Il faut comprendre en fait que la mythologie nordique nous est connue à travers deux ouvrages importants donc : La nouvelle Edda (écrite au 13ème siècle par Snorri Sturluson ) et l'Ancienne Edda ( recueil d'écrits anciens, largements antérieurs au 13ème siècle mais compulsés plus tard) Lors de la christianisation de l’Angleterre, de la Germanie et de la Scandinavie, les mythes païens furent détruits par l’Eglise. Ce qui fait qu’aujourd’hui, nous avons perdu beaucoup de textes précédant la christianisation de ces pays. Nous avons cependant conservé l’épopée de Beowulf, en Angleterre ; ainsi que celle des Niebelungenlied, en Allemagne. L’Islande a conservé aussi de nombreuses traces de cette période de l’Histoire, car les chrétiens venus évangéliser ce pays furent plus tolérants.
La suite du topic va donc s'articuler comme suit : D'abord je vais parler de ces 2 principaux ouvrages que sont l'Edda ancienne et l'Edda Nouvelle, et puis nous verrons ce qu'ils contiennent, et donc, le contenu des grands mythes à connaître, la cosmogonie nordique etc
Les Eddas sont deux manuscrits du XIIIe siècle fort différents qui constituent des compilations poétiques.
1. L'Edda de Snorri ( ou Nouvelle Edda )
Le premier manuscrit est un manuel d’initiation à la mythologie nordique destiné aux jeunes poètes. Son auteur était Snorri Sturluson, un scalde islandais (= poète scaldique ; Pour faire simple un scalde veut dire un poète scandinave, très souvent islandais de cette époque ; La poésie scaldique , ou écaulterie, est avant tout affaire de forme, elle refuse le mot propre en lui substituant une périphrase ou métaphore et elle laisse toute liberté à l'agencement des mots, au mépris de la syntaxe. Elle permet ainsi des combinaisons infinies pour respecter les règles de la versification). Snorri Sturluson était un grand seigneur qui s'est impliqué dans les luttes politiques de l'Islande et est mort assassiné. Hormis son Edda il a aussi écrit une histoire des rois de Norvège. L'Edda de Snorri ( également appelée Edda en prose, Snorra Edda, ou Jeune Edda ) comprend la Gylfaginning (Fascination de Gylfi) qui rapporte les grands thèmes de la cosmogonie nordique, un traité d’art scaldique et un traité de métrique norroise. Elle est aujourd'hui reconnue comme l’un des chefs-d’œuvre de la littérature médiévale et un classique de la littérature islandaise.
L’Edda a joué un rôle majeur dans la redécouverte de la mythologie germanique au XVIIIe siècle et elle a servi de base, au siècle suivant, aux premiers travaux de recherche sur le sujet. Elle constitue en effet la principale source de notre connaissance de la mythologie nordique, sans laquelle de nombreux autres témoignages resteraient incompréhensibles. Composée plus de deux siècles après la fin du paganisme en Islande, marquée par la culture chrétienne et la créativité littéraire de son auteur, elle doit toutefois être maniée avec prudence, la fiabilité de son témoignage étant depuis plusieurs décennies l’objet d’un débat entre chercheurs.
Ci-dessous : Snorri Sturlusson
Je vous met en spoiler une petite biographie de ce poète et écrivain issue de ce site ( cliquez pour afficher)
Bon nous reviendrons plus tard plus en détail sur l'Edda de Snorri et ce qu'elle contient ( voir ce lien ) , je passe brièvement à la description du deuxième manuscrit :
2. Le Codex Regius et l'Edda poétique ( ou Ancienne Edda )
La seconde oeuvre importante qui constitue les Edda est le Codex Regius , qui contient les grands poèmes sacrés et héroïques qui forment l'Edda poétique et rédigés en vieux norrois ( vieil islandais pour faire simple). Avant d'être rédigés, ces poèmes ont été transmis oralement pendant des siècles. C'est aujourd'hui la plus importante source de connaissances sur la mythologie scandinave. On l'appelle aussi ancienne Edda ou Edda Sæmundar, en référence à Sæmundr Sigfússon dit Saemund le sage, à qui fut attribuée la rédaction du codex. Plus tard l'Edda poétique tombe dans l'oubli puis est redécouverte en Islande par le pasteur luthérien Brynjölfur Sveinsson en 1643. Il offre le manuscrit (Codex Regius ) au roi du Danemark. C'est à cette époque que l'on attribue la paternité de ce recueil à Sæmundr le sage. Conservé à la librairie royale de Copenhague, le manuscrit est restitué à l'Islande en 1971.
