Epilogue du Seigneur des Anneaux

Rubrique sur le Seigneur des Anneaux (les livres écrits par JRR Tolkien) : prière d'éviter le hors sujet sur les films ici, si vous souhaitez faire des comparaisons, utilisez plutôt la rubrique des sujets transversaux, ou celle de l'adaptation cinématographique.
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itikar
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Epilogue du Seigneur des Anneaux

Messagepar itikar » ven. janv. 05, 2024 9:39 pm

Je suis vraiment étonné de ne pas l'avoir déjà croisé ici ce topic !
Cela dit, désolé si je me trompe et ai juste mal cherché dans le forum, même si je n'en serais guère étonné car il me semble que j'avais appris son existence ici.
Bah, bouclons la boucle au cas où.

J'ai récupéré cette traduction ici, mais je le recopie tel quel pour le sauvegarder au cas où :

https://marchombres.forumactif.fr/t1135 ... es-anneaux

L’épilogue du Seigneur des Anneaux

(paru dans “Dragon” n°9 janvier-février 1993 pp 30-36)

Extrait de ‘Sauron Defeated’ History of Middle-Earth volume IX’
textes de J.R.R. TOLKIEN,, compilés par Christopher TOLKIEN
©️ Harper Collins Publishers, 1982.
Traduction de Roland C. Wagner





Sam a conduit Frodon jusqu'aux Havres Gris. Il est resté sur le quai tandis que son maître s'embarquait pour l'Ouest avec Bilbon, Gandalf, Elrond et Galadriel. Puis il a regagné la Comté où l'attendaient sa femme et son premier enfant :
"Rose l'entraîna à l'intérieur, l'installa dans son fauteuil et lui mit la petite Elanor sur les genoux.
"Il respira profondément. — Eh bien, me voici de retour, dit-il."

Le Seigneur des Anneaux s'achève sur ces mots. Tolkien, pourtant, a rédigé un épilogue qui se déroule quatorze ans plus tard. Bien que maintes fois remanié, ce texte n'a finalement pas été retenu dans la version finale. Le voici.



Un soir du mois de mars 1436, Maître Samsagace Gamegie se trouvait dans son bureau à Cul-de-Sac. Il était assis à la vieille table de travail bien usée et, s'accordant de fréquentes périodes de réflexion, couvrait des feuilles volantes de sa lente écriture ronde.
Sur un lutrin à hauteur de sa taille reposait un grand livre rouge manuscrit. Peu de temps auparavant il en avait lu des passages à voix haute à sa famille. Car ce jour était un jour particulier : l'anniversaire de sa fille Elanor. Ce soir-là, avant le dîner, il avait enfin terminé le Livre. La lente progression le long de ses nombreux chapitres, même avec les omissions qu'il avait trouvées judicieuses, avait pris des mois, car il ne l'avait lu à voix haute que les grands jours. A la lecture d'anniversaire, outre Elanor, étaient présents le petit Frodon, la petite Rosie, et les jeunes Merry et Pippin ; mais les autres enfants n'y avaient pas assisté. Le Livre Rouge n'était pas encore pour eux, et ils étaient au lit bien tranquilles. Tête d'Or (1) n'avait que cinq ans ; car Frodon s'était légèrement trompé dans sa prédiction (2) : elle était venue après Pippin. Mais elle n'était pas la dernière de la lignée, car Samsagace et Rose semblaient bien partis pour rivaliser avec le vieux Géronte Touque
pour le nombre d'enfants, avec autant de succès que Bilbo pour celui des années. Il y avait le petit Ham, et Daisy, et Primevère, toujours dans son berceau.
A présent Sam savourait « un peu de tranquillité ». Le dîner était terminé. Seule Elanor restait avec lui, toujours éveillée parce que c'était son anniversaire. Elle s'assit sans bruit regardant fixement le feu et jetant de temps à autre un coup d'oeil à son père. C'était une belle fille, plus blanche de peau que la plupart des jeunes hobbits, et plus mince, et les lueurs du feu étincelaient dans sa chevelure d'or rouge. Elle avait reçu par don, sinon par héritage, un souvenir de la grâce des elfes.

