à la jeune Linda, celui d’être un « docteur de la terre pour pouvoir l’écouter, l’ausculter… ». L’insert qui fait office de transition entre les saisons, symbolise à lui seul le propos rêveur de Malick ; la pérennité d’une nature que l’homme ne perçoit pas (ou plus) et dont l’existence est rendue si fragile qu’elle nous échappe à l’instant même où elle nous est révélée. Et cela explique pourquoi le medium filmique apparaît chez Malick comme le plus apte à dévoiler et faire prendre conscience de la grandeur de la nature, aussi microscopique soit elle. Thoreau écrivait déjà en 1839 dans son Journal (« le calendrier des marées de l’âme ») que : « La nature souffre l’étude la plus minutieuse. Elle nous invite à placer l’œil au niveau de sa plus petite feuille et à prendre une vue d’insecte de ses plaines. »

Ainsi, l’intérêt de prélever et de réintroduire dans le courant du film des fragments de la faune et de la flore, permet de bouleverser les repères d’une perception ethnocentrée et d’agrandir ça et là le langage de la nature pour lui offrir son plein statut et la doter de pouvoirs magiques, absolus.

Enfin, la folie des hommes et la marche destructrice des machines pousseront les hommes à s’entretuer et à embraser un paradis perdu d’avance. Le champ doré des Moissons du ciel sera dévoré par les flammes et transformé en un paysage désolé dont il ne restera plus que des centres. Le voile de flammes noirâtres sur le soleil rejettera alors une dernière fois les hommes par la porte du paradis.

La Ligne rouge ou le sommet du conflit


Terrence Malick revient donc vingt ans après Les Moissons du ciel avec La Ligne rouge pour nous dépeindre sa vision de la bataille de Guadalcanal qui a opposé, durant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine aux soldats japonais. Film de guerre tout autant que rêverie au cœur de la nature sauvage, La Ligne rouge est sans nul doute ce qui constitue le sommet du cinéma de Malick. À travers la complexité du dispositif qu’il met en place et le ton méditatif qui lui est accroché, le troisième film de Malick impose une forme épique et un récit lorgnant du côté d’une réécriture de l’histoire de l’humanité. Non exempt de grandiloquence et d’un texte pouvant paraître emphatique, La Ligne rouge est à prendre comme un récit total qui englobe une vision de l’origine, l’intrusion d’une culture menaçante et le conflit irrémédiable qui en résulte. La Ligne rouge apparaît alors comme le film le plus riche et celui, fondamental, pour qui veut comprendre son auteur et les interrogations qui le guident.

Le film débute sur l’image impressionnante (soulevée par un motif de basse) d’un crocodile qui plonge dans un marécage et se rend invisible. Gardien du temple, image nouvelle du monstre biblique, le crocodile symbolise bien la nature sauvage qui règne sur le monde. Enchaîné à un montage fluide qui nous fait découvrir un paradis par d’abruptes contre-plongées, l’image nous avertit que ce territoire est dominé par la force d’un langage secret et majestueux. Et par-dessus ces images et les chœurs d’In Paradisium de Gabriel Fauré, une voix seule, perdue, presque enfouie sous la végétation, se questionne : « Quelle est cette guerre au cœur de la nature ? Pourquoi elle rivalise avec elle-même ? Pourquoi la terre affronte t-elle la mer ? La nature renfermerait elle une force vengeresse ? Non pas une mais deux ? »

Cette voix-over appartient donc bien à un homme, ou plutôt à cet esprit qui s’éveille au contact de la nature. Reflet de l’âme, la voix désincarnée marque alors une discontinuité fondamentale au cœur de cette ouverture qui, par le geste créateur de Malick, réinvente l’origine. Tout le film part alors de ce dispositif qui signe un divorce, une impossible fusion entre cette voix étrangère et la nature, sourde et aveugle aux questions immergées dans le cœur de l’homme. Et l’intérêt d’un film qui dépeint une bataille aussi violente, sera de proposer incessamment ces digressions où l’âme des hommes s’interroge sur les images d’une nature habitée. Et c’est d’ailleurs dans la paix du village d’autochtones mélanésiens où Witt (Jim Caviezel) et un autre soldat de l’armée U.S. ont échoué, que les questions les plus sensibles se formuleront dans l’esprit idéaliste du jeune déserteur. Avant que la panique ne s’installe dans le camp et que l’ombre du patrouilleur de l’armée américaine vienne se profiler à l’horizon de l’océan azur et sceller la rêverie de Witt…

