Quand on a joué au dernier God Of War on se dit qu'on a sans doute joué au meilleur jeu de la décennie, voire de l'histoire du jeu vidéo ... Puis, on tombe sur Detroit : Become Human et on revoit sa copie ... Mais ça c'est quand on a jamais joué à Last Of Us ... car ce titre pulvérise tout ce qui a été fait jusqu'ici dans le genre, dépassant largement Lara Croft y compris dans ses dernières itérations, et marque un avant et un après dans l'histoire du jeu vidéo d'aventure, qui semble très délicat de dépasser aujourd'hui.
Pourquoi ?
Pour avoir atteint une certaine perfection dans chacun de ces domaines :
* complexité
* maturité
* jouabilité
* difficulté
* graphisme
* cinématographie
* esthétisme
* variabilité
* rythme
* scénario
* interprétation
* relation
* ambiance
* poésie
* musicalité
* profondeur
* richesse
* craft
* dosage survival/horror/tps/action
The Las tof Us c'est un titre,une image et un bout d'histoire assez vague pour ceux, dont je faisais parti mais ça c'était AVANT, n'y ayant jamais joué mais surtout une énorme interrogation "mais pourquoi tout le monde en parle autant et en terme si flatteurs ?" qui fait que même si le titre ne nous dit rien - "Mince! Encore un tps à la Tomb Raider, mais avec une petite fille prépubère au lieu d'une jeune femme à grosse p... potentiel comme Lara Croft" on est taraudé presque 24h sur 24 par la conviction ... qu'on finira bien par y jouer quelques minutes un jour afin de se faire sa propre idée, même si cela sera certainement une courte séance de prise en main old gen après tout les captures d'écrans sont plutôt moches et le thême à la Walking Dead suprêmement dépressif ne va pas non plus dans le bon sens du poil ...
Personnellement, c'est la sortie de The Last of Us II qui m'a fait me dire bon ça y est, installe une des trois versions que tu as du jeu et essaie d'y jouer quelques heures afin d'avoir un minimum de bagage pour commencer la suite ... un trailer en quelque sorte.
Puis, on installe le jeu, on est rapidement frappé par cette image de fenêtre poussiéreuse légèrement envahi par des vignerons verts avec derrière une musique jazzie mélancolique et envoûtante... Mais où sommes nous ? Déjà on cogite, on fait des suppositions du genre "bah je parie qu'on est dans le dernier endroit qu'on va voir dans le jeu à la fin" et le jeu va nous narrer comment on en arrive là ...
Nous narrer ... ah ça oui, on peut dire ça .. nous narrer ... l'aventure la plus humaine, la plus empathique, et en même temps la plus trash et la plus horrible qu'on ait jamais vécu par avatar interposé, où tous les thèmes sordides qu'on puisse imaginer ont logiquement droit de cité ... Citons pêle-mêle des centaines d'exécutions zombiesques, des meurtres à bout portant de femmes et enfants sadiques et gratuits, une tentative de viol sur mineure, du cannibalisme, du sacrifice d'enfant, des types emmurés vivants, plusieurs autres monstruosités comme des cas de conscience bouleversants et perturbants genre "mais peut-on envisager sérieusement de sacrifier ou de ne pas sacrifier une enfant pour sauver toute l'humanité ?" ... etc... Mais plus que dans un thriller d'horreur sans limite, c'est pourtant, comme par magie, dans une histoire humaine, dense et poétique qu'on plonge, et on sent très vite que les développeurs vont devoir mettre le paquet pour traiter ce genre de scénario impossible à adapter ...
Un voyage ... celui de Joël un cinquantenaire désabusé survivant on ne sait comment et surtout on ne sait pourquoi vaille que vaille dans un monde deshumanisé, et décimé ... Un holocauste nucléaire à la mad max ? Non, pire, une saleté de fléau auprès duquel le covid19 est vraiment un rhume sans gravité ...un virus fongique qui transforme les victimes infectées (quasiment 100% d'entre elles) en une poignée d'heure en légume agressif et affamé, pire qu'un morbak ... Walking Dead en somme.
