Athrabeth Finrod Ah Andreth ( Traduction des aratars )

Les 12 volumes de l'histoire de la Terre du Milieu constituent le Silmarillion "détaillé" ; il s'agit de toute la matière élaborée par J.R.R. Tolkien pour développer son univers : les livres ont été préparés pour l'édition et commentés de manière posthume par Christopher Tolkien, le fils de Tolkien. Au menu, diverses cartes, généalogies, poèmes, lais, textes en prose (parfois inachevés), chronologies, grammaires elfiques, etc. Livres destinés à ceux qui sont déjà aguerris avec l'univers des Terres du Milieu !
phoenlx
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Athrabeth Finrod Ah Andreth ( Traduction des aratars )

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:16 am

Le texte très long que je vous soumet dans la suite du topic correspond à l'athrabeth Finrod ah Andreth ( ce qui traduit de l'elfique veut dire dialogue entre Finrod et Andreth ) et on peut le retrouver , parmi d'autres choses, à l'intérieur du livre Morgoth's ring ( volume 10 de l'Histoire de la terre du milieu en 12 volumes ) :

Image

Vu qu'il s'agit d'un ouvrage non traduit en français à l'heure où j'écris , des fans se sont amusés à le traduire entièrement, et la traduction que je vous propose ensuite est faite par ces fans, ce n'est donc pas une traduction officielle, attention. Pour la source des traductions, il s'agit du forum des aratars : http://forum.aratars.org/ftopic1640.php

J'ai décidé de faire un topic à part et de recopier ici l'athrabeth car c'est un texte vraiment intéressant qui aborde des questions philosophiques comme la mort et le déclin des elfes, je me suis donc dis que ce serait pas mal de porter ceci à la connaissance des membres du forum et pourquoi pas d'initier un petit débat ensuite sur ces questions ; Par contre pour le débat je propose qu'on le fasse dans cet autre topic séparé pour éviter de mélanger nos retours avec les textes de Tolkien et traductions ...

( voir aussi mes topics plus "résumés" suivants consacrés à l'âme et au corps des elfes, feä et hroä , et à la mort de Miriel Serindë, où j'aborde un peu aussi ces questions mais sans entrer dans les détails .. ) :
topic sur le feä et le hroä : viewtopic.php?f=116&t=8342
Topic sur la mort de Miriel Serindë : viewtopic.php?f=116&t=8341

A propos de la mort de Miriel d'ailleurs, le tome 10 Morgoth's ring propose aussi plusieurs versions de cette histoire ...

Ce qui suit à partir de maintenant donc est un texte qui n'est pas de moi, mais qui vient du forum des aratars et des traductions qu'ils proposent de l'athrabeth, texte de Tolkien commenté par son fils Christopher. Pour que ce soit clair, je place en caractères gras les phrases de Christopher Tolkien ( donc les commentaires de l'athrabeth ) et en caractères normaux, ce qui est de JRR Tolkien lui-même ( le père )...
Je n'ai pas réussi à poster les derniers commentaires de Christopher car ils provoquent un bug du forum à cause de certains caractères d'imprimerie nécéssaires pour certains mots elfiques :shock: ( dès que je peux je le ferai ) mais vous pouvez de toute façon retrouver tout ça dans ce fichier PDF :
( voir aussi ce topic du forum des aratars )
Si j'avais un conseil à vous donner pour entrer dans la lecture c'est de zapper les notes et commentaires dans un premier temps et de vous concentrer vraiment sur le texte de Tolkien père ( oubliez ce qui est en caractères gras, et vous le lirez plus tard pour compléter ! )


_________________________________________________________________________________________________________________


Alors que ce texte très remarquable et jusqu'à présent inconnu, "Le débat de Finrod et d'Andreth", s'inscrit à une époque
ultérieure de l'histoire des Jours Anciens à celle qui est traitée dans ce livre, il devrait clairement être rendu compte ici
de son association, à la fois en date et en contenu, avec les écrits et révisions de la "Seconde Phase" de l'histoire post-
Seigneur des Anneaux du Silmarillion. J'ai pensé qu'il était mieux de le faire figurer comme une partie séparée de ce livre
plutôt que de l'inclure avec les écrits variés de la partie V, étant donné que, à la différence de ceux-ci, il s'agit d'un texte
majeur et terminé, et il y est fait référence en d'autres endroits, comme s'il avait pour mon père une certaine "autorité".
La situation du texte, en ce qui concerne la narration exacte du "Débat", est simple. Il y a un manuscrit ("A"), très
similaire en style et en apparence à celui de Lois et Coutumes parmi les Eldar, et comme lui clair et fluide - bien qu'en ce
cas il existe encore quelques pages de brouillon, avec des indications claires que d'autres existaient (voir pp. 350 sq.). Il y
a aussi deux copies tapuscrites, prises indépendamment du manuscrit après que toutes les modifications y furent faites.
L'une d'eux ("B"), probablement la première à avoir été faite, est de peu de valeur : elle contient de nombreuses erreurs,
et fut très rapidement examinée par mon père, avec pratiquement aucune correction. L'autre ("C"), existant aussi en
copie carbone, est un meilleur texte bien que pas sans erreurs; il le lut plus attentivement et introduisit un nombre de
changements mineurs, mais ne vit pas quelques erreurs en ne la comparant pas avec le manuscrit. Le texte imprimé ici
est dès lors établi à partir du manuscrit, en reprenant les corrections faites aux tapuscrits.
Aucun des tapuscrits de l'Athrabeth ne porte de titre; les deux commencent par les mots "Il arriva alors par chance qu'au
cours du printemps ..." (p. 307). Le manuscrit, d'un autre côté, porte le titre De la Mort et des Enfants d'Eru, et du
Marrissement des Hommes (avec un autre titre ou sous-titre ajouté ultérieurement, La Conversation de Finrod et
d'Andreth), et deux pages de texte introductif précèdent la phrase par laquelle s'ouvrent les tapuscrits. Cette
introduction à la "Conversation" était en fait la continuation d'un essai que mon père retira et rendit indépendant : voir
pp. 424 sq., où ce texte, intitulé Aman, est reproduit.
Cette section introductive fut subséquemment tapée par mon père, avec une copie carbone, sur la nouvelle machine à
écrire (voir p. 300), et attachée au début des copies du tapuscrit C. Elle n'a ni titre ni en-tête. En la tapant, il la remania
de manière substantielle; mais l'objet exact de la version manuscrite fut largement préservé, de telle sorte que seules
quelques différences doivent être notées (voir pp. 305-6).
Quant à la date du texte : qu'il fut écrit après l'achèvement du manuscrit de Lois et Coutumes parmi les Eldar se voit
d'après les commentaires de mon père sur ce dernier, "Mais voir traitement complet de ceci dans Athrabeth Finrod ah
Andreth" et "Mais voir l'Athrabeth" (pp. 251-2). Il est aussi évident qu'il suivit le tapuscrit B de Lois et Coutumes, étant
donné que le mot hröa(r) est utilisé, un terme qui ne remplaça hrondo(r) dans ce tapuscrit que lors d'une rapide
correction ultérieure (p. 209). Le texte et le très élaboré Commentaire (tapé sur la nouvelle machine à écrire) y annexé
sont préservés dans des journaux pliés de janvier 1960; et il est clair d'après ce qui est écrit sur les journaux (voir p. 329)
que ce matériau était achevé quand ils furent utilisés à cette fin. Il est vrai bien sûr que janvier 1960 n'est pas par là
prouvé être un terminus ad quem, parce que les journaux auraient pu être utilisés ainsi indéfiniment plus tard; mais cela,
je le pense, est très improbable, et je placerais dès lors le texte en 1959. La seule preuve qui peut être opposée à ceci est le
fait que la petite quantité du matériau originel de brouillon est entièrement écrite sur des fiches faites à partir de
documents de l'année 1955; mais si mon père avait une réserve de ce genre de papier, comme c'est assez semblable, ceci
ne démontrerait rien de plus que le travail initial sur l'Athrabeth appartient à cette année ou après. En même temps, il
doit être admis qu'il est parfaitement possible qu'il travaillait dessus par intervalles pendant une période substantielle de
temps.

Suit à présent le texte introductif dans la version tapuscrite.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:18 am

Les Eldar apprirent que, selon les traditions des Edain, les Hommes croyaient que leurs hröar n’avaient pas,
par nature, une courte espérance de vie, mais qu’il en était ainsi à cause de la malice de Melkor. Il n’était pas
clair aux Eldar si les Hommes voulaient dire : à cause du marrissement général d’Arda (qu’ils tenaient euxmêmes
pour la cause de la disparition de leurs propres hröar); ou à cause d’une quelconque malice spéciale à
l’encontre des Hommes en tant qu’Hommes, qui fut accomplie dans les âges ténébreux précédant la
rencontre des Edain et des Eldar en Beleriand; ou à cause des deux. Mais il semblait aux Eldar que, si la
mortalité des Hommes était advenue à cause d’une malice spéciale, la nature des Hommes avait été
douloureusement déviée par rapport au premier dessein d’Eru; et cela leur était une chose surprenante et
menaçante, car, s’il en était réellement ainsi, la puissance de Melkor devait être (et était au commencement)
bien plus grande que ce que même les Eldar avaient compris; tandis que la nature originelle des Hommes
devait être bien étrange et différente de celle de tout autre habitant d’Arda.
En ce qui concerne ces choses, on rapporte dans l’ancien savoir des Eldar qu’un jour Finrod Felagund et
Andreth la Sage débattirent en Beleriand il y a bien longtemps. Ce récit, que les Eldar nomment Athrabeth
Finrod ah Andreth, est reproduit ici sous l’une des formes préservées.

Finrod (fils de Finarfin, fils de Finwë) était le plus sage des Noldor exilés, étant plus concerné que tous les
autres par les choses de la pensée (plus que par la fabrication ou l’adresse manuelle); et de plus, il était avide
de découvrir tout ce qu’il pouvait au sujet de l’Humanité. C’est lui qui rencontra en premier les Hommes en
Beleriand et qui se lia d’amitié avec eux; et pour cette raison était-il souvent appelé par les Eldar Edennil,
“l’Ami des Hommes”. La plus grande part de son amour allait au peuple de Bëor l’Ancien, car c’est eux qu’il
avait d’abord trouvés dans les bois du Beleriand oriental.
Andreth était une femme de la Maison de Bëor, la soeur de Bregor père de Barahir (dont le fils était le
renommé Beren le Manchot). Elle était sage en pensée, et instruite dans le savoir des Hommes et de leurs
histoires; raison pour laquelle les Eldar l’appelaient Saelind, “Coeur sage”.
Parmi les Sages certains étaient des femmes, et elles étaient tenues en haute estime parmi les Hommes,
spécialement en raison de leur connaissance des légendes des jours anciens. Adanel était une autre Sage,
soeur de Hador Lorindol Seigneur du Peuple de Marach, dont le savoir et les traditions, tout comme la
langue, étaient différents de ceux du Peuple de Bëor. Mais Adanel avait épousé un parent d’Andreth,
Belemir de la Maison de Bëor : il était le grand-père d’Emeldir, mère de Beren. Dans sa jeunesse. Andreth
avait longtemps résidé dans la demeure de Belemir, et apprit ainsi d’Adanel le savoir du Peuple de Marach,
en plus du savoir des siens.
Durant les jours de paix précédant la fin du Siège d’Angband, Finrod rendait souvent visite à Andreth, qu’il
aimait de grande amitié, car il la trouvait plus disposée à partager ses connaissances avec lui que ne l’était la
plupart des Sages parmi les Hommes. Une ombre semblait reposer sur eux, et il y avait des ténèbres derrière
eux, dont ils ne parlaient pas même entre eux. Et ils avaient une crainte respectueuse des Eldar et ne leur
auraient pas facilement révélé leurs pensées ou leurs légendes. En effet, les Sages parmi les Hommes (et ils
étaient peu) dans la plupart des cas gardaient leur sagesse secrète et ne la transmettaient qu’à ceux de leur
choix.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:38 am

La principale différence entre le manuscrit et la version dactylographiée de cette introduction concerne la généalogie
élargie de la Maison de Bëor, car ici le manuscrit donne des informations supplémentaires concernant Adanel :

Une autre Sage, bien que d'une Maison et d'une tradition différentes, se nommait Adanel soeur d'Hador. Elle épousa
Belemir de la Maison de Bëor, petit-fils de Belen deuxième fils de Bëor l'Ancien, à qui la sagesse de Bëor fut
principalement transmise. Et il y avait beaucoup d'amour entre Belemir et Andreth sa jeune parente (la fille de
Boromir, son cousin au second degré), et elle résida longtemps en sa maison, et apprit ainsi aussi beaucoup du savoir
du "peuple de Marach" et de la Maison d'Hador par Adanel.


Si l'on ajoute aux références généalogiques du Silmarillion publié (pp. 142, 148, et Index sous Emeldir), ces informations
de l'introduction de l'Athrabeth, on peut obtenir l'arbre suivant (les nouveaux noms figurant en italique) :




Image





La plupart des informations généalogiques sur la Maison de Bëor dans le Silmarillion publié dérive évidemment du
travail post-Seigneur des Anneaux du texte : en QS et dans les Annales de Beleriand, Barahir, le père de Beren, était le
fils de Bëor l'Ancien, et le Peuple de Marach n'était pas encore apparu.
D'autres différences dans la version manuscrite de l'introduction sont les affirmations selon lesquelles Andreth "apprit
aussi tout ce qu'elle pouvait entendre des Eldar", et que Finrod était souvent appelé par les Eldar "Atandil (ou Edennil)"
(voir le "Glossaire" à l'Athrabeth, p. 349).

Dans la première note de bas de page de l'ouverture de la narration elle-même, la date de l'Athrabeth est donnée comme
se situant "environ en 409 durant la Longue Paix (260-455)". En l'an 260, Glaurung sortit pour la première fois par les
portes d'Angband, et en 455 survint Dagor Bragollach ou Bataille de la Flamme Subite, lorsque le Siège d'Angband fut
rompu. Selon l'ancienne chronologie (voir V.130, 274; encore intacte dans les Annales Grises aux alentours de 1951),
Finrod Felagund avait rencontré Bëor dans les contreforts des Montagnes Bleues en l'an 400, mais la date de cette
rencontre était à présent avancée de quatre-vingt-dix ans, en 310 (troisième note de bas de page du texte).
Suit à présent "Le Débat de Finrod et d'Andreth", qui, comme déjà noté, n'a pas de titre dans les tapuscrits (B et C), et qui
dans le manuscrit originel A continue sans interruption et sans nouvel en-tête à partir de l'introduction.





Il arriva alors par chance qu'au cours du printemps,* Finrod fut pour un temps invité dans la maison de
Belemir; et il en vint à parler avec Andreth la Sage au sujet des Hommes et de leur destinée. Car en ce temps,
Boron, Seigneur du peuple de Bëor, venait juste de mourir peu après Yule, et Finrod était en peine.
"Cela m'est triste, Andreth," dit-il, "que cette rapide disparition de ceux de ton peuple. Car maintenant
Boron, le père de ton père, est parti; et bien qu'il était vieux, dis-tu, comme l'âge vient aux Hommes,** je ne
l'ai pourtant connu que trop brièvement. Peu de temps en effet cela me semble-t-il depuis que je vis pour la
première fois*** Bëor à l'est de ce pays, et pourtant maintenant est-il parti, ainsi que ses fils, tout comme le
fils de son fils."
"Cela fait maintenant plus de cent ans," dit Andreth, "que nous avons passé les Montagnes; et Bëor, Baran et
Boron ont chacun dépassé leur quatre-vingt-dixième année. Notre disparition était plus rapide avant que
nous ne trouvions ce pays."
"Êtes-vous alors heureux ici ?" dit Finrod.
"Heureux ?" dit Andreth. "Aucun coeur d'Homme ne l'est. Chaque disparition et mort lui est souffrance; mais
la disparition est moins proche, ce qui est déjà un redressement, un petit affranchissement par rapport à
l'Ombre."
"Qu'entends-tu par là ?" dit Finrod.
"Tu le sais certainement !" dit Andreth. "Les ténèbres qui sont maintenant confinées au Nord, mais qui jadis";
et ici elle s'interrompit et ses yeux s'assombrirent, comme si son esprit était revenu à l'époque de ces années
noires depuis longtemps oubliées. "Mais qui jadis s'étendaient à toute la Terre du Milieu, quand vous
baigniez dans votre félicité."
"Ce n'est pas au sujet de l'Ombre que j'ai posé ma question," dit Finrod. "Qu'entendais-tu, je dirais, par un
affranchissement par rapport à l'Ombre ? Ou en quoi cela concerne-t-il la destinée rapide des Hommes ?
Nous le considérons (étant instruits par les Grands qui le savent), vous êtes aussi des Enfants d'Eru, et votre
destin et votre nature proviennent de Lui."
"Je vois," dit Andreth, "qu'en cela vous les Hauts Elfes ne différez pas de vos parents moindres que nous
avons rencontrés de par le monde, bien qu'ils n'aient jamais vécu dans la Lumière. Vous tous les Elfes pensez
que nous mourons rapidement de par notre propre espèce. Que nous sommes fragiles et brefs, et que vous
êtes forts et durables. Nous pouvons être des 'Enfants d'Eru', comme vous dites dans votre savoir, mais nous
sommes aussi des enfants pour vous : à aimer un peu peut-être, mais des créatures de valeur moindre, sur
lesquelles vous pouvez poser votre regard du haut de votre puissance et de votre science, avec un sourire, ou
avec pitié, ou avec un remuement de tête."



