Bon, après avoir laissé passer une nuit de sommeil pour cogiter un peu à ce film, je reviens vers ce topic, pour poster ma critique ...
Difficile !!! C'est un film choc !! à n'en point douter, dans le sens où il fait bien bien cogiter et ça c'est BON !!!
Après, son atmosphère est tellement étrange, elle met mal à l'aise, je ne suis pas sûr d'aimer mais attention, ceci n'est pas un défaut, c'est plus de l'ordre du ressenti personnel, jusqu'à présent, aucun film de
Darren Aronofsky fait partie de mes films préférés, car c'est un réalisateur que je trouve assez pessimiste et par goût personnel, sans évidemment tomber dans l'excès inverse qui m'énerve tout autant (les films grands public avec happy end et autre) j'aime les réalisateurs qui au milieu du pessimisme laissent une note d'espoir, il faut que je puisse me raccrocher à quelque chose. Alors certes comme on va le voir dans ce film, il y a cette note d'espoir, mais son traitement est tellement pessimiste, dépressif, que ça m'oppresse (un peu trop), et en même temps c'est l'effet voulu, donc je mettrais ça sur le plan à la fois des qualités du film, mais aussi de ce qui me remue pas forcément dans le bon sens du terme, mais c'est purement personnel et subjectif, pas du tout un élément à charge contre le film.
Mais passons au film en lui-même. Je le trouve brillantissime. Un film qui fait cogiter, réfléchir, qui remue, avec un bon jeu d'acteur (je crois que c'est le premier film que j'apprécie VRAIMENT de A à Z avec
Jennifer Lawrence, qui est absolument PARFAITE dans ce rôle, une grande prestation d'actrice, et ça n'a pas du être simple car la caméra est pour ainsi dire constamment fixée sur elle, sur son visage, sur ses émotions et son stress alors qu'elle vit un véritable calvaire, cette peur est plus que palpable et se communique au spectateur (d'où encore une fois ce malaise qui est à la fois très propre au cinéma d'Aronofsky mais qui participe aussi à un certain malaise dans lequel je n'aime pas spécialement me plonger ; je trouve que c'est un grand réalisateur, sans doute l'un des plus grands de notre temps, mais je consomme de ses films avec parcimonie pour ce genre de raisons
)
Que dire de ce film et du fond ? Difficile. Un film avec plein d'idées, un film métaphorique assurément, un film qui traite à la fois de l'angoisse de l'artiste devant sa panne d'inspiration, mais au-delà de ça qui traite du thème de la dépossession (l'oeuvre d'art qui échappe à l'artiste une fois créé, avec toutes les conséquences parfois tragiques qu'on peut imaginer) au-delà de ça, pour avoir écouté les commentaires avant de faire cette critique (je cherche à ne pas me laisser influencer par eux mais je trouve certains absolument pertinents donc je me dois de les ressortir) certains y ont vu des allégories bibliques, Adam et Eve (notamment du fait de la scène où on voit Ed Harris en train de vomir avec une côte cassée), des allégories de mère nature (Gaïa, la déesse mère, la Terre dans son ensemble qui serait symbolisée par Jennifer Lawrence avec sa grossesse, elle qui donne son amour à Bardem et en quelque sorte à l'Humanité et qui en retour se fait insulter, bafouer, ce film aborde tellement de choses, difficile d'en parler (en plus sans spoiler, c'est compliqué)
je n'ai qu'un mot à dire : foncez le voir !! Il semble diviser énormément, vous n'allez peut-être pas aimer tout mais si vous êtes un vrai cinéphile vous ne pourrez qu'en retirer quelque chose, car non seulement il fait réfléchir, il y a un bon jeu d'acteur, c'est un film complexe, à tiroir, avec une vraie atmosphère et tension, une mise en scène brillante, du moins sur une grande partie du film (il y a un moment de basculement où ça part peut-être trop dans tous les sens mais j'en parlerai juste après en spoiler) quoiqu'il en soit, c'est une pure expérience de cinéma, le genre de films qui me font aimer le cinéma !!!!!
Lawrence je l'ai dis est impeccable dans ce rôle, mais Bardem aussi, avec son physique particulier, Ed Harris aussi, ou encore Michelle Pfeiffer qu'on n'avait plus vu dans un rôle majeur depuis un moment je crois ...
Au-delà de tout ça (c'est ma petite anecdote un peu WTF personnelle de fan du Hobbit mais je voulais en parler
) au-delà du drame que décrit le film, de sa profondeur, de l'aspect tragique et complexe, je n'ai pu m'empêcher de penser au Hobbit en voyant ce film et notamment aux scènes du début du film de Peter Jackson quand les nains entrent les uns après les autres dans la maison de Bilbon et mettent le souk dedans
Fin de la parenthèse, ceux qui sont fans du hobbit et le verront vous me direz ce que vous en avez pensé
Mais n'allez pas croire que c'est un film pour rire, un film guilleret, il est déprimant, inquiétant, sombre.
