Le ou les génériques d'ailleurs car si la musique est la même, les images varient d'une saison à l'autre et comme on va le voir, c'est chargé de symbolique.
un peu comme le générique de Game of Thrones d'ailleurs (dont nous avons parlé en d'autres topics du forum) ;
on rappellera que pour les deux séries (toutes deux diffusées sur HBO) on a le même compositeur : Ramin Djawadi et le studio à l'origine des génériques des deux séries est aussi le même : Elastic
Le générique de la saison 1 :
générique de la saison 2 : https://www.youtube.com/watch?v=thcXMFwi9M4
générique de la saison 3 : https://www.youtube.com/watch?v=6PU74AObMfE
Ramin Djawadi
Notons par contre que, contrairement à Game of Thrones : le générique a été composé avant que les images qui lui sont associées ne soient créées.
Nous avons affaire à un générique de 1 mn 40, donc plutôt long si on se réfère aux standards des séries actuelles et il contient une trentaine de plans.
Avant de poursuivre cette petite analyse je tiens à dire que la plupart des idées qui sont ici présentées proviennent d'un très bon podcast de 20minutes.fr narré par la journaliste Anne Demoulin (le site 20 Minutes analyse d'ailleurs bon nombre d'autres génériques de séries, dont celui de GOT et c'est souvent très intéressant ! )
Les captures qui suivent proviennent de mes épisodes (ou images piquées sur wikipédia pour les représentations de peinture et autre) et deux trois idées proviennent aussi du youtubeur Captain Popcorn (qui a livré des analyses très riches de la série Westworld sur sa chaine youtube)
En commençant à visionner le générique de Westworld, nous pouvons voir la fabrication des robots dans la série et son esthétique n'est pas sans rappeler celle du fameux film d'animation Ghost in the Shell (de Mamoru Oshii) - voir la vidéo et les captures ci-dessous (cliquez)
exemple de plan du générique comparatif de Westworld saison 3 (avec le visage ouvert d'un des robots du parc, montrant l'intérieur de ses mécanismes)
autres plans du générique de Ghost in the shell 1 et 2 :
Dans Westworld comme dans Ghost in the shell on retrouve notamment les visions de fabrication robotique, ainsi que ces corps qui s'élèvent dans un liquide et viennent transpercer la surface (symbole de frontière entre deux mondes, celui des humains et des robots), ou encore (dans Ghost in the shell 2 - Innocence) des mains robotiques en forme de squelette qui je trouve rappellent beaucoup aussi les mains squelettiques jouant du piano dans le générique de Westworld. La comparaison avec l'intro des films Ghost in the Shell se respire énormément dans le générique de Westworld.
Ceci me permet d'aborder la thématique du piano. Cet instrument est presque le "personnage principal" du générique de Westworld, avec un petit air qui reste dans la tête. On peut y voir ces étranges mains d'un squelette artificiel qui est en train de jouer, mais au bout d'un moment, les mains se lèvent du clavier et ne jouent plus, alors que la mélodie continue de s'entendre (et les touches de s'activer) ; une étrange scène qui rappelle une autre présente dans l'un des épisodes de la série d'ailleurs avec Bernard (l'un des personnages robotiques de la série) qui découvrira que la mélodie est automatique : elle n'a pas besoin du pianiste pour être jouée.
Ceci nous renvoie à l'idée que les robots (qu'on appelle les "hôtes" dans la série) ne décèdent pas de la mélodie qui est jouée, sans le savoir ils sont esclaves, et n'ont aucun libre arbitre (même s'ils pensent décider des notes, en réalité ils sont programmés et tout est déterminé par les programmes informatiques à l'intérieur de leurs organismes électroniques) :
l'idée que le générique cherche ici à souligner est que dans le monde de Westworld, rien n'est vraiment réel, même la musique est programmée.
Presque tous les plans du générique de Westworld nous renvoient à la dualité hommes / robots, organique / artificiel. Thématique qui est majeure dans la série, laquelle nous interroge en permanence sur les frontières entre les deux.
ci-dessous : autres plans des génériques montrant des sortes d'imprimantes 3D géantes en train de fabriquer les robots. Vision assez parlante du vertige scénaristique et thématique de la série (des robots construisant automatiquement d'autres robots ... )
sur ce plan l'imprimante fabrique un robot-cheval
je reviendrai sur la thématique des animaux que l'on voit dans les génériques un peu plus en aval dans le topic.
Comme autre instrument on peut entendre des notes de guitare, pour symboliser le côté Far West (très présent en saison 1 et 2 à travers le parc Westworld qui est une reconstitution du Far West avec des robots cowboys, à l'image de ce qu'on pouvait voir aussi dans le film Mondwest de 1973 de Michael Crichton avec Yul Brynner)
Les éléments qui rappellent le Far West dans le générique de la saison 1 et 2 sont d'ailleurs nombreux, à l'image du cheval, mais aussi de certains plans sur des revolvers, ou encore un chapeau de cowboy en train de se noyer dans un liquide, et bien évidemment le piano qui rappelle les piano de saloon. Le générique de la saison 2 nous montre aussi des plans sur un robot-bison ..