Comme le fameux plan du Nouveau Monde où l’on voit la hallebarde d’un colon déchirer la pure vision d’un champ de hautes herbes, l’image du patrouilleur de La Ligne rouge rejette l’harmonie passée et ne laisse plus aucun doute sur la présence intrusive d’un mal au cœur du jardin. Et la machine qui imprime ses sombres teintes dans ce paradis aux couleurs irradiantes se retrouvera plus tard sur la colline que veulent prendre d’assaut les GIs, sous la forme d’une pluie d’obus que déversera les bombardiers de l’armée. Comme le plan pris sur la cime d’un arbre du Nouveau Monde où l’on voit la hache d’un colon frapper et saigner l’écorce, le bombardement accuse le chaos guerrier et fait trembler l’image d’une nature souillée par la main de l’homme.

L’assaut des soldats américains perdus dans les hautes herbes de la colline et désirant lutter avec l’œil de ce soleil qui les surplombent, dévoile la folie d’une course dont ils ne sont aucunement les maîtres. Le point de vue omniscient de Malick qui les suit tour à tour dans leur perdition les représente ainsi comme des fourmis, des êtres minuscules, enfouis au cœur d’un univers infini et plongés aveuglément dans une bataille perdue d’avance. Ainsi, dans un passage de Walden qui convient parfaitement à La Ligne rouge, Thoreau fixe son regard haut perché sur deux fourmis qui combattent l’une contre l’autre et en vient à écrire qu’en : « Portant mes regards plus loin, je fus surpris de m’apercevoir que les copeaux étaient recouverts de pareils combattants, qu’il ne s’agissait pas d’un duellum, mais d’un bellum, d’une guerre entre deux races de fourmis, les rouges toujours opposées aux noires, et souvent deux rouges contre une noire. Les légions de ces Myrmidons couvraient collines et vallées de mon chantier, et le sol était déjà jonché des mourants et des morts, tant rouges que noirs. C’est la seule bataille que j’ai jamais contemplée, le seul champ de bataille que j’ai jamais parcouru pendant que la bataille faisait rage. […] Moi-même, je me sentais quelque peu échauffé, tout comme si c’eut été des hommes. Plus on y pense, moindre est la différence. »

Violence absurde des hommes qui tombent sous les balles d’un ennemi invisible et traversent cette fameuse ligne rouge, celle de la mort et d’une vie que reprend l’indifférente nature en les narguant une dernière fois (par ces trouées lumineuses transcendantes) de sa beauté dont ils n’ont su contemplé la réalité. Comme une giclée de sang éclaboussant une herbe frêle, La Ligne rouge raconte, à ceux qui veulent bien le voir, l’histoire d’une force irrépressible contre laquelle l’homme ne peut lutter. Force étrangère que semblent malgré tout comprendre les soldats dans leur dénuement individuel et à l’intérieur de leurs âme fragile que le personnage de Nick Nolte nomme la « moving box ».

Et le dispositif sonore mis en place par Malick dans La Ligne rouge, qui est fondé sur un « turnover », ce relais incessant de voix immergées dans leur conscience malheureuse, implique à chaque effusion l’idée d’une solitude commune aux hommes. Le procédé assez inhabituel a ceci d’original qu’il ne permet plus d’attribuer aux voix des visages et donc d’identifier l’émission du monologue intérieur. Or la construction du film de Malick n’a pas cette visée puisqu’en réalité tous ces éléments dispersés ont pour but d’organiser le portrait d’un seul et même homme. Et de nous faire entendre alors les voix plurielles d’une « âme collective », d’un individu élargi dont l’essence est d’être totalement étranger au monde. Un décalage qui trouvera son apogée lors de cette rencontre primordiale entre une rangée de soldats et un aborigène venu des profondeurs d’une nature imperturbable. Dans cette séquence, les soldats américains tous juste débarqués sur l’île, voient s’approcher un homme, un natif, qui les croise sans jamais remarqué leur présence. Choc des cultures, rencontre de deux mondes qui ne se reconnaissent pas et rendent compte alors de cette distance fondamentale entre la nature et la culture. Un choc avec l’étranger que la race blanche ne voudra comprendre et qu’elle prendra comme un affront fait à son aveugle supériorité et sa soi-disant position civilisée. En somme, l’histoire du Nouveau Monde…

