Je risque de reprendre mot pour mot ou pas loin ce qu'en ont dit JDG et Captain Popcorn, mais force est d'admettre que je suis en grande partie de leur avis :
Le film est excellent
Il l'est en plus sur plusieurs angles et je citerais ceux ci :
- l'angle rôliste, et pratiquant de AD&D dans les Forgotten Realms tout particulièrement. A travers moults références qui parleront aux puristes dans mon genre - j'ai passé 30 ans dans ce monde tout de même dont quinze en totale immersion, et quand JDG dit "personne ne connait Donjon et Dragon" je suis obligé de m'inscrire en faux, j'ai bien capté 95% des références données dans le film, ce qui certes donne une certaine subjectivité à ma critique je ne le nie pas - Mais aussi à travers de l'essence même de Donjons et Dragon vu sous le prisme de joueur débutants, et à travers elle, celle du jeu de rôle lui-même puisqu'il en est l'éternel précurseur. On a dans le film les joueurs qui cherchent à résoudre le puzzle conté par le maître du donjon en utilisant au mieux leurs "maigres" facultés extraordinaires, qui une magie plus ou moins faible et chaotique, qui la transformation en animal, qui le charisme, qui la force brute, qui l'expertise au combat ... qui le vol et l'astuce tout simplement. On aussi les joueurs qui découvrent plus ou moins par hasard des objets magiques et qui cherchent à les utiliser au mieux. On a tout ça très intelligemment mis en scène, avec une vraie histoire qui tient la route dans ce monde, et une vraie interrogation sur ce que des joueurs réels auraient pu proposer dans l'utilisation de toutes ces ressources. On peut prendre le simple exemple du pont par exemple. On entendrait presque le Maître du Donjon s'exprimer à travers son PNJ, le paladin, pour expliquer le mécanisme du pont, avertissant que si on marche sur la mauvaise dalle, tout s'effondre pus bas dans la lave, et qu'il faut donc bien suivre les instructions qu'il donne. Pendant qu'il les donne, visiblement, un joueur fait faire un truc idiot à son personnage, et le pont s'effondre, coupant toute progression en avant des joueurs ... jusqu'à ce que le meneur improvise l'idée de génie leur permettant tout de même de progresser ! Et on a même la péripétie inverse, le groupe de joueur se triturant les méninges pour réussir leur mission à un point tellement bien pensé que le meneur n'y avait même pas pensé ! Genre, il a patiemment noté dans un coin de sa feuille tous les dangers que le groupe va devoir rencontrer et surpasser pour parvenir au bout de leur quête, et soudain les joueurs lui explique un tout autre plan, qui fonctionne sans aucun doute, ruinant ainsi la préparation du meneur ... Comme dans la vraie vie, le film donne au meneur la solution pour contrecarrer néanmoins, au moins le temps nécessaire, le plan du groupe.Les forçant à emprunter le chemin voulu initialement par le meneur.
On est donc ici pour la première fois au cinéma vraiment dans une partie de jdr Donjons et Dragons plutôt de niveau "débutant à intermédiaire". Et comme dans les meilleures parties, le groupe est vraiment soudé et s'entraide, surprenant très souvent le maitre du donjon devant improviser régulièrement pour faire progresser son scénario. Pari totalement gagné de ce côté !
- l'angle héroïc fantasy, car le film doit trouver sa place au côté des monstres tels "le seigneur des anneaux", "conan le barbare", ou même "game of throne" pour ne citer que trois exemples. Pour cela, il y a deux méthodes : soit pomper une des intrigues déjà présenter, mais en faisant mieux - et impossible de faire mieux que le seigneur des anneaux dans le suivi de LA quête ultime - soit réussir à créer du neuf. C'est donc dans ce registre qu'il se lance. ET ça fonctionne. Et c'est d'autant plus fort que le film de braquage est pourtant un film ayant son propre genre datant de bien avant les Océans twelve d'ailleurs ! Ça fonctionne car le film n'oublie jamais son postulat de base : il présente un monde fantastique, pour les habitants duquel les éléments fantastiques sont aussi réels dans la réalité que tout ce qu'on connait de réel dans la nôtre. Alors, vraiment personne ne s'étonne de tout cela dans ce monde. Voir un individu se métamorphoser x fois n'étonne personne, ce qui n'empêche pas les protagonistes devant faire face de galérer à le gérer, subir un arrêt du temps est difficile à gérer également mais n'est pas si étonnant, ou voir un nuage susceptible de transformer la populace en mort vivant est horrible et insupportable et en même temps plutôt banal. De fait, le braquage utilise des moyens complètement nouveaux qui auraient bien facilité la vie d'un Danny Ocean pour sûr !