* [Note de bas de page au texte] Cela serait environ en 409 durant la Longue Paix (260-455). À cette époque, Belemir
et Adanel étaient vieux pour des Hommes, étant dans leur soixante-dizaine; mais Andreth était dans la vigueur de
l'âge, n'ayant pas encore 50 ans (48 ans). Elle était célibataire, ce qui n'était pas inhabituel pour les Sages des
Hommes.
** [Note de bas de page au texte] Il avait 93 ans.
*** [Note de bas de page au texte] En 310, environ 100 ans avant cela.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:42 am


"Hélas, tu n'es pas loin de la vérité," dit Finrod. "Du moins à propos de beaucoup des miens; mais pas de tous,
et certainement pas de moi. Mais réfléchis bien à cela, Andreth, lorsque nous vous appelons 'Enfants d'Eru',
nous ne parlons pas à la légère; car ce nom, nous ne le prononçons pas par raillerie ni sans réelle
signification. Quand nous parlons ainsi, nous ne parlons pas de science ni de savoir elfe; et nous proclamons
que vous nous êtes apparentés, d'une manière beaucoup plus proche (à la fois de hröa et de fëa) que ce qui
rassemble toutes les autres créatures d'Arda, et nous-mêmes à elles.
"Nous aimons aussi à leur mesure et genre les autres créatures de la Terre du Milieu : les animaux et les
oiseaux qui sont nos amis, les arbres, et même les belles fleurs qui trépassent plus vite que les Hommes. Nous
regrettons leur trépas; mais nous pensons que c'est une partie de leur nature, tout autant que leur forme ou
leurs couleurs.
"Mais en ce qui vous concerne, vous qui êtes nos parents les plus proches, notre regret est bien plus grand.
Pourtant, si nous considérons la brièveté de la vie en Arda, ne devons-nous pas croire que la vôtre fait
également partie de votre nature ? Vos propres gens ne croient-ils pas en cela aussi ? Et pourtant, de tes mots
et de leur amertume, je devine que tu penses que nous faisons erreur."
"Je pense que tu fais erreur, comme tous ceux qui pensent la même chose," dit Andreth; "et que cette erreur
même vient de l'Ombre. Mais parlons des Hommes. Certains diront ceci, d'autres cela; mais la plupart,
réfléchissant peu, considèreront toujours que ce qui est leur bref moment dans le monde a toujours été ainsi,
et ainsi restera toujours, qu'ils l'aiment ou non. Mais il y en a qui pensent différemment; les hommes les
appellent les 'Sages', mais leur accordent peu d'importance. Car ils ne parlent pas avec assurance ou d'une
seule voix, n'ayant pas une connaissance aussi sûre que celle dont vous vous glorifiez, mais dépendant
forcément du 'savoir', duquel la vérité (si elle peut être trouvée) doit être vannée. Et dans chaque vannage, il
y a de la balle avec le grain qui est choisi, et sans aucun doute du grain avec la balle qui est rejetée.
"Pourtant parmi mon peuple, de Sage en Sage depuis les ténèbres, vient la voix disant que les Hommes ne
sont plus maintenant comme ils étaient, ni comme leur vraie nature était à leur commencement. Et plus
clairement encore cela est-il dit par les Sages du Peuple de Marach, qui ont gardé en mémoire un nom pour
Celui que vous appelez Eru, alors que parmi mon peuple, il fut presque oublié. Ainsi ai-je appris d'Adanel. Il
disent clairement que les Hommes n'ont pas par nature une courte vie, mais en sont arrivés là en raison de la
malice du Seigneur des Ténèbres qu'ils ne nomment pas."

"Cela je veux bien le croire," dit Finrod : "que vos corps souffrent dans une certaine mesure de la malice de
Melkor. Car vous vivez en Arda Marrie, comme nous, et toute la substance d'Arda a été souillée par lui,
avant que vous ou nous ne soyons apparus et que nous n'en ayons tiré nos hröar et leurs moyens de
subsistance : tout sauf peut-être Aman avant qu'il n'y vint.1 Car maintenant, il n'en va pas différemment des
Quendi2 eux-mêmes : leur santé et leur stature sont diminuées. Déjà ceux d'entre nous qui habitent en Terre
du Milieu, et même nous qui y sommes revenus, trouvent que le changement3 dans leurs corps est plus
rapide qu'au commencement. Et cela, j'estime, doit présager de ce qu'ils se montreront moins aptes à durer
qu'ils n'étaient destinés à le faire, bien que cela puisse ne pas être clairement révélé avant de nombreuses
années.
"Et il en va de même des hröar des Hommes, elles sont plus faibles qu'elles ne devraient l'être. C'est ainsi
qu'ici à l'Ouest, où son pouvoir auparavant ne s'étendait que craintivement, elles sont en meilleure santé,
comme tu dis."
"Non, non !" dit Andreth. "Tu ne comprends pas mes mots. Car tu restes toujours dans le même schéma de
pensée, mon seigneur : les Elfes sont les Elfes, et les Hommes sont les Hommes, et bien qu'ils aient un
Ennemi commun, par lequel ils sont tous deux blessés, la distance prescrite reste toujours entre les seigneurs
et les humbles, les Premiers Nés nobles et endurants, les Suivants humbles et à l'utilité brève.
"Ce n'est pas la voix que les Sages entendent depuis les ténèbres et venant d'au-delà. Non, seigneur, les Sages
parmi les Hommes disent : 'Nous n'étions pas faits pour la mort, ni nés pour mourir. La mort nous a été
imposée.' Et vois ! la crainte de la mort partout nous accompagne, et nous la fuyons sans cesse comme le cerf
fuit le chasseur. Mais en ce qui me concerne, j'estime que nous ne pouvons lui échapper en ce monde, non,
même si nous pouvions accéder à la Lumière au-delà de la Mer, ou à cet Aman dont vous parlez. En cet
espoir nous nous sommes mis en route et avons voyagé au long de nombreuses vies d'Hommes; mais l'espoir
était vain. C'est ce que disaient les Sages, mais cela n'a pas arrêté la marche, car comme je l'ai dit, ils sont peu
écoutés. Nous avons fuit l'Ombre jusqu'aux dernières rives de la Terre du Milieu, pour enfin découvrir
qu'elle est ici devant nous !"

Alors Finrod se tint silencieux; mais après un moment il dit : "Ces mots sont étranges et terribles. Et tu parles
avec l'amertume de celle dont la fierté a été humiliée, et qui cherche alors à blesser ceux à qui elle s'adresse.
Si tous les Sages parmi les Hommes parlent de la sorte, alors oui je puis croire que vous avez grandement
souffert. Mais pas par mon peuple, Andreth, ni par aucun des Quendi. Si nous sommes ce que nous sommes,
et si vous êtes comme nous vous trouvons, ce n'est dû à aucun de nos actes ni à notre désir; et votre peine ne
nous réjouit ni ne nourrit notre fierté. Un seul parlerait différemment : cet Ennemi que tu ne nommes pas.
"Prends garde à la balle dans ton grain, Andreth ! Car cela peut être mortel : les mensonges de l'Ennemi qui
par envie nourriront la haine. Toutes les voix venant des ténèbres ne disent pas la vérité aux esprits qui
écoutent d'étranges nouvelles.
"Mais qui vous a ainsi blessés ? Qui vous a imposé la mort ? Melkor, c'est clair que ce serait ta réponse, quel
que soit le nom que tu lui donnes en secret. Car tu parles de la mort et de son ombre à lui, comme si ces
choses en étaient une seule et même; comme si échapper à l'Ombre était aussi échapper à la Mort.
"Mais ce n'est pas la même chose, Andreth. C'est ce que je pense, sinon la mort n'existerait pas du tout dans
ce monde qui a été conçu non par lui, mais par Un Autre. Non, la mort n'est que le nom que nous donnons à
quelque chose qu'il a souillé, et qui résonne par conséquent de manière maléfique; mais non souillé, son nom
serait bon."4
"Que savez-vous de la mort ? Vous ne la craignez pas, car vous5 ne la connaissez pas," dit Andreth.
"Nous l'avons vue et la craignons," répondit Finrod. "Nous aussi pouvons mourir, Andreth; et nous sommes
morts. Le père de mon père fut cruellement tué, et beaucoup l'ont suivi, exilés dans la nuit, dans la glace
cruelle, dans la mer insatiable. Et en Terre du Milieu sommes-nous tombés, par le feu et la fumée, par le
venin et les lames cruelles de la bataille. Fëanor est mort, et Fingolphin fut écrasé sous les pieds du
Morgoth.6
"À quelle fin ? Afin de renverser l'Ombre, ou si cela ne se peut, de l'empêcher de s'étendre à nouveau à toute
la Terre du Milieu - afin de défendre les Enfants d'Eru, Andreth, tous les Enfants et non les fiers Eldar
seulement !"
"J'ai entendu dire," dit Andreth, "que c'était afin de reprendre votre trésor que votre Ennemi avait volé; mais
peut-être la Maison de Finarphin ne suit-elle pas les Fils de Fëanor. Toutefois, malgré toute votre valeur, je
dis à nouveau : 'que savez-vous de la mort ?' Elle peut vous être une douleur, amère, et une perte - mais
uniquement pour un temps, une petite prise sur l'abondance, à moins que l'on m'ait menti. Car vous savez
qu'en mourant vous ne quittez pas le monde, et que vous pouvez revenir à la vie.
"Il en va autrement en ce qui nous concerne : en mourant nous mourons, et nous partons sans possibilité de
retour. La mort est une fin ultime, une perte irrémédiable. Et c'est abominable; car c'est aussi un tort qui
nous est causé."
"Cette différence, je la perçois," dit Finrod. "Tu dirais qu'il y a deux morts : celle qui est une peine et une
perte mais pas une fin, et l'autre qui est une fin sans possibilité de redressement; et les Quendi souffrent
seulement de la première ?"
"Oui, mais il y a aussi une autre différence," dit Andreth. "L'une n'est qu'un accroc parmi les fortunes de ce
monde, que le courageux, ou le fort, ou celui qui a de la chance, peut espérer éviter. L'autre est la mort
inéluctable; la mort chasseresse à laquelle à la fin nul ne peut échapper. Qu'un Homme soit fort, ou rapide,
ou intrépide; qu'il soit sage ou idiot; qu'il soit mauvais, ou qu'il soit tous les jours et dans tous ses actes juste
et miséricordieux, qu'il aime le monde ou qu'il l'ait en horreur, il devra mourir et le quitter - et devenir une
charogne que les hommes cacheront ou brûleront volontiers."
"Et étant ainsi pourchassés, les Hommes n'ont-ils aucun espoir ?" dit Finrod.
"Ils n'ont ni certitude ni connaissance, seulement des craintes, ou des rêves dans l'obscurité," répondit
Andreth. "Mais de l'espoir ? L'espoir, c'est une autre question, dont même les Sages parlent rarement." Alors
sa voix se fit plus douce. "Pourtant, Seigneur Finrod de la Maison de Finarphin, des nobles et puissants Elfes,
peut-être pourrons-nous en parler sous peu, toi et moi."
"Sous peu nous pourrions," dit Finrod, "mais pourtant nous marchons sous les ombres de la peur. Pourtant à
présent je perçois que la grande différence entre les Elfes et les Hommes réside dans la vitesse de la fin. Dans
cela seulement. Car si tu penses qu'il n'y a pour les Quendi pas de mort inéluctable, tu te trompes.
"À l'heure actuelle aucun de nous ne sait, bien qu'il se peut que les Valar le connaissent, ce que sera l'avenir
d'Arda, ou quel est le terme qui lui est assigné. Mais Arda ne durera pas éternellement. Elle fut faite par Eru,
mais Il n'est pas en elle. Seul l'Unique n'a pas de limite. Arda, et Eä elle-même, doivent par conséquent être
limitées. Tu nous vois, nous les Quendi, encore dans les premiers âges de notre existence, et la fin est lointaine.
Peut-être telle que parmi vous la mort peut sembler à un homme jeune au sommet de sa force;
excepté que nous avons déjà de longues années de vie et de réflexion derrière nous. Mais la fin viendra. Cela,
nous le savons tous. Et alors nous devrons mourir; nous devrons périr en fin de compte, apparemment, car
nous appartenons à Arda (en hröa et en fëa).7 Et quoi après ça ? 'Le départ sans retour,' comme tu dis; 'la fin
ultime, la perte irrémédiable' ?
"Notre chasseur avance lentement, mais il ne perd jamais la trace. Au-delà du jour où il sonnera l'hallali,8
nous n'avons ni certitude ni connaissance. Et personne ne nous parle d'espoir."
"Je ne le savais pas," dit Andreth; "et pourtant …"
"Et pourtant le nôtre avance lentement, dirais-tu ?" dit Finrod. "C'est vrai. Mais il n'est pas clair qu'une
sentence prévue et longuement retardée soit dans tous les cas un poids plus léger que celle qui vient
rapidement. Mais si j'ai bien compris tes mots jusqu'à présent, tu ne crois pas que cette différence était
prévue au commencement. Vous n'étiez pas destinés à une mort rapide.
"On pourrait dire beaucoup au sujet de cette croyance (que cela soit vrai ou non). Mais je demanderais
d'abord : comment dites-vous que cela est arrivé ? Par la malice de Melkor, je l'ai deviné, et tu ne l'as pas nié.
Mais je vois à présent que tu ne parles pas de la diminution soufferte par tout en Arda Marrie; mais de
quelque coup spécial d'hostilité contre ton peuple, contre les Hommes en tant qu'Hommes. Est-ce cela ?"
"Oui, en effet," dit Andreth.
"Alors c'est une question effrayante," dit Finrod. "Nous connaissons Melkor, le Morgoth, et le savons
puissant. Oui, je l'ai vu, et j'ai entendu sa voix; et je me suis tenu en aveugle dans la nuit qui est au coeur de
son ombre, alors que toi, Andreth, ne sait rien si ce n'est par ouï-dire ou par la mémoire de ton peuple. Mais
jamais même dans la nuit n'avons-nous cru qu'il pouvait s'imposer aux Enfants d'Eru. Celui-ci, il pourrait
l'induire en erreur, ou celui-là le corrompre; mais changer le destin de tout un peuple des Enfants, les
dépouiller de leur héritage : s'il peut faire ça malgré Eru, alors de loin plus grand et plus terrible est-il que
nous ne l'avions deviné; alors toute la valeur des Noldor n'est qu'audace et folie - non, Valinor et les
Montagnes des Pelóri sont construits sur du sable."
"Vois !" dit Andreth. "N'ai-je pas dit que vous ne connaissiez pas la mort ? Vois ! Quand tu dois lui faire face
en pensée seulement, comme nous le savons de par notre expérience et à travers toutes nos vies, d'un seul
coup tu sombres dans le désespoir. Nous savons, si vous ne le savez pas,9 que le Sans nom est Seigneur de ce
Monde, et que votre valeur, et la nôtre aussi, est une folie; ou au moins est-elle stérile."
"Prend garde !" dit Finrod. "Prend garde de ne pas dire ce qui ne peut être dit, volontairement ou par
ignorance, en confondant Eru avec l'Ennemi qui adorerait que tu le fasses. Le Seigneur de ce Monde, ce n'est
pas lui, mais c'est l'Unique qui l'a fait lui, et Son Vice-Roi est Manwë, le Haut-Roi d'Arda, qui est béni.
"Non Andreth, esprit assombri et affolé; s'incliner et pourtant haïr; fuir et pourtant ne pas rejeter; aimer le
corps et pourtant le mépriser, le dégoût de la charogne : ces choses peuvent venir du Morgoth, en effet. Mais
condamner les non-morts à la mort, de père en fils, et pourtant leur laisser le souvenir d'un héritage
détourné, et le désir de ce qui est perdu : le Morgoth pourrait-il le faire ? Non, je dis. Et pour cette raison aije
dit que si ton conte est vrai, alors tout en Arda est vain, de la cime de l'Oiolossë jusqu'aux abysses les plus
profonds. Car je ne crois pas ton conte. Personne n'aurait pu faire cela excepté l'Unique.
"C'est pourquoi je te demande, Andreth, qu'avez-vous fait, vous les Hommes, il y a bien longtemps dans les
ténèbres ? Comment avez-vous mis Eru en colère ? Car autrement tous vos contes ne sont que des rêves
sombres conçus par un Esprit ténébreux. Diras-tu ce que tu sais ou ce que tu as entendu ?"
"Je ne le dirai pas," dit Andreth. "Nous ne parlons pas de ça à ceux des autres races. Mais en effet les Sages ne
sont pas certains et ne disent pas la même chose; car quoi qu'il se soit passé il y a longtemps, nous l'avons fui;
nous avons essayé de l'oublier, et nous avons essayé tellement longtemps que maintenant nous ne pouvons
nous souvenir d'aucun moment où nous n'étions pas tels que nous sommes aujourd'hui - excepté dans les
légendes des jours où la mort venait moins rapidement et où notre longévité était encore bien longue, mais
où la mort était déjà présente."
"Vous ne pouvez vous souvenir ?" dit Finrod. "N'y a-t-il aucun conte de vos jours d'avant la mort, même si
vous ne les raconterez pas à des étrangers ?"
"Peut-être," dit Andreth. "Si pas parmi mon peuple, alors parmi le peuple d'Adanel, peut-être." Elle devint
silencieuse, et fixa le feu.
"Penses-tu que personne ne sache, excepté vous-mêmes ?" dit Finrod enfin. "Les Valar ne savent-ils pas ?"

