La Fée Viviane J'irai dans l'oubli, au-delà du bien et du mal, me réconcilier avec moi-même.( Michel Rio,
Merlin )
Taille :Elle aimait à se hausser sur la pointe des pieds.
Aspect :Belle comme toutes les fées avec ce quelque chose de plus troublant qui enchanta Merlin. Il y a la Nymphe, l'Enchanteresse, la Fée, celle de l'imagerie arthurienne et celle des contes de fées. Mince, juvénile, le front légèrement bombé, le nez gentiment retroussé, la bouche petite et le regard très grand, toujours émerveillé, la pommette rose. Sa longue chevelure blonde et frisée entoure d'une aura un corps menu et délicat.
Vêtements :Une fois encore il y a la parure naturelle et sauvage de la Nymphe-Fée des fontaines, faite de voiles, de lentilles d'eau, de fleurs aquatiques. La robe de cour des dames de Camelot, et les coquettes excentricités des livres pour enfants. Hennins antennulés, jupes étoilées et interminables traînes tenues par des cortèges de petits pages ailés.
Habitat :Un château de cristal construit en une nuit par Merlin sous les eaux de l'étang de Comper. Certains disent sous le lac du Pas-du-Houx. Elle est toujours présente un peu partout dans Brocéliande, autour de la fontaine de Barenton, aux portes de la prison d'air où rêve Merlin. Et l'hostier de Viviane - la maison de Viviane - qui domine le Val sans retour.
Nourriture :Fait grand honneur aux mûres des ronciers entourant le tombeau de Merlin.
Mœurs :On a maintes fois accouplé Viviane et Morgane. Toujours l'une portera le fardeau de la prison de Merlin et l'autre celui du Val sans retour. Le verdict populaire les a définitivement jugées : "Si abominablement hypocrites à l'égard de Merlin", "ambitieuses, avides de savoir et de pouvoir". Il faudra attendre longtemps que quelque amoureux des Fées aille voir de plus près les raisons des agissements de Viviane et intercède en sa faveur. "Il est aujourd'hui reconnu que c'est par amour - au-delà du bien et du mal - que Viviane rendit à ses propres enchantements un Merlin conscient et consentant, parvenu aux ultimes lisières".
Activités :Viviane, Nivienne, Vivienne ou Vivlain est parfois fille de Dyonas, filleule d'une Sirène ou du roi Cadeu, roi des Redonnes. On la présente aussi comme une Diane chasseresse quelque peu masculine. Elle partage une vie mortelle au milieu des intrigues de Camelot et une existence plus conforme aux êtres de Féerie sous les eaux de l'étang de Diane à Brocéliande. Elle s'adonne à la haute magie, entourée de suivantes dont la fidèle Sayrade. Au cœur du Légendaire elle est la Dame du Lac.
C'était un jour plein d'eau et de feuillage qui s'attardait aux fontaines. Tous les chemins étaient creux avec des haleines de puits. Merlin marchait derrière Viviane. Elle avançait vivement de peur qu'il ne s'attarde, que le souvenir d'Arthur ne le rappelle vers l'orée. Une fois enfouis au cœur des frondaisons, les racines sauraient le retenir. Mais si proche des lisières un signe de l'extérieur traversant le couvert pouvait encore l'arracher à l'emprise végétale. Elle lui avait demandé de mettre sa robe des forêts, celle qui commandait aux arbres et aux roches moussues et dont la bure se mouchetait ainsi ainsi que le pelage du daim. Elle avait mis toutes les ruses de son côté et il le savait. Il laissait les herbes effacer leur passée. Un martin-pêcheur faufila le ciel et la rivière tout le long de la berge voisine. Merlin soupira sur tous ceux qu'il quittait dans leur aube de gloire : ces preux chevauchant à travers les vergers enrubannés de printemps, vers les tours de Camelot parées pour les noces d'Arthur et de Guenièvre. Il allait auprès d'eux, jeune encore, chassant de ses pensées l'ombre accrochée à ses pas. Lancelot prit la main de la reine et l'aida à descendre. Elle dit un mot sans qu'elle y pensât, un de ces mots qui font à travers le cœur de mystérieux chemins et qu'entendrait Mordred encore ensommeillé dans un nuage lointain : "Que vois-tu Merlin ?" l'avait interrogé Morgane tandis qu'accoudé au créneau il devinait la plaine couverte de cadavres sur lesquels se défiaient deux silhouettes de fer dans un fatal estoc.
Il ne les abandonnes pas, il quitte un monde où les clairvoyances ne sont plus entendues. Il a déjà connu tant de rois - Wortigen, Ambroise-Aurélien, Uter-Pendragon - dont les puissantes voix à jamais se sont tues alors qu'à la branche d'aupépin chante toujours le roitelet des bois. Sa mémoire plonge dans les forêts de Calidon, d'Arnante et de Brequehem, de ce cercle de pierre où un Duz lui souffla dans l'esprit quand les hommes sortaient à peine du limon et rampaient au milieu des sauriens. Il les avait vu se lever, tituber et lutter pied à pied la suprématie d'un royaume contre la brute rivale. Alors il s'éloignait vers de sauvages ermitages, cherchant au fond des cavernes les accès refermés du Monde Fortuné. Elle, peut-être, le ramènerait là-bas. Il l'avait rencontré à la cime de mai, couchée sur la margelle de Barenton, la fontaine qui rit quand on y jette une épingle et ouvre les rivières des cieux si on arrose sa pierre. Elle était Nymphe galloise et s'appelait Vivlain. Toujours il l'avait retrouvée quand il s'abandonnait à ses folles pensées.
Viviane entendait tout cela pendant qu'ils marchaient côte à côte, comme ils avaient si longuement voyagé ensemble. Cette fois, se disait-elle, je ne le laisserai plus repartir. Et elle portait un regard ému sur sa taille qui s'était courbée, sur son visage raviné et le flot de sa barbe blanchie. Elle se souvenait de leur première étreinte, elle, fille de la lune et de l'eau, Fée de fontaine, effarouchée d'abord par ce dieu forestier, du chêne et de la pierre. Il avait ôté sa ramure de cerf et la pelisse de loup pour s'accoler à elle.
Elle lui épargnerait la trahison de Guenièvre et de Lancelot. Ce Lancelot qu'elle avait jadis enlevé à sa mère Elaine, selon la coutume des Fées, et élevé pour être chevalier-Fé. Elle lui cacherait le déclin de Morgane et l'agonie d'Arthur.
Viviane le tiendrait loin d'un monde que les Fées une à une avaient fui. Elle l'enfermerait dans ce bosquet d'aubépine où étaient nées leurs amours et qu'elle déroberait à la vue de tous, derrière les remparts d'illusions, que Merlin lui avait appris à ériger lorsqu'ils s'échangeaient les formules de leurs sciences secrètes.
Mais sans doute savait-il déjà tout du piège que Viviane était en train de tresser autour d'eux. Hier il avait averti Arthur de son départ sans retour. Qu'aurait-il pu changer au destin du royaume pourrissant, sur quoi ses enchantements n'avaient plus de prise : "J'emporte dans l'éternité un éclat de ton cœur, mon roi, mais je n'ai plus ici de place, depuis qu'on a fait une croix d'une branche d'Yggdrasil."
Souriant dans sa barbe végétale, Merlin regarde Viviane tracer de gracieux gestes en récitant les paroles d'oubli...