J'ouvre un topic où l'on pourra évoquer Hésiode, grand poète grec antique. Il est peut-être légèrement moins connu qu'Homère avec son Iliade et son Odyssée (dont il faudrait d'ailleurs créer aussi le topic
) mais c'est néanmoins aussi un très grand poète antique, connu notamment pour sa fameuse Théogonie, oeuvre qui comporte une cosmogonie (récit de l'origine du monde) et qui raconte l'origine et la généalogie des dieux grecs. Hésiode est un poète grec du 8ème siècle avant J.C (donc postérieur à Homère, même si certains écrivains comme Hérodote en font le contemporain d'Homère). Sa biographie nous est connue essentiellement à travers des éléments contenus dans ses propres oeuvres, comme Les Travaux et les Jours, poème dans lequel il évoque un différent entre lui et son frère Persès, ou encore quelques vers de la Théogonie elle-même. Hésiode serait né à Ascra bourg de Béotie (ci-dessous : une petite carte pour situer la Béotie à l'époque d'Hésiode)
Le père d'Hésiode venait de Cymé en Éolie, contrée d’Asie Mineure située entre l’Ionie et la Troade. Il y possédait une entreprise de cabotage qui le ruina, avant de s'installer en Béotie où il acheta un lopin de terre à Ascra au pied du Mont Hélicon. Il y épousa Pycimède et eut deux fils : Hésiode et Persès. Hésiode serait donc né à Ascra (d'autres sources le font apparemment naître plutôt à Cume et il aurait vécu à Ascra par la suite)
Ascra était un endroit pauvre. Hésiode le décrit comme un « bourg maudit, méchant l’hiver, dur l’été, jamais agréable ». Hésiode devint fermier, comme son père. Les relations entre Hésiode et son frère Persès furent marquées par un célèbre différent pour une question d'héritage, qui alla jusqu'à entrainer un procès. La justice aurait donné raison à Persès, mais ce dernier ne fit pas prospérer son bien hérité, qui périclita, si bien qu'il demanda ensuite son aide à Hésiode, qui le repoussa. Furieux, Persès menaça Hésiode d'un autre procès. C'est suite à ces querelles familiales qu'Hésiode composa le poème Les Travaux et les jours destiné à ramener son frère à la sagesse, et qui contient quelques leçons morales : le travail est la grande loi de l’humanité ; celui qui travaille peut vivre décemment. Cette oeuvre donne une remarquable description de la vie paysanne de l'époque. A ce titre ce poème serait un prédécesseur direct des Géorgiques (de Virgile).
Ci-dessous : une édition moderne de ce poème (qui contient aussi sa fameuse Théogonie, dont je reparlerai un peu plus loin)
Ce poème fut écrit dans un contexte de crise agraire et de vagues de colonisation des Grecs à la recherche de nouvelles terres. Hésiode espérait résoudre le différend à l’amiable ; nous ignorons s’il réussit ou non.
Parallèlement à tout ceci, Hésiode était un aède, autrement dit un barde qui chantait des épopées avec un instrument de musique devant un auditoire. Il remporta notamment un concours de poésie grâce à un poème célébrant l’agriculture et la paix et reçut un trépied en récompense. Il le dédia alors aux Muses de l'Hélicon.
L'Hélicon est une célèbre chaîne de montagnes en Béotie, non loin du golfe de Corinthe, censée être le lieu de séjour privilégié d’Apollon et de son cortège de Muses. Il y jaillissait les fontaines d’Aganippé et d’Hippocrène.
Ci-dessous : une représentation de cette scène par le peintre Claude Gellée, dit « le Lorrain »
La tradition veut qu'Hésiode soit mort à un âge avancé, à priori dans son village natal à Ascra. Les circonstances de sa mort sont mystérieuses. Selon Plutarque, il mourut de mort violente, assassiné par les frères d'une femme qu'il avait séduite ou tenté de séduire. Une légende prétend que son cadavre aurait été jeté à la mer, et ramené sur la plage par des dauphins au moment où l'on célébrait la fête de Poséidon. Alors les habitants du pays démolirent la maison de ses meurtriers et les noyèrent.
Quand le village d'Hésiode fut détruit par les Thespiens, ses habitants se réfugièrent à Orchomène. Le philosophe Aristote témoigne dans sa Constitution d'Orchomène que, à la suite d'un oracle, les habitants de la cité recueillirent les cendres du poète et les placèrent au centre de leur agora, aux côtés du tombeau de Minyas, héros éponyme de la cité. De la sorte, les habitants firent d’Hésiode leur fondateur (œciste).