Andreth releva la tête et ses yeux s'assombrirent. "Les Valar ?" dit-elle. "Comment le saurais-je, moi ou tout
autre Homme ? Vos Valar ne se sont pas souciés de nous avec leurs soins ou leur instruction. Ils ne nous ont
envoyé aucun appel."
"Que sais-tu d'eux ?" dit Finrod. "Je les ai vus et ai vécu parmi eux, et en la présence de Manwë et de Varda,
je me suis tenu dans la Lumière. Ne parle pas ainsi d'eux, ni de quoi que ce soit qui soit bien plus haut que
toi. De tels mots vinrent d'abord de la Bouche menteuse.
"Ne t'a-t-il jamais traversé l'esprit, Andreth, que là en ces temps depuis longtemps révolus vous vous soyez
placés hors de leur attention et hors d'atteinte de leur aide ? Ou même que vous, les Enfants des Hommes,
n'étiez pas des sujets qu'ils pouvaient gouverner ? Car vous étiez trop grands. Oui, c'est ce que je veux dire,
et pas seulement pour flatter ta fierté: trop grands. Vos propres maîtres en Arda, sous la main de l'Unique.
Prends garde alors à tes mots ! Si vous ne parlez pas à d'autres de votre blessure ou de comment vous en êtes
arrivés là, faites attention, de crainte (comme des importuns inexpérimentés) de mal juger le tort, ou par
fierté, de mal attribuer le blâme.
"Mais tournons-nous à présent vers d'autres questions, puisque tu ne diras plus rien à ce sujet. Je vais
considérer votre premier état avant la blessure. Car ce que tu en dis est aussi une surprise pour moi, difficile
à comprendre. Tu dis : 'nous n'étions pas faits pour la mort, ni nés pour mourir.' Que veux-tu dire : que vous
étiez comme nous, ou autrement ?"
"Ce savoir ne vous prend pas en compte," dit Andreth, "car nous ne savions rien des Eldar. Nous envisagions
seulement mourant et non mourant. D'une vie aussi longue que le monde mais pas plus longue, nous
n'avions pas entendu parler; en fait, jusqu'à maintenant, cela ne m'avait pas traversé l'esprit."
"Pour parler honnêtement," dit Finrod, "je pensais que votre croyance, que vous n'étiez pas faits pour la
mort, n'était qu'une chimère de votre fierté, née de votre envie par rapport aux Quendi, de les égaler ou de
les surpasser. Ce n'est pas le cas, diras-tu. Pourtant, longtemps avant d'arriver dans ce pays vous avez
rencontré d'autres peuples des Quendi, et certains se sont liés d'amitié avec vous. N'étiez-vous pas alors déjà
mortels ? Et n'avez-vous jamais parlé avec eux de la vie et de la mort ? Même sans mot ils ont rapidement
découvert votre mortalité, tout comme vous avez réalisé qu'ils ne mouraient pas."
"'Ce n'est pas le cas', en effet je le dis," répondit Andreth. "Nous étions probablement mortels quand nous
avons rencontré pour la première fois des Elfes loin là-bas, ou peut-être pas : notre savoir ne le dit pas, ou au
moins je ne l'ai jamais entendu. Mais nous avions déjà notre savoir, et n'en avions pas besoin d'un des Elfes :
nous savions qu'à notre commencement nous sommes nés pour ne jamais mourir. Et par cela, mon seigneur,
nous entendons : né pour vivre à jamais, sans nulle ombre d'aucune fin."
"Les Sages parmi vous ont-ils alors envisagé combien étrange est la vraie nature qu'ils attribuent aux Atani ?"
dit Finrod.
"Est-elle si étrange?" dit Andreth. "De nombreux Sages considèrent que selon sa vraie nature, aucune chose
vivante ne meurt."
"En cela les Eldar diraient qu'ils se trompent," dit Finrod. "Votre prétention au sujet des Hommes nous est
étrange, et en fait difficile à accepter, pour deux raisons. Tu prétends, si tu comprends entièrement tes
propres mots, que vous aviez des corps impérissables, non liés aux limites d'Arda, et pourtant dérivés de sa
substance et nourris par elle. Et tu prétends aussi (bien que tu ne l'aies peut-être pas perçu) que vous aviez
des hröar et des fëar qui dès le début n'étaient pas en harmonie. Pourtant l'harmonie de la hröa et de la fëa
est, nous le croyons, essentielle à la vraie nature immarrie de tous les Incarnés : les Mirröanwi,10 comme
nous nommons les Enfants d'Eru."
"La première difficulté, je la perçois," dit Andreth, "et nos Sages ont leur propre réponse. La seconde, tu l'as
deviné, je ne la perçois pas."

Qu'importe la destination c'est le voyage qui compte
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:45 am

( suite )


"Vraiment ?" dit Finrod. "Alors vous ne vous voyez pas clairement. Mais il peut souvent arriver que des amis
ou des parents voient pleinement des choses qui sont cachées à leur ami même.
"Maintenant, nous les Eldar sommes vos parents, et vos amis aussi (si tu le crois), et nous vous avons
observés pendant déjà trois vies d'Hommes avec amour et tracas, et beaucoup de réflexion. De ceci nous
sommes absolument certains, ou alors toute notre sagesse serait vaine : les fëar des Hommes, bien
qu'apparentées de près aux fëar des Quendi, ne leur sont pourtant pas identiques. Car aussi étrange que cela
nous paraisse, nous voyons clairement que les fëar des Hommes ne sont pas, comme les nôtres, confinées en
Arda, ni qu'Arda est leur maison.
"Peux-tu le nier ? Maintenant nous Eldar ne nions pas que vous aimez Arda et tout ce qu'elle contient (dans
la mesure où vous êtes libres de l'Ombre), peut-être autant que nous. Et pourtant. Chacun de nos peuples
perçoit Arda différemment, et apprécie ses beautés selon un mode et à un degré différents. Comment le
dirai-je ? La différence me paraît comme celle entre celui qui visite un pays étrange, et y séjourne pendant
un temps (sans que cela soit nécessaire), et celui qui a toujours vécu dans ce pays (et qui le doit). Au premier
toutes les choses qu'il voit sont neuves et étranges, et à ce niveau aimables. Au dernier toutes les choses sont
familières, les seules choses existantes, les siennes, et en ce sens précieuses."
"Si tu veux dire que les Hommes sont les invités," dit Andreth.
"Tu as dit le mot," dit Finrod : " ce nom, nous vous l'avons donné."
"Nobles comme toujours," dit Andreth. "Mais même si nous ne sommes que des invités dans un pays où tout
est vôtre, mes seigneurs, comme tu dis, dis-moi quel autre pays et quelles autres choses connaissons-nous ?"
"Non, dis-moi !" dit Finrod. "Car si vous ne le savez pas, comment le pourrions-nous ? Mais sais-tu que les
Eldar disent des Hommes qu'ils ne regardent aucune chose pour elle-même; que s'ils l'étudient, c'est afin de
découvrir autre chose; que s'ils l'aiment, c'est seulement (ou ça semble être) parce qu'elle leur rappelle
d'autres choses plus chères ? Mais par rapport à quoi s'effectue cette comparaison ? Où sont ces autres
choses ?
"Nous sommes tous, Elfes et Hommes, en Arda et d'Arda; et la connaissance qu'ont les Hommes vient d'Arda
(ou ainsi cela apparaît-il). D'où vient alors cette mémoire que vous avez, avant même d'être éduqués ?
"Cela ne vient pas d'autres régions d'Arda d'où vous seriez partis. Nous sommes aussi partis de bien loin.
Mais si toi et moi nous nous rendions en nos lieux d'origine loin à l'est, je reconnaîtrais les choses là-bas en
tant que parts de ma maison, mais je verrais dans tes yeux le même émerveillement et la même comparaison
que je vois dans les yeux des Hommes en Beleriand et y étant nés."
"Tu dis des choses étranges, Finrod," dit Andreth, "que je n'ai jamais entendues auparavant. Et pourtant mon
coeur est remué, comme par un peu de vérité qu'il reconnaît sans la comprendre. Mais fugitive est cette
mémoire, et elle s'en va avant qu'elle puisse être saisie; et ainsi grandissons-nous aveugles. Et ceux qui parmi
nous ont connu les Eldar, et qui les ont peut-être aimés, disent : 'Il n'y a pas de lassitude dans les yeux des
Elfes'. Et nous pensons qu'ils ne comprennent pas ce proverbe des Hommes : ce qui est trop vu n'est plus vu.
Et ils s'étonnent beaucoup de ce que dans les langues des Hommes, le même mot signifie à la fois 'connu
depuis longtemps' et 'rassis'.
"Nous avons pensé que la cause était le fait que les Elfes ont la vie perdurante et une vigueur non diminuée.
'Les enfants à la taille d'adulte', nous, les invités, vous appelons parfois, mon seigneur. Et pourtant - et
pourtant, si rien en Arda à nos yeux ne conserve longtemps sa saveur, et si toutes les belles choses
s'affaiblissent, qu'en est-il ? Cela ne vient-il pas de l'Ombre qui pèse sur nos coeurs ? Ou dis-tu que ce n'est
pas le cas, mais que ce fut de tout temps notre nature, même avant la blessure ?"
"C'est ce que je dis, en effet," répondit Finrod. "L'ombre peut avoir obscurci votre trouble, apportant une
lassitude plus rapide et la transformant en dédain, mais le trouble était là depuis toujours, je pense. Et s'il en
est ainsi, ne peux-tu alors percevoir maintenant la disharmonie dont je parlais ? En effet, si votre sagesse
était semblable à la nôtre, enseignant que les Mirröanwi sont constitués d'une union de corps et d'esprit, de
hröa et de fëa, ou comme nous le disons de manière imagée, de la Maison et de son Occupant.
"Car qu'est-ce que la 'mort' que tu déplores si ce n'est la séparation de ces deux éléments ? Et quelle est la
'non mortalité' que vous avez perdue si ce n'est le fait que ces deux éléments restent unis à jamais ?
"Mais que devrions-nous alors penser de l'union en l'Homme : union d'un Occupant, qui n'est qu'un invité
ici en Arda et n'est donc pas chez lui, à une Maison qui est faite de la substance d'Arda et doit donc
(pourrait-on supposer) y rester ?
"Au moins on n'espèrerait pas pour cette Maison une vie plus longue que celle d'Arda dont elle est une
partie. Et pourtant tu prétends que la Maison aussi était immortelle, n'est-ce pas ? Je croirais plutôt qu'une
telle fëa de par sa propre nature aurait, à un certain moment et de son gré, abandonné la maison de son
séjour ici, encore bien même ce séjour aurait-il pu être plus long que ce qui est maintenant permis. Alors la
'mort' vous aurait (comme je l'ai dit) paru toute autre : comme une libération, un retour, non ! comme
rentrer à la maison ! Mais tu ne crois pas en cela, semble-t-il ?"
"Non, je ne crois pas en cela," dit Andreth. "Car cela serait au mépris du corps, et c'est une pensée des
Ténèbres non naturelle en chaque Incarné dont la vie incorrompue est une union d'amour mutuel. Mais le
corps n'est pas une auberge gardant le voyageur au chaud pour une nuit, avant qu'il reprenne sa route, et
recevant alors un autre. C'est une maison faite pour un seul habitant, en fait pas seulement une maison mais
aussi un habit; et il n'est pas clair pour moi que nous ne devions dans ce cas seulement parler du vêtement
adapté au porteur plutôt que du porteur adapté au vêtement.