L'autre intérêt est que les auteurs du film se sont vraiment creuser les méninges pour utiliser au mieux le côté monty hall que peut offrir l'univers de Féérune, et le rendu est donc particulièrement brillant, et en même temps très novateur. Les scénaristes parviennent neuf fois sur dix à nous surprendre par leur sympathique ingéniosité qui n'est jamais génial pour autant, car devant être crédible pour le groupe d'aventuriers qu'ils nous invitent à suivre et rencontrer. En témoigne plusieurs scènes assez grandioses, grâce à de très bons effets FX et d'excellents plans séquences, fluides et dynamiques. Celle du cube gélatineux par exemple mais surtout celle de la fuite transformante, probablement le meilleur moment du film, se rapprochant du brio de Peter Jackson, d'ailleurs, lui aussi très friand de l’utilisation dynamique de la caméra.
Mais le meilleur de ce que peut offrir ce film, je le garde pour la fin, est son côté film justement. Il possède en effet toutes les facettes classiques que sait parfois nous offrir le cinéma pour émouvoir et divertir.
- l'angle cinématographique, donc, est là aussi très réussi. Je n'ai pas été émerveillé par la bande sonore, mais elle fait le job, sans surenchère de ce côté.J'ai déjà parlé des effets spéciaux, qui sont au diapason de notre époque et donc tout à fait réussis, sans jamais en faire trop non plus, et toujours utilisé à bon escient, pour viser juste l'effet voulu, justement, sans exagération ni fioriture. On est à ce niveau là plutôt dans le haut du panier de ce genre de film. Côté décor, c'est bon aussi, sans être exceptionnel. J'ai cependant particulièrement vibré devant la représentation de lieux désormais iconiques dans le genre, popularisé par des jeux vidéos tels Baldur Gates, Neverwinter Night, et surtout Neverwinter tout court (le jeu de Perfect World auquel j'ai joué pendant de nombreuses années, et on y retrouve bloc après bloc toute la fameuse enclave du protecteur et même d'avantage. Mais, restons juste, le brio artistique n'atteint jamais celui du seigneur des anneaux, mais c'est pas une mauvaise chose car cela participe à permettre à ce Donjon et Dragons l'honneur des voleurs de ce faire son propre identité. Et elle est très riche.
Plus réussi encore, le casting et les dialogues rendant crédibles et attachant la formation et la vitalité du groupe d'aventuriers peu à peu constitué. Chaque personnage est introduit avec justesse et pertinence, et respect du lore en prime. Mais plus encore leur relation les uns les autres se tisse naturellement et efficacement, sans surenchère là encore. Et à la fin du film, on ne nous dit pas que le groupe est soudé, on le sent au travers de toute leur aventure, totalement soudé. Une alchimie certaine et certainement crédible nait peu à peu dans ce groupe, et là encore, comment ne pas penser à des tonnes d'anecdotes de partie de jeu de rôle quand on a eu la chance de les vivre de l'intérieur ?
Deux raisons à cela, le choix des acteurs et actrices, qui pourtant dans les trailers ne semblaient pas aller de soi loin de là. Les deux jeunes fonctionnent très bien ensembles malgré leurs différences et leur séduction discrète fait mouche sans en faire des tonnes. L'amitié solide entre les deux plus agé est fort bien interprétée et mise en scène également, à travers par exemple la petite chanson du barde - so D&D ... - qu'il invente pour tâcher de subtilement consoler son amie meurtrie. La barbare nous surprenant de son côté avec une ancienne historie d'amour avec .... un hobbit ou plutôt halfeling dans ce monde pour des raisons de droits. Je pourrais continuer longtemps, mais même le mage de service et un peu handicapé par sa propre magie nous surprend avec une ascendance pour le moins brillante et étonnante, ancrant du reste le film solidement dans le lore
Et à propos du lore, chapeau à Captain popcorn pour avoir retrouvé le scénario d'origine d'ailleurs, mais l'aventure proposée pourrait fort bien être la suite d'une aventure réellement publiée, ayant donné naissance dans moults suppléments encylopédiques notamment les dernières itérations des Royaumes Oubliés à partir de D&D4 à tout le lore thayen.