Le Nouveau Monde ou l’idylle avortée

Projet qu’il avait en tête depuis les années 1970, Le Nouveau Monde est peut-être l’entreprise la plus folle de Terrence Malick. Après l’échec du film sur Che Guevara que réalisera plus tard Steven Soderbergh, Malick décide de s’atteler au mythe de la découverte des Amériques et de le mêler à celui d’une romance entre l’indienne Pocahontas et le capitaine anglais John Smith. Élaborée sur un budget colossal, la fresque historique de Terrence Malick impose la reconstitution des caravelles anglaises qui ont abordé le rivage du Nouveau Monde à l’orée du 17e siècle. Elle implique ainsi un soin méticuleux apporté aux costumes et aux décors (le fort de Jamestown et le village algonquin) et demeure en cela fondée sur un fort désir d’authenticité (les décors sont construits avec des matériaux naturels trouvés sur place).

La rencontre entre les colons anglais et la tribu des Algonquins sur les terres de Virginie s’ouvre donc sur la symphonie de l’Or du Rhin de Wagner et l’idée d’un éblouissement que l’on mesure de chaque côté du rivage, de la terre à l’océan. Emprisonné dans la cave d’un bateau, John Smith (Colin Farrel) est éblouit par une lumière pure tandis que Pocahontas (la très jeune et enivrante Q’Orianka Kilcher) tressaute face à cette apparition gigantesque et historique. L’ouverture du Nouveau Monde demeure ainsi fortement originale du seul fait que la rencontre est filmée du rivage, du point de vue « naïf » des autochtones pris alors de convulsions. La rencontre et le débarquement des colons anglais coincés dans leurs armures de fer dénotent alors totalement avec les peintures corporelles et les libres mouvements du peuple indien. La beauté du continent que les colons viennent de découvrir ainsi que l’héritage biblique qui fonde leur culture les invite alors à penser que l’Eldorado est face à eux et leur tend enfin les bras. Dès lors ils implantent leur croix de bois au cœur des champs vierges et hissent leur bannière près de leur camp. À la manière de ce premier meurtre commis sur un indien, ces symboles seront les signes avant coureurs d’une conquête qui va se muer en ethnocide et d’une aurore bientôt ternie par les dissensions.

Et de l’inaugural appel à l’enchantement que procure cette terre d’abondance, ce seront les destinées de John Smith et Pocahontas qui en deviendront la principale métaphore. Incarnation du Nouveau Monde, Pocahontas personnifie, à travers la lumière qui émane de son corps, un destin qui n’aura comme perspective que sa seule chute. La promesse spirituelle d’un John Smith se ressourçant dans l’harmonie du village algonquin sera de la même manière compromise par son retour à Jamestown, dans l’envers du paradis. La relation amoureuse de Smith et de Pocahontas représente à l’origine celle d’une noce absolue mais très vite avortée par l’impossible fusion des deux natures. Le mouvement de rapprochement de leurs voix qui finissent par s’unir à l’apogée de l’idylle va se rétracter et se fissurer au moment où la promesse d’amour ne fera plus espoir. La symphonie de l’Or du Rhin qui invitait les éléments à s’unir dans un chant absolu, se disloque et le monde finit par se diffracter en deux entités étrangères. Smith, les yeux bandés, est ramené parmi les siens à la finitude du monde comme si son voyage n’avait été qu’un rêve, une idylle avortée. Prisonnière de sa tribu, Pocahontas sera alors répudiée par son père et finalement échangée contre de vulgaires objets marchandés entre les deux mondes. Smith sera condamné à l’exil et les deux amants finalement voués à devenir orphelins d’un rêve.

Le parcours de Pocahontas la mènera alors sur la voie d’une reconstruction dans le camp de Jamestown puis aux bras de John Rolfe (Christian Bale) dans une ferme à l’écart du monde. La rencontre sera ainsi marquée par la distance d’un apprivoisement diffus. Enfin, le voyage se refermera de l’autre côté de l’océan, au cœur du Vieux Monde, où le rituel est tout autre et où la nature ne ressemble plus qu’à des parcelles cadrées et symétriques. Alors que la dépouille de Rebecca reposera dans un cimetière chrétien, son esprit retrouvé, lui, s’envolera et finira de nouveau par fusionner avec l’eau originelle. Conscience grandie au bout d’un trajet qui fait figure de boucle majestueuse, la jeune indienne retrouve l’esprit qu’elle appelait alors et lui priait de chanter son histoire. Cet esprit qui était représenté alors par l’image totale de l’unité de la nature (la surface de l’eau qui reflète la terre et le ciel), et donc ce miroir aquatique (Thoreau l’appelait « la goutte de dieu ») que la voix de Pocahontas troublait fragilement par la pure mélodie de son chant.

