J'ouvre un topic sur ce cinéaste que j'adore pour parler de son cinéma en général. ( Voir aussi les topics suivants sur ses films : * La Balade Sauvage (Badlands) * Les Moissons du Ciel (Days of Heaven) * La Ligne Rouge (The Thin Red Line) * Le Nouveau Monde (The New World) * The Tree of Life * A la Merveille (To the Wonder) * Knight of Cups * Song to Song * Voyage of Time : Au fil de la Vie (documentaire IMAX sur la naissance de l'univers) (ainsi que le topic d'Am Stram Gram sur allociné) |
Malick est un réalisateur que j'affectionne particulièrement, j'aimerais vous en parler et recueillir vos avis (parmi ceux qui ont eu l'occasion de voir certains de ses films) ; Il est diversement aimé ; Les critiques de cinéma le reconnaissent en général comme un très grand, mais son cinéma est très particulier, souvent très lent et contemplatif, ce qui emplit beaucoup de spectateurs d'un ravissement extrême mais d'autres à l'inverse ressentent parfois de l'ennui devant ses oeuvres. Je viens de revoir Le Nouveau Monde et c'est un sentiment que je peux comprendre.
Ses films me touchent pourtant, ils me parlent, me traversent ; je crois qu'ils titillent la fibre panthéiste qui est en moi.
Capture du film Days of heaven (les moissons du ciel) avec Richard Gere
La plupart des films de Malick sont avant tout des odes à la nature sauvage ; Je vous conseille de voir La ligne rouge pour bien vous représenter son style. Pour ceux qui ne l'ont pas vu, il s'agit d'un film de guerre centré sur la bataille de Guadalcanal dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, et ses combats terribles entre les américains et les japonais. Le film est servi par un casting impressionnant : Sean Penn, John Cusack, John Travolta, Adrien Brody, George Clooney, Jim Caviezel, Jared Leto, Miranda Otto ... Mais le plus important est ailleurs ^^ Ce film de guerre se situe à des années lumières d'un film comme Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg au niveau du style, c'est filmé très très différemment. On est aussi très loin de plein d'autres films de guerre où ça bastonne sans cesse , on est très loin de La chute du faucon noir de Ridley Scott ou de films comme ça. Malick filme la guerre mais il filme aussi la nature autour, et les scènes lentes et poétiques alternent avec les scènes de boucherie , toute la magie du film résidant dans ce contraste troublant. Une voix off narrative ( celle de Jim Caviezel) accompagne le film avec parcimonie, distillant au compte goutte des phrases qui peuvent paraître énigmatiques, mais chargées de sens si on se laisse pénétrer par elles comme on se laisserait pénétrer par un poème. Ces phrases sont souvent pleines de philosophie et de spiritualité. Et c'est un procédé qu'il reprend dans l'excellent film plus récent Le nouveau monde (avec Christian Bale et Colin Farrell ; cliquez pour accéder au topic des ailes sur le film), Le nouveau monde qui est une sorte de réappropriation de l'histoire de la jeune indienne Pocahontas.
J'aime beaucoup ce film et il est bien à l'image de ce que sait magnifiquement faire Malick, filmer la nature mieux que personne, nous entraîner dans une rêverie et une méditation sur la beauté de ce monde à travers des ambiances calmes, des plans soignés à la perfection ( un peu comme dans le cinéma de Stanley Kubrick) ; Ses films sont toujours des émerveillements, faits de sons et d'images où le spectateur se repose du stress et du tumulte quotidien - en tout cas je les ressens comme tel - nous invitant à nous laisser bercer par le chant des oiseaux ou la caresse des fleurs, c'est une véritable expérience sensitive, visuelle, sonore, presque tactile. Les thèmes musicaux de ses films sont souvent inspirés ou repris de la musique classique (A titre d'exemple on peut citer la bande originale du film Le nouveau monde : Si le compositeur est James Horner, également auteur de la BO de Titanic entre autres, la particularité de cette BO est que les thèmes de Horner sont mélangés avec un thème magnifique de l'Or du rhin de Richard Wagner et avec des musiques de Mozart qui sont exploités à merveille, notamment dans la scène d'introduction et la dernière scène du film. On croirait que ces musiques ont été inventées pour ce film et pour accompagner les plans enivrants de la nature sauvage.