"Je considère alors qu'on ne peut penser que la séparation de ces deux éléments puisse être en accord avec la
vraie nature des Hommes. Car si c'était 'naturel' pour le corps d'être abandonné et de mourir, et 'naturel'
pour la fëa de continuer à vivre, alors il y aurait en effet là une disharmonie en l'Homme, et ses composantes
ne seraient pas unies par amour. Son corps serait une gêne au mieux, ou une chaîne. Une chose imposée en
effet, et pas un don. Mais il y en a un qui impose, et qui crée des chaînes, et si telle était notre nature au
commencement, alors nous devrions la tenir de lui - mais tu as dit que cela ne pouvait être dit.
"Hélas ! Dans les ténèbres des hommes le disent toutefois, mais pas les Atani comme tu le sais, plus
maintenant. Je considère que dans ce domaine, nous sommes comme vous, de véritables Incarnés, et que
nous ne vivons pas selon notre vraie existence et dans son ampleur, excepté ce qui concerne l'union d'amour
et de paix entre la Maison et l'Occupant. C'est pourquoi la mort, qui les divise, est un désastre pour les deux."
"Tu m'étonnes encore plus, Andreth," dit Finrod. "Car si ce que tu dis est vrai, alors vois ! une fëa qui n'est ici
qu'un voyageur est unie indissolublement à une hröa d'Arda; les séparer est une blessure douloureuse, et
pourtant chacune doit suivre sa nature sans tyrannie de l'autre. Alors ceci doit sûrement s'ensuivre : la fëa
quand elle s'en va doit prendre avec elle la hröa, son éternelle épouse et compagne, pour une éternité audelà
d'Eä, et au-delà du Temps? Ainsi Arda, ou une part d'elle, serait-elle non seulement guérie de la
souillure de Melkor, mais aussi libérée des limites qui lui furent imposées dans la 'Vision d'Eru' dont parlent
les Valar.
"C'est pourquoi j'affirme que si l'on peut croire en cela, alors puissants en effet sous Eru les Hommes furentils
faits à leur commencement; et abominable au-delà de toute calamité fut le changement de leur état.
"Est-ce alors à une vision de ce qui était destiné à exister en Arda complétée - des choses vivantes et même
les terres et mers d'Arda faites éternelles et indestructibles, à jamais belles et nouvelles - que les fëar des
Hommes comparent ce qu'elles voient ici ? Ou y a-t-il quelque part ailleurs un monde dont toutes les choses
que nous voyons, toutes les choses que les Elfes ou les Hommes connaissent, ne sont que des souvenirs ou
des rappels ?"
"Si oui, la réponse réside en l'esprit d'Eru, je pense," dit Andreth. "À de telles questions, comment pouvonsnous
trouver les réponses, ici dans les brumes d'Arda Marrie ? Il aurait pu en aller différemment, si nous
n'avions pas été changés; mais étant ce que nous sommes, même les Sages parmi nous ont peu réfléchi à Arda
même, ou à d'autres choses vivant ici. Nous avons surtout réfléchi à nous-mêmes : à comment nos hröar et
fëar auraient dû vivre ensemble pour toujours dans la joie, et impénétrables aux ténèbres qui maintenant
nous sont réservées."
"Alors les Hauts Eldar ne sont pas les seuls à oublier leurs parents !" dit Finrod. "Mais cela m'est étrange, et à
l'instar même de ton coeur lorsque j'ai parlé de votre trouble, le mien maintenant fait des bons en entendant
de bonnes nouvelles.
"Ceci alors, je propose, était la mission des Hommes, non pas les suivants, mais les héritiers et réalisateurs de
tout : remédier au Marrissement d'Arda, déjà annoncé avant leur conception; et faire plus, en tant qu'agents
de la magnificence d'Eru : élargir la Musique et surpasser la Vision du Monde !11
"Car Arda Guérie ne sera pas Arda Immarrie, mais une troisième chose encore plus belle, et pourtant la
même.12 J'ai parlé avec les Valar qui étaient présents lors de la conception de la Musique avant que
l'existence du Monde ne commence. Et maintenant je me demande : entendirent-ils la fin de la Musique ?
N'y eut-il pas quelque chose dans ou au-delà des accords finaux d'Eru que, étant bouleversés, ils ne
perçurent point ?13
"Ou encore, puisque Eru est à jamais libre, peut-être ne fit-Il aucune Musique et ne montra-t-Il aucune
Vision au-delà d'un certain point. Au-delà de ce point, nous ne pouvons voir ni connaître, jusqu'à ce que par
nos propres routes nous y arrivions, Valar ou Eldar ou Hommes.
"Tout comme un maître peut, dans le récit de contes, tenir secret le meilleur moment jusqu'à ce qu'il arrive
en temps dû. Il peut être deviné en effet, dans une certaine mesure, par ceux d'entre nous qui ont écouté
pleinement de coeur et d'esprit; mais cela le conteur le souhaiterait. D'aucune manière la surprise et
l'émerveillement causés par son art ne sont diminués, car ainsi nous prenons part, comme il se doit, à sa
paternité. Cela serait différent si tout nous était dit dans la préface avant que nous n'entrions dans le conte !"
"Alors quel serait selon toi le moment suprême qu'Eru a réservé ?" demanda Andreth.
"Ah, sage dame !" dit Finrod. "Je suis un Elda, et à nouveau je pensais à mon propre peuple. Mais non à tous
les Enfants d'Eru. Je pensais que par les Seconds Nés nous pourrions être délivrés de la mort. Car à chaque
fois que nous parlions de la mort en tant que division des éléments unis, je pensais en mon coeur à une mort
différente : la fin à la fois des deux éléments. Car c'est ce qui nous attend, aussi loin que notre raison puisse
voir : l'achèvement d'Arda et sa fin, et par conséquent la nôtre, enfants d'Arda, la fin lorsque les longues vies
des Elfes appartiendront entièrement au passé.14
"Et alors soudainement j'ai eu une vision d'Arda Refaite; et là les Eldar achevés mais non arrivés à leur terme
pourraient résider à jamais dans le présent,15 et là pourraient-ils marcher, peut-être, avec les Enfants de la
Félicité d'au-delà la félicité, et feraient sonner les vertes vallées et vibrer comme des harpes les sommets des
montagnes éternelles."
Alors Andreth regarda Finrod par dessous ses sourcils : "Et, quand vous ne seriez pas en train de chanter, que
nous diriez-vous ?" demanda-t-elle.
Finrod rit. "Je peux seulement deviner," dit-il. "Sage dame, je pense que nous devrions vous réciter les contes
du Passé et d'Arda qui fut Avant … Nous étions les nobles alors ! Mais vous, vous seriez alors chez vous,
regardant toute chose intensément, comme il se doit. Vous seriez les nobles. 'Les yeux des Elfes pensent
toujours à quelque chose d'autre', diriez-vous. Mais vous sauriez alors ce dont nous nous souviendrions : des
jours où nous nous rencontrèrent en premier, et où nos mains se touchèrent dans les ténèbres. Au-delà de la
fin du Monde nous ne changerons pas; car dans la mémoire réside notre grand talent, comme il sera constaté
encore plus clairement avec le passage des âges en cette Arda : une lourde charge, je le crains; mais dans les
jours dont nous parlons maintenant, une grande richesse." Et alors il fit une pause, car il vit qu'Andreth
pleurait en silence.
"Hélas, seigneur !" dit-elle. "Que faire maintenant ? Car nous parlons comme si ces choses étaient, ou comme
si assurément elles seront. Mais les Hommes ont été diminués et leur pouvoir leur a été ravi. Nous ne
cherchons pas une Arda Refaite : les ténèbres sont devant nous, et nous les regardons fixement en vain. Si
par notre aide vos demeures éternelles devaient être préparées, elles ne seront pas construites maintenant."
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est
connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'," dit Finrod. "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'.
Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous. Il n'est pas défait par les manières du monde,
car il ne vient pas de l'expérience, mais de notre nature et de notre être premier. Si nous sommes en effet les
Eruhin, les Enfants de l'Unique, alors Il ne souffrira pas Lui-même d'être privé de Son bien, par quelque
Ennemi que ce soit, même pas par nous-mêmes. Là est l'ultime fondation de l'Estel, que nous gardons même
quand nous contemplons la Fin : de tous Ses desseins l'issue doit être au bénéfice la joie de Ses Enfants.
L'Amdir tu n'as pas, dis-tu. N'y a-t-il absolument pas d'Estel ?"
"Peut-être," dit-elle. "Mais non ! Ne perçois-tu pas que c'est une part de notre blessure que l'Estel doive
vaciller et ses fondations être secouées ? Sommes-nous les Enfants de l'Unique ? Ne sommes-nous pas rejetés
finalement ? Ou l'avons-nous jamais été ? Le Sans nom n'est-il pas le Seigneur du Monde ?"
"Ne le dis même pas en question !" dit Finrod.
"Cela ne peut être un non-dit," répondit Andreth, "si tu veux comprendre notre désespoir. Ou celui de la
plupart des Hommes. Parmi les Atani, comme tu nous appelles, ou les Chercheurs comme nous disons : ceux
qui quittèrent les contrées de désespoir et les Hommes des ténèbres et voyagèrent vers l'ouest dans un vain
espoir : il est cru que la guérison peut pourtant être trouvée, ou qu'il y a quelque issue. Mais est-ce bien là
l'Estel ? N'est-ce pas plutôt l'Amdir; mais sans raison : plutôt une fuite dans un rêve que ce qu'ils connaissent
en se réveillant, à savoir qu'il n'y a pas d'issue aux ténèbres et à la mort ?"
"Plutôt une fuite dans un rêve, dis-tu," répondit Finrod. "En rêve de nombreux désirs sont révélés; et le désir
peut être un battement de l'Estel. Mais tu ne veux pas dire rêve, Andreth. Tu confonds le rêve et l'éveil avec
l'espoir et la croyance, pour rendre l'un plus douteux et l'autre plus sûre. Dorment-ils quand ils parlent
d'issue et de guérison ?"
"Endormis ou éveillés, ils ne disent rien clairement," répondit Andreth. "Comment et quand viendra la
guérison ? En quelle sorte d'êtres seront re-faits ceux qui verront ce temps ? Et qu'en sera-t-il de nous qui
avant cela nous en allons dans les ténèbres non guéries ? À de telles questions, seuls ceux de l''Espoir ancien'
(comme ils se désignent) ont un début de réponse."
"Ceux de l'Espoir ancien ?" dit Finrod. "Qui sont-ils ?"
"Ils sont peu," dit-elle; "mais leur nombre s'est accru depuis que nous sommes arrivés en ce pays et qu'ils
voient que le Sans nom peut (comme ils le pensent) être défié. Ce n'est pourtant pas une bonne raison. Le
défier ne défait pas ce qu'il fit jadis. Et si la valeur des Eldar échoue ici, alors leur désespoir sera encore plus
profond. Car ce n'était pas sur la puissance des Hommes ou de tout autre peuple d'Arda, que l'ancien espoir
se fondait."
"Quel était donc cet espoir, si tu le sais ?" demanda Finrod.
"Ils disent," répondit Andreth : "ils disent que l'Unique lui-même entrera en Arda, et guérira les Hommes et
tout le Marrissement du début à la fin. Ils disent également, ou ils s'imaginent, que c'est là une rumeur qui
est venue des années innombrables, du jour même de notre blessure."16
"Ils disent, ils s'imaginent ?" dit Finrod. "N'es-tu alors pas l'une d'entre eux ?"
"Comment le pourrais-je, seigneur ? Toute sagesse va à leur encontre. Qui est l'Unique, que vous appelez
Eru ? Si nous mettons de côté les Hommes qui servent le Sans nom, comme le font beaucoup en Terre du
Milieu, il y a encore de nombreux Hommes qui ne perçoivent le monde que comme une guerre entre la
Lumière et les Ténèbres équipotents. Mais tu diras : non, il s'agit là de Manwë et de Melkor; Eru est audessus
d'eux. Eru est-il alors le plus grand des Valar, un grand dieu parmi les dieux, comme la plupart des
Hommes diront, même parmi les Atani; un roi qui réside loin de son royaume et qui laisse de moindres
princes faire ici presque tout ce qu'ils veulent ? À nouveau tu diras : non, Eru est l'Unique, seul et sans pair,
et Il a créé Eä, et il est au-delà d'elle; et les Valar sont plus grands que nous, et pourtant pas plus près de Sa
majesté. N'est-ce pas cela ?"
"Oui," dit Finrod. "Nous disons cela, et les Valar, nous les connaissons, et ils disent la même chose, tous
excepté un. Mais lequel, d'après toi, est le plus susceptible de mentir : ceux qui se font eux-mêmes humbles,
ou celui qui se loue lui-même ?"
"Je ne doute pas," dit Andreth. "Et c'est pour cette raison que ce qui est dit de l'Espoir dépasse mon
entendement. Comment Eru pourrait-il entrer dans la chose qu'Il a faite, et par rapport à laquelle Il est sans
mesure plus grand ? Le chanteur peut-il entrer dans son conte ou le dessinateur dans son dessin ?"
"Il est déjà dedans, tout comme en dehors," dit Finrod. "Mais en effet le 'résidant dedans' et le 'vivant en
dehors' ne sont pas sur le même mode."
"Vraiment," dit Andreth. "Ainsi Eru en ce mode pourrait-Il être présent en Eä qui procède de Lui. Mais ils
parlent d'Eru Lui-même entrant en Arda, et c'est une chose complètement différente. Comment pourrait-Il,
Lui le plus grand, faire cela ? Cela ne briserait-il pas Arda, ou en fait toute Eä ?"
"Ne me demande pas," dit Finrod. "Ces choses sont au-delà du spectre de la sagesse des Eldar, ou des Valar
peut-être. Mais je doute que nos mots ne puissent nous égarer, et que quand tu dis 'plus grand', tu ne penses
aux dimensions d'Arda, où le plus grand récipient ne pourrait être contenu par le plus petit.
"Mais de tels mots pourraient ne pas être utilisés à propos du Sans mesure. Si Eru souhaitait le faire, je ne
doute pas qu'Il trouverait un moyen, bien que je ne puisse l'imaginer. Car, à ce qu'il me semble, même si Lui
en Lui-même devait entrer, Il devrait certainement rester tel qu'Il est : l'Auteur du dehors. Et pourtant,
Andreth, pour parler avec humilité, je ne puis concevoir comment cette guérison pourrait être accomplie
autrement. Comme Eru ne souffrira certainement pas que Melkor détourne le monde à son propre gré et
triomphe à la fin. Pourtant, il n'est pas de pouvoir concevable plus grand que Melkor excepté Eru. Par
conséquent, Eru, s'Il ne veut pas laisser Son oeuvre aux mains de Melkor, qui alors en aurait la maîtrise,
devra alors entrer pour le défaire.
"Bien plus : même si Melkor (ou le Morgoth qu'il est devenu) pouvait de quelque manière que ce soit être
jeté à bas ou rejeté d'Arda, son Ombre resterait encore, et le mal qu'il a façonné et planté comme une graine
croîtrait et se multiplierait. Et si nul remède ne peut être trouvé, avant que tout ne soit terminé, ni nulle
lumière pour s'opposer à l'ombre, ni nulle médecine pour les blessures : alors la solution devra, je pense,
venir d'au dehors."
"Alors, seigneur," dit Andreth, et elle releva la tête avec émerveillement, "tu crois en cet Espoir ?"
"Ne me le demande pas déjà," répondit-il. "Car cela ne m'est toujours que d'étranges nouvelles qui viennent
de loin. Nul espoir de la sorte ne fut jamais communiqué aux Quendi. À toi seulement il fut envoyé. Et
pourtant à travers toi pouvons-nous l'entendre et soulever nos coeurs." Il s'arrêta un instant, et alors,
regardant gravement Andreth, il dit : "Oui, Sage femme, peut-être était-il prévu que nous, Quendi, et vous,
Atani, avant que le monde ne vieillisse, nous devions nous rencontrer et partager ensemble des nouvelles, et
qu'ainsi nous entendions parler de l'Espoir par vous : prévu, en effet, que vous et moi, Andreth, devions nous
asseoir ici et parler ensemble, à travers le fossé qui divise nos peuples, pour qu'ainsi, alors que l'Ombre se
multiplie dans le nord, nous ne soyons pas complètement effrayés."
"À travers le fossé qui divise nos peuples !" dit Andreth. "N'y a-t-il d'autres passerelles que les mots ?" Et
alors elle se remit à pleurer.
"Il pourrait y en avoir. Pour quelques-uns. Je ne sais pas," dit-il. "Le fossé, peut-être, est plutôt entre nos
destinées, car autrement nous sommes de proches parents, plus proches que toute autre créature de ce
monde. Pourtant il est périlleux de traverser un fossé créé par le destin; et si certains devaient le faire, ils ne
trouveraient pas de joie sur l'autre bord, mais les peines des deux. C'est ce que je pense.
"Mais pourquoi dites-vous 'que les mots' ? Les mots ne traversent-ils pas le fossé entre l'une et l'autre vie ?
Entre vous et moi, il est certainement passé plus que du son vide ? Ne nous sommes-nous pas rapprochés ?
Mais ce n'est, je pense, que bien peu de réconfort pour toi."
"Je n'ai pas demandé de réconfort," dit Andreth. "Pour quelle raison en aurais-je besoin ?"
"Pour la destinée des Hommes qui vous a atteinte en tant que femme," dit Finrod. "Pensez-vous que je ne le
sais pas ? N'est-il pas mon frère bien-aimé ? Aegnor17 : Aikanár, la Flamme vive, rapide et ardente. Et les
années ne sont guère longues depuis que vous vous êtes rencontrés pour la première fois, depuis que vos
mains se sont touchées dans les ténèbres. Pourtant vous étiez alors une jeune fille, courageuse et ardente,
dans le matin sur les hautes collines de Dorthonion."18
"Continue !" dit Andreth. "Dis-le : qui n'êtes maintenant plus qu'une Sage, esseulée, et l'âge qui ne le
touchera pas a déjà teinté vos cheveux du gris de l'hiver ! Mais ne me dis pas vous, car il l'a fait une fois !"19
"Hélas !" dit Finrod. "C'est là de l'amertume, adaneth bien-aimée, femme des Hommes, n'est-ce pas ? qui se
cachait derrière tous tes mots. Si je pouvais te dire des paroles de réconfort, tu les jugerais hautaines de la
part de quelqu'un qui est de mon côté de la destinée. Mais que puis-je dire, excepté te remémorer l'Espoir
que tu viens de te révéler ?"
"Je n'ai jamais dit qu'il s'agissait de mon espoir", répondit Andreth. "Et même si c'était le cas, je pleurerais
toujours : pourquoi cette douleur revient-elle sans cesse ? Pourquoi devrions-nous vous aimer, et vous nous
aimer (si c'est le cas), et pourtant mettre ce fossé entre nous ?"
"Parce qu'ainsi avons-nous été faits, proches parents," dit Finrod. "Mais nous ne nous sommes pas faits nousmêmes,
et donc nous, les Eldar, n'avons pas mis le fossé entre nous. Non, adaneth, nous ne sommes pas
arrogants en cela, mais compatissants.20 Ce mot vous déplaira. Pourtant la pitié est de deux sortes, l'une de
parenté reconnue est proche de l'amour; l'autre découle d'une différence de chance perçue, et est proche de
la fierté. Je parle de la première."
"Ne me parle d'aucune des deux !" dit Andreth. "Je n'en désire aucune. J'étais jeune, et j'ai regardé sa flamme,
et maintenant je suis vieille et perdue. Il était jeune et sa flamme s'avançait vers moi, mais il s'est détourné,
et il est toujours jeune. Les bougies s'apitoient-elles sur les papillons de nuit ?"
"Ou les papillons de nuit s'apitoient-ils sur les bougies, lorsque le vent les éteint ?" dit Finrod. "Adaneth, je
vous le dis, Aikanár la Flamme vive vous aimait. Pour vous à présent il ne prendra jamais la main d'aucune
fiancée de son propre peuple, mais vivra seul jusqu'à la fin, se souvenant du matin dans les collines de
Dorthonion. Mais trop tôt dans le vent du nord sa flamme s'éteindra-t-elle ! La prévue est accordée aux Eldar
en ce qui concerne de nombreuses choses non éloignées, bien que rarement joyeuses, et je vous dis que vous
vivrez longtemps pour votre peuple, et il disparaîtra avant vous, et il ne désirera pas revenir."
Alors Andreth se leva et étendit ses mains vers le feu. "Alors pourquoi s'est-il détourné? Pourquoi m'avoir
quittée alors que je disposais encore de plusieurs bonnes années à vivre ?"
"Hélas !" dit Finrod. "Je crains que la vérité ne vous satisfera pas. Les Eldar sont d'une espèce, et vous d'une
autre; et chacun juge les autres d'après la sienne - jusqu'à ce qu'ils apprennent, pour peu d'entre eux. Nous
sommes en temps de guerre, Andreth, et durant de tels jours les Eldar ne se marient ni ne conçoivent
d'enfant;21 mais ils se préparent à la mort - ou à la fuite. Aegnor n'a aucune confiance (tout comme moi) dans
le siège d'Angband qui ne durera pas longtemps; et alors qu'adviendra-t-il de ce pays ? S'il écoutait son coeur,
il souhaiterait vous prendre et fuir au loin, à l'est ou au sud, abandonnant son peuple, et le vôtre. L'amour et
la loyauté le lient à son peuple. Qu'en est-il, quant à vous, pour le vôtre ? Vous avez dit vous-même qu'il n'y
a pas d'issue par la fuite dans les limites du monde."
"Pour un an, un jour de la flamme j'aurais tout donné : peuple, jeunesse, et espoir même : adaneth suis-je,"
dit Andreth.
"Cela, il le savait," dit Finrod; "et il s'est retiré sans prendre ce qui était à portée de sa main : elda est-il. Car
de tels échanges se paient d'une angoisse qui ne peut être devinée, jusqu'à ce qu'elle survienne, et
d'ignorance plus que de courage les Eldar jugent-ils qu'ils sont faits.
"Non, adaneth, si un mariage peut survenir entre notre peuple et le vôtre, alors il surviendra pour une
importante raison de Destin. Bref sera-t-il et cruel à la fin. Oui, le sort le moins cruel qui pourrait lui arriver
serait que la mort y mette fin rapidement."

