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Le Layout
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Par Frédéric ANTOINE le 1 mars 2002
Dossiers
Le layout se base sur la segmentation du story-board aussitôt que celui-ci a été approuvé par le réalisateur et l’équipe de production, et sur la feuille d’exposition1. Un segment est constitué d’une ou plusieurs cases et concerne le lieu et les actions précises d’un plan (dans notre exemple ci-contre, les personnages sont derrière une grosse caisse, échangent un regard et l’un deux s’élance pour quitter le champs). Selon les actions et les mouvements de caméra, le layout fournira toutes les indications nécessaires à l’animation de ce segment. De plus, chaque feuille de layout est codifiée selon sa nature (par exemple, BG pour décor ou ANIM pour animation) et selon la série (production, numéro d’épisode, numéro de scène).
En dehors de tout son matériel de dessin, crayons noirs et colorés, règles diverses, le layout-artiste a besoin de feuilles blanches d’animation, c’est à dire perforées, pour s’adapter aux tenons de la barrette graduée coulissante de la table d’animation (aussi appelée peg-bar) et, aussi, de la fameuse grille de cadrage (ou field guide). Cette dernière est en plastique transparent perforée . Elle se place sur la table lumineuse et fournit une grille de repère pour tous les cadres (ou champs) existants.
Le layout se divise en trois sections, que nous allons étudier en détail, qui sont le cadrage, le décor et l’animation.
Le layout-cadre définit les mouvements de caméra et de table, c’est à dire la position, la dimension et les variations du cadre caméra en rapport au décor et à l’animation, dans sa position autant que sa dimension. Le choix des cadres doit se faire en fonction du type de plan (plan rapproché, moyen, d’ensemble, gros plan…) : généralement de champs 7 à champs 12, les petits cadres pour les plans serrés et inversement.
Ainsi, une feuille de layout-cadre comportera au moins :
– le dessin du cadre ;
– le dessin du cadre de télévision ;
– l’indication du centre du cadre, par le biais d’une croix rouge ;
– la valeur du cadre (champs 10 sera noté 10F), noté proche du centre ;
– l’éventuelle rotation (toujours en rapport à l’horizontale et en degrés) ;
– l’éventuel décentrage (souvent en pouces, comme indiqué sur la barrette à tenons), noté proche du centre.
– Le mouvement que la caméra va effectuer, dans le cas de pans verticaux ou horizontaux.
Il sera donc noté, si il y a lieu, de son déplacement, vertical, horizontal ou de biais (généralement en pouces et points cardinaux), de sa rotation (CW pour une rotation dans le sens des aiguilles d’une montre, CCW pour l’inverse). Dans le cas de feuille de cadres multiples (mouvement de caméra dans un même décor), ceux-ci seront référencés dans l’ordre d’utilisation, par une lettre (A, B, C,…), ainsi qu’une couleur différente (le premier cadre en rouge, le second en bleu, le troisième en noir, la suite en alternance bleu et noir).
Le layout-décor, c’est la mise en place des éléments essentiels du décor (ou background) avec un dessin solide exécuté au crayon. On fixe ainsi l’environnement où vont prendre place personnages et effets. Il peut se décomposer en plusieurs niveaux dont chacun fait l’objet d’un dessin séparé sur plusieurs feuilles, avec sa codification propre :
– le décor principal (code BG) ;
– un overlay (OL), qui représente un éléments supplémentaire placé en avant-plan, donc sur un niveau supérieur ;
– un underlay (UL), l’inverse du précédent, qui se trouve sur un niveau inférieur ;
– un overlay-underlay (OLUL), qui est un élément situé entre les niveaux d’animation.
Ces trois derniers éléments permettent une fois en animation de donner une impression de profondeur par vitesse de déplacements différente.
Le layout-décor peut aussi comporter une indication sur la source de lumière, l’ambiance (nuit, jour, orage…) ou les ombres.
