Ci-dessous : une belle illustration de Sandrine Gestin pour introduire le sujet.
La licorne est une créature légendaire à corne unique (pour cette raison, elle est parfois aussi appelée unicorne ou monocéros) Elle est dotée d'un corps semblable à celui d'un cheval, d'une barbiche de bouc, de sabots fendus et surtout d'une longue corne au milieu du front, droite, spiralée et pointue, qui constitue sa principale caractéristique. Les bestiaires occidentaux la décrivent comme un animal sylvestre très féroce, symbole de pureté et de grâce, attiré par l'odeur de la virginité. Les chasseurs utiliseraient ainsi des jeunes filles vierges pour capturer les licornes.
L'image qui me vient tout de suite en tête et symbolisant cette relation entre les licornes et les jeunes filles vierge est celle du film Legend de Ridley Scott, on a tous en mémoire la relation entre la belle licorne du film et le personnage de Lili incarnée par Mia Sara ...
Au Moyen âge, certains croyaient vraiment en leur existence, et cette croyance perdura chez certains jusqu'au 19ème siècle (Il y eut notamment des confusions avec des cornes de narvals, mammifères marins arctiques bien connus, ramenés d'expéditions lointaine) le narval qui est d'ailleurs appelé licorne des mers.
Il est admis que les multiples descriptions de licornes dans les récits de voyages correspondent aux déformations d'animaux réels, comme le narval mais aussi des rhinocéros et antilopes.
De tous temps, la licorne a intéressé des théologiens, médecins, naturalistes, poètes, gens de lettres, ésotéristes, alchimistes, psychologues, historiens et symbolistes. Son aspect symbolique, très riche, l'associe à la dualité de l'être humain, la recherche spirituelle, l'expérience du divin, la femme vierge, l'amour et la protection. Carl Gustav Jung lui consacre une quarantaine de pages dans Psychologie et alchimie.
La licorne dans les récits de fantasy
Au XIXème siècle et ce jusqu'à nos jours la licorne figure parmi les créatures qu'on trouve très couramment dans les récits de fantasy et de féérie.
On peut citer De l'autre côté du miroir (de Lewis Caroll) , La dernière licorne (de Peter S. Beagle), le film Legend (de Ridley Scott et cité plus haut), ou encore Unico (du grand mangaka japonais Osamu Tezuka, ci-dessous)
Le Re'em de la Bible : origine de la licorne ?
Le re'em (en hébreu רֶאֵם, équivalent de l'arabe rim) est un animal mentionné neuf fois dans la Bible avec ses cornes, comme une allégorie de la puissance divine. Il figure dans les Nombres (23,22) (24,8), le Deutéronome (33,17), Job (39,9-10), les Psaumes (22,21) (29,6) (92,11) et Esaïe (34,7)
Au IIIe siècle av. J.-C. et IIe siècle av. J.-C., quand les juifs hellénisés d'Alexandrie traduisent les différents livres hébreux pour en faire une version grecque appelé Septante, il utilisèrent pour traduire re'em le mot monoceros (μoνoκερως), qu'ils devaient connaître par Ctésias et Aristote. On ne sait pas pourquoi « les traducteurs de la Septante ont choisi le mot monokeros, « muni d'une seule corne », pour désigner ce qui semble bien être en hébreu le buffle, usuellement appelé en grec « bœuf sauvage », et qui a deux cornes [dans le Deutéronome] ? Y a-t-il eu une intention, ou bien n'ont-ils pas su identifier l'animal, ou bien ce terme était-il connu (en Égypte ?) pour désigner une sorte particulière de buffle, ou bien ont-ils voulu faire allusion à une bête légendaire ? » Remarquant le fait qu'il s'agit de passages marqués par le messianisme (l'attente d'un nouveau « roi des juifs »), J.L.W. Shaper pense qu'il s'agit en fait d'une adaptation délibérée d'une ancienne image mythique israélite au contexte culturel nouveau du judaïsme hellénistique. Et il émet l'hypothèse que le choix de terme monokeros pour symboliser le messie est lié au fait qu'il était aussi utilisé dans un cadre astrologique : un jeune bœuf à corne unique symbolisant le croissant de la nouvelle lune.
À partir du IIe siècle le judaïsme rabbinique rejette la tradition hellénistique et revient à l'hébreu (le texte massorétique). Par contre, la Septante devient l'Ancien Testament du christianisme et dans sa version latine, la Vulgate, le grec monoceros est traduit soit par unicornis, soit par rhinocerotis. Les versions contemporaines, comme celle de l'École biblique de Jérusalem, sont plus prudentes et réalistes en utilisant le terme de « bœuf sauvage » qui reste toutefois vague.
Une première traduction en langue grecque de l'ancien testament, la Septante, traduit re'em de façon erronée par licorne. Par la suite, la Vulgate latine utilise en général le terme « corne unique » ou « rhinoceros ». Les versions contemporaines, comme celle de l'École biblique de Jérusalem, sont beaucoup plus prudentes et réalistes en utilisant le terme de « bœuf sauvage » qui reste toutefois vague. Selon Roger Caillois, les kabbalistes auraient noté que les lettres de la licorne (en tant que Re'em) sont resch, aleph et mem, et celles de la corne (Queren) qoph, resch et nun. En hébreu, la corne se dit « Queren » et indique la puissance et la lumière. Être pourvu d'une corne aurait ici le même sens que « rayonner » (Karan). La présence de la licorne en tant que re'em dans la Bible a une influence durable et notable sur la croyance occidentale en l'existence de cet animal, suivant la conviction d'un certain nombre de chrétiens à l'époque, selon laquelle la Bible est directement dictée par Dieu. Ce passage fut ainsi fréquemment cité pour justifier du caractère indomptable de la licorne :
« Le (re'em) voudra-t-il te servir, passer la nuit chez toi devant la crèche ?