"Mais la fin est toujours cruelle - pour les Hommes," dit Andreth. "Je ne l'aurais guère encombré, une fois ma
courte jeunesse achevée. Je n'aurais pas clopiné comme une vieille sorcière après ses pieds vifs, quand je
n'aurais plus pu courir à ses côtés !"
"Peut-être pas," dit Finrod. "C'est ce que tu ressens maintenant. Mais que penses-tu de lui ? Il n'aurait pas
couru devant vous. Il serait resté à vos côté et vous aurait soutenue. Alors de la pitié auriez-vous eu en
chaque heure, de la pitié inévitable. Il ne vous aurait pas supportée si honteuse.
"Andreth adaneth, la vie et l'amour des Eldar résident pour beaucoup dans la mémoire; et nous (si pas vous)
préfèrerions un souvenir beau mais inaccompli que l'un menant à une triste fin. Maintenant il se souviendra
à jamais de vous dans le soleil du matin, et ce dernier soir près des eaux d'Aeluin dans lesquelles il vit
miroiter votre visage avec une étoile prise dans vos cheveux - à jamais, jusqu'à ce que le vent du Nord
apporte la fin de sa flamme. Oui, et après cela, dans la Demeure de Mandos dans les Halls de l'Attente
jusqu'à la fin d'Arda."
"Et de quoi me souviendrai-je ? dit-elle. "Et quand je m'en irai, dans quels halls irai-je ? Dans les ténèbres
dans lesquelles même le souvenir de la Flamme vive sera éteint ? Même le souvenir du rejet. Celui-là, au
moins."
Finrod soupira et se leva. "Les Eldar n'ont pas de mot de consolation pour de telles pensées, adaneth," dit-il.
"Mais aurais-tu souhaité que jamais les Elfes et les Hommes ne se soient rencontrés ? La lumière de la
Flamme, que tu n'aurais jamais vue, n'a-t-elle plus de valeur même maintenant ? Tu te crois méprisée ?
Abandonne au moins cette pensée, qui vient des Ténèbres, et alors notre discussion n'aura pas été totalement
vaine. Adieu !"
L'obscurité tomba dans la pièce. Il prit sa main à la lumière du feu. "Où vas-tu ?"dit-elle.
"Au nord," dit-il : "aux épées, et au siège, et aux murs de défense - afin que pour un temps en Beleriand les
rivières coulent limpides, que les feuilles s'ouvrent, et que les oiseaux bâtissent leurs nids avant que ne
vienne la Nuit."
"Sera-t-il là, brillant et grand, avec le vent dans ses cheveux ? Dis-lui. Dis-lui de ne pas être imprudent. De
ne pas chercher le danger sans nécessité."
"Je lui dirai," dit Finrod. "Mais je pourrais aussi bien vous dire de ne pas verser de larmes. C'est un guerrier,
Andreth, et un esprit de colère. En chaque coup qu'il assène, il voit l'ennemi qui vous a causé cette douleur.
"Mais tu n'es pas pour Arda. Où que tu ailles, puisses-tu trouver la lumière. Attends-nous là, mon frère - et
moi."



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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:48 am

1 Il y a peut-être une comparaison à faire avec un passage du Débat des Valar dans Lois et Coutumes (p. 247), où
Niënna dit à Manwë : "Bien que la mort de séparation puisse trouver les Eldar dans ton royaume, il y a pourtant une
chose qui n'y entre pas : la déformation et la pourriture"; auquel est ajoutée une note de bas de page : "Pourtant,
après la perte des Arbres, cela arriva tant que Melkor fut présent; et le corps de Finwë, tué par Melkor, se dessécha
et devint poussière, tout comme les Arbres même le firent."
2 Ici et en d'autres, mais en aucun cas toutes, occurrences subséquentes, Quendi fut corrigé en Elfes dans le tapuscrit
C.
3 changement fut une correction dans le tapuscrit b (uniquement); le manuscrit a croissance.
4 Cf. les mots de Pengoloð à Ælfwine à la fin de l'Ainulindalë (p. 37), sur la mortalité des Hommes : "La mort est leur
destin, le don d'Ilúvatar, que les Pouvoirs eux-mêmes envieront, avec l'usure du Temps. Mais Melkor avait jeté son
ombre sur elle, et l'avait pervertie avec l'obscurité, et du bien il avait fait sortir le mal, et de l'espoir la peur."
5 Le manuscrit a ici : "Que savez-vous [NdTr : ye forme plurielle] de la mort ? Vous [NdTr : ye forme plurielle] ne la
craignez pas, car vous [NdTr : you forme singulière polie] ne la connaissez pas" [NdTr : dans le texte, les trois "vous"
représentent des formes singulières polies]. Le dactylographe de C remplaça le premier ye par un you; mon père le
laissa tel quel, mais corrigea l'occurrence originelle de you en ye. Sur la page d'ouverture du tapuscrit, il nota que ye
est utilisé uniquement pour le pluriel, et que you "représente le pronom elfe pour la forme polie", alors que thou,
thee "représente le pronom familier (ou affectueux)" [NdTr : "tu"]. Cette distinction n'est pas toujours maintenue
dans le manuscrit; mais dans un certain nombre de cas, you, où l'on attendrait ye, peut être voulu, et je n'ai corrigé
que les formes pour lesquelles l'erreur semble certaine.
6 C'est une étrange erreur. Fingolfin mourut en 456, l'année suivant Dagor Bragollach (V.132, répété dans lesAnnales
Grises) : voir p. 306.
7 Cf. Lois et Coutumes, p. 220 : "Ils [Les Eldar] croient que la nouvelle fëa, et donc en leur début toutes les fëar, vient
directement d'Eru et d'au-delà d'Eä. En conséquence de quoi beaucoup pensent qu'il ne peut être soutenu que la
destinée des Elfes est confinée à Arda pour toujours et connaîtra sa fin avec elle."
8 hallali : l'air sonné sur un cor pour la mort du gibier.
9 La distinction entre ye (pluriel) et you (singulier) est apparemment voulue (voir note 5).
10 Le manuscrit a Mirruyainar, suivi dans les deux tapuscrits. En B, mon père corrigea le nom en Mirroyainar ici mais
pas à la seconde occurrence (p. 316); en C, il le changea en Mirröanwi aux deux occurrences. Voir le "Glossaire" de
l'Athrabeth, p. 350.
11 Dans la marge sur le manuscrit, répété sur le tapuscrit C, il est écrit à côté de ce paragraphe : "Dans la Musique
d'Eru, les Hommes n'entrèrent qu'après les dissonances de Melkor." Bien sûr ceci était vrai des Elfes aussi. Voir note
de l'auteur 1 au Commentaire de l'Athrabeth et la note 10 (p. 358).
12 Cf. les mots de Manwë à la fin du Débat des Valar dans Lois et Coutumes (p. 245) : "Car Arda Immarrie a deux
aspects ou sens. Le premier est l'Immarri qu'ils discernent dans le Marri, si leurs yeux ne sont pas voilés, et auquel
ils aspirent, comme nous aspirons à la Volonté d'Eru : là est le terrain sur lequel se bâtit l'Espoir. Le second est
l'Immarri qui sera : c'est-à-dire, pour parler en fonction du Temps dans lequel ils ont leur existence, Arda Guérie,
qui sera plus grande et plus belle que la première, en raison du Marrissement : là est l'Espoir qui soutient."
13 Il est dit dans l'Ainulindalë (p. 13, §19) que "l'histoire était incomplète, et la construction des cercles non encore
achevée quand la vision avait disparu", à quoi dans le texte final D (p. 31) fut ajouté une note en bas de page,
attribuée à Pengoloð :
Et certains ont dit que la Vision s'était interrompue avant l'accomplissement de la Domination des Hommes et
l'affaiblissement des Premiers Nés ; c'est pourquoi, bien que la Musique soit au-dessus de tout, les Valar n'ont
pas vu de leurs yeux les Âges Tardifs, ou la fin du Monde.
Dans le tapuscrit "perdu" AAm * de l'ouverture des Annales d'Aman (p. 64), il est dit que Nienna ne put résister
jusqu'à la fin de la Musique, et que "dès lors, elle n'a pas l'espoir de Manwë" (p. 68)
14 Voir p. 312 et note 7.
15 Sur la conception d'Arda Achevée, voir note (iii) à la fin de Lois et Coutumes.
16 Il était évidemment fondamental pour toute la conception des Jours anciens que les Hommes se soient éveillés à
l'Est au premier lever du soleil, et qu'ils n'aient existé que depuis maximum quelques siècles lorsque Finrod
Felagund vint à la rencontre de Bëor et de son peuple au pied des Montagnes bleues. On a vu des suggestions plus
hauts dans l'Athrabeth qu'Andreth se référait à une période beaucoup plus ancienne pour l'Éveil des Hommes (ainsi
parle-t-elle de "légendes des jours où la mort venait moins rapidement et où notre longévité était encore bien
longue", p. 313); dans ses mots ici, "une rumeur qui est venue des années innombrables", un profond changement de
la conception semble clair. La chronologie des Années du Soleil est cependant maintenue dans l'Athrabeth, avec la
datation de la rencontre entre Finrod et Andreth en environ 409 durant la Longue Paix (260-455). (voir p. 306).
Voir aussi p. 378.
17 À la fois ici et p. 324, le nom était écrit Egnor dans le manuscrit, subséquemment changé en Aegnor; cf. p. 177 (§42)
et p. 197.
18 Cf. QS §117 (V.264) : "Angrod et Egnor surveillait Bladorion depuis les versants nord du Dorthonion" (durant le
Siège d'Angband), et §129 (V.276) : "Barahir [fils de Bëor l'Ancien] vivait principalement dans les marches
septentrionales avec Angrod et Egnor."
19 La phrase " Mais ne me dis pas vous [NdTr : thou], car il l'a fait une fois" fut un ajout au manuscrit; Finrod a
commencé par s'adresser à Andreth par thou peu avant ce point. Mais à partir d'ici jusqu'à la fin du texte, l'usage est
très confus, inconsistant dans le manuscrit et avec des corrections inconsistantes sur le tapuscrit (à la fois de thou
vers you et de you vers thou); il semble que mon père était indécis quant aux formes que Finrod devrait employer,
et j'ai laissé le texte tel quel.
20 pitiful : i.e. plein de pitié, compatissant.
21 Cf. Lois et Coutumes, p. 213 : "Encore que les Eldar considèreraient comme préjudiciable la séparation d'un couple
marié durant la grossesse ou les premières années d'un enfant. C'est pourquoi les Eldar ne conçoivent d'enfants
qu'en période de bonheur et de paix, s'ils le peuvent."

*
L'Athrabeth Finrod ah Andreth marque peut-être le point culminant de la pensée de mon père sur la relation entre les
Elfes et les Hommes, dans la vision exaltée de Finrod du dessein originel d'Eru pour l'Humanité; mais son but central
était d'explorer pleinement pour la première fois la nature du "Marrissement des Hommes". Dans le long récit de son
oeuvre qu'il écrivit pour Milton Waldman en 1951 (Lettres n° 131, pp. 147-8), il avait dit :
La chute originelle de l'Homme ... n'apparaît nulle part : les Hommes n'entrent en scène que bien après tout cela, et
il y a seulement une rumeur selon laquelle ils seraient tombés pendant un moment sous la domination de l'Ennemi
et que certains s'en seraient repentis.
Dans l'Athrabeth, Finrod aborde cette "rumeur" directement : "'C'est pourquoi je te demande, Andreth, qu'avez-vous
fait, vous les Hommes, il y a bien longtemps dans les ténèbres ? Comment avez-vous mis Eru en colère ? ... Diras-tu ce
que tu sais ou ce que tu as entendu ?'" Il reçoit un refus absolu : "'Je ne le dirai pas,' dit Andreth. 'Nous ne parlons pas de
ça à ceux des autres races'"; mais à la question suivante de Finrod "'N'y a-t-il aucun conte de vos jours d'avant la mort,
même si vous ne les raconterez pas à des étrangers ?'", Andreth répond : "'Peut-être. Si pas parmi mon peuple, alors
parmi le peuple d'Adanel, peut-être.'" La légende de la Chute de l'Homme préservée parmi certains des Edain était
(comme on le verra bientôt) sur le point d'apparaître.
Présentant les différences fondamentales de destinée de nature, et d'expérience entre les Elfes et les Hommes sous la
forme d'un débat philosophique entre Finrod, Seigneur de Nargothrond, et Andreth, descendante de Bëor l'Ancien, la
discussion est néanmoins conduite avec une intensité croissante, et une amertume de la part d'Andreth, dont le lien
(bien que connu par les deux interlocuteurs de manière indépendante) n'est révélé qu'à la fin. Mais à ce texte passionné,
mon père attacha un long commentaire discursif et critique d'une veine très différente, qui suit ici.
Les journaux dans lesquels l'Athrabeth et le commentaire étaient préservés (voir p. 304) portent cette inscription :

Suppl. Silmarillion
_____
Athrabeth Finrod ah Andreth
_____
Commentaire

Sur l'un de ces emballages, mon père ajouta : "Devrait être le dernier élément d'un appendice" (i.e. au Silmarillion).
Il tapa ce commentaire lui-même, en original et en carbone, avec quelques corrections subséquentes presque identiques
dans les deux. À la suite du commentaire figurent des notes numérotées qui occupent une place bien plus large que le
commentaire lui-même, étant donné que certaines d'entre elles constituent de courts essais. Je les ai distinguées de ses
propres notes numérotées sur le texte (pp. 357 sq.) par les mots "Note de l'auteur".
Il subsiste un brouillon très rudimentaire du commentaire, et qu'il suivait la réalisation des copies tapuscrites de
l'Athrabeth elle-même se voit par l'occurrence du mot Mirröanwi (voir note 10 ci-dessus).
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:53 am

ATHRABETH FINROD AH ANDRETH
Le Débat de Finrod et Andreth

Ce texte n'est pas présenté en tant qu'argument de force pour les Hommes dans leur présente situation (ou
celle dans laquelle ils croient être), bien qu'il pourrait présenter quelque intérêt pour les Hommes qui
débutent avec des croyances ou des présomptions semblables à celles du roi elfe Finrod.
C'est en fait simplement un élément de la description du monde imaginaire du Silmarillion, et un exemple
du genre de choses que des esprits curieux des deux côtés, l'elfe et l'humain, devaient se dire l'un à l'autre
après qu'ils étaient devenus familiers. Nous voyons ici la tentative d'un esprit elfe généreux de sonder les
relations des Elfes et des Hommes, et le rôle qu'ils étaient destinés à jouer dans ce qu'il aurait appelé
l'Oienkarmë Eruo (la production perpétuelle de l'Unique), qui pourrait être rendu par "La gestion du Drame
par Dieu".
Il y a certaines choses dans ce monde qui doivent être acceptées comme des "faits". L'existence des Elfes :
c'est-à-dire d'une race d'êtres apparentés de près aux Hommes, de si près en fait qu'ils doivent être
considérés physiquement (ou biologiquement) comme étant de simples branches de la même race.1 Les Elfes
apparurent sur Terre plus tôt, mais pas (mythologiquement ou géologiquement) beaucoup plus tôt;2 ils
étaient "immortels", et ne "mouraient" pas sauf par accident. Les Hommes, quand ils apparurent sur la scène
(c'est-à dire quand ils rencontrèrent les Elfes), étaient cependant quasiment comme ils sont maintenant : ils
"mouraient", même en échappant à tout accident, à l'âge de 70-80 ans. L'existence des Valar : c'est-à-dire des
sortes d'Etres angéliques (créés, mais au moins aussi puissants que les "dieux" des mythologies humaines),
dont les principaux résidaient toujours dans une partie physique actuelle de la Terre. Ils étaient les agents et
les représentants d'Eru (Dieu). Ils furent pendant des âges sans nom engagés dans des travaux démiurgiques3
complétant selon les desseins d'Eru la structure de l'Univers (Eä); mais ils étaient maintenant concentrés sur
Terre pour le Drame principal de la Création : la guerre des Eruhín (les Enfants de Dieu), Elfes et Hommes,
contre Melkor. Melkor, originellement le plus puissant des Valar4, était devenu un rebelle, contre ses frères
et contre Eru, et était l'Esprit du Mal originel.
En ce qui concerne le Roi Finrod, il faut comprendre qu'il commence avec quelques croyances basiques,
qu'il aurait dit dérivées de l'une ou de plusieurs de ces sources : sa nature créée; l'instruction angélique; la
réflexion; et l'expérience.
1. Eru (l'Unique) existe; Il est le Dieu Créateur Unique, qui fit le Monde (ou plus précisément en dressa les
grandes lignes), mais qui n'est pas Lui-même le Monde. Ce Monde, ou Univers, il [NdTr : Finrod] l'appelle
Eä, un mot elfe signifiant "Cela est", ou "Que cela soit".
2. Il y a sur Terre des créatures "incarnées", Elfes et Hommes : ils sont constitués de l'union d'une hröa et
d'une fëa (grossièrement mais pas exactement équivalentes à "corps" et "âme"). Cela, dirait-il, était un fait
connu pour la nature elfe, et pouvait par conséquent être déduit pour la nature humaine en raison de la
proche parenté des Elfes et des Hommes.
3. La hröa et la fëa, dirait-il, sont complètement distinctes en genre, et ne se situent pas sur le "même niveau
de dérivation d'Eru" (note de l'auteur 1, p. 336), mais ont été conçues l'une pour l'autre, pour coexister en
harmonie perpétuelle. La fëa est indestructible, une identité unique qui ne peut être désintégrée ou absorbée
par aucune autre identité. La hröa, cependant, peut être détruite et dissoute : cela découle de l'expérience.
(Dans un tel cas, il décrirait la fëa comme étant "exilée" ou "sans logis".)
4. La séparation de la fëa et de la hröa n'est "pas naturelle", et ne découle pas de la conception originelle mais
du "Marrissement d'Arda", qui est dû aux agissements de Melkor.
5. L'"immortalité" elfe est limitée à une partie du Temps (qu'il appellerait l'Histoire d'Arda) et doit donc être
strictement appelée "longévité sérielle", dont la limite extrême est la durée de l'existence d'Arda (note de
l'auteur 2, p. 337). Un corollaire de ceci est que la fëa elfe est aussi limitée au Temps d'Arda, ou au moins y
est confinée et ne peut la quitter, tant qu'elle dure.
6. De cela suivrait en pensée, si ce n'était un fait de l'expérience elfe, qu'une fëa elfe "sans logis" doit avoir le
pouvoir ou l'opportunité de revenir à la vie incarnée, si elle en a le désir ou la volonté. (En fait, les Elfes
découvrirent que leurs fëar n'avaient pas ce pouvoir en elles, mais que l'opportunité et les moyens étaient
fournis par les Valar, avec la permission spéciale d'Eru pour redresser cet état non naturel de divorce. Il
n'était pas légal pour les Valar de forcer une fëa à revenir; mais ils pouvaient imposer des conditions, et juger
si le retour devait être permis, et, le cas échéant, comment et après combien de temps.) (note de l'auteur 3,
p. 339)
7. Vu que les Hommes meurent, sans accident et qu'ils le veuillent ou non, leurs fëar doivent avoir une
relation différente au Temps. Les Elfes croyaient, bien qu'ils n'eussent aucune information certaine, que les
fëar des Hommes, si désincarnées, sortaient du Temps (tôt ou tard), et ne revenaient jamais (note de
l'auteur 4, p. 340).
Les Elfes observèrent que tous les Hommes mouraient (un fait confirmé par les Hommes). Ils déduisirent
donc que c'était "naturel" pour les Hommes (c'est-à-dire que c'était le plan d'Eru), et supposèrent que la
brièveté de la vie humaine était due à cette caractéristique de la fëa humaine : qu'elle n'était pas destinée à
rester longtemps en Arda. Alors que leurs propres fëar, étant destinées à rester en Arda jusqu'à sa fin,
imposaient une longue endurance à leurs corps; car elles exerçaient (et c'est un fait d'expérience) un bien
plus grand contrôle sur eux (note de l'auteur 5, p. 341).