« Que fais-tu cher papa-Sam ? dit-elle enfin. Tu as dit que tu allais te reposer, et j'espérais que tu me parlerais.
— Juste un moment, Elanorellë, dit Sam alors qu'elle venait passer les bras autour de son cou, regardant par dessus son épaule.
— Cela ressemble à des Questions et des Réponses, remarqua-t-elle.
— Et c’est bien le cas, répondit Sam. M. Frodon m'a laissé les dernières pages du Livre, mais je n'ai encore jamais osé m'y mettre. Je suis toujours en train de prendre des notes, comme aurait dit le vieux M. Bilbon. Il y a ici toutes les nombreuses questions que Maman Rose, les enfants et toi avez posées ; et je rédige les réponses, quand je les connais. La plupart des questions sont de toi, parce que tu es la seule à avoir entendu le Livre en entier plus d'une fois.
— Trois fois » dit Elanor, en regardant la page écrite avec soin qui reposait sous la main de Sam.

Q. Nains, & Co. : Le petit Frodon dit que c'est eux qu'il préfère. Qu'est-il arrivé à Gimli ? Les Mines de la Moria ont-elles été réouvertes ? Reste-t-il encore des Orques ?
R. Gimli : Il est revenu travailler pour le Roi, comme il l'avait dit. Il a ramené du Nord une grande partie de son peuple, et ils ont travaillé si longtemps en Gondor qu'ils s'y sont habitués et se sont installés là, dans les Montagnes Blanches, non loin de la Ville. Gimli se rend une fois par an aux Cavernes Scintillantes. Comment je le sais ? Informations de M.
Peregrin, qui retourne souvent à Minas Tirith, où il est très bien considéré.
Moria : Je n'ai aucune nouvelle. Peut-être la prédiction sur Durin n'est-elle pas pour notre époque (3). Les lieux sombres ont encore besoin d'un bon nettoyage. Je crois cependant qu'il faudra beaucoup de peines et d'audace pour déloger les créatures mauvaises des salles de la Moria. Car il reste certainement beaucoup d'Orques dans de tels endroits. Il n'y a guère de chances que nous arrivions jamais à nous débarrasser d'eux complètement.

Q. Legolas. Est-il retourné chez le Roi ? Restera-t-il là-bas ?
R. Oui, il y est retourné. Il est venu dans le sud avec Gimli, et a ramené beaucoup de ses gens de Vertbois-le-Grand (ainsi l'appellent-ils à présent). Ils disent que c'était merveille de voir ces compagnies de Nains et d'Elfes voyageant ensemble. Les Elfes ont rendu la Ville, et la terre où vit le Prince Faramir, plus splendides que jamais. Oui, Legolas restera là-bas, au moins aussi longtemps que Gimli ; mais je pense qu'il ira un jour vers la Mer. M. Meriadoc m'a raconté tout ceci car il est allé rendre visite à Dame Eowyn dans sa maison blanche.

Q. Chevaux. Merry s'y intéresse énormément ; très anxieux à cause d'un poney qui lui appartient. Combien de chevaux les Cavaliers ont-ils perdus durant les combats, et en ont-ils d'autres à présent ? Qu'est-il arrivé au cheval de Legolas ? Qu'a fait Gandalf de Gripoil ?
R. Gripoil est allé sur le Bateau Blanc avec Gandalf, bien sûr. J`ai vu cela de mes yeux. J'ai également vu Legolas laisser son cheval s'en aller librement d'lsengard vers Rohan. M. Mériadoc dit qu'il ne sait pas combien de chevaux furent perdus ; mais à présent, il y en a plus que jamais en Rohan, car nul ne les vole plus. Les Cavaliers ont aussi beaucoup de
poneys, particulièrement dans Harrowdale: des blanc, des marron et des gris. L'année prochaine, lorsqu'il reviendra des terres du Roi Eomer, il a l'intention d'en ramener un pour son homonyme (4).