Mais Malick est aussi un cinéaste très mystérieux, soignant son image, n'apparaissant jamais devant les caméras, cultivant son mystère (autre comparaison avec Kubrick) ; Il a même disparu de la scène pendant 20 ans, entre ses premiers films qui l'ont révélé (comme Les moissons du ciel) et sa réapparition en 1999 avec La ligne rouge. Autant dire que chacun de ses films est un petit évênement en général très attendu de ses fans ;
Certains critiquent son style, parfois farouchement, il divise, on adore ou on déteste ; il est vrai qu'il faut accrocher à ses réalisations souvent lentes à souhait, et être sensible à la profonde poésie qui émane de ses films. On est loin de certains films d'action où les explosions, les cascades et les répliques bourrines s'enchainent. C'est ainsi par exemple que dans La ligne rouge, le réalisateur s'attarde à profusion sur cette nature sauvage belle et qui contraste avec l'horreur des combats. Le focus est souvent placé ailleurs, il faut que ça plaise ^^ Lorsque les soldats américains sont pris dans la tourmente de cette bataille contre les japonais, l'horreur cotoie ainsi la poésie. La mort est souvent adoucie par certains plans sur les arbres, l'eau , l'herbe , le ciel, les oiseaux, manière quelque part de faire encore plus ressortir l'absurdité de cette boucherie. Les films de Malick cherchent toujours à replacer l'Homme dans le contexte de ce grand Tout qu'est la nature, et à nous réconcilier avec la simplicité, trop souvent oubliée dans nos sociétés. Les films de Malick se ressentent plus qu'ils ne s'analysent. Certains disent qu'ils sont vides , vides de sens, de profondeur, d'intérêt. Qu'ils ne disent rien. C'est paradoxalement un peu vrai. Après les avoir vu moi j'ai souvent un peu de mal à les analyser mais une chose est sûre, j'ai toujours l'impression d'avoir vécu une expérience cinéphile énorme et inoubliable ! Il en va un peu de même de ses film que quand on regarde le monde qui nous entoure (ça peut être un paysage naturel, mais aussi une jolie femme qui nous fait vraiment ressentir ce qu'est l'amour) tout celà ne parle pas avec des mots mais parle à notre âme et notre coeur, et c'est exactement ainsi que le cinéma de Malick agit sur moi.
Certains spectateurs par conséquent n'adhèrent pas et n'adhèreront jamais à son style. Il y a des gens qui vont au cinéma pour voir tout "sauter" à chaque seconde, qui aiment les cascades de Willis dans les films de Mc Tierman ( remplacez Willis par Jason Stattam ou d'autres et Mc Tierman par Michael bay que sais-je .. ) , ou qui préfèrent les films plus pêchus, ceux-ci seront en général peu sensibles à la magie du cinéma de Malick, et trouveront ses films lents et ennuyeux, s'attachant à des détails absurdes au lieu de se concentrer sur l'essentiel ( la guerre en l'occurence, dans le cas de La ligne rouge par exemple) Mais c'est oublier un peu que le cinéma est fait aussi pour nous remuer et nous interpeler et ne doit pas être qu'un simple exutoire c'est du moins mon avis, et ça ne m'a jamais empêché d'admirer personnellement des films de guerre très différents par essence de Spielberg , Oliver Stone (Platoon, à des années lumières de la ligne rouge dans l'esprit) ou d'autres , très bons aussi à leur manière ! ..
Malick est simplement un cinéaste bien particulier, qui filme à la perfection et dont les obsessions sont très spécifiques, c'est un de mes cinéastes préférés car il a un vrai style à part, et ne ressemble à personne.
De plus, je me sens très proche de ses messages, si tant est qu'il y ait des messages dans ses films et je le crois , sinon j'en parlerais pas ; le panthéiste spinoziste que je suis est littéralement en symbiose avec sa vision, et il traite subtilement de tellement de problématiques "écologiques" que je ne peux pas ne pas être sensible à son cinéma. C'est toute une idée de la nature humaine qu'il remue en nous ; C'est sans doute (à mon sens) le cinéaste le plus "altermondialiste" par essence, la prétention en moins, car ses films ne sont jamais prétentieux, ils sont subtils. Ils sont beaux car ils sont simples. Ils montrent sans blesser l'orgueil du spectateur. Ils nous remuent avec poésie et grâce, et non pas en martelant certains messages comme d'autres le font ( Michael Moore style ! ) Ils nous effleurent à la manière de la caresse du vent, et c'est sans doute aussi ce qui dérange car certains y voient .. du vent !! du néant. Mais c'est aussi absurde que de dire que le vent n'existe pas.
Plus qu'un voyage , ses films sont souvent une invitation à remettre en cause notre rapport au monde, et à la vie. Une invitation à nous désaliéner et à nous laisser entraîner par tout ce qui est beau en ce monde ; la moindre senteur, saveur naturelle. Telle image de ruisseau qui coule au milieu de la végétation sert à nous désaltérer et purifier l'esprit dans une invitation à la rêverie. Les personnages de ses films, souvent parlent peu. En revanche, on "entend" parfois leurs pensées. Ces dernières sont surtout des interrogations, parfois presque métaphysiques. Un peu comme des brainstormings emmêlés mais passionnants, nous rappelant des questions qu'on se pose tous : Qu'est-ce que la vie, que sommes-nous, d'où venons-nous, où allons-nous. Pourquoi mourrons nous.