Scepticisme et individualisme américain

L’émerveillement et les splendeurs que le cinéma de Malick produit ne doivent pas faire oublier ce qui se joue dans ses films lorsque le miroir des couleurs se renverse et que le jardin s’embrase. Le cinéaste philosophe demeure sans nul doute le plus sensible critique des stridences qui accompagnent le désenchantement du monde et la course somnambulique des civilisations. A la différence d’un cinéma qui alarme (et conforte) le spectateur en représentant des images d’apocalypse et de mondes qui s’écroulent, Malick préfère éveiller les consciences en sublimant les beautés d’un univers qui s’essouffle. Le regard qu’il semble porter sur le monde d’aujourd’hui (à travers la représentation des civilisations qu’il fait germer) ne laisse aucun doute concernant son scepticisme. Et ce scepticisme est formulé à travers le sec verdict du sergent Welsh (Sean Penn) lorsqu’il assène qu’il n’existe aucun autre monde que celui « qui se fout en l’air aussi vite que possible ».

Ce scepticisme à l’égard de la marche du monde et de son architecture bâti de toutes pièces, est en cela très proche du caractère politique du transcendantalisme américain. En effet, Emerson fut l’un des premiers à appeler une démocratie nouvelle et à s’insurger contre la loi sur les « esclaves fugitifs ». Quant à Thoreau qui ne se reconnaissait aucunement dans la société et ses institutions, il a définitivement choisi de mener sa vie dans les bois en appelant le premier à la désobéissance civile. Il faut voir aussi dans La Ligne rouge, Sean Penn penser sur le discours paternaliste de Georges Clooney (et incarnation du glamour hollywoodien) et asséner l’idée qu’ici-bas « tout est mensonge, tout ce que l’on voit et l’on entend. »

De ce scepticisme, un pont semble être rapidement fait avec l’idée d’un individualisme et d’un épanouissement qui se fait en dehors de la société et à l’intérieur de soi. Le philosophe Stanley Cavell qui a étudié le sage Emerson reprenait bien cette distinction : « Je sais que le monde avec lequel je parle dans la ville et dans les fermes n’est pas le monde que je pense », que le cinéma de Malick matérialise. Cette attitude de défiance face au monde extérieur, Malick l’a donc fait sienne et a semble t-il trouvé comme seule réponse face à cela de « faire une île de soi-même » comme le dit subtilement le sergent Welsh dans La Ligne Rouge. Ainsi les déserteurs et hors la loi que l’on peut voir dans ses films (les adolescents de Badlands, Witt de La Ligne rouge et John Smith du Nouveau Monde) symbolisent à eux seuls la méfiance de ce cinéaste à l’égard d’une société et ces règles qui font perdre à tous l’intégrité de leur moi privé.

Dans son texte Confiance et Autonomie Emerson dévoile ainsi les vertus de l’indépendance et de l’individualisme intègre en considérant que : « Ces voix-là, nous les entendons dans la solitude, mais elles se font faibles et inaudibles dès que nous entrons dans le monde. Partout la société conspire contre l’humanité de chacun de ses membres. Elle est comme une société anonyme dont les membres s’entendent, au nom du plus grand bien de chaque actionnaire, pour sacrifier la liberté de chacun. La vertu la plus prisée est le conformisme. L’indépendance et l’autonomie en sont le versant opposé. » Digne héritier de ce courant de pensée, situé à la lisière d’Hollywood, Terrence Malick demeure alors ce cinéaste immensément précieux dont les secrètes questions nous portent à croire qu’il est le plus grand et confidentiel réalisateur en activité.