Q. Ents. Elanor aimerait en savoir davantage à leur propos. Qu'a vu Legolas à Fangorn ? Et revoit-il encore Sylvebarbe ? La petite Rosie s'inquiète beaucoup des Ents femmes. Elle les cherche chaque fois qu'elle va dans un bois. Les découvrira-t-on jamais ? Elle aimerait que cela arrive.
R. Legolas et Gimli n'ont pas raconté ce qu'ils ont vu, à ce qu'on m'a dit. Je n'ai entendu parler de personne qui ai vu un Ent depuis cette époque. Les Ents sont très secrets et il n'aiment pas trop les gens, grands ou petits- Je voudrais moi aussi qu’on retrouve leurs femmes ; mais Je crains que le problème ne soit trop ancien et trop profond pour que les gens de la Comté puissent y remédier. Je pense que les Ents-femmes ne veulent peut-être pas qu'on les trouve ; et peut-être les Ents sont-ils à présent fatigués de chercher.

« Eh bien, ma chérie, dit Sam, cette première page n'est que le travail d'aujourd'hui.» Il soupira. « Elle n'est pas assez bien pour entrer dans le Livre telle quelle. Ça ne ressemble pas beaucoup à l'histoire comme l'a écrite M. Frodon. Mais il me faudra faire un chapitre ou deux dans le style qui convient, d'une manière ou d'une autre. M. Meriadoc pourrait m'aider. Il est habile lorsqu'il s'agit d'écrire, et il est en train de faire un livre
splendide entièrement sur les plantes.
— N'écris plus ce soir. Parle-moi, papa-Sam ! » dit Elanor, et elle l'entraîna vers un siège près du feu.
« Dis-moi, répéta-t-elle, tandis qu'ils s'asseyaient l'un près de l'autre dans la douce lumière dorée qui éclairait leurs visages, parle-moi de la Lórien. Est-ce que ma fleur y pousse toujours, papa-Sam ?
— Eh bien, ma chérie, Celeborn vit toujours là-bas parmi ses arbres et ses Elfes, et je ne doute pas que ta fleur y pousse encore. Quoique, maintenant que je t'ai pour te regarder, je ne m'en préoccupe plus autant.
— Mais je ne veux pas me regarder, papa-Sam. Je veux regarder d'autres choses. Je veux voir la colline d'Amroth où le Roi a rencontré Arwen, et les arbres d'argent, et le petit niphredil blanc, et l'elanor dorée dans l'herbe qui est toujours verte. Et je veux entendre chanter les Elfes.
— Alors tu les entendra peut-être un jour, Elanor. Je disais la même chose quand j'avais ton âge, et longtemps après, et il semblait n'y avoir aucun espoir. Et malgré tout, je les ai vus, et entendus.
— J'avais peur qu'ils ne prennent tous la mer, papa-Sam. Car alors, il n'en resterait bientôt plus ici ; et alors, partout, il n'y aurait plus que des endroits vides, et...
—Et quoi, Elanorellë ?
—Et la lumière s'affaiblirait.
—Je sais, dit Sam. La lumière faiblit, Elanorellë. Mais elle ne disparaîtra pas encore. Je pense maintenant qu'elle ne disparaîtra jamais tout à fait, depuis que je t'en ai parlé. Car il me semble à présent que les gens peuvent se la rappeler, même s'ils ne l'ont jamais vue. Et pourtant, soupira-t-il, même ainsi, ce n'est pas pareil que de la voir vraiment, comme je l'ai fait.
— Comme faire réellement partie d'une histoire ? demanda Elanor. Une histoire ce n'est pas pareil, même quand elle raconte ce qui est arrivé. J'aimerais pouvoir revenir au bon vieux temps !
— Les gens comme nous le souhaitent souvent, dit Sam. Tu es née à la fin d'un grand Age, Elanorellë ; mais, bien qu'il soit terminé, les choses ne s'achèvent pas aussi brutalement, comme on dit. C'est plutôt comme un crépuscule d'hiver. Les Hauts Elfes sont presque tous partis avec Elrond, maintenant. Mais pas vraiment tous ; et ceux qui ne l'ont pas suivi attendront encore un moment. Et les autres, ceux qui appartiennent à cette terre, resteront même plus longtemps. Tu as encore des choses à voir, et peut-être les verras-tu plus tôt que tu ne l'espères. »
Elanore resta un instant silencieuse avant de reprendre la parole.
« Au début. je n'ai pas compris ce que voulait dire Celeborn quand il a fait ses adieux au Roi. Mais je crois que je comprends maintenant. Il savait que Dame Arwen resterait, mais que Galadriel le quitterait (5). Je pense que c'était très triste pour lui. Et pour toi cher papa-Sam. » Sa main tâtonna à la recherche de la patte brune de Sam, qui serra ses doigts fins. « Car ton trésor est parti lui aussi. Je suis heureuse que Frodon de l'Anneau m'ait vue, mais j'aimerais pouvoir me rappeler l'avoir vu.
— C'était triste, Elanorellë, dit Sam, embrassant ses cheveux. Ça l'était, mais ce n’est plus désormais. Pourquoi ? Et bien, d’une part. M. Frodon est parti là où la lumière elfique ne faiblit pas ; et il a mérité sa récompense. Mais j'ai eu la mienne également. J'ai reçu de grands trésors. Je suis un hobbit très riche. Et il y a une autre raison que je te chuchoterai, un secret que je n'ai jamais dit à quiconque auparavant, ni encore inscrit dans le Livre. Avant de partir. M. Frodon a dit que mon heure pourrait venir. Je peux attendre. Je crois que, peut-être, nous ne nous sommes pas dit adieu pour de bon. Mais je peux attendre. J'ai au moins appris ça des Elfes, en tout cas. Le temps, ça ne les tracasse pas. Ainsi, je pense
que Celeborn est toujours heureux parmi ses arbres, d'une façon elfique. Son heure n'est pas venue, et il n'est pas encore fatigué de son pays. Quand il le sera, il pourra s'en aller.
— Et quand tu seras fatigué, tu partiras. papa-Sam. Tu partiras aux Havres avec les Elfes. Alors, je partirai avec toi. Je ne me séparerai pas de toi, comme Arwen a quitté Elrond.
— Peut-être, peut-être, dit Sam en l'embrassant doucement. Et peut-être pas. Le choix de Lúthien et d'Arwen, ou quelque chose d'approchant, se présente à beaucoup ; et il n'est pas sage de prendre sa décision avant l'heure.