Un road movie qui se transforme et s'impose très vite en buddy movie puisque le héros va être accompagné dans ses aventures minables par sa copine, ce qui ne peut marcher que si les développeurs assurent en IA d'accompagnement. Encore une réussite dans ce domaine pour Naughty Dog car, à quelques exceptions, notre acolyte quel qu'il soit nous suit à son rythme, ni trop vite ni trop lent, parfois en prenant un peu son temps ... puis par une petite fille, la fameuse Elie qui est devenue depuis une icône virtuelle un peu comme bien avant notre chère Lara, avec du LGBT en prime ... Un sacré petit bout de petite fille (ou jeune fille ? c'est pas très clair
) qui se paie le luxe de progresser de manière crédible au fur et à mesure qu'on joue et qu'elle s'en prend plein la figure ... De chiarde inexpérimentée ayant peur de son ombre, mais néanmoins ayant reçu un entrainement militaire, elle devient petit à petit une machine à tuer pour survivre à l'image de ... nous, toujours pudique et protecteur "père" de substitution ... car la gamine est orpheline.
Souvent, Elie nous cause, genre pour nous dire qu'elle aime les comics ... genre pour nous dire qu'elle ne veut pas qu'on l'abandonne ... genre pour dire qu'elle aimerait bien rencontrer d'autres enfants de son âge ... ou nous raconter qu'elle a été mordue le même jour que sa copine sauf qu'elle en est sortie, elle ... genre pour nous humaniser à la perfection ce foutu avatar qui tue, comme elle bientôt, à tour de bras et souvent de la plus sadique des façons ... , quasiment chaque pauvre type ou chaque pauvre zombie ... qu'il ou elle croisera dans le paysage ...
Le paysage ... Ce putain de paysage hallucinant ... Comme je disais, les développeurs devaient absolument pour réussir ce titre, ne pas se contenter de créer une vingtaine de modèle de rue, de maison, de plantes d'arbres de voitures, d'objets divers et les planter dans leur décors virtuel comme on place des playmobils dans un décor en carton pâte bref pas faire ce qu'en grosse majorité ont fait les développeurs de The Sinken city, autre putain de jeu dans son genre, mais pas du tout à ce niveau de qualité, loin s'en faut ...Alors, les développeurs de The Last of Us, ils font quoi ? Ben ils peignent leurs décors comme Rembrandt l'a fait de ses toiles. Pas un chapitre de l'histoire fait du copier coller ... Pas une maison ou un immeuble visitable ne ressemble à un autre ... Ok, en y regardant bien, certaines trames sont identiques, mais si peu ou suffisamment mélangé avec du nouveau pour créer à chaque fois un put... de nouveau décor ... allant jusqu'à reconstituer des musées entiers, une usine électrique, un hôtel, une université, des immeubles en veux-tu en voilà, et des centres commerciaux ... et des rivières, et des forêts, et des égouts, et des métros, et même de la toundra enneigé avec ou sans blizzard.
Parce que oui, Joël et Elie, il faut le dire, vont traverser à pied en voiture ou à cheval (oui, oui ! ) des dizaines voire des centaines de kilomètres ... Bien sûr, on ne va pas tout se taper nous joueur, il y a des ellipses intelligemment placé, mais les tableaux offerts sont gigantesques, extrêmement détaillés et toujours intelligemment limité, à quelques traits un peu grossier trait qu'on leur pardonnera étant donné la démesure de ce qu'ils ont fait ...