On entraperçoit aussi l'un des paysages du parc, emblématique du grand ouest américain
Si la guitare est présente pour rappeler ce côté western, le piano quant à lui sert de "colle" , de liant entre la robotique et l'humain (l'expression de colle est celle qu'utilise le compositeur lui-même, Ramin Djawadi en interview)
Tous les éléments du far west sont représentés dans un espace robotisé et stérile, tout est très propre et ce monde aux allures de western n'est montré qu'à travers le reflet de l'iris d'un oeil.
A l'intérieur du générique de la saison 2 nous pouvons aussi apercevoir un plan d'une montagne qui est le Mont Fuji (célèbre mont japonais qui est reconstitué dans le parc "Shogun World" dans la série, parc imitant l'ambiance du Japon féodal)
Evoquons à présent quelques unes des références artistiques présentes
Nous avons tout d'abord, L'homme de Vitruve (de Léonard de Vinci) : célèbre représentation nous montrant un homme nu à l'intérieur d'un cercle et d'un carré. Je pense que vous connaissez tous mais on va reposter cette célèbre illustration du peintre italien ici
On peut y voir une allusion très claire dans ce type de plan (fin du générique) où un robot est fabriqué à l'intérieur d'un liquide à l'apparence laiteuse
(on retrouve un plan similaire à la fin de chacun des génériques de westworld, aussi bien pour la saison 1, 2 que 3, mais avec le liquide qui change de couleur selon les saisons .. )
chose qu'on peut voir aussi dans la série à plusieurs reprises, notamment dans ce type de scènes (cliquez)
Comme je l'évoque dans le gros topic (cliquez ici) à propos des allusions dans Westworld ce célèbre dessin est censé représenter les proportions idéales du corps humain, s'inscrivant parfaitement dans un cercle (dont le centre est le nombril) et un carré (centre : les organes génitaux), l'Homme de Vitruve est un symbole allégorique emblématique de l’Humanisme, de la Renaissance, du rationalisme, de « L'Homme au centre de tout / Homme au centre de l’Univers », de la mesure et de la représentation du monde.
L'homme de Vitruve a aussi pour vocation de mettre en avant le nombre d'or, souvent utilisé par les artistes recherchant des proportions parfaites, notamment en architecture. Dans la série, Robert Ford apparaît ainsi comme le grand architecte, le Léonard de Vinci du parc, pourrait-on dire.
Ce symbole inspire aussi le logo du parc (et logo de la série) et l'enfermement dans le cercle rappelle le fait que l'Homme (ou plutôt les robots si on replace dans le contexte westworld) restent soumis à un déterminisme implacable, leur liberté n'étant qu'apparente, ils sont enfermés dans des boucles narratives, condamnés à revivre inlassablement certains scénario pré-écrits, et à revivre les mêmes scènes de souffrance, de torture, de tuerie, destin tragique qui n'est pas sans rappeler le personnage de Sisyphe dans la mythologie grecque, condamné à rouler un gros rocher jusqu'au sommet d'une montagne des enfers avant de le voir inlassablement retomber pour recommencer la même tâche.
Lisa Joy, l'une des showrunners de la série (et épouse de l'autre grand showrunner Jonathan Nolan), nous explique que ce plan façon Homme de Vitruve renvoie à la fois aux robots de la série et aux êtres humains dont les destins dans westworld se croisent et se font échos (à la façon d'un miroir).
Les deux (hommes et robots) sont attachés à une sorte de roue, la roue du destin en quelque sorte, et ne comprennent pas ce qui se passe autour d'eux. ILs sont en quelque sorte des passagers d'un monde-train qui avance malgré eux et qui les dépasse (pour reprendre une métaphore employée dans la série).
Ils ne comprennent pas qui contrôle leur vie, s'ils ont un libre arbitre ou pas (à ce titre le personnage de William et son évolution est assez glaçante et parlante dans Westworld)
Mais ces allusions peuvent aussi faire échos aux spectateurs de la série eux-mêmes (westworld est une série complexe où il faut beaucoup s'accrocher et on ne comprend clairement pas tout du premier coup ! il faut revoir les épisodes, échaffauder des théories, il faut appréhender l'intrication complexe des trames temporelles, bref, en voyant cette série, nous sommes un peu comme les personnages en son sein : nous nous interrogeons sans cesse sur la réalité des choses, et les scénaristes nous manipulent nous aussi (parfois bien avant qu'on s'en rende compte !)
Tout comme les parc sont des jeux pour les humains, la série est aussi un jeu des showrunners avec le spectateur !
Les parcs représentent ce que la série est pour nous spectateurs dans la vie réelle : un moyen d'explorer les fantasmes les plus fous
(le concept du robot humanoïde étant l'un des fantasmes par excellence de la modernité)
Le thème de l'iris de l'oeil (que l'on voit souvent dans le générique) nous renvoie aussi à cette notion de manipulation du regard : les showrunners jouent avec le spectateur en permanence et nous ne voyons finalement qu'une partie de cet univers, à travers les yeux des personnages ici présents.
Ils semblent chercher à nous dire aussi que nous n'aurons jamais qu'une vision partielle de tout cela, un peu comme dans le monde réel où nous ne voyons jamais la réalité dans sa globalité, mais souvent, on se concentre sur ce qui nous arrange et on remet assez peu en cause la nature de notre réalité, les manipulations autour de nous. L'une des questions fondamentales que pose la série Westworld (rejoignant d'autres grandes oeuvres de SF comme Matrix finalement) est donc la question de notre libre arbitre et des mécanismes de contrôle autour