« Et maintenant, ma petite chérie. je pense qu'il est temps de se mettre au lit. Même pour une demoiselle de quinze printemps. Et j'ai quelque chose à dire à Maman Rose. »
Elanor se leva et passa légèrement la main dans la chevelure brune et frisée de Sam, déjà mouchetée de gris.
« Bonne nuit, papa-Sam. Mais...
— Je ne veux pas de bonne nuit, mais, dit Sam.
— Mais ne veux-tu pas me la montrer d’abord ? C'est ce que j'allais dire.
— Te montrer quoi, chérie ?
— La lettre du Roi, bien sûr. Tu l'as reçue il y a plus d'une semaine, à présent. »
Sam s'assit. « Bonté divine ! dit-il. Comme les histoires se répètent ! On vous rend la monnaie de votre pièce, et tout ça. Comme nous avons espionné le pauvre M. Frodon ! Et maintenant, les nôtres nous espionnent, sans intentions plus mauvaises que celles que nous avions, j'espère. Mais comment es-tu au courant ?
— Il n'y avait pas besoin d'espionner, dit Elanor. Si tu voulais la garder secrète, tu n'as pas été assez prudent. Elle est arrivée par le courrier du Quartier du Sud, tôt mercredi de la semaine dernière. Je t'ai vu la rapporter. Toute enveloppée de soie blanche et scellée par de grands cachets noirs : il suffisait d'avoir entendu le Livre pour deviner immédiatement qu'elle venait du Roi. Est-ce de bonnes nouvelles ? Ne veux-tu pas me la montrer, papa-Sam ?
— Eh bien, puisque tu en sais tant, il vaut mieux que tu apprennes le reste, dit Sam. Mais pas de conspiration, désormais. Si je te la montre, tu passes du côté des adultes et tu dois jouer le jeu. Je le dirai aux autres en temps utile. Le Roi arrive.
— Il vient ici ? s'écria Elanor. A Cul-de-Sac ?
—Non, chérie, dit Sam. Mais il revient dans le nord, ce qu'il n'a pas fait depuis que tu étais petiote. Mais maintenant sa maison est prête. Il n'ira pas dans la Comté, parce qu'il a ordonné que le pays soit fermé aux Grandes Gens et qu'aucun d'entre eux n'y pénètre après ces Bandits (6) ; et il ne dérogera pas à sa propre règle. Mais il chevauchera jusqu'au Pont. Et il a envoyé une invitation très spéciale pour chacun de nous, à chacun par son nom. »
Sam alla à un tiroir, le déverrouilla, en tira un rouleau dont il fit glisser l'étui. Le parchemin était écrit sur deux colonnes avec de belles lettres argentées sur fond noir. Il le déroula et posa une bougie à côté sur le bureau afin qu'Elanor puisse le voir.
« Comme c'est beau ! s'écria-t-elle. Je peux lire le Langage Ordinaire, mais que dit l'autre côté ? Je crois que c'est de l'Elfique, mais tu m'en as encore appris si peu de mots.
— Oui, c'est écrit dans un genre d'Elfique qu'utilisent les grandes gens de Gondor, confirma Sam. Je l'ai déchiffré, assez au moins pour être sûr qu'il dit en gros la même chose, sauf qu'il traduit tous nos noms en Elfique. Le tien est le même des deux côtés, Elanor, parce que ton nom est elfique. Mais Frodon devient Lorhael , et Rose devient Meril, et Merry devient Gelir , et Pippin devient Cordof , et Tête d'Or devient Glorfinniel , et Hamfast devient Baravorn , et Daisy devient Eirien . Et maintenant, tu sais.
— Comme c'est merveilleux, dit-elle. A présent nous avons tous des noms elfiques. Quelle splendide fin d'anniversaire ! Mais quel est ton nom, papa-Sam ? Tu ne l'as pas mentionné.
— Eh bien, il est assez particulier, dit Sam. Car dans le texte elfique, si tu dois savoir, le Roi dit: "Maître Perhæl qui doit être appelé Panthæl ." Et cela signifie: Samsagace qui devrait être appelé Très-sagace. Alors, à présent, tu n'ignores plus ce que le Roi pense de ton vieux père.
— Je n'en pense pas moins, papa-Sam, très cher Perhæl-adar(7), dit Elanor. Mais c'est écrit le deux avril, dans seulement une semaine ! Quand partirons-nous ? Nous devrions nous préparer. Que porterons-nous ?
— Tu dois demander tout ça à Maman Rose, dit Sam. Mais nous nous sommes préparés. Nous en avons été avertis il y a longtemps ; et si nous n'avons rien dit, c'est seulement parce que nous ne voulions pas que vous en perdiez le sommeil, pas déjà. Il faut que vous soyez tous à votre avantage. Vous aurez tous de beaux vêtements et nous irons en calèche.
— Devrai-je faire trois révérences, ou seulement une ? demanda Elanor.
— Une seule suffira, une pour le Roi et une pour la Reine, dit Sam. Car, bien qu'il ne le dise pas dans la lettre, Elanorellë, je pense que la Reine sera là. Et quand tu l'auras vue, ma chérie, tu sauras à quoi ressemble une princesse elfe, sauf qu'aucune autre n'est aussi belle. Et ce n'est pas tout. Car je serais surpris si le Roi ne nous invite pas dans sa grande
maison du Lac Evendim. Et il y aura Elladan et Elrohir, qui vivent toujours à Fondcombe— et avec eux, des Elfes, Elanorellë, et ils chanteront au bord de l'eau dans le crépuscule. C'est pourquoi j'ai dit que tu pourrais les voir plus tôt que tu ne le supposais. »
Elanor ne dit rien, mais resta à regarder le feu, et ses yeux brillaient comme des étoiles. Enfin, elle soupira et remua.
« Combien de temps resterons-nous ? demanda-t-elle. Je suppose que nous devrons revenir ?
— Oui, et nous le voudrons, d'une certaine manière, dit Sam. Mais nous pourrons rester jusqu'à la récolte du foin, pour laquelle je dois être de retour ici. Bonne nuit, Elanorellë. Dors maintenant jusqu'au lever du soleil. Tu n'auras pas besoin de rêves.
— Bonne nuit, papa-Sam. Et ne travaille plus. Car je sais à quoi ton chapitre devrait ressembler. Ecris ce dont nous avons parlé ensemble — mais pas cette nuit. »