À l’heure actuelle, on ne sait pas à qui attribuer le travail de collecte des poèmes renfermés dans le manuscrit. Il s’agit d’un recueil anonyme d’une trentaine de chants et de poèmes qui ont été composés entre le VIIIe siècle et le XIIIe siècle. Les poèmes les plus anciens furent vraisemblablement composés par les scaldes, qui se les transmirent par tradition orale. Aucun poème n’est attribué à un auteur particulier même si cela n’empêche pas les universitaires de spéculer parfois sur les auteurs de certains poèmes.
Le nombre des poèmes qui composent l'Edda est variable suivant les éditions qui publient le recueil. Certains poèmes ne font pas partie du Codex Regius mais sont supposés faire partie de l'Edda. Dans la liste qui suit, les poèmes contenus dans le codex regius seront identifiés par un cr.
1. Les poèmes mythologiques
Völuspá — La prédiction de la voyante - cr --> voir plus bas j'en parle plus en détail
Hávamál — L'ode du Très-Haut - cr
Grímnismál — L'ode de Grimnir - cr
Vafþrúðnismál — L'ode de Vafthrudhnir - cr
Baldrs draumar — Les rêves de Baldr
Hymiskviða — Le chant d'Hymir - cr
Þrymskviða — Le chant de Thrym - cr
Alvíssmál — L'ode d'Alviss - cr
Hárbarðsljóð — Le lai d'Harbard - cr
Skírnismál — L'ode de Skirnir - cr
Gróttasöngr — Le chant de Grotti
Grógaldr — L'incantation de Gróa
Fjölsvinnsmál — L'ode de Fjölsvid
Rígsþula — Le poème de Rig
Lokasenna — L'esclandre de Loki - cr
Hyndluljóð — Le lai de Hyndla
2. Les poèmes épiques
Atlakviða — Le chant d'Atli - cr
Atlamál — L'ode d'Atli - cr
Reginsmál — L'ode de Regin - cr
Fáfnismál — L'ode de Fáfnir - cr
Grípisspá — La prédiction de Grippir - cr
Sigrdrífumál — L'ode de Sigrdrífa - cr
Brot af Sigurðarkviðu — Le fragment du poème de Sigurdr - cr
Sigurðarkviða hin skamm — Le chant bref de Sigurdr - cr
Guðrúnarkviða I — Le premier chant de Gudrún - cr
Helreið Brynhildar — Chevauchée de Brynhild au royaume de Hel - cr
Guðrúnarkviða II — Le deuxième chant de Gudrún - cr
Guðrúnarkviða III — Le troisième chant de Gudrún - cr
Oddrúnargrátr — La complainte d'Oddrún - cr
Guðrúnarhvöt — L'exhortation de Gudhrun - cr
Hamðismál — L'ode d'Hamdir - cr
Helgakviða Hjörvarðssonar — Le chant de Helgi, fils de Hjörvardhr - cr
Helgakviða Hundingsbana I — Le premier chant d'Helgi, meurtrier de Hundingr - cr
Helgakviða Hundingsbana II — Le deuxième chant d'Helgi, meurtrier de Hundingr - cr
Völundarkviða — Le chant de Völundr - cr
Source indo-européenne des Eddas
Bien avant l'époque viking qui s'étend de la fin du VIIIe siècle siècle à 1150, la plupart des traits de la mythologie nordique sont en place. Les peuplades de chasseurs et de pêcheurs guerriers de Scandinavie subissent vers 4000 avant J.-C. les effets de l'invasion indo-européenne, cette civilisation conquérante impose progressivement sa vision du monde , sociale, politique et religieuse. Certains mythes relèvent d’une justification naturaliste. D'autres comme le combat entre Thor et le géant Hrungnir sont la transposition de rites d’initiation.
( source : wikipédia )
Tradition héroïque des Eddas
L'évhémérisme est une théorie selon laquelle les dieux sont des personnages réels qui furent divinisés après leur mort. Elle tire son nom du mythographe grec Évhémère. Ce courant de pensée postule donc que les personnages mythologiques étaient des êtres humains, divinisés par la crainte ou l'admiration de la population. Une telle théorie tomba à point nommé pour satisfaire les esprits cultivés de l'Antiquité qui ne pouvaient plus prendre les mythes pour argent comptant. Bien que l'évhémérisme fût employé, aux débuts de l'ère chrétienne, comme une arme contre le paganisme et le polythéisme, le Moyen Âge se servit de ces théories pour finalement préserver les mythes païens — dans le cadre de l'étude.