Au-delà de la "Fin d'Arda", la pensée elfe ne pouvait pénétrer, et ils n'avaient aucune instruction spécifique
(note de l'auteur 6, p. 341). Il leur semblait évident que leurs hröar devaient alors disparaître, et que, par
conséquent, toute forme de réincarnation serait impossible (note de l'auteur 7, p. 342). Tous les Elfes
"mourraient" alors à la Fin d'Arda. Ce que cela signifierait, ils ne le savaient pas. Ils disaient par conséquent
que les Hommes avaient une ombre derrière eux, mais que les Elfes en avaient une devant eux.
Leur dilemme était le suivant : la pensée de l'existence en tant que fëar seules leur était révoltante, et il leur
semblait difficile de croire que cela était naturel et leur était destiné, vu qu'ils étaient essentiellement des
"résidents d'Arda", et par nature complètement amoureux d'elle. L'alternative : que leurs fëar cesseraient
aussi d'exister à "la Fin", semblait encore plus intolérable. À la fois l'annihilation absolue et la cessation de
l'identité continue étaient complètement répugnantes à leurs pensées et désirs (note de l'auteur 8, p. 343).
Certains disaient que, bien qu'intégrale et unique (comme Eru dont elles découlaient directement), chaque
fëa, étant créée, était finie, et devait donc avoir une durée finie. Elle n'était pas destructible avant son terme
appointé, mais quand il était atteint, elle cessait d'exister; ou elle cessait d'acquérir de l'expérience, et
"résidait seulement dans le Passé".
Mais ils virent que cela n'apportait aucune solution. Car, même si une fëa elfe était capable "consciemment"
de résider dans ou de contempler le Passé, cela serait une condition tout à fait insatisfaisante pour son désir
(référence à la note de l'auteur 8). Les Elfes avaient (comme ils le disaient eux-mêmes) un grand talent de
mémoire, mais qui se tournait plus vers le regret que vers la joie. Et aussi, aussi longue que pourrait devenir
l'Histoire des Elfes avant qu'elle ne se termine, elle serait un objet d'une étendue trop limitée. Etre
perpétuellement "emprisonné dans un conte" (comme ils disaient), même si c'était dans un très beau conte se
terminant triomphalement, deviendrait un tourment.5 Car plus grand que le talent de mémoire était le talent
elfe pour la fabrication, et pour la découverte. La fëa elfe était avant tout destinée à fabriquer des choses en
coopération avec sa hröa.
Par conséquent, en fin de compte, les Elfes furent obligés de s'appuyer sur un "estel nu" (comme ils
disaient) : la confiance en Eru, dans le fait que, quoi qu'Il ait imaginé au-delà de la Fin, ce serait reconnu par
chaque fëa comme entièrement satisfaisant (au moins). Probablement y aurait-il de la joie imprévisible. Mais
ils continuèrent à croire que cela resterait en relation intelligible avec leur nature présente et leurs désirs,
découlerait d'eux et les inclurait.

Pour ces raisons, on s'attendait à ce que les Elfes soient moins bien disposés que les Hommes envers le
manque d'espérance (ou estel) des Hommes confrontés à la mort. Les Hommes, bien sûr, ignoraient
entièrement en général "l'Ombre qui est devant" qui conditionnait la pensée et les sentiments elfes, et
enviaient simplement l'"immortalité" elfe. Mais de leur côté, les Elfes ignoraient en général la tradition
persistant chez les Hommes selon laquelle les Hommes aussi étaient par nature immortels.
Comme on le voit dans l'Athrabeth, Finrod est profondément ému et étonné de découvrir cette tradition. Il
met à jour une tradition concomitante selon laquelle ce changement dans la condition des Hommes par
rapport à leur conception originelle était dû à un désastre primordial, au sujet duquel le savoir des Hommes
n'est pas clair, ou dont Andreth au moins est réticente à parler (note de l'auteur 9, p. 343). Il conserve
toutefois l'opinion selon laquelle la condition des Hommes avant le désastre (ou, comme nous pourrions
dire, la condition des Hommes non déchus), ne peut avoir été la même que celle des Elfes. C'est-à-dire que
leur "immortalité" ne peut avoir été la longévité des Elfes en Arda; sinon ils auraient simplement été des
Elfes, et leur introduction séparée plus tard dans le Drame par Eru n'aurait pas de fonction. Il pense que
l'idée des Hommes selon laquelle, inchangés, ils ne mourraient pas (dans le sens de quitter Arda), est due à
une déformation humaine de leur propre tradition, et peut-être à une comparaison envieuse avec les Elfes. Il
ne pense pas que cela sonne juste, pourrions-nous dire, pour une raison, "les spécificités observables de la
psychologie humaine", comparées aux sentiments elfes à l'égard du monde visible.
Il déduit donc que c'est la peur de la mort qui est le résultat du désastre. Elle est crainte car combinée à
présent à la séparation de la hröa et de la fëa. Mais les fëar des Hommes doivent avoir été conçues pour
quitter Arda volontairement ou en fait par désir - peut-être après un temps plus long que l'actuelle vie
humaine moyenne, mais toujours un temps très court par rapport à la vie elfe. Alors, basant son argument
sur l'axiome que la séparation de la hröa et de la fëa est non naturelle et contraire au dessein, il en arrive (ou
si vous préférez, il saute) à la conclusion que la fëa des Hommes non déchus aurait emmené avec elle sa hröa
dans son nouveau mode d'existence (libre du Temps). En d'autres mots, cette "supposition" était la fin naturelle
de chaque vie humaine, bien que, pour ce que nous en savons, cela a été la fin du seul membre non
déchu de l'Humanité.6 Il a alors une vision des Hommes en tant qu'agents de l'"immarrissement" d'Arda, non
seulement défaisant le marrissement ou le mal accomplis par Melkor, mais produisant une troisième chose,
"Arda Refaite" - car Eru ne défait jamais simplement le passé, mais crée quelque chose de nouveau, de plus
riche que la "première conception". En Arda Refaite, les Elfes et les Hommes chacun séparément trouveront
de la joie et de la satisfaction, et une réciprocité d'amitié, dont le lien sera le Passé.
Andreth dit que dans ce cas le désastre des Hommes fut effroyable; car cette refondation (si en effet c'était la
fonction propre des Hommes) ne peut à présent être accomplie. Finrod évidemment conserve l'espoir que ce
sera accompli, bien qu'il ne puisse dire comment. Il voit à présent cependant que le pouvoir de Melkor était
plus grand que ce qui avait été supposé (même par les Elfes, qui l'avaient effectivement vu sous sa forme
incarnée) : s'il avait été capable de changer les Hommes, et de détruire ainsi le plan.7
Plus strictement parlant, il dirait que Melkor n'avait pas "changé" les Hommes, mais les avait "subjugués" (en
allégeance à lui-même) très tôt dans leur histoire, de telle sorte qu'Eru avait changé leur "sort". Car Melkor
pouvait subjuguer des esprits et des volontés individuels, mais il ne pouvait le faire de manière héréditaire,
ou altérer (à l'encontre de la volonté et du plan d'Eru) la relation d'un peuple entier au Temps et à Arda.
Mais le pouvoir de Melkor sur les choses matérielles était clairement vaste. L'entièreté d'Arda (et en fait
probablement beaucoup d'autres parties d'Eä) fut marrie par lui. Melkor n'était pas juste un Mal local sur
Terre, ni un Ange gardien sur Terre qui aurait mal tourné : il était l'Esprit du Mal, s'éveillant avant même la
réalisation d'Eä. Sa tentative de dominer la structure d'Eä, et d'Arda en particulier, et d'altérer les desseins
d'Eru (qui gouvernèrent toutes les opérations des Valar fidèles), introduisit le mal, ou une tendance à
l'aberration par rapport aux desseins, de toute la matière physique d'Arda. C'était pour cette raison, sans
aucun doute, qu'il eut un succès total avec les Hommes, mais seulement partiel avec les Elfes (qui restèrent,
en tant que peuple, "non déchus"). Son pouvoir prospérait sur la matière, et à travers elle (note de
l'auteur 10, p. 344). Mais par nature, les fëar des Hommes exerçaient un contrôle bien moins fort sur leurs
hröar que ce n'était le cas chez les Elfes. Des Elfes individuels pouvaient être amenés à une forme mineure
de "Melkorisme" : désirer être leurs propres maîtres en Arda, et vivre selon leurs désirs, conduisant dans des
cas extrêmes à la rébellion contre la tutelle des Valar; mais aucun jamais n'entra au service ou ne fit
allégeance à Melkor lui-même, ni ne nia l'existence et la suprématie d'Eru. Des choses effrayantes de la
sorte, devine Finrod, ont dû être commises par les Hommes, en entier; mais Andreth ne révèle pas ce
qu'étaient les traditions des Hommes sur ce point (référence à la note de l'auteur 9).
Finrod cependant voit à présent que, telles que les choses étaient, aucune chose ou aucun être créé sur Arda,
ou dans toute Eä, n'était assez puissant pour contrer ou guérir le Mal: c'est-à-dire soumettre Melkor (dans sa
présente personne, bien que réduite) et le Mal qu'il avait dilué et envoyé à partir de lui-même dans la
structure même du monde.
Seul Eru Lui-même pourrait faire cela. Par conséquent, puisqu'il est impensable qu'Eru abandonne le monde
au triomphe ultime et à la domination de Melkor (ce qui pourrait signifier sa ruine et sa réduction au chaos),
Eru Lui-même doit à un moment donné venir affronter Melkor. Mais Eru ne pourrait pas entrer
complètement dans le monde et son histoire, qui n'est, bien que grande, qu'un Drame fini. Il doit en tant
qu'Auteur toujours rester "hors" du Drame, quand bien même ce Drame dépend de Ses desseins et de Sa
volonté pour son commencement et sa continuation, en chaque détail et à chaque instant. Finrod, par
conséquent, pense qu'Il devra, quand Il viendra être à la fois "dehors" et dedans; et ainsi il entrevoit la
possibilité de la complexité ou de distinctions dans la nature d'Eru, qui toutefois Le laisse "Unique" (note de
l'auteur 11, p. 345).
Vu que Finrod avait déjà deviné que la fonction rédemptrice était originellement spécialement assignée aux
Hommes, il en est probablement arrivé à l'attente que "la venue d'Eru", si elle avait lieu, concernerait
spécialement et de prime abord les Hommes : ce qui est une conjecture ou une vision imaginative du fait
qu'Eru viendrait incarné sous forme humaine. Ceci, cependant, n'apparaît pas dans l'Athrabeth.
L'argument n'est pas, bien sûr, présenté dans l'Athrabeth en ces termes, ni dans cet ordre, ni ainsi
précisément. L'Athrabeth est une conversation, dans laquelle de nombreuses suppositions et étapes de la
pensée doivent être fournies par le lecteur. En fait, bien que cela parle de choses comme la mort et les
relations des Elfes et des Hommes au Temps et à Arda, et des uns aux autres, son but réel est dramatique :
montrer la générosité de l'esprit de Finrod, son amour et sa pitié pour Andreth, et les situations tragiques qui
doivent surgir de la rencontre des Elfes et des Hommes (durant les âges de la jeunesse des Elfes). Car comme
cela devient finalement clair, Andreth était dans sa jeunesse tombée amoureuse d'Aegnor, le frère de Finrod;
et bien qu'elle sût qu'il répondait à son amour (ou pourrait l'avoir fait s'il avait daigné le faire), il ne le
déclara pas, mais la quitta - et elle crut qu'elle fut rejetée comme étant trop basse pour un Elfe. Finrod (bien
qu'elle n'en fût pas consciente) connaissait cette situation. Pour cette raison, il comprit et ne prit pas
ombrage de l'amertume avec laquelle elle parla des Elfes, et même des Valar. Il parvint à la fin à lui faire
comprendre qu'elle n'était pas "rejetée" par mépris ou par morgue elfe; mais que le départ d'Aegnor avait
pour motif la "sagesse", et qu'il valut à Aegnor une grande douleur : il était tout autant victime de la tragédie.
Entre-temps, Aegnor périt peu après cette conversation,8 lorsque Melkor brisa le Siège d'Angband lors de la
ruineuse Bataille de la Flamme Subite, et la destruction des royaumes elfes en Beleriand débuta. Finrod se
réfugia dans la grande forteresse méridionale de Nargothrond; mais il sacrifia peu après sa vie pour sauver
Beren le Manchot. (il est probable, bien que mentionné nulle part, qu'Andreth elle-même périt à cette
époque, car tout le royaume du nord, où Finrod et ses frères, et le Peuple de Bëor, s'étaient établis fut
dévasté et conquis par Melkor. Mais elle aurait alors été une très vieille femme.)9
Finrod fut donc tué avant que les deux mariages des Elfes et des Hommes n'aient lieu, bien que sans son aide,
le mariage de Beren et Lúthien n'aurait probablement pas pu être. Le mariage de Beren rencontra
pleinement sa prédiction que de tels mariages n'auraient lieu que pour des raisons importantes de Destinée,
et que le sort le moins cruel serait que la mort y mette rapidement fin.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:54 am

Notes de l'auteur sur le Commentaire

Note 1

Parce que les fëar étaient considérées comme étant directement créées par Eru, et "envoyées en" Eä; alors
que Eä fut achevée médiatement par les Valar.
Selon l'Ainulindalë, il y eut cinq étapes dans la Création. a) La création des Ainur. b) La communication par
Eru de son dessein aux Ainur. c) La Grande Musique, qui était comme une répétition, et demeura au niveau
de la pensée ou de l'imagination. d) La "Vision" d'Eru, qui était à nouveau une avant-première des
possibilités, et qui était incomplète. e) L'Accomplissement, qui continue toujours actuellement.
Les Eldar considéraient qu'Eru était et est libre à toutes les étapes. Cette liberté fut montrée durant la
Musique par Son introduction, après la naissance des discordes de Melkor, des deux nouveaux thèmes,
représentant la venue des Elfes et des Hommes, qui ne figuraient pas dans Sa première communication.10 Il
peut dès lors introduire des choses directement à l'étape 5, qui n'étaient pas dans la Musique et ne sont donc
pas accomplies par les Valar. Il reste toutefois vrai en général de considérer Eä comme étant accomplie via
leur médiation.
Les additions d'Eru, cependant, ne seront pas "étrangères"; elles s'accommoderont à la nature et au caractère
d'Eä et de ceux qui y vivent; elles pourraient mettre le passé en valeur et enrichir son objet et sa
signification, mais elles le contiendront et ne le détruiront pas.
Donc la "nouveauté" des thèmes des Enfants d'Eru, Elfes et Hommes, consista en l'association de fëar avec,
ou les "habitant", des hröar appartenant à Eä, d'une manière telle que les unes étaient incomplètes sans les
autres. Mais les fëar n'étaient pas des esprits d'une espèce entièrement différente de celle des Ainur; alors
que les corps étaient d'un genre très apparenté aux corps des choses vivantes appartenant au dessein primaire
(même si adaptés à leurs nouvelles fonctions, ou modifiés par les fëar les habitant).
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:54 am

