Bien. Aujourd'hui, nous allons parler de la deuxième saga du Clone, bien plus connue que la première, mais pas forcément pour de bonnes raisons. En effet la saga du clone des années 90 est l'une des histoire de Spider-Man les plus polémiques de tous les temps, presque autant que le fameux mariage et "divorce" du tisseur, c'est dire ! Donc, petit rappel : Dans l'excellente première saga du clone, Gerry Conway nous introduisait un super-vilain au potentiel phénoménal : le Chacal. Ce dernier, amoureux de Gwen, avait alors recloné la jeune femme après son assassinat par le Gobelin et tenté de se venger de Peter Parker en créant un clone auquel il transmit tous les souvenirs de Peter. Ainsi, aucun des deux n'étaient certain d'être le vrai Spider-Man, et le clone sembla périr avant d'être jeté dans une cheminée d'usine. Nous étions en 1975.
Et nous arrivons donc en 1994, soit vingt ans plus tard, même si, dans notre univers Marvel, seulement cinq ans se sont passés. Et là, on a une idée absolument folle et téméraire de Jean Marc deMatteis, deMatteis qui avait notamment déjà écrit plusieurs excellentes histoires du tisseur, dont celle qui est encore aujourd'hui considérée comme ni plus ni moins que la meilleure, La dernière chasse de Kraven. Et donc deMatteis, qui n'est pas n'importe qui, bah il se dit que quand même, ça fait trente ans que l'on suit Spider-Man, et que ce serait bien de le faire évoluer. Seulement l'évolution, elle est pour le moins radicale. Ainsi, il imagine tout simplement que ce Peter Parker que les lecteurs suivent depuis vint ans est en fait le clone, et que le vrai Peter se baladait ailleurs pendant cinq ans persuadé d'être LUI le clone, et adoptant l'identité de Ben Reilly. Voilà, vous imaginez le taulé qu'a reçu cette révélation. Pourtant l'idée, même si à moi également elle ne plaisait pas (pour des raisons purement subjectives, je n'étais pas très à l'aise à me dire que le spider-man ayant affronté Venom, à être sorti avec la chatte noire etc... était un "faux") avait du bon.
En faisant de Reilly le vrai Parker d'origine, deMatteis résolvait plusieurs choses. Tout d'abord, l'évolution du personnage et de l'univers de l'araignée, puisque Reilly avait ses propres amis, son propre univers, son propre style etc. Ensuite, l'évolution de Parker, qui, sur le point d'avoir une fille avec Mary-Jane, pouvait enfin véritablement évoluer, devenir père, sa tant May morte, et vivre une vie "normale" en se retirant de la vie super-héroïque pour laisser le costume à Ben, le "vrai" Peter. Et tout cela sans que les lecteurs ne soient trop déstabilisés puisqu'en réalité, ils continueraient de suivre les aventures du "vrai" Spider-Man, Ben Reilly, plutôt qu'un simple passage de flambeau comme Hank Pym et Scott Lang par exemple. Ici, le personnage de Spider-Man était à la fois une nouvelle version, tout en restant l'ancienne, celle d'avant 1975. Il y avait de l'idée !
Et puis il y avait le Chacal. Car oui, pour résumer rapidement cette première partie de la sage : tout commence lorsque Tante May, mourante, tombe dans le coma. Cela attire alors Ben Reilly, le clone de Spider-Man donc, à New York, car je rappelle que Ben possède tous les souvenirs de Peter et qu'ainsi, il partage l'amour qu'à Peter envers sa tante. Et c'est son retour à New York qui va chambouler la vie de Peter, tandis que parallèlement, d'autres clones de Parker feront leur apparition : Kaine, le premier clone de Parker que le Chacal créa, une expérience "ratée" qui amena Kaine à détester le vrai Parker (donc à ce moment là de l'histoire, Kaine pense que le vrai Parker, c'est Ben, hein) et à nourrir une véritable admiration envers le clone, qui avait réussi à devenir pendant 5 ans un héroïque Spider-Man. On a aussi Spidercide, un autre clone crée par le Chacal, qui devient complètement fou et se met à vouloir tuer tous les clones de l'Araignée, un véritable psychopathe bardé de pouvoirs. Bref, donc tout ce monde-là se tape dessus, alors que Tant May succombe à sa maladie et que Mary-Jane annonce à Peter être enceinte.
Et c'est donc dans ce joyeux contexte que le Chacal en profite pour faire éclater son plus pur sadisme à la lumière du jour. En effet, le vilain, dans une cruauté absolument délectable, va pourrir la vie de nos deux amis (Peter et Ben Reilly) en leur torturant l'esprit : qui est le clone ? Qui est une copie ? Qui a volé sa vie à l'autre ? Celui qui va avoir un enfant, ou le baroudeur ? Bref. Jusqu'à la révélation finale, où l'on comprends donc que le clone est bien le Parker que le lecteur a suivi pendant vingt ans ! Le Parker qui est sur le point de devenir père, est un clone. Et le vrai Peter Parker s'est fait volé sa vie par son clone, a perdu 5 ans de son existence à croire qu'il n'était qu'un clone, a vu sa copine se marier avec un autre, a même changé d'identité ! Quel triomphe pour le Chacal ! Il est sans nul doute à ce moment là le vilain ayant fait le plus de mal à Spider-Man. Non seulement il lui a (déjà) torturé l'esprit en lui faisant croire au retour de Gwen il y a plusieurs années, mais en plus, il a réussi à lui voler 5 ans de sa vie, à lui voler son existence, et même son identité. Paf.