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » jeu. mai 19, 2011 7:50 pm

Une mini page sur Malick sur le site de l'express ( article récent, 17 mai ) pas grand chose à se mettre sous la dent de plus mais je le poste pour la synthèse, on y découvre quelques éléments biographiques sympa, le suicide de son frère, l'époque où il enseigna la philo et Spinoza ( chose que j'ignorais mais j'avoue que ça ne m'étonne guère au vu du contenu de ses films ! )
le tout raconté avec une touche humoristique
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » dim. mai 22, 2011 11:26 pm

Comme je l'ai dis dans l'autre topic Tree of life a obtenu la palme d'or aujourd'hui et , sans surprise, Terrence Malick n'était pas là pour la remise du prix ...


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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar Doctor Jones » lun. mai 23, 2011 12:18 pm

Il est timide. 8-)

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. mai 25, 2011 1:55 pm

Les prochains projets de Terrence Malick !

http://www.allocine.fr/article/ficheart ... 04433.html

Chose étonnante de la part du réalisateur, son rythme s'accélère ; A peine Tree of life projeté il est déjà apparemment sur 2 projets en même temps ; c'est surprenant pour quelqu'un qui d'habitude laisse parfois 10 ou 20 ans entre ses films lol J'espère que ça ne signifiera pas une perte de qualité

2 projets sont en cours, dont un film avec ben afleck, Rachel McAdams ; histoire d'amour tragique
et un documentaire astronomique apparemment ( certaines des images de Tree of life étant d'ailleurs tournées à la base pour ce film et seront réutilisées ) ,; projet en Imax 3D.
Ca me laisse un peu perplexe mais j'avoue que je suis curieux de voir le résultat, je me demande si les images seront commentées , quelle forme ça va prendre , quelle valeur ajoutée par rapport à tout ce qu'on a déjà comme documentaires sur l'univers - ou film :shock: ( ça m'embêterait que Malick devienne une sorte de Yann Arthus Bertrand .. )

J'ignorais que Viggo Mortensen, Gary Oldman et Mickey Rourke ont été coupés au montage de La ligne rouge :shock: Je savais même pas qu'ils avaient participé au film
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. mai 25, 2011 7:22 pm

Terrence Malick dans La balade sauvage ( il fait un petit caméo dans ce vieux film de 73 :D )

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » ven. juin 03, 2011 9:09 pm

Hier je suis passé à la Fnac mais toujours aucun livre à propos de Terrence Malick. Sur amazon je ne vois rien non plus en français ( alors que des livres circulent sur d'autres grands cinéastes comme Kubrick etc )

Je viens de découvrir cette référence, en anglais .. pour ceux que ça intéresse ( sûrement pas grand monde quand on voit déjà les retours sur ses films sur le forum :lol: )

The Cinema of Terrence Malick: Poetic Visions of America

Image

Alors la première édition était antérieure au Nouveau monde mais ils l'ont réédité après. Ca ne parle pas de Tree of life à mon avis c'est trop récent.

Voici un article qui détaille le livre

By Sarah Manvel

(25/10/07) - Terrence Malick's film career is, as the saying goes, a puzzle wrapped in a mystery inside an enigma. Described as one of the least accessible American filmmakers working today, his reputation is built on only four films made over thirty-five years. 1973's Badlands, made at the height of the 'golden age' of American cinema, introduced his major themes of alienated characters, unreliable narration and the influence place has on personality. It's on the Library of Congress's National Film Registry, one of only 450 titles to be so honoured. Malick followed this in 1978 with the Oscar-winning Days of Heaven, then famously disappeared, producing no public work until 1998's The Thin Red Line, an adaptation of James Jones' WWII memoir that was highly anticipated, but critically slated. The first edition of The Cinema of Terrence Malick: Poetic Visions of America focused on these three films, but 2003's The New World has led to this second edition, with three new essays and changes to previous ones to discuss Malick's full body of work.

It's well known that Malick taught philosophy before switching to film-making, and that Heidegger was his greatest influence. Heidegger's theories about technology and its influence on modern life and humanity clearly echo throughout Malick's work; unfortunately, Marc Furstenau and Leslie MacAvoy's essay, which most explicity analyses this, is so jargon-heavy as to be an unenjoyable read. Other essays fall into the trap of analysing the critical reception of the films, at the expense of insights to the films themselves, and embody the Heideggerian philosophy of technology's ( i.e., film criticism) power to distort humanity's (i.e., the cinema audience) basic needs. Malick might enjoy such an irony.