Tout cela fonctionne grâce à une écriture à la foi discrètement inclusive, et une recherche efficace d'apport de profondeur mais aussi de liens entre ces personnages. C'est brillant, car finalement pas si envahissant dans l'intrigue principale, introduisant ainsi chacun suffisamment sans non plus en faire des tonnes ou un personnage central. Comme le dit JDG, chacun et chacune a son moment de gloire, et il n'y a aucun boulet, à commencer par le barde sans doute le plus faible de toute la galaxie de personnage des Royaumes Oubliés, admirablement joué par un Chris Pine à son meilleur.
Et que dire du paladin, un personnage pourtant secondaire dont l'écriture permet le luxe d'apporter une pierre supplémentaire à chacun des domaines que je viens de longuement introduire :
Notamment le côté personnage de joueur de jeu de rôle, à travers la perfection mais la perfection complètement exagérée de son interprétation "paladin loyal bon au tout premier degré" même dans chaque instant de sa vie quotidienne avec cette réplique extraordinaire à un moment du film :
"Et conformément à sa légende, il alla tout droit, sans se retourner, sans dévier d'un iota. Soudain, une grande pierre se dresse devant lui, il va donc devoir bifurquer. Ira t'il à gauche ou à droite ? Le suspense est de mise. Ah non il continue tout droit..." (éclat de rire dans la salle).
Ou encore :
"Lui, c'e'st vraiment un Zouave à la noix de coco, tu vois le genre !"
le paladin : ah bon, il a eu des problèmes avec la moralité de sa mère, c'est ce qui explique sa méchanceté, tu penses ?
Voilà. Un personnage joueur totalement caricatural. Et en même temps, du fait de son statut de gros bill ultime, sans sa présence, la quête serait un cuisant échec, car il doit je pense avoir atteint le niveau enviable de 20 dans sa classe ! Jusqu'à tenir en respect un dragon rouge ancestral iconique quand même (oui, il existe bel et bien dans le lore, le captain popcorn nous le montre d'ailleurs) ! Bref, il est de loin le personnage le plus fort du petit groupe ! ET, d'un point de vue cinéma, il y un avant et un après sa venue.
C'est aussi un film très drôle, avec un humour sophistiqué - flirtant avec le monthy python par moment - mais jamais lourd ni en dessous de la ceinture. qui de fait divertira efficacement tout le monde, rôliste ou non.
On peut comme le dit JDG regretter d'ailleurs que les bandes annonces nous aient donné autant l'impression d'une comédie potache d'héroic fantasy, car le dosage entre l'humour et l'aventure fantasy est vraiment très bien dosé. L'un n'empiète jamais sur l'autre, le film est tout simplement les deux à la fois, il réussit à être drôle tout en se prenant sincèrement au sérieux mais avec classe sans exagération non justifiée - celle du paladin l'est grâce ua brio de l'acteur aussi sans doute.
La druidesse est quant à elle un vrai bonbon de jeunesse et de bravoure. Elle apporte un vent de fraicheur à l'aventure, un petit peu comme l'elfe de Naheulbeuk, l'intelligence, la pondération et la pudeur en plus. Elle aussi fonctionne extrêmement bien, et ses transformations font toujours mouche. Elle présente aussi à travers elle les difficultés racistes inhérentes au lore de cet univers sans là non plus en faire des caisses. Ses motivations sont nobles et compréhensives, rendant son adhésion à la quête logique et évidente.