Note 2

Arda, ou "le Royaume d'Arda" (en tant que directement placé sous la royauté du représentant d'Eru, Manwë)
n'est pas aisée à traduire, vu que ni "terre" ni "monde" ne conviennent. Physiquement, Arda était ce que
nous appellerions le Système solaire.11 On peut présumer que les Eldar pouvaient avoir eu autant
d'informations aussi précises le concernant, sa structure, son origine, et sa relation au reste d'Eä, qu'ils
pouvaient le comprendre. Probablement que ceux que cela intéressait acquirent cette connaissance. Tous
n'étaient pas intéressés en tout; la plupart concentrait leur attention sur (ou, comme ils disaient, "étaient
amoureux de") la Terre.
Les traditions auxquelles on se réfère ici sont venues des Eldar du Premier Âge, via les Elfes qui ne furent
jamais directement en compagnie des Valar, et via les Hommes qui reçurent ce "savoir" des Elfes, mais qui
avaient des mythes et des légendes cosmogoniques, et hypothèses astronomiques propres. Il n'y a cependant
rien en elles qui contredise sérieusement les présentes notions humaines de Système solaire, de sa taille et de
sa position dans l'Univers. On doit se souvenir cependant qu'il ne s'ensuit pas nécessairement que la
"véritable information" au sujet d'Arda (telle que les anciens Eldar auraient pu la recevoir des Valar) doive
s'accorder aux actuelles théories des Hommes. Aussi, les Eldar (et les Valar) n'étaient pas perturbés ni
principalement impressionnés par les notions de taille et de distance. Leur intérêt, certainement celui du
Silmarillion et de tout ce qui l'accompagne, pourrait être qualifié de "dramatique". Les endroits et les mondes
étaient intéressants ou importants en raison de ce qui se passa en eux.
Le cas est certains en ce qui concerne les traditions elfes que la principale partie d'Arda était la Terre (Imbar,
"l'Habitation")12 en tant que scène du Drame de la guerre des Valar et des Enfants d'Eru contre Melkor : de
telle sorte que, utilisée approximativement, Arda semble souvent signifier la Terre : et que de ce point de
vue, la fonction du Système solaire soit de rendre possible l'existence d'Imbar. En ce qui concerne la relation
d'Arda à Eä, l'assertion que les principaux Ainur démiurgiques, incluant l'originellement plus grand de tous,
Melkor, avaient élu "résidence" en Arda,13 depuis son établissement, implique aussi que, bien que petite,
Arda était dramatiquement le point focal d'Eä.
Ces opinions ne sont ni mathématiques ni astronomiques, ni même biologiques, et ne peuvent donc être
considérées comme contredisant les théories de nos sciences physiques. Nous ne pouvons dire qu'il "doit" y
avoir quelque part en Eä d'autres systèmes solaires "comme" Arda, encore moins que, s'ils existent, ils ou
aucun d'entre eux doivent contenir un parallèle à Imbar. Nous ne pouvons même pas dire que ces choses
sont mathématiquement très "probables". Mais même si la présence ailleurs en Eä de "vie" biologique était
démontrable, cela n'invaliderait pas l'opinion elfe qu'Arda (au moins tant qu'elle perdure) est le centre
dramatique. La démonstration qu'il existait ailleurs des Incarnés, parallèles aux Enfants d'Eru, modifierait
bien sûr la représentation, mais ne l'invaliderait pas entièrement. La réponse elfe serait probablement :
"Bien, c'est un autre Conte. Ce n'est pas le nôtre. Eru peut sans aucun doute en créer plus d'un. Tout n'est
pas esquissé dans l'Ainulindalë; ou bien l'Ainulindalë peut avoir une référence plus large que ce que nous
savions : d'autres drames, de genre semblable et peut-être différent en processus et en résultat, peuvent avoir
eu lieu en Eä ou pourront avoir lieu." Mais ils ajouteraient certainement : "Mais ils ne sont pas en cours
maintenant. Le Drame d'Arda est la préoccupation actuelle d'Eä." En fait, c'est clairement l'idée de la
tradition elfe que le Drame d'Arda est unique. Nous ne pouvons à l'heure actuelle affirmer que ce n'est pas
vrai.
Les Elfes étaient bien sûr primairement et profondément (plus que les Hommes) concernés par Arda, et par
Imbar en particulier. Ils semblent avoir considéré que l'univers physique, Eä, eut un commencement et aura
une fin : qu'il était limité et fini dans toute ses dimensions. Ils considéraient certainement que toute chose ou
"réalisation", qui est construite (même simplement et ébauchée) à partir de la "matière" de base, qu'ils
appelaient erma,14 était impermanente, en Eä. Ils étaient par conséquent principalement préoccupés par "la
fin d'Arda". Ils se savaient être limités par Arda; mais la durée de son existence, ils ne semblent pas l'avoir
connue. Plus probablement, ils n'étaient pas informés de la volonté ou du dessein d'Eru, Qui paraît dans la
tradition elfe demander deux choses de Ses Enfants (ou des deux Peuples) : foi en Lui, et en découlant,
espérance ou confiance en Lui (appelée par les Eldar estel).
Mais en tout cas, esquissée ou non dans la Musique, la Fin pouvait être apportée par Eru à tout instant par
intervention, de telle sorte qu'elle ne pouvait être prévue avec certitude. (Une telle intervention mineure et
présumée telle fut la catastrophe au cours de laquelle Númenor disparut, et qui mit fin à la résidence
physique des Valar en Imbar.) La conception elfe de la Fin était en fait catastrophique. Ils ne pensaient pas
qu'Arda (et encore moins Imbar) retournerait juste à l'inanition sans vie. Mais cette conception ne fut
incorporée par eux dans aucun mythe ou légende. (Voir note 7).
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:55 am

Note 3

Selon la tradition elfe, leur réincarnation était une permission spéciale accordée par Eru à Manwë, quand
Manwë Le consulta directement, au moment du débat au sujet de Finwë et Míriel.15 (Míriel "mourut" en
Aman en refusant de vivre plus longtemps dans son corps, et suscita ainsi toute la question du divorce non
naturel de la fëa elfe et de sa hröa, et du deuil des Elfes survivants : Finwë, son mari, était laissé seul.) Les
Valar, ou Mandos en tant que bouche de toutes leurs décisions et dans beaucoup de cas leur exécuteur,
reçurent le pouvoir d'appeler, de pleine autorité, toutes les fëar sans logis des Elfes en Aman. Là le choix leur
étaient donné de rester sans logis, ou (si elles le souhaitaient) d'être relogées dans les mêmes forme et
apparence que celles qu'elles avaient eues.16 Normalement, elles devaient toutefois rester en Aman.17 Par
conséquent, si elles résidaient en Terre du Milieu, leur deuil de leurs amis et parents, et le deuil de ceux-ci,
n'étaient pas redressés. Il n'était pas complètement remédié à la mort. Mais comme Andreth l'a vu, cette
certitude au sujet de leur futur immédiat après la mort, et la connaissance qu'au moins ils seraient à nouveau,
s'ils le souhaitaient, capables en tant qu'incarnés de faire et de fabriquer des choses et de continuer leur
expérience en Arda, rendait la mort totalement différente aux Elfes de ce qu'elle semblait aux Hommes.
Un choix leur était accordé, car Eru ne permettait pas que leur libre-arbitre leur soit enlevé. De la même
manière, les fëar sans logis étaient appelées et non amenées en Mandos. Elles pouvaient refuser les appels,
mais cela aurait impliqué qu'elles étaient d'une certaine manière souillées, sinon elles n'auraient pas souhaité
refuser l'autorité de Mandos : le refus entraînait de graves conséquences, découlant inévitablement de la
rébellion face à l'autorité.
Elles "restaient normalement en Aman". Simplement parce que, quand relogées, elles étaient à nouveau dans
des corps physiques, et le retour en Terre du Milieu était difficile et périlleux. Aussi, durant la période de
l'Exil des Noldor, les Valar avaient fermé toutes les voies de communication (par des moyens physiques)
entre Aman et la Terre du Milieu. Les Valar auraient bien sûr pu arranger le transfert, s'il y avait eu une
raison suffisamment grave. Le deuil des amis et des parents n'était apparemment pas considéré comme une
raison suffisante. Probablement sur instruction d'Eru. Dans tous les cas, tant que les Noldor étaient
concernés, ceux-ci, en tant que peuple, s'étaient retranchés de la clémence; ils avaient quitté Aman en
revendiquant la liberté absolue d'être leurs propres maîtres, afin de continuer leur guerre contre Melkor de
par leur propre valeur et sans aide, et de faire face à la mort et à ses conséquences. Le seul cas d'un
arrangement spécial rapporté dans les récits est celui de Beren et Lúthien. Beren fut tué peu après leur
mariage, et Lúthien en mourut de chagrin. Ils furent tous deux relogés et renvoyés en Beleriand; mais les
deux devinrent "mortels" et moururent plus tard selon la longévité humaine normale. Les raisons de ceci, qui
dut être fait par permission expresse d'Eru, ne furent pas tout de suite apparentes, mais étaient certainement
d'une importance unique. Le chagrin de Lúthien était si grand que, selon les Eldar, il remua la pitié de
Mandos l'Insensible même. Beren et Lúthien avaient accompli ensemble le plus grand de tous les actes à
l'encontre de Melkor : la récupération d'un des Silmarils. Lúthien n'était pas des Noldor mais fille de Thingol
(des Teleri), et sa mère Melian était "divine", une maia (un des membres mineurs de la race spirituelle des
Valar). Et de l'union de Lúthien et Beren, rendue possible par leur retour, la diffusion d'une note "divine" et
elfe dans l'Humanité devait découler, établissant un lien entre l'Humanité et le Monde ancien, après
l'établissement de la Domination des Hommes.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:56 am

Note 4

Tôt ou tard : parce que les Elfes croyaient que les fëar des Hommes morts allaient aussi en Mandos (sans
possibilité de choix : leur libre-arbitre au regard de la mort leur avait été retiré). Là, elles attendaient jusqu'à
leur remise à Eru. La vérité de ceci n'est pas affirmée. Aucun Homme vivant n'était autorisé à aller en Aman.
Aucune fëa d'un Homme mort ne revint jamais à la vie en Terre du Milieu. À toutes ces affirmations et
décrets, il y a toujours quelques exceptions (en raison de la "liberté d'Eru"). Eärendil atteignit Aman, même
au temps du Bannissement; mais il portait le Silmaril récupéré par son ancêtre Lúthien,18 et il était un "Semi-
Elfe" : il ne fut pas autorisé à retourner en Terre du Milieu. Beren revint à la vie pour une courte période;
mais en fait, il ne fut plus vu à nouveau par des Hommes vivants.
Le passage "outre-mer" vers Eressëa (une île en vue d'Aman) était autorisé pour, et en effet requis de, tous les
Elfes restant en Terre du Milieu après la chute de Morgoth à Angband. Ceci marqua réellement le
commencement de la Domination des Hommes, bien qu'il y eut (pour nous) une longue période
crépusculaire entre la chute de Morgoth et le renversement final de Sauron : durant, en fait, le Second et le
Troisième Âges. Mais à la fin du Second Âge survint la grande catastrophe (par une intervention d'Eru qui
préfigura, en fait, la Fin d'Arda) : la destruction de Númenor, et le "retrait" d'Aman du monde physique. Par
conséquent, le passage "outre-mer" de Mortels après la Catastrophe - qui est rapporté dans Le Seigneur des
Anneaux - n'est pas exactement la même chose. Il s'agissait dans tous les cas d'une grâce spéciale. Une
opportunité de mourir selon le plan original pour les non déchus : ils arrivaient à un stade auquel ils avaient
pu acquérir une connaissance et une paix d'esprit plus grandes, et auquel, étant guéris de toute blessure de
l'esprit et du corps à la fois, ils auraient pu se démettre eux-mêmes : mourir de leur plein gré, et même par
désir, dans l'estel. Une chose qu'Aragorn accomplit sans même cette aide.

Note 5

Ils étaient donc capables d'une condition physique bien plus grande et longue (en poursuivant certains désirs
dominants de leurs esprits) sans fatigue; ils ne connaissaient pas la maladie; ils guérissaient rapidement et
complètement de blessures qui auraient été fatales aux Hommes; et ils pouvaient endurer une grande
douleur physique pendant de longues périodes. Leurs corps ne pouvaient cependant survivre à des blessures
vitales, ou à de violents assauts contre leur structure; ni remplacer des membres manquants (comme une
main tranchée). D'un autre côté : les Elfes pouvaient mourir, et moururent, à leur gré; comme par exemple
en raison d'une grande peine ou deuil, ou en raison d'une frustration de leurs désirs et objectifs dominants.
La mort volontaire n'était pas considérée comme une anomalie, mais elle était une faute impliquant quelque
défaut ou souillure de la fëa, et ceux qui arrivaient de la sorte en Mandos pouvaient se voir refuser le retour à
la vie incarnée.

Note 6

Parce que les Valar n'avaient pas d'information à ce sujet; ou qu'elle était retenue. Voir note 2 [cinquième
paragraphe].
Qu'importe la destination c'est le voyage qui compte
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:57 am

Note 7
Voir note 2. Les Elfes s'attendaient à ce que la fin d'Arda soit catastrophique. Ils pensaient qu'elle serait
causée par la dissolution d'Imbar à tout le moins, sinon de tout le système. La Fin d'Arda n'est bien sûr pas la
même chose que la fin d'Eä. A ce sujet, ils considéraient que rien ne pouvait être su, sauf qu'Eä était en fin de
compte finie. Il est bon de noter que les Elfes n'avaient ni mythe ni légende traitant de la fin du monde. Le
mythe qui apparaît à la fin du Silmarillion est d'origine númenóréenne;19 il est clairement élaboré par des
Hommes, bien que des Hommes familiers de la tradition elfe. Toutes les traditions elfes sont présentées
comme des "histoires", ou comme des récits de ce qui fut jadis.
Nous traitons ici de la pensée elfe à une période ancienne, quand les Eldar étaient encore pleinement
"physiques" sous forme corporelle. Bien après, quand le processus (déjà entraperçu par Finrod) appelé
"déclin" ou "effacement" devint plus effectif, leurs idées sur la Fin d'Arda, pour autant qu'elle les affecte, ont
dû être modifiées. Mais il n'y a que peu de traces de contacts des pensées elfe et humaine en ces jours tardifs.
Ils devinrent éventuellement logés, si on peut appeler cela comme ça, non dans des hröar visibles et
tangibles, mais seulement dans le souvenir de la fëa de sa forme corporelle, et dans son désir d'elle; et par
conséquent ne dépendant plus, en terme d'existence, de la matière d'Arda.20 Mais ils paraissent avoir
considéré, et en fait, considérer encore, que ce désir d'une hröa montre que leur tardive (et actuelle)
condition ne leur est pas naturelle, et ils restent dans l'estel qu'Eru y remédiera. "Pas naturelle", que ce soit
dû entièrement, comme ils le pensaient avant, à l'affaiblissement de la hröa (dérivé de la débilité introduite
par Melkor dans la substance d'Arda dont elle doit se nourrir), ou partiellement à l'inévitable action d'une
fëa dominante sur une hröa matérielle à travers les âges. (Dans ce dernier cas, "naturelle" ne peut se référer
qu'à un état idéal, dans lequel la matière immarrie pourrait endurer à jamais le logement d'une fëa
parfaitement adaptée. Cela ne peut se référer au dessein actuel d'Eru, vu que les Thèmes des Enfants furent
introduits après la montée des discordes de Melkor. L'"effacement" des hröar elfes doit donc être un élément
de l'Histoire d'Arda telle qu'envisagée par Eru, et le mode par lequel les Elfes devaient ouvrir le chemin à la
Domination des Hommes. Les Elfes trouvent que cette supplantation par les Hommes est un mystère, et une
cause de chagrin; car ils disent que les Hommes, ou au moins si gouvernés qu'ils le sont par le mal de
Melkor, ont de moins en moins d'amour pour Arda elle-même, et s'emploient largement à la détruire par
leur tentative de la dominer. Ils pensent toujours que le redressement par Eru de toutes les peines d'Arda
viendra par ou via les Hommes; mais la part des Elfes dans ce redressement ou rédemption consistera
principalement en la restauration de l'amour d'Arda, ce à quoi leur mémoire du Passé et leur compréhension
de ce qui aurait pu être contribuera. Arda, disent-ils, sera détruite par des Hommes mauvais (ou par la
méchanceté en les Hommes); mais sera guérie via la bonté en les Hommes. La méchanceté, le non-amour
dominateur, les Elfes les compenseront. Par la sainteté des hommes de bien - par leur attachement direct à Eru,
avant et au-dessus de toute oeuvre d'Eru21 -, les Elfes pourront être délivrés de la dernière de leurs
peines : la tristesse; la tristesse qui doit même venir de l'amour désintéressé de toute chose moindre qu'Eru.)