Le décor et les autres éléments seront cadrés selon le champs utilisé.
Le layout-animation va mettre en place les phases de mouvements ou d’expressions essentielles des personnages, avec autant de dessins que nécessaire pour décrire l’action, en partant de la première pose à la dernière, avec leurs poses-clés intermédiaires.
On retrouve, sur les feuilles, les indications suivantes :
– une numérotation chronologique et par niveau de l’action ;
– la limite gouache ou de coloration (ou safe-paint) en bleu ;
– le détourage (ou matchline), si il y a lieu
– le report du cadre sur le premier dessin en bleu ;
– les raccords (hook-up) de mouvement à prévoir ;
– le numérotation chronologique des poses d’animation (1/2, 2/2, dans le cas d’un mouvement en deux poses-clé).
Si il y a plusieurs niveaux, il faudra l’indiquer à l’aide de lettres (A, B, C…). Il est aussi fréquent d’avoir un élément du décor qui ne s’anime que pendant une partie du plan, comme une porte qui restera fixe tant que le personnage ne l’ouvre pas. Cet élément, appelé fixe (ou held cell), devra être présenté sur un autre niveau et sera noté HC.
L’animation qui suit est un exemple de layout, volontairement simplifié pour une meilleur compréhension.
Télécharger l’animation (236ko)
Il est clair que le layout-artiste occupe une position-clé en aval de l’étape d’animation. Un dessin animé, qu’il soit long métrage ou de série, est constitué par un ensemble de tâches diverse et donc d’équipes. Du fait de cette division même de travail, chaque étape doit être considérée comme le maillon d’une longue chaîne (surtout en considérant les co-productions qui s’étendent du continent américain à l’Asie, en passant par l’Europe). À ce titre, le layout-artiste se doit d’avoir une certaine connaissance de cette chaîne, des méthodes de travail et de son rôle. Un dessin animé coûte cher ; refaire des scènes en terme de travail graphique peut entraîner des dépenses en temps et argent qui nuiront à la production. Le layout-artiste est là pour résoudre les derniers problèmes avant l’animation. Le layout est une technique, ce qui implique de connaître son lexique, sa codification, sans oublier les techniques cinématographiques élémentaires (angles de vues, raccords, etc…). Il est important d’être précis et clair dans son travail, tout en veillant aux respect des procédures, conventions et normes.
Le layout-artiste doit saisir l’ambiance de la série, son design, être au fait des intentions des concepteurs. La connaissance de la bible générale de la série est donc impérative à la qualité de son travail.Mais plus important encore, le layout est un travail d’artiste graphique, au talent évident en dessin, et concerné par la composition et la perspective. Il lui faut avoir de bonnes références et documentations en architecture, paysage et technologie qui seront ses atouts pour camper les décors, quelle que soit le lieu ou l’époque. La maîtrise des structures de personnages est nécessaire à l’élaboration de poses dynamiques et de qualité. Les proportions, volumes, formes et expressions gestuelles ou faciales n’ont plus de secret pour lui. De même, il doit posséder un coup de crayon versatile. Les séries diffèrent toutes les unes des autres. Il lui faudra donc s’adapter. Le design et l’esprit d’une série comme Bob Morane est bien différent d’une série comme la Mouche; toutes deux imposent leur style et leur traitement. Autant de difficultés que le layout-artiste surmontera avec rapidité et habilité.
Dans un certain sens, le layout peut se présenter comme une tâche moins créative que le design ou le story-board, dans la production d’une animation. Certes, c’est une étape technique soumise à une certaine rigueur, mais le layout reste un travail de composition graphique fascinant. Rappelons-le, la qualité de l’animation et donc du dessin animé dépendent en grande partie du layout.