La Théogonie
La Théogonie est une oeuvre d'Hésiode qui raconte l'origine des dieux, composée vers l'an 750 ou 800 avant notre ère. Elle comporte 1022 vers et est écrite en hexamètre dactylique (Il s'agit d'un mètre surtout utilisé en grec ancien et en latin, très prisé par les poètes auteurs d'épopée ainsi que par les Physiciens grecs antiques comme Parménide ou Empédocle).
La Théogonie conte la naissance de « la race sacrée des Immortels toujours vivants » (vers n° 105). Comme Des Travaux et des Jours, elle présente un mélange d'éléments purement didactiques et énumératifs et de tableaux ou de narrations pittoresques. C'est une source de références inépuisable pour les mythographes.
La Théogonie s’ouvre par une longue invocation aux Muses :
« Mουσάων Ἑλικωνιάδων ἀρχώμεθ’ ἀείδειν,
αἵ θ’ Ἑλικῶνος ἔχουσιν ὄρος μέγα τε ζάθεόν τε »
« Pour commencer, chantons les Muses Héliconiennes,
reines de l’Hélicon, la grande et divine montagne. »
(traduction Paul Mazon)
Hésiode y raconte d'abord les circonstances de sa vocation : Les Muses l'auraient visité alors qu'il faisait paître ses troupeaux sur les pentes du Mont Hélicon. Elles lui auraient remis un rameau de laurier (plante consacrée à Apollon, et symbole d’immortalité), et lui ont ordonné de chanter l’histoire des dieux immortels. La seule condition qu’elles imposent à ce don de voyance poétique est de les célébrer au début et à la fin de chacun de ses chants !
Hésiode raconte ensuite l’émergence du règne de Zeus. Au commencement est le Chaos, état d’indistinction universel, suivi par Gaïa (la Terre), Érèbe (les Ténèbres) et Éros (le Désir, principe du commencement et de l’origine). De ces divinités premières naissent les éléments naturels (la Nuit, le Jour, etc.) et de nombreuses divinités allégoriques (le Sommeil, la Mort, etc.).
Parallèlement, des théomachies (batailles entre dieux) voient Zeus prendre le pouvoir sur les Immortels, et chasser les forces anciennes créatrices de désordre (les Titans et les Géants). Zeus concilie en lui la force (« il a en main le tonnerre et la foudre flamboyante », vers 706-707) et l’intelligence (il a avalé Métis, déesse de l’intelligence rusée). Son règne s’appuie sur la justice, comme le symbolisent ses noces avec Thémis, déesse de la Justice et de la Loi, avec qui il engendre les trois heures : l'Ordre (Eunomia), la Justice (Dikè) et la Paix (Eirenè).
Pour ceux que ça intéresse, voici un lien PDF où vous pourrez lire une traduction de la Théogonie. Encore merci à Bélier Ariès du forum pour m'avoir fait connaître le lien (c'est ce qui m'a donné l'envie de faire ce petit topic mais nous pourrons creuser tout ceci plus tard, ceci n'est qu'une petite introduction ^^ )
Cliquez ici pour télécharger la traduction de la Théogonie
Homère et Hésiode sont tous deux considérés comme les sources littéraires ayant exercé la plus forte influence sur la mythologie grecque. Leurs poèmes utilisent le même vers et la même langue. À la fin du poème, Zeus prend ainsi bien garde de ménager les anciennes puissances comme Hécate ou Styx. On a pu y reconnaître l’influence des mythologies du Proche-Orient, en particulier les mythes hittites (légendes de Kumarbi et d'Ullikumi), babyloniens ou akkadiens (poème Enuma Elish).
Les théogonies d’Homère et Hésiode comportent cependant de nombreuses différences. Ainsi, chez Homère, Zeus est l’aîné des fils de Cronos, comme Poséidon le souligne à plusieurs reprises. C'est son aînesse qui assure son pouvoir et sa domination sur les autres Immortels. En revanche, chez Hésiode, Zeus est le troisième fils. C'est sa victoire sur son propre père qui assure sa domination.
Ci-dessous : Manuscrit du 16ème siècle de la Théogonie d'Hésiode
Je termine cette petite présentation avec une peinture représentant Hésiode et une de ses muses, par le peintre du XIXème siècle Gustave Moreau, grand connaisseur de la Théogonie.
Je pense attaquer enfin ta fanfic prochainement, je vais me remettre au début je crois 