Dans un jeu lambda, que se passe t'il quand on doit quitter une ville apocalyptique avec des gratte ciels ... On marche sur la rue et on se cache derrière des voitures pour canarder les ennemis qui nous assaillent partout pour nous piller ... oui, dans The Last of Us, il y a de cela, évidemment et tout le temps, mais il y a aussi la possibilité d'entrer dans un immeuble, de gravir ses escaliers, de visiter ses étages, parfois deux ou trois étages entiers, parfois on marche sur plan incliné car entre temps l'immeuble s'est cassé la gueule - sans doute un 11 septembre - et il faut le traverser comme ça pour pouvoir avancer. Puis on finit par trouver la porte de l'immeuble close, alors on va dans sa cave, et on trouve un chemin vers les égouts ou les métros, évidemment rempli de zombis ... mais aussi avec des métros en ruine qu'on traverse, parfois immergé sous une eau - manque de bol, Elie sait pas nager, alors il va falloir plonger pour lui trouver une planche de salut ... Après, on finit par sortir du métro, et on arrive sur une place apocalyptique mais inondée de soleil, avec l'eau ayant débordé pour former un petit lac artificiel dans laquelle passent des poissons inoffensifs ... Pur moment de poésie pure ... La beauté urbaine naturelle dans son essence la plus sauvage ... qui culmine dans un moment de pure féérie lorsqu'un troupeau de girafe passe tranquillement devant nous ... oui ,des girafes, gratos, comme ça, sans autre but que nous étonner et nous émouvoir autant que les personnages ... On marche un peu, voire beaucoup puis on voit l'entrée d'un nouvel immeuble ... Nouvelle exploration - à chaque fois, on fouille partout car il faut trouver pleins de matos pour pouvoir survivre ... balles de pistolets, cartouches de fusil, ciseaux pour créer des coutelas d'importance critique - si certains zombis nous chopent on meurt sans ça - quelques fioles et essence pour créer des coktails motov et autres bombes. De quoi bien s'amuser en somme.Puis, on va finir par revenir à la surface. Là, on voit que le paysage a changé, et que notre objectif, qui se détache à l'horizon entre deux gratte-ciels, si lointain encore, s'est un peu rapproché. Pour l'atteindre, il faudra encore traverser quelques rues, et quelques immeubles, monter ou descendre des étages. Chaque niveau bénéfice d'un décorum extrêmement riche tout en étant toujours suffisamment différent que les autres décors ayant été traversés ou qu'il restera à traverser.
Bien sûr, un œil technique, graphique et calculateur trouvera les objets 3d ayant été créés et remodelés, et leurs variations de couleurs et de textures pour donner l'illusion de la richesse. Mais c'est vraiment bien placé dans les décors et c'est surtout eux, leur beauté et leur singularité qu'on retiendra. Trois ou quatre grands quartiers, parfois immenses, de banlieues, toutes différentes, quelques rues entourés d'immeubles, tous différents , avec régulièrement de véritables monuments et statues modélisés. La nature luxuriante ou au contraire une belle couche de neige habillant l'ensemble, offrant très souvent de véritables cartes postales animées qui donneraient envie aux peintres de peindre.
Mais des décors superbes ne font pas un si bon jeu à eux tout seuls. Rise of Tomb Raider lui aussi dispose de décors superbes, et pourtant la comparaison cette fois n'est pas en faveur de Lara.
Les cinématiques intelligemment placées et ni trop ni pas assez alternées avec des phases de gaming pur (tps, infiltration, récolte des ressources...) donnent au titre une saveur cinématographique passionnante, et une grande variabilité d'intermède de gaming - par exemple devoir se faire un snipper, ou encore mitrailler sans bouger tout un quartier avec une gatling ... et même quelques balades bucoliques à cheval ... plus du gun,façon tir au pigeon offre régulièrement un renouveau au titre et à l'action qui s'y joue.
L'autre coup de génie, la possibilité de temps en temps de contrôler la petite fille, souvent en mode combat, permettant donc au sien d'un même acte d'alterner entre Joël et Ellie.
Autre richesse, un nombre impressionnant de messages, parfois enregistrés, parfois affichés sur un mur, faisant d'autant plus vivre et mettre en scène le background.
L'histoire je l'ai dit est riche et passionnante et s'enchaine toujours de manière logique. On est clairement pas ici dans ces jeux où les ennemis sont déposés sans raison sur une carte. Il existe des factions récurrentes, qu'on retrouve régulièrement parce qu'ils se sont justement mis à la chasse de nos héros.Les zombis ou les soldats sont également là pour de bonnes raisons, et on a souvent le contexte de leur situation, par exemple des spores en suspension dans une aile d'un complexe ...
Comme un bon film, la composition musicale est également de toute beauté, pleine de mélancolie mais aussi de détermination. L'ambiance sonore n'est pas en reste et est très riche aussi.
Un jeu qui mérite amplement sa réputation d'excellence. J'ai tellement kiffé que j'y ai joué plusieurs heures par jour dès que je l'ai commencé ! Et ce soit, je l'ai fini, ainsi que son DLC "Left Behind" qui prolonge merveilleusement bien l'expérience, et même en l'enrichissant d'un point de vue scénaristique et interprétatif. Mention spéciale à la visite du magasin de masque ...
Note : 20/20 et encore c'est tellement incroyable au niveau richesse et qualité que ça mériterait un ou deux points supplémentaires
Pour chipoter, deux petits regrets : quelques bugs graphiques, comme des personnages traversant certains murs, sommes toutes assez rares, et l'absence d'une carte globale et locale pour mieux se repérer.