Pour ce qui est de l'Edda, l'interprétation évhémériste a été retenue par Snorri dans l'Ynglinga Saga où il fait d'Odinn un roi asiatique exilé, magicien et conquérant. La tradition héroïque rapportée par les poètes scandinaves remonte à des origines non nordiques. Le cycle de Sigurdr, meurtrier de Fàfnir traite de rois ou de héros qui ont réellement existé du IVe siècle à la fin de l’ère viking. Ainsi Sigurðr rappelle le roi mérovingien Sigebert de Reims, fils de Clotaire, qui épouse avec faste la fille du roi wisigoth d'Espagne, Brunehilde, et est tué sur ordre de Frédégonde, épouse de son frère Chilpéric Ier en 575. Ces poèmes illustrent un milieu nettement aristocratique et n'insistent pas sur la nationalité : il s'agit de personnages puissants ayant une mentalité clanique. Le fond est toujours tragique, le thème unique est la lutte de l'homme contre le Destin dont l'issue ne peut être que la mort.
Ci-dessous : Mariage de Sigebert Ier et Brunehilde. Manuscrit du XVe siècle, grandes chroniques. Bibliothèque nationale de France, Paris.
Il s'agirait donc des personnages réels qui auraient inspiré les personnages mythologiques de Sigurd ( Siegfried ) et Brunnhilde ^^ On dit merci phoenlx d'avoir été dénicher ça ( Plus de détails sur la reine Brunnhilde réelle ici )
Cosmogonie scandinave
Snorri présente la cosmogonie nordique ancienne : à l'origine, il n’y avait rien. Ni ciel, ni terre, ni étoiles, ni lune, ni soleil. Seul existait le Ginnungagap, un gouffre insondable.
C’était au premier âge
Où il n’y avait rien,
Ni sable, ni mer,
Ni froides vagues.
De terre il n’y avait pas
Ni de ciel élevé.
Béant était le vide
Et d’herbe nulle part.
(Völupsa, strophe 9, traduction Régis Boyer)
Ci-dessous : une représentation du Ginnungagap ( le gouffre insondable primordial )
Au nord de ce gouffre se trouvait le Niflheim (le monde de la glace et des brumes), et au sud se trouvait de Muspelheim (le pays de feu). La rencontre de ces deux éléments opposés va faire surgir le monde. En effet les douze rivières, nommées Heligavar, coulaient du monde des morts vers l’abîme, qui, à son contact, gelaient et formaient de la glace. En provenance du Muspelheim, des nuages brûlants se dirigeaient vers l’abîme, et au contact de la glace, formaient du brouillard. De ce brouillard tombèrent alors des gouttes d’eau, qui donnèrent naissance aux filles du gel, ainsi qu’au premier être, le géant hermaphrodite Ymir.
le géant Ymir
En même temps qu'ymir apparut Audhumla, la vache nourricière, née de la glace et de l'aurore du temps. De ses pis coulaient quatre rivières de lait, dont Ymir se nourrissait. La vâche Audhumla léchait continuellement la glace de Ginnungagap, d’où naquit un être : Buri, le premier dieu : le premier jour, ses cheveux apparurent ; le deuxième jour, l’on vit sa tête ; et le troisième jour, il fut achevé.
Buri est léché d'un bloc de glace salé par la vache Audhumla, manuscrit islandais du XVIIIe siècle.
Par la suite, Buri engendra Bor, qui épousa Bestla, fille d’un géant de glace. Trois garçons naquirent de leur union : Odin, Vili et Vé. Mais ces derniers ne pouvaient supporter le géant Ymir et le tuèrent. ( On peut voir un peu ce mythe comme l'équivalent du mythe grec de Zeus et les olympiens tuant leur père Chronos et les titans ; Par la suite ( dans la mythologie nordique , un peu comme pour les olympiens et les titans ) les géants seront les perpétuels ennemis des dieux ( ou Ases ) et ils s'affronteront à plusieurs reprises.