Vraiment tout ce petit monde forme un groupe extrêmement attachant compensant leur manque de niveau par une ingéniosité certaine. Et une bravoure omniprésente. On retrouve bien évidemment à travers eux les grandes étapes classiques d'une aventure Donjon et Dragon, du rendez vous à l'auberge à l’exploration de zones d'aventures plus ou moins dangereuses ou morbides en quête de reliques magiques ou en déroulement de plans hasardeux et téméraires. Jusqu'au sempiternel briefing autour du feu de camp. Tout y est, vraiment. Et tout cela fonctionne et est émouvant.
Le rythme du film est excellent, là encore grâce à son écriture maline et son intrigue très dynamique, on en s'ennuie jamais et les quelques moments de pause ont toujours en parallèle une intensité les justifiant. Cela va de la retrouvaille familiale à de multiples tentatives de progression vers l'objectif suivi.
Les antagonistes sont également bien choisis et bien dosés. Plutôt nombreux et jamais inutiles, sommes toutes, du voleur véreux devenu seigneur de Neverwinter à l'archimage tissant ses toiles fétides avec l'aide de sombres et glaciales séides, en passant par moult soldatesques plus lambdas et néanmoins logiques dans le cadre de l'aventure racontée. Avec, Donjon et Dragons oblige, tout un bestiaire souvent iconique : ours hibou, dragons, gargouille, monstres rouilleurs, bête éclipsante, cube gélatineux, dévoreur d'intellect ... plus quelques autres, dont des races exotiques comme aaracokras, rakshashas, drakéides ... évidemment elfes, halfelins et nains. Bien sûr, leur temps de présence à l'écran varie, certains font de rapides caméos, mais ça fait bien plaisir quand même !
Le film offre enfin aux purs et dur d'Abeir Toril de quoi s'extasier tout leur saoul, à commencer par de nombreux noms de lieux comme Anauroch, Porte de Baldur, Padhiver, Eauprofonde, Thay, Côte des Epées ... Ou encore des factions iconiques telle l'Ordre des Ménestrels, l'Alliance des Seigneurs ou bien encore l'enclave d'Emeraude.Et on verra même sans qu'il soit citer le fameux mont Hottenow à proximité de Neverwinter comme il se doit. Les lecteurs de la saga de Drizzt Do Urden ou même les joueurs du jeu Neverwinter revivront alors dans leur tête de nombreuses histoires en rapport, tel Mithril Hall ou la quête de Bruenor Battlehammer ... Et évidemment, ils tressauteront dans leur fauteuil à la vue du très fameux Elminster Aumar ... Noir, ok, bon ça c'est fait. Il fallait bien que cela arrive un jour ... et ce genre de chose lui arrive d'ailleurs souvent dans les livres d'Ed Greenwood, le créateur des Royaumes Oubliés, dont j'ai cherché en vain le nom dans le long générique ... mais bon, il défilait vite donc j'ai hâte que le blu ray sorte afin que je le revois image par image ! Je ne peux pas concevoir qu'il n'y figure pas ! Pensez donc, il a écrit ses premiers livres dans cet univers plusieurs années avant que Donjon et Dragons ne sortent ! Sans lui, le père des jeux de rôle ne serait certainement pas entièrement ce qu'il est ... Ça mérite bien ce petit hommage quand même ...
Ed GreenwoodJ'ai présenté plusieurs de ces travaux ici d’ailleurs pour ceux que ça intéresse (tous les lieux du film figurent sur la
carte notamment et ce
passage les résume partiellement)
viewtopic.php?f=295&t=16137Bref, voilà. Foncez voir ce film, pauvres fous

Seul film de high fantasy désormais digne de porter le fanion du genre, il est ni plus ni moins que le chainon manquant entre Willow et Le Seigneur des Anneaux.
Et avant tout, il peut cette fois faire la fierté du jeu illustre dont il porte haut et grand le nom

Note : 20/20 avec +2 pour l adolescent émerveillé ayant découvert il y a 37 ans Feerune ...
Garçon.
"N'avez-vous donc point d'espoir ?" dit Finrod.
"Qu'est-ce que l'espoir ?" dit-elle. "Une attente du bien, qui, bien qu'incertaine, se fonde sur ce qui est connu ? Alors nous n'en avons pas."
"C'est là une chose que les Hommes appellent 'espoir'... "Amdir l'appelons-nous, 'expectation'. Mais il y a autre chose de plus profond. Estel l'appelons-nous.