Attacheras-tu une corde à son cou, hersera-t-il les sillons derrière toi ? »
— Job (39, 9-10)
De nombreuses interprétations et des contes, en particulier Juifs, apparaissent en rapport avec l'épisode du Déluge. Selon un conte russe, la licorne refuse de monter dans l'Arche de Noé et préfère nager, sûre de survivre. En quarante jours et autant de nuits, elle reçoit des oiseaux fatigués sur sa corne. Alors que les eaux commencent à baisser, l'aigle se pose à son tour sur sa corne et la licorne, épuisée, coule et se noie. Selon la tradition talmudique, la grande corne de la licorne, signe d'orgueil, l'empêche de trouver une place dans l'Arche. D'après des interprétations de la tradition hébraïque, la licorne ne prend pas place dans l'arche de Noé mais ses qualités lui permettent de survivre au déluge, certaines versions ajoutent qu'elle y parvient en devenant le narval. Dans la gravure ci-dessous, extraite d'un exemplaire des Antiquités judaïques de Flavius Josèphe publié en 1631, la licorne est le seul animal à ne pas être en couple parmi ceux que Noé s'apprête à sauver des eaux.
Identification
Plusieurs tentatives d'identification ont été faites sur le re'em. L'auroch, un buffle de très grande taille disparu au XVIIe siècle est souvent proposé (ci-dessus : une reconstitution d'un auroch).
Charles Doughty avance qu'il s'agirait plutôt d'une variété de grande antilope appelée wothyhi qui serait en fait un oryx dont les cornes longues et minces peuvent être un des modèles pris pour représenter les cornes de licorne, cependant, l'oryx possède deux cornes et non une seule, comme toutes les antilopes. Selon Robert Graves, la confusion pourrait provenir de l'interprétation erronée d'un dessin figurant en marge d'un Pentateuque hébraïque illustré. Certains créationnistes voient aussi dans le re'em un triceratops
Universalité du mythe de la licorne
La licorne fascine l'humanité depuis des siècles, l'abondante production littéraire et artistique à son sujet en témoigne. Bien que de nombreuses explications scientifiques dévoilent son origine (confusions avec des animaux réels et créations artificielles, en particulier), un mystère demeure dans l'universalité de sa légende et surtout son côté mystique et ésotérique, porté par des « artistes, conteurs et rêveurs » enclins à la méditation. Les œuvres historiques qui la mettent en scène possèdent souvent une forte charge symbolique, à l'image de certaines tapisseries anciennes et des bestiaires du Moyen Âge.
ci-dessous : Jeune fille vierge et licorne, détail d'une fresque attribuée à Domenico Zampieri, 1604 – 1605, Palais Farnèse à Rome.
Les théories concernant les origines de la licorne se révèlent plus ou moins sérieuses, à tel point qu'Odell Shepard suggère non sans humour dans son ouvrage The lore of the unicorn, publié en 1930, qu'elle doit provenir de l'Atlantide ou des montagnes de la lune.
Le principal débat concerne l'influence de créatures unicornes asiatiques, peut-être connues depuis la préhistoire, sur la licorne occidentale dont l'image s'est forgée au Moyen Âge. Défendue par l'ésotériste Francesca Yvonne Caroutch, cette théorie est réfutée par la thèse de Bruno Faidutti et d'autres études universitaires qui pointent une tendance au syncrétisme sous l'influence, en particulier, des travaux de Carl Gustav Jung dans Psychologie et alchimie : « en mélangeant tout et n'importe quoi dans l'athanor de sa trop vaste culture », il voit dans la licorne « un symbole universel remontant à la nuit des temps », ce qu'elle n'a jamais été.
La licorne chinoise : le Qilin
Le qilin (ou encore qílín, kilin, kirin ou kỳ lân) est un animal composite fabuleux issu de la mythologie chinoise possédant plusieurs apparences. Il tient généralement un peu du cerf et du cheval, possède un pelage, des écailles ou les deux, et une paire de cornes ou une corne unique semblable à celle du cerf. Il est parfois appelé cheval-dragon, et parfois familièrement sibuxiang (四不象, littéralement « qui ne ressemble à rien »)
Créature cosmogonique et roi des animaux à pelage, il ne réside que dans les endroits paisibles ou au voisinage d’un sage, en découvrir un est toujours un bon présage. On lui prête aussi le pouvoir d'amener un fils talentueux qui fera de grandes choses. Il apparait dans les textes (mais pas toujours dans les représentations) avec une corne unique, et il est souvent appelé licorne dans les langues occidentales.
Exemple de représentation de Qilin ; comme on peut le voir on est assez loin de la représentation de la licorne occidentale.
Certains Qilin sont également représentés avec un corps de girafe
ou encore comme ceci ( source de l'image )
La constellation de la licorne en astronomie (monoceros)
La constellation de la Licorne aurait été nommée par l'astronome néerlandais Petrus Plancius en 1613, et cartographiée par Jakob Bartsch en 1624. Elle apparaitrait sur des travaux de 1564 et Joseph Scaliger rapporte l'avoir vue sur un ancien globe céleste perse. Il s'agit d'une constellation moderne et elle n'est pas associée à une quelconque mythologie, mais nommée ainsi par simple analogie avec l'image de la licorne légendaire à cette époque.