Odin, Vil et Ve attaquant Ymir
image ci-dessous : idem ( illustration par Erwan Seure Le Bihan )
Après la mort du géant primordial, Odin et ses frères utilisèrent le cadavre d'Ymir pour former le monde : La terre fut faite à partir de la chair d'Ymir, les mers à partir de son sang, les montagnes grâce à ses os, le ciel avec son crâne, les arbres avec ses cheveux, Midgarðr avec ses cils et les nuages avec sa cervelle. La vâche Audhumbla peut être vue comme étant le néant cosmique dans lequel l'univers s'est créé, et Odin, Vili et Vé les trois forces qui donnèrent naissance à l'univers. La destruction (ou plutôt explosion) d'Ymir par Odin, la rétention (ou plutôt gravité) par Thor (Vili) et l'équilibre entre ces deux forces par Freyr (Vé).
L'idée de faire dériver la terre et le ciel des parties du corps d’un géant primitif et de faire naître la race humaine du bois appartient au patrimoine indo-européen. La grand frêne Yggdrasil est l'axe et le support des mondes, il plonge ses racines dans les domaines des dieux, des Géants et des hommes et descend jusqu’aux enfers. Il est l'arbre de la science (puisque le géant Mimir y habite), et l'arbre de la destinée car c'est la demeure des Nornes, l'équivalent nordique des Parques de la mythologie grecque. Il est le principe directeur et unifiant de tous les mythes nordiques.
Lorsqu'Ymir fut tué, le sang jaillit de ses blessures avec une telle puissance qu'il noya et submergea tous les autres géants descendants d'Ymir dans un déluge, excepté un couple: Bergelmir ("montagne qui tonne") - fils de Thrudgelmir et petit fils d'Ymir - ainsi que sa compagne. Tous deux s'enfuirent en Jotunheim (le pays des géants) où ils se reproduiront dans la haine d'Odin.
Alors, Odin et ses frères formèrent un rempart à l’aide des cils d’Ymir, protégeant le domaine de Midgard, le monde des humains, des attaques de ses ennemis ( J'en profite pour signaler qu'en fait le terme Midgard désigne d'abord la fortification faite à l'aide des cils d'Ymir, qui protège le monde où vivront les hommes, qui s'appèle Mannheim. Par la suite Midgard désigne aussi ce domaine en lui-même et prend un sens plus large. Nous reviendront sur la création des hommes plus tard.
Il faut préciser aussi qu'après la mort du géant Ymir , les larves qui rongeaient son cadavre servirent à Odin et ses frères pour créer la race des Nains. Ces derniers, vivant sous terre, étaient très adroits dans les travaux manuels. Quatre d’entre eux, des nains gigantesques, Nordi, Sudri, Austri et Westri, servirent à soutenir la voûte céleste, et donnèrent leurs noms aux quatre points cardinaux. Puis, Odin, Vili et Vé créèrent le temps en utilisant le cerveau d’Ymir.
Quelques mots sur les différentes races
Dans les récits des Eddas on trouve différentes races :
* Les Nains vivent sous terre, loin du soleil, ils sont à l'origine vraisemblablement les morts auxquels les anciens Scandinaves vouaient un culte.
* Les Géants remontent au chaos premier. Doués d'une force colossale et dépositaires de la science antique, ils figurent certainement cette crainte nordique de voir sombrer les forces de vie.
* Les Alfes ont des relations directes avec Freyr et doivent donc être liés au culte de la fertilité-fécondité. Ils patronnent Noël, la plus grande fête païenne de l'année et sont sans doute les esprits tutélaires des contrées, habitant les bois, les sources, les pierres etc., version scandinave du genius loci latin.
* Les Vanes sont proches des pratiques chamaniques, du sejdr (voir ci-après Freyja) et de la magie. Ce sont des dieux anormaux dont le culte, souvent assuré par des femmes, est lié aux orgies, à la prostitution sacrée, aux extases.
Les Ases et les Vanes se sont affrontés dans une bataille capitale dont l’enjeu est la sorcière Gullveig dont le nom signifie « Ivresse d'or ».
Nous verrons plus tard plus en détail le panthéon nordique, et ce que contient le poème nommé la Völuspá ( que j'ai nommé un peu plus haut dans mon listing des poèmes constituant l'Edda poétique ) Je pense qu'avec ce qui vient d'être dit, on a une bonne base pour la suite du topic ( n'hésitez pas à commenter ^^ )