Elle l'embrassa et quitta la pièce ; et il parut à Sam que le feu baissait au moment de son départ. Les étoiles brillaient dans un ciel noir dégagé. C`était le deuxième jour de la courte période lumineuse et sans nuages que traversait régulièrement la Comté vers la fin du mois de mars, et qui était tous les ans accueillie et louée comme quelque chose de surprenant pour la saison. Tous les enfants étaient couchés. à présent. Il était tard, mais ça et là, des lumières miroitaient dans Hobbitebourg, et aux fenêtres de maisons éparpillées dans la campagne que recouvrait la nuit.
Maître Samsagace se tenait à la porte et regardait au loin vers l'est. Il attira contre lui Madame Rose et l'entoura de son bras.
« Le vingt-cinq mars ! dit-il. Ce même jour, il y a dix-sept ans, Rose ma mie, je ne pensais pas que je te reverrais. Mais je continuais à espérer.
— Je n’ai jamais espéré, Sam, dit-elle, pas jusqu’à ce jour précis ; et soudain, l'espoir était là. C'était vers midi, et je me suis sentie si joyeuse que j'ai commencé à chanter. Et ma mère a dit “Silence jeune fille, il y a des bandits dans le coin.” Et j'ai dit : “Laisse-les venir ! Leur temps sera bientôt fini. Sam revient.” Et tu es revenu.
— Je suis revenu, dit Sam. Vers l'endroit que j'aime le plus au monde. Vers ma Rose et mon jardin.»
Ils rentrèrent et Sam ferma la porte. Mais à ce moment précis, il entendit soudain, profond et ininterrompu, le soupir et le murmure de la Mer sur les rivages des Terres du Milieu.