Il est aussi réaliste au début mais progressivement des choses se passent qui le font glisser dans une atmosphère fantastique, des choses que je ne spoilerai pas ici, mais on sent bien qu'on n'est pas dans la réalité mais plus dans une allégorie, allégorie de l'humanité peut-être, de ses fanatismes religieux, de ses guerres, de tout le bordel que l'homme fait sur la planète, ses pillages de la nature (d'où encore une fois l'allusion que moi je trouve pertinente entre Jennifer Lawrence et mère nature / Gaïa) Bardem apparait ici comme une sorte de prophète, de messi, un peu comme Néo dans Matrix, il a une armée d'adorateurs, et un rapport complexe (comme tout artiste j'imagine) à ces gens qui pour certains ne respectent rien, le vampirisent et à travers lui vampirisent son épouse aimante. C'est vraiment triste et durant tout le film, on a mal pour Jennifer Lawrence, on ressent de l'empathie pour son calvaire, on aurait envie que Bardem envoie bouler ses fans et se retrouve avec sa compagne qui ne demande que de la solitude, mais c'est trop dur pour lui ...
En un sens, Bardem n'est donc vraiment pas sympathique dans ce film je trouve, et pourtant, on sent qu'il aime sa femme, il est lui-même au premier chef un personnage tragique, cherchant à la fois à plaire à son épouse mais sans se dépêtrer des paradoxes que ça occasionne : car après tout, c'est Jennifer Lawrence elle-même qui lui rappelle (sur un ton qui n'est pas vraiment un reproche mais on sent le sous-entendu) de ne plus trouver l'inspiration, or vu qu'il est écrivain, c'est elle qui les fera vivre, forcément, donc Bardem cherche l'inspiration coute que coute et comment ? via le contact avec les autres, avec ses fans, quitte à se laisser vampiriser, on nage en plein paradoxes, paradoxes terribles et tragiques de la création artistique, qui ressemble à un processus de souffrance, un peu comme la grossesse d'une femme finalement, pour de fugaces instants de grace avant qu'un nouveau cycle de souffrance ne refasse surface, mais peut-être aussi paradoxe de certaines situations amoureuses et de couple, dans une vie moderne où les gens cherchent à la fois le bonheur, à être proches de leur famille, enfants, femmes, maris, mais ceci dans un monde de plus en plus complexe et FOU , un monde de taré où tout s'entremêle de manière souvent malsaine (l'enfer c'est les autres disait Sartre, et j'ai toujours pensé cette phrase très pertinente) et où à part vivre reclu loin de toute civilisation (mais avec d'autres désagréments qui en découle) il faut bien subir ce monde autour de nous, monde qui au final, détruit souvent ce qui nous est le plus cher, nos cocons, notre personnalité, notre empathie, notre amour.
Bref, d'autres choses émergent aussi du film, peut-être trop disent certains. Darren Aronofsky aime faire ce genre de films, qui font cogiter, avec pas mal d'idées qui s'entremêlent, d'ailleurs on peut peut-être voir en Bardem une sorte d'échos au réalisateur lui-même, à son côté créateur faisant émerger des oeuvres cinématographiques (dans la souffrance ?) Bardem a un côté mégalo dans le film, mégalomanie symbolisée par cette armée de gens littéralement qu'il laisse entrer envers et contre toute logique (parallèle avec la mégalomanie de Darren Aronofsky et cette manière qu'il a de faire des films-somme ?
il n'y a qu'un pas pour le penser et en un sens je le pense, cette mise en abime serait intéressante à creuser aussi ... )
Je me souviens d'autres films du même réalisateur qui laissent aussi bien pensif (on cite souvent The Fountain mais je conseillerais aussi aux fans de voir son film "Pi" qui contient plein d'allusions aux mathématiques, à la Kabbale Juive et plein d'autres choses .. )
Dans
Mother! Une fois encore, le cinéaste se laisse aller à un déchainement au niveau des idées, attitude excessive diront certains, mais moi j'ai aimé, même si tout n'est pas parfait dans le film et que la fin part un peu trop dans le délire extrême.
J'ai lu qu'il y avait des spectateurs qui ont quitté la salle au milieu de ce film : avec un poil d'ironie je dirai ceci : IL FAUT LES BRULER !!!!!!!!
(oui moi aussi je suis un dingue de l'humanité ce que le film dénonce
)
Non mais sérieusement, comment ces gens là peuvent se dire cinéphile, c'est un grand film, après je peux comprendre que tout le monde ne l'aime pas pareillement. Je vais lui mettre une excellente note de 18 / 20, pour les réflexions qu'il fait naître en moi, pour le jeu d'acteur, MALGRE le côté dépressif déprimant qui me met mal à l'aise mais aussi POUR LUI car la mise en scène est brillante et immersive, et aussi car c'est un film qui parle (et dénonce forcément à sa manière) la folie des hommes, le fanatisme religieux, qui parle en substance sans doute de mère nature, de Gaïa, qui fait échos à la Bible mais qui parle aussi de la création artistique dans la souffrance, qui parle de l'artiste dépossédé de son oeuvre (et au-delà de l'artiste, tout créateur) et tous ces thèmes me parlent, limite m'obsèdent en permanence, j'ai aimé les retrouver dans un seul film, qui prend de plus la forme d'un huis clos (purement familial au début) , forme que je n'aurais pas attendu, c'est une vraie proposition de cinéma, mon meilleur film d'Aronofsky pour l'instant.
Ah et je terminerai aussi en disant le plaisir que j'ai à retrouver
Ed Harris (acteur que j'aime de plus en plus avec l'âge notamment depuis son rôle dans la série transhumaniste Westworld de HBO où il forme un duo charismatique et superbe avec Anthony Hopkins) ; Dans Mother! encore une fois il est excellent, incarnant un personnage pourtant très différent .......................
Excellent film, si vous ne l'avez pas vu, foncez !