Note 8

Le désir. Les Elfes insistaient sur le fait que les "désirs", spécialement ces désirs fondamentaux traités ici,
devaient être pris comme des indications des natures véritables des Incarnés, et de la direction dans laquelle
leur accomplissement immarri doit se situer. Ils faisaient la distinction entre désir de la fëa (perception que
quelque chose de juste ou de nécessaire n'est pas présent, conduisant à le désirer ou à l'espérer); souhait ou
souhait personnel (le sentiment du manque de quelque chose, dont la force concerne primairement une
seule personne, et qui peut n'avoir qu'une petite ou pas de référence à l'ordre général des choses); illusion, le
refus de reconnaître que les choses ne sont pas telles qu'elles devraient être, conduisant à l'illusion qu'elles
sont telles que quelqu'un désirerait qu'elles soient, quand elles ne le sont pas. (Cette dernière pourrait être
appelée de nos jours "prendre ses désirs pour des réalités", légitimement; mais ce terme, diraient les Elfes, est
assez illégitime si appliqué au premier. La dernière peut être réfutée par référence aux faits. Pas le premier.
Sauf si la désirabilité est considérée comme étant toujours illusoire, et la seule base pour l'espoir de
redressement. Mais les désirs de la fëa se révèlent souvent être raisonnables en fonction d'arguments assez
déconnectés du souhait personnel. Le fait qu'ils s'accordent au "désir", ou même au souhait personnel, ne les
invalident pas. En fait, les Elfes croyaient que l'"embrasement du coeur" ou l'"éveil de la joie" (auquel ils se
réfèrent souvent) qui peut accompagner l'audition d'une proposition ou d'un argument, n'est pas une
indication de sa fausseté mais de la reconnaissance par la fëa d'une chose qui est sur le chemin de la vérité.)
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 12:57 am

Note 9

Il est probable qu'Andreth ne voulait en fait pas en dire plus. En partie par une espèce de loyauté qui
empêchait les Hommes de révéler aux Elfes tout ce qu'ils savaient des ténèbres de leur passé; en partie parce
qu'elle se sentait incapable de se faire sa propre opinion au sujet des traditions humaines contradictoires. De
plus longues recensions de l'Athrabeth, apparemment éditées sous influence númenóréenne, lui font
donner, sous la pression, une réponse plus précise. Certaines sont très brèves, d'autres plus longues. Toutes
convergent cependant en faisant de l'acceptation par les Hommes de Melkor comme Roi (ou Roi et Dieu) la
cause du désastre. Dans une version, une légende complète (comprimée en terme de temps) est
explicitement donnée pour une tradition númenóréenne, car elle fait dire à Andreth : Ceci est le Conte
qu'Adanel de la Maison d'Hador m'a raconté. Les Númenóréens descendaient largement, et leurs traditions
non elfes principalement, du Peuple de Marach, gouverné par la Maison de Hador.22 La légende présente
certaines ressemblances avec les traditions númenóréennes concernant la part jouée par Sauron dans la
chute de Númenor. Mais ceci ne prouve pas qu'il s'agisse d'une fiction des jours d'après la chute. Elle dérive
sans aucun doute principalement du savoir du Peuple de Marach, assez indépendamment de l’Athrabeth.
[Ajout: Rien n'est ici affirmé au sujet de sa "vérité", historique ou autre.] Les actes de Sauron ressemblaient
ou répétaient naturellement et inévitablement ceux de son maître. Il est triste qu'un peuple en possession
d'une telle légende ou tradition ait plus tard été trompé par Sauron, mais, eu égard à l'histoire humaine en
général, ce n'est pas incroyable. En effet, si les poissons avaient un savoir-de-poissons et des Sages-poissons,
il est probable que les affaires des pêcheurs ne s'en ressentiraient guère.23
Le "Conte d'Adanel" est joint [pp. 345-9].
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 1:00 am

Note 10

La "Matière" n'est pas considérée comme mauvaise ni opposée à l'"Esprit". La matière était entièrement
bonne à l'origine. Elle resta une "créature d'Eru" et encore largement bonne, et en fait auto-guérissante,
quand il n'y avait pas d'interférence : c'est-à-dire, quand le mal latent introduit par Melkor n'était pas
délibérément réveillé et utilisé par des esprits maléfiques. Melkor concentra son attention sur la matière,
parce que les esprits ne pouvaient être complètement dominés que par la peur; et la peur se répandait le plus
facilement via la matière (spécialement dans le cas des Incarnés, qu'il désirait subjuguer le plus). Par exemple
par la peur que des choses matérielles qui étaient aimées pouvaient être détruites, ou la peur (chez les
Incarnés) que leurs corps pouvaient être blessés. (Melkor utilisa et pervertit aussi pour ses desseins la
"crainte d'Eru", pleinement ou vaguement comprise. Mais ceci était plus difficile et périlleux, et requérait
plus de fourberie. Des esprits moindres pouvaient être leurrés par amour et admiration de lui et de ses
pouvoirs, et ainsi être menés en fin de compte à une position de rébellion contre Eru. Leur crainte de Lui
pouvait alors être obscurcie, de telle sorte qu'ils adhéraient alors à Melkor, en tant que capitaine et
protecteur, devenant enfin trop terrifiés pour revenir sous l'allégeance à Eru, même après avoir découvert
Melkor et avoir commencé à le haïr.)


Note 11

Cela est en fait déjà entrevu dans l'Ainulindalë, où il est fait référence à la "Flamme Éternelle". Cela semble
signifier l'activité créative d'Eru (dans un sens, distincte de ou en Lui), par laquelle les choses pouvaient
recevoir une existence "réelle" et indépendante (bien que dérivée et créée). La Flamme Éternelle est envoyée
par Eru résider au coeur du monde, et le monde alors Est, au même niveau que les Ainur, et ils peuvent y
entrer, Mais ce n'est pas, bien sûr, la même chose que la ré-entrée d'Eru pour défaire Melkor. Ceci se réfère
plutôt au mystère de la "qualité d'auteur", par lequel l'auteur, tandis qu'il reste "en dehors" et indépendant de
son oeuvre, y réside aussi, à son niveau dérivé, inférieur à celui de son vrai être, en tant que source et
garantie de son existence.

[Le "Conte d'Adanel"]

Alors Andreth, étant pressée par Finrod, dit enfin : "Voici le Conte qu'Adanel de la Maison de Hador m'a
raconté :"
Certains disent que le Désastre eut lieu au commencement de l'histoire de notre peuple, avant que nul ne
soit déjà mort. La Voix nous avait parlé, et nous avions écouté. La Voix disait : "Vous êtes mes enfants. Je
vous ai envoyés pour vivre ici. En temps voulu, vous hériterez de toute cette Terre, mais d'abord, vous devez
être des enfants et apprendre. Appelez-moi et j'entendrai; car je veille sur vous."
Nous comprîmes la Voix dans nos coeurs, bien que nous n'avions pas encore de mots. Alors, le désir des mots
s'éveilla en nous, et nous commençâmes à en former. Mais nous étions peu nombreux, et le monde était
vaste et étrange. Bien que nous désirassions grandement comprendre, apprendre était difficile, et la
formation des mots était lente.
En ces temps, nous appelions souvent et la Voix répondait. Mais elle répondait rarement à nos questions,
disant seulement : "Cherchez d'abord à trouver les réponses vous-mêmes. Car vous aurez de la joie à les
trouver, et ainsi grandirez à partir de votre enfance et deviendrez sages. Ne cherchez pas à quitter l'enfance
avant votre heure."
Mais nous étions pressés, et désirions utiliser les choses à notre gré; et les formes des nombreuses choses que
nous souhaitions faire s'éveillaient en nos esprits. Nous parlions donc de moins en moins à la Voix.
Alors l'un apparut parmi nous, sous notre propre forme visible, mais plus grand et plus beau; et il dit qu'il
était venu par pitié. "Vous n'auriez pas dû être laissés seuls et sans instruction," dit-il. "Le monde est plein de
richesses merveilleuses que la connaissance peut vous livrer. Vous pourriez avoir de la nourriture plus
abondante et plus délicieuse que les pauvres choses que vous mangez maintenant. Vous pourriez avoir des
habitations de bien-être, dans lesquelles vous pourriez garder la lumière et bannir la nuit. Vous pourriez
même être vêtus comme je le suis."
Alors nous regardèrent et oh ! il était vêtu d'un habit qui brillait comme l'argent et l'or, et il avait une
couronne sur sa tête, et des gemmes dans ses cheveux. "Si vous voulez être comme moi," dit-il, "je vous
enseignerai". Alors nous le prîmes comme enseignant.
Il était moins rapide que nous ne l'avions souhaité à nous enseigner comment trouver, ou comment faire, les
choses que nous désirions, bien qu'il eût éveillé de nombreux désirs en nos coeurs. Mais si d'aucun doutait ou
s'impatientait, il apportait et mettait à notre disposition tout ce que nous souhaitions. "Je suis le Dispensateur
de Dons," dit-il; "et les dons ne manqueront jamais tant que vous me ferez confiance."
Par conséquent, nous le révérions, et nous étions enchantés par lui; et nous dépendions de ses dons,
craignant de retourner à une vie sans eux, qui nous semblait alors pauvre et difficile. Et nous croyions tout
ce qu'il nous enseignait. Car nous étions avides de connaître le monde et ses créatures : les animaux et les
oiseaux, et les plantes qui poussent sur la Terre; notre propre création; et les lumières du ciel, et les étoiles
sans nombre, et les Ténèbres les environnant.

Tout ce qu'il nous enseignait semblait bon, car il avait de grandes connaissances. Mais de plus en plus, il nous
parlait des Ténèbres. "Plus grandes que tout sont les Ténèbres," dit-il, "car elles n'ont pas de limites. Je suis
venu des Ténèbres, mais j'en suis Le maître. Car j'ai créé la Lumière. J'ai fait le soleil et la lune, et les étoiles
sans nombre. Je vous protégerai des Ténèbres, qui autrement vous dévoreraient."
Nous parlâmes alors de la Voix. Mais son visage se fit terrible; car il était en colère. "Idiots !" dit-il. "C'était la
Voix des Ténèbres. Elles souhaitent vous garder de moi; car elles ont faim de vous."
Alors il s'en alla, et nous ne le vîmes plus pendant un long moment, et sans ses dons nous étions pauvres. Et
il vint un jour où soudainement la lumière du soleil commença à diminuer, jusqu'à ce qu'elle fût masquée et
qu'une grande ombre recouvrât le monde; et tous les animaux et les oiseaux étaient effrayés. Alors il revint,
marchant dans l'ombre comme un feu scintillant.
Nous nous aplatîmes devant lui. "Il y en a parmi vous qui écoutent encore la Voix des Ténèbres," dit-il, "et
par conséquent, elles se rapprochent. Choisissez maintenant ! Vous pouvez prendre les Ténèbres comme
Seigneur, ou vous pouvez m'avoir Moi. Mais à moins que vous ne me preniez comme Seigneur et juriez de
Me servir, Je partirai et vous quitterai; car J'ai d'autres royaumes et résidences, et Je n'ai pas besoin de la
Terre, ni de vous."
Alors, par crainte, nous dîmes ce qu'il demandait, en disant : " Vous êtes le Seigneur; Vous seulement nous
servirons; nous abjurons la Voix et ne l'écouterons plus."
"Qu'il en soit ainsi !" dit-il. "À présent, construisez-Moi une maison dans un endroit élevé, et appelez-la la
Maison du Seigneur. Là Je viendrai quand Je le voudrai. Là vous vous présenterez à Moi et M'adresserez vos
demandes."
Et quand nous eûmes construit une grande maison, il vint et se tint devant le haut siège, et la maison fut
éclairée comme par le feu. "À présent," dit-il, "qu'avance quiconque écoute encore la Voix !"
Il y en avait quelques-uns, mais par crainte, ils ne bougèrent pas et se turent. "Alors agenouillez-vous devant
Moi et inclinez-vous devant Moi !" dit-il. Et tous s'inclinèrent jusqu'au sol devant lui, en disant : "Vous êtes
Le Grand, et nous sommes Vôtre."
Après cela, il s'éleva comme dans une grande flamme et fumée, et nous fûmes brûlés par la chaleur. Mais
soudainement il était parti, et il faisait plus noir que la nuit; et nous fuîmes la Maison.
Après cela, nous craignions toujours et grandement les Ténèbres; mais il apparaissait rarement parmi nous à
nouveau sous une belle forme, et il n'apportait plus que quelques dons. Si, en cas de grande nécessité, nous
osions aller à la Maison et le prier de nous aider, nous entendions sa voix, et recevions ses ordres. Mais à
présent, il nous ordonnait toujours de faire des choses, ou de lui offrir quelque chose, avant d'écouter nos
prières; et à chaque fois les choses devenaient pire, et les dons plus difficiles à obtenir.
La première Voix, nous ne l'entendîmes plus jamais, sauf une fois. Dans le silence de la nuit, Elle parla,
disant : "Vous M'avez abjuré, mais vous restez Miens. Je vous ai donné la vie. Elle sera à présent raccourcie,
et chacun d'entre vous sous peu viendra à Moi, pour apprendre qui est votre Seigneur : celui que vous louez,
ou Moi qui l'ai créé."
Alors, notre terreur des Ténèbres augmenta; car nous croyions que la Voix était celle des Ténèbres derrière
les étoiles. Et certains d'entre nous commencèrent à mourir dans l'horreur et l'angoisse, en craignant d'aller
dans les Ténèbres. Nous appelâmes alors notre Maître pour nous sauver de la mort, et il ne répondit pas.
Mais quand nous vînmes à la Maison et que chacun s'y inclina, enfin il vint, grand et majestueux, mais son
visage était cruel et fier.
"À présent vous êtes Miens et devez agir selon Mon gré," dit-il. "Je me moque que certains d'entre vous
meurent et aillent apaiser la faim des Ténèbres; car sinon, vous seriez bientôt trop nombreux, grouillant
comme des poux sur la Terre. Mais si vous ne faites pas Ma volonté, vous sentirez Ma colère, et vous
mourrez plus tôt, car je vous tuerai."
Par après, nous fûmes douloureusement affligés, par la lassitude, la faim et la maladie; et la Terre et toutes
ses choses se retournèrent contre nous. Le Feu et l'Eau se rebellèrent contre nous. Les oiseaux et les animaux
nous fuirent, ou s'il étaient forts, nous attaquèrent. Les plantes nous donnèrent du poison; et nous
craignîmes les ombres sous les arbres.
Nous regrettâmes notre vie telle qu'elle était avant que notre Maître ne vint, et nous le haïmes, mais nous ne
le craignions pas moins que les Ténèbres. Et nous fîmes ce qu'il demandait, et même plus; car tout ce que
nous pensions qui lui plairait, nous le fîmes, dans l'espoir qu'il soulagerait nos afflictions, et qu'au moins il ne
nous tuerait pas.

Pour la plupart d'entre nous, cela fut vain. Mais à certains, il commença à montrer ses faveurs : aux plus forts
et aux plus cruels, et à ceux qui se rendaient le plus souvent à la Maison. Il leur fit des dons, et leur donna
des connaissances qu'ils tinrent secrètes; et ils devinrent puissants et fiers, et nous asservirent, de telle sorte
que nous n'eûmes plus de repos en dehors du travail et de nos afflictions.
Alors certains s'élevèrent parmi nous qui dirent ouvertement leur désespoir : "À présent nous savons enfin
qui mentait, et qui désirait nous dévorer. Pas la première Voix. C'est le Maître que nous avons pris qui est les
Ténèbres; et il n'en vint pas, comme il le dit, mais y réside. Nous ne le servirons pas plus longtemps ! Il est
notre Ennemi."
Alors, de crainte qu'il ne les entendît et ne nous punît tous, nous les tuâmes, quand nous le pûmes; et ceux
qui fuirent, nous les chassâmes; et si certains étaient attrapés, nos maîtres, ses amis, ordonnaient qu'ils soient
emmenés dans la Maison et mis à mort par le feu. Cela lui plaisait beaucoup, dirent ses amis; et en effet,
pendant un temps, il nous sembla que nos afflictions s'étaient allégées.
Mais il est dit que quelques-uns nous échappèrent, et allèrent dans des pays lointains, fuyant l'ombre.
Pourtant, ils n'échappèrent point à la colère de la Voix; car ils avaient bâti la Maison et s'y étaient inclinés.
Et ils arrivèrent enfin à la fin des terres et aux rivages de l'eau infranchissable; et là ! l'Ennemi était devant
eux.
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Re: ATHRABETH FINROD AH ANDRETH

Messagepar phoenlx » lun. nov. 07, 2011 1:08 am

c'est à nouveau phoenlx qui parle ^^

Il reste quelques commentaires et un glossaire de l'athrabeth ensuite mais je n'arrive pas à le copier coller ça provoque un bug sur le forum ( en raison apparemment de certains des caractères accentués spécifiques à l'elfique ; j'essairai de compléter un peu le topic avec ça dès que je trouve une solution pour le poster mais je pense que vous pouvez déjà potasser ce qui précède :mrgreen:
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Náin

Re: Athrabeth Finrod Ah Andreth ( Traduction des aratars )

Messagepar Náin » jeu. oct. 04, 2012 10:43 am

Trop bien merci !!! Parce que sachant que l'on en ait qu'au cinquième de volume traduit je pense que celui-là on peut encore l'attendre longtemps :roll:

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Re: Athrabeth Finrod Ah Andreth ( Traduction des aratars )

Messagepar phoenlx » jeu. oct. 04, 2012 10:55 am

oui malheureusement, déjà ceux d'avant, j'ai peur aussi
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