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(1) La traduction des noms propres diffère dans le texte du S.D.A et les Appendices. Ainsi, dans ces derniers, Goldilocks se traduit par Boucle d’Or.

(2) III, p.425 : Frodon avait dit que Tête d’Or naîtrait avant Pippin (les pages indiquées sont celles de l’édition française publiée par Presses-Pocket).

(3) Sam pense sans doute à la fin de la chanson de Gimli dans la Moria, qui l’avait grandement frappé (I, p 330) :
“Ici repose sa couronne en eau profonde,
Jusqu’à ce que Durin s’éveille à nouveau de son sommeil.”

(4) Merry, compagnon de Frodon, a l’intention de ramener un poney à son homonyme Merry, fils de Sam.

(5) Les paroles d’Elanore se réfèrent à la p. 260 du Retour du Roi («Nombreuses séparations») : «Mais Celeborn dit : “Adieu, parent ! Puisse votre destin être différent du mien, et votre trésor demeurer avec vous
jusqu’à la fin !”»

(6) Allusion aux serviteurs de Saroumane qui avaient envahi la Comté.

(7) Dans un manuscrit antérieur (qui utilisait des formes en ai, corrigées par la suite, pour les noms Irhail , Perhail , Panthail ) Elanor appelle son père Panthail-adar.
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Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.

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