At its strongest moments, this book makes us freshly aware of Malick's tremendous skill for images, buffeted by additional layers of sound which may or may not contradict the image, in sustaining mood. Richard Power and James Wierzbicki pay close attention to the soundtrack of Days of Heaven and The Thin Red Line, deconstructing not just how Malick uses sound but also his specific musical choices. Ron Mottram's opening essay is an excellent introduction to all four of Malick's films. His balance of detailed exposition with nuanced analysis is steadily maintained throughout the book, a tribute to Hannah Patterson's careful editing.

The essays which contextualise Malick along his contemporaries reinforce his uniqueness, such as John Orr's comparison of Malick and Arthur Penn and Martin Flanagan's contrasting of The Thin Red Line to Steven Spielberg's Saving Private Ryan. Sadly the section on The New World is the weakest, especially a personal appreciation by Mark Cousins that achieves little new critical insight.

Most films are not designed to reward close attention, but as this book reminds us, Malick's work resonates more strongly with repeated viewing. As the blurb on the back says: "the essays made me want to see all the films again, and that of course is the highest praise." Whether or not you know the films, The Cinema of Terrence Malick is a thorough appraisal of a director whose work certainly justifies the attention.

The Cinema of Terrence Malick: Poetic Visions of America is out now on Wallflower. Please follow the links provided to buy a copy and support Kamera by doing so.


http://www.kamera.co.uk/article.php/948
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mar. juin 14, 2011 3:02 pm

Les cahiers du cinéma de ce mois-ci consacrent un dossier à terrence Malick et Tree of life

Image

Je pense me l'acheter , on n'a vraiment pas souvent des papiers sur ce cinéaste c'est rare , je vous dirai si ça vaut le coup et si les infos dépassent un peu ce que j'ai résumé ici ( sur sa bio, ses films etc )
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar Fullstorm » mer. juin 15, 2011 1:46 am

Merci pour tous ces topics sur Malick.
J'ai encore beaucoup à lire et découvrir en eux.

J'ai aussi cherché pas mal d'écrits et de livres sur le real mais constat similaire, pas grand chose en livre, à part en effet ce que tu montres plus haut. J'ai failli le commander, l'anglais ne me rebutant en rien, mais je crois que finalement je vais attendre car je pense qu'avec Tree Of Life et la Palme d'Or on aura droit d'ici peu (je me trompe peut-être) à plusieurs superbes livres sur le cinéma de Malick, comprenant Tree of Life, et pas qu'en français.

Je vais patienter.

Même si je pense que je vais dans l'attente finalement craquer pour le bouquin plus haut en anglais :mrgreen:

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. juin 15, 2011 2:03 am

Oui même chose que pour toi, j'ai failli le commander mais moi par contre l'anglais me rebute un peu plus ( non pas que je ne puisse pas le lire, mais ça me fatigue vite , de même que parler anglais d'ailleurs, ça va un peu mais quand il faut entretenir des conversations des jours entiers ça me saoule :mrgreen:
Bon je vais attendre aussi, je pense en effet que les bouquins vont commencer à circuler, à mon avis d'ici septembre octobre, vers la sortie du Blu ray , du fait de la palme.
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar Fullstorm » mer. juin 15, 2011 2:16 am

...Inutile de dire que j'ai jamais, mais alors jamais été aussi impatient de voir un blu-ray sortir.

Même si malheureusement j'ai bien peur que la version longue de 6 heures sorte dans un autre blu ray, plus tard, pour des questions entre autres commerciales. Ils savent que le premier se vendra comme des petits pains chez les fans de Malick au moins, impatients, et peuvent miser sans risque sur un deuxième achat avec la version longue et un making of ou reportage parallèle en prime.

Punaise, j'ai longtemps aimé des expériences de la vie telles le ski alpin, le kanoé kayak en rivière ou le parapente en montagne pour les sensations fortes. Idem pour les fêtes foraines ou les parcs d'attractions et les manèges à sensation forte, justement.
Avec Malick, c'est pareil, ce sont des expériences mais au-delà qui transforment profondément, je trouve et qui ont cette formidable magie de nous reconnecter à :
- La Nature (oui, celle de Spinoza ! :super: )
- Nous-mêmes
- La vie
- L'amour
- L'autre
- Le TOUT.

Avec pour voyager une formidable esthétique qui telle un fluide divin permet de tout faire passer avant de le digérer. Et attention à la digestion, je suis encore en plein processus après Tree Of LIfe, et c'est loin d'être fini, je ne l'ai pourtant vu qu'1 seule fois.