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Ghibli : les secrets du Layout pour comprendre l’annimation au musée Art Ludique
26 octobre 2014 / owainpwyll
Exposition un peu austère (ironique vu le nom du musée) sur les techniques de l’animation Ghibli et plus particulièrement sur l’utilisation du layout, visiblement inventé par Miyazaki sur le long métrage Heidi. Voyant que les anciens long-métrages n’accordaient que peu d’importance au décor (les animateurs pouvaient alors utiliser le même décor sur une multitude de scènes), considérant que l’animation et le décor doivent jouer à parts égales dans l’élaboration d’un film, Miyazaki a recours au layout, dessin regroupant sur une seule feuille la composition de la scène, les informations liées au storyboard, le cadrage et les effets d’animation attendus.
Une feuille de layout se présente donc comme un dessin lambda, mais saturé de références et d’indications pour les animateurs. La première salle présente en quelques définitions les termes lexicaux utilisés par ces derniers pour communiquer (et travailler) entre eux.
Ainsi, l’indication « BG » désigne le Background, dessin fixe qui donne l’arrière-plan de la scène. Juste que là tout va bien. La mention « Book » désigne des éléments de décor, fixes également, mais qui viennent se rajouter au background pour donner de la profondeur (et un effet de relief) ou pour intervenir directement dans l’animation (exemple un arbre indiqué en book, permettra la disparition d’un personnage derrière lui au fil de l’animation de la scène). On suit toujours. La couleur rouge est utilisée sur le layout pour indiquer aux animateurs les parties qui vont bouger dans la scène, comme les fumées, les nuages, les feuilles ou les personnages. L’éventuelle mention « Track down/ up » indique un mouvement descendant ou ascendant (en fait une succession de dessins qui doivent créer ce mouvement). « Pan » se réfère quant à lui au mouvement panoramique, créé par une succession de dessins beaucoup plus grands (un bon exemple est donné dans l’expo avec l’extrait de Kiki, la petite sorcière). « Follow » indique un mouvent horizontal, de droite à gauche ou inversement (crée par le mouvement de la caméra sur l’image fixe). « In/out » indique les entrées ou sorties d’élément sur la feuille (objets ou personnages qui entrent ou sortent du dessin). « Kin » (?) terme japonais apparaissant comme une simple ligne rouge sur le layout et qui permet en fait d’indiquer les points de contacts entre le décor (une chaise par exemple) et un personnage (assis dessus), sachant qu’une équipe s’occupe des décors, quand une autre s’occupe de l’animation des personnages.
D’autres effets sont mentionnés sur le layout comme l’effet de transparence (mais j’avoue les avoir oubliés depuis l’exposition et certain d’entre eux, j’ai tout simplement pas vu ce à quoi ils se référaient) et il ne faut pas oublier par contre la mention de la vitesse.
Après cette salle, le visiteur est « jeté » dans le grand bain de l’animation : les salles suivantes se composent essentiellement de mur d’images, suivant dans l’ordre chronologique l’ensemble des films du studio Ghibli. « Jeter », parce qu’au départ, on ne voit rien que des images fixes, puis peu à peu en revenant aux définitions du début et en étant patient, on voit les dessins s’animer progressivement. Et à partir de là, cette exposition devient splendide. On est comme écrasé par le talent artistique et technique du studio et de ses deux réalisateurs.
Le fait de connaitre les films aident beaucoup, même si au bout d’un moment quelques vidéos accompagnent le visiteur pour lui permettre de mieux voir l’animation au regard du layout. On retrouve bien l’esprit Ghibli, un travail minutieux et une volonté de s’expliquer en mettant le visiteur dans la peau d’un animateur. Déroutant au début mais finalement respectueux de notre capacité à les suivre et gratifiant au final.
Quelques belles surprises dans l’expo : un petit dessin de Miyazaki s’excusant auprès d’un animateur suite à une erreur de layout, obligeant ce dernier à tout refaire, les décors de Chihiro, la scène de Princesse Mononoké dans la montagne, et la photo souvenir dans le train avec Chihiro. Et surtout ne pas s’arrêter dans le boutique, c’est mortel pour le porte-monnaie.