Alors oui, après faut que le lecteur réussisse à accepter que pendant vingt ans il a suivi un "imposteur". Et je dis imposteur entre guillemets, car ce que l'histoire met également en avant, c'est qu'au final, pour être spider-man, il suffit d'avoir de bonnes valeurs, et de, que tout le monde pourrait l'être (thématique qui sera également superbement traitée dans le film d'animation de 2018 consacré à Miles Morales, un autre spider-man justement !). Mais voilà se dire que pendant vingt ans le lecteur a suivi un faut Peter, ce n'est pas facile. Et, bah, le lecteur, il l'a pas accepté. Et cette première partie de la saga n'était pas exempte de défauts, loin de là ! Une histoire beaucoup trop longue et étirée, un relooking immonde du Chacal, un "plan" tout aussi inutile (le chacal désirant se venger de spider-man est très bien, inutile de lui donner l'envie de créer un monde uniquement fait de clones) et quelques personnages pas super intéressant (Spidercide...). Mais elle avait toutefois pour elle de tenter un vrai changement scénaristique majeur et courageux, et pas dépourvu d'intérêt. Mais voilà, c'est là que Marvel nous rappelle qu'elle est une entreprise et une industrie, Marvel qui en plus à cette époque était plutôt dans le rouge (la société a failli faire faillite) et l'éditeur a donc rapidement fait machine arrière, lorsqu'il s'est rendu compte qu'après cette révélation, les chiffres du titre Spider-Man étaient en chute libre !
Nous voilà donc avec une saga déjà trop longue rallongée de quelques numéros pour mettre un point final à toute cette histoire pour tout bonnement un des retours en arrière les plus risibles de l'histoire du tisseur. Oui car c'est peu dire qu'ils n'ont pas été subtils. Alors en fait, eh bien on apprend que Ben c'est bien un clone, et que Peter c'était le vrai Peter, que le clone qu'il a affronté dans la première saga de 1975 ben il est mort dans la cheminée, et qu'en fait, et ben c'était le Gobelin qui était derrière tout ça toooooooooooooooooooooooooout du long ! et oui !
Donc en fait le Chacal, Mendel Stromm, Kaine, tout ça bah voilà en fait c'était des pions de Norman Osborn qui a manipulé les événements dans l'ombre, parce que oui on apprend également à cette occasion que le bonhomme n'est finalement pas mort en 1973 après la mort de Gwen Stacy, et non ! Pendant cinq ans (je rappelle que les 20 ans ont été réduits à 5 ans dans la continuité de l'univers Marvel, sinon on aurait un Peter Parker aux cheveux blancs) en fait Norman a fait croire à sa mort et voilà bah il est de retour, et c'est lui qui a organisé tout le délire des clones, et puis tant qu'on y est il fait tuer l'enfant à naître de Peter et MJ, car il ne faut surtout pas que la vie de Peter change, qu'il reste l'éternel ado qu'il est depuis 1963 ! Voilà. Donc bah outre le fait que ça ramène un personnage qui aurait du rester mort, outre le fait que c'est le début d'une beaucoup trop longue liste de méfaits à imputer au Gobelin, qui sera toujours toujours, TOUJOURS derrière les pires trucs étant arrivés au tisseur (gageons que bientôt on nous expliquera que c'était lui qui avait manipulé Octopus quand ce dernier a pris le contrôle du corps de Peter), c'est aussi un retour en arrière qui casse tout intérêt à cette histoire, en plus de reléguer un excellent vilain qu'était le chacal au second rang. Sans cette révélation idiote comme quoi c'était Osborn qui était derrière tout ça, le Chacal serait devenu un des plus grands ennemis de Spider-Man. Et puis, évidemment, tout ça est en plus bazardé sans explications. Ben Reilly est en fait bel et bien le clone ? Ok. Mais alors pourquoi Peter avait-il les souvenirs du clone justement, pourquoi Kaine était persuadé que Ben était le vrai Peter ? On s'en fiche, ce qui compte, c'est que Peter est bien Peter : "revenez les gens, venez relire Spider-Man, en plus on a ramené le Gobelin".
Et tout ça étalé sur 1 800 pages. Trop longue, trop brouillonne, et paradoxalement trop vite expédiée. Voilà l'histoire tragique de la deuxième saga du clone qui aurait pu être grandiose. Peut-être pas un chef d'oeuvre, mais grandiose. Malheureusement, Marvel a tué tout l'intérêt de son histoire, et précipité la fin. Tu m'étonne que ça ait fait polémique. Ils ont réussi à mécontenter tout le monde : d'abord les fans de Peter qui n'ont pas accepté qu'il soit un clone, puis ceux qui étaient restés en trouvant le choix courageux et intéressant, qui n'ont pas accepté le retour en arrière de Marvel. C'est ce qu'on appelle une occasion manquée.