On se tiendra mutuellement au courant pour les bouquins, j'espère !

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. juin 15, 2011 2:20 am

Oui ben dès que j'ai des infos je te les communique :mrgreen: Moi j'attend aussi des bouquins sur Malick comme un mort de faim, à chaque fois que je passe à la FNAC en ce moment j'ai le réflexe d'aller au rayon des bouquins de cinéma mais toujours rien à l'horizon
Tu as vu tous les autres Malick sinon j'imagine ?
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar Fullstorm » mer. juin 15, 2011 4:21 pm

phoenlx a écrit :Oui ben dès que j'ai des infos je te les communique :mrgreen: Moi j'attend aussi des bouquins sur Malick comme un mort de faim, à chaque fois que je passe à la FNAC en ce moment j'ai le réflexe d'aller au rayon des bouquins de cinéma mais toujours rien à l'horizon
Tu as vu tous les autres Malick sinon j'imagine ?


Oui, j'ai vu tous les Malick. J'ai tout ce qui est dispo en blu-ray, mais les premiers ne sont dispos qu'en DVD. On en repatrlera, j'ai vu que tu as fait un topic sur chacun, je copte donner aussi mon avis dedans, ces discussions sont follement intéressantes, je trouve. Parce qu'il s'agit de Malick mais pas seulement. Ce qu'il suscite chez le spectateur et ce qu'il éveille en nous, ou nombre d'entre nous, je crois, amène des discussions forcément intéressantes, je crois.

Pour la Fnac, je me marre, je t'imagine bien :lol: :lol:

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mer. oct. 05, 2011 11:23 pm

Une vidéo circule où on voit Terrence malick et Christian Bale tourner pour le prochain projet de Malick apparemment ; Cette vidéo est historique, ce sont les premières images de Malick depuis plus de 30 ans :shock:

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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » mar. janv. 24, 2012 2:06 pm

Terrence Malick se fait incendier par certains de ses comédiens :shock:

On se souvient de l'ire d'un certain Sean Penn sur la Croisette à l'encontre de Terrence Malick, un certain mois de mai 2011. L'acteur, agacé par le rendu de Tree of life (et dit-on, par sa très faible présence à l'écran), avait bien failli ne pas monter les marches aux côtés de Brad Pitt. Il n'est visiblement pas le seul à avoir une dent contre l'artiste, et vient d'être rejoint par l'auguste Christopher Plummer, qui ne s'est pas privé de le faire savoir, durant une table ronde dédiée aux Oscar, organisée par Newsweek. Actuellement à l'affiche de Millenium, il est revenu sur Le Nouveau Monde.
« Le problème de Terry, c'est qu'il a besoin d'un scénariste, désespérément. Parce qu'il s'entête à réécrire... Jusqu'à ce que l'ensemble paraisse terriblement prétentieux... ensuite il monte ses films d'une telle façon qu'il en efface les comédiens. Je me suis retrouvé dans une multitude de séquences, et mon personnage a été soudainement retiré des scènes où je pensais être... Je lui ai donné de la merde. Je ne travaillerai plus jamais avec lui. »
Et bien, voilà ce brave Terry rhabillé pour l'hiver. Espérons que le sage Christopher Plummer aura trouvé une oreille et un œil moins prétentieux en la personne de Mike Mills, réalisateur de Beginners, qui n'a pas coupé le merveilleux comédien, et échappera donc à son torrent excrémentiel.


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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar choufleure » lun. janv. 30, 2012 10:23 pm

j'ai pas lu le topic de peur de spoilers les films de Terrence Malick mais je suis curieuse de découvrir son cinéma parce que certaines personnes comparent talke shelter à la mise scène de M.night shyamalan et de Terrence Malick ! Jessica chainstain dans une interview dit qu'il se ressemble et certains critiques qualifient même Jeff Nichols d'héritier de Terrence Malick !et comme j'ai adoré talke shelter je me dis que je peux peut être aimé le cinéma de terrence Malick même si il semble avoir un univers bien à lui !!
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Re: Invitation à la poésie : Le merveilleux cinéma de Malick

Messagepar phoenlx » lun. janv. 30, 2012 10:26 pm

ah tiens faudrait vraiment que j'aille voir Talke shelter
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