Si certains films de guerre cherchent à dénoncer l'horreur de la guerre (en la montrant) La ligne rouge cherche avant tout à en montrer l'absurdité (en la montrant peu, et en montrant par contraste la VIE) C'est une philosophie complètement différente, qui me touche beaucoup, et qui résume très bien le cinéma de Malick. Je trouve que ce qui caractérise souvent ses atmosphères c'est la mélancolie, la tristesse, mais souvent teintée d'espoir malgré tout, le nihilisme est compensé par des choses positives.
Le nouveau monde, par exemple traite de certains thèmes identiques à ceux traités dans un film d'indiens comme Apocalypto, de Mel Gibson. L'époque de la conquête des Amérique, du choc civilisationnel... Pourtant, Le nouveau monde de Malick est l'anti Apocalypto dans l'esprit.
Si les films de Gibson , que ce soit Apocalyto ou La passion du Christ nous remuent en osant nous montrer de manière crue et terrible le monstre qui est tapi au coeur de l'homme et s'il se concentre sur la barbarie des sauvages indiens, Malick lui nous dépeint plutôt le bon sauvage rousseauiste ; Si je mets ces 2 films en parallèle c'est en fait car j'aime les 2 chacun à leur manière, et que les 3 sont souvent critiqués pour des raisons différentes : certains voient les films de Gibson comme voyeuriste, se complaisant dans une surenchère de violence. A l'inverse, certains voient les films de malick comme ennuyeux à l'extrême .. Or c'est juste que les points de vue adoptés, à mon sens, sont différents, mais selon moi tout aussi valables d'un point de vue cinéphile. Or il est vrai que la vision des indiens dans Apocalypto est très dure, chez Gibson comme je le disais, elle est beaucoup plus positive ( presque rousseauiste)
Mais les deux cinéastes nuancent leur vision, et c'est ce qui me fait beaucoup apprécier les deux à leur manière. 1492 de Ridley Scott cherche un peu à le faire aussi, mais c'est beaucoup moins subtil et la démonstration est même sans intérêt à mon sens car le film est assez maladroit et assez creux au final malgré quelques séquences d'anthologiue , il ne parle pas de la même manière.
Par certains côtés la vision des indiens de Malick dans Le nouveau monde est sans doute un peu naïve, mais de cette naïveté idéaliste nécessaire en ce monde qui marche de plus en plus sur la tête, et qui nous fait souvent oublier les valeurs essentielles. Toutes les personnes qui ont perdu l'habitude de s'arrêter pour écouter le bruissement des feuilles des arbres, qui ne ressentent plus rien devant la poésie , la caresse d'une voix ou la magie des mots d'une langue (autre thème qui m'intéresse à travers Tolkien cette fois car c'est au coeur de sa vie et son oeuvre) , tous ces gens qui sont entraînés tous les jours à parcourir le métro un peu comme des machines, humant le smog des grandes villes polluées et pensant à la journée stressante qui va venir, enfermées dans le train train quotidien souvent aliénant, toutes ces personnes auront sans doute un peu de mal avec ce réalisateur car elles ont perdu l'habitude de voir, de sentir, de ressentir. Ces personnes - j'en fais peut-être presque partie- sont MORTES. Je l'ai d'ailleurs sûrement été à une époque , on se laisse tous facilement enfermé par le moulage de la société, nos tabous divers, nos habitudes aliénantes ( particulièrement je pense dans les grandes villes ) ; Il est probable que si j'avais connu ce réalisateur il y a plusieurs années, je l'ai trouvé moi-aussi ennuyeux. Pourtant, il est fait en particulier pour eux, pour nous ! ( je me compte parmi ces personnes en premier car je possède et suis contaminé par le même virus de la vie moderne)
Il y a 10 ans, je n'aurais sans doute pas percu ce que ces films avaient de beau. Je les aurais trouvé rasoirs, sans intérêt. Trop longs, presque inutiles. Il a fallu que dans ma vie réelle je me prenne des grosses baffes dans la tronche pour comprendre que des gens comme Malick visaient juste.
Ses films sont une expérience que je recommande vraiment à tous ceux qui cherchent à vivre des expériences cinématographiques, et qui sont fascinés à la fois par le spectacle de la nature, par la beauté de la vie terrestre, qui pensent encore que l'amour le vrai (le simple et pur, proche de la vision romantique) veut encore dire quelque chose. Je ne parle pas du pseudo-amour souvent malheureusement un peu cynique qui existe dans nos sociétés modernes (peu de gens s'aiment à la manière de certains personnages de ces films, et peu donc peuvent sans doute comprendre en quoi les scènes entre Collin Farell et la jeune indienne du nouveau monde sont belles et sensuelles. ( lire cette critique intéressante sur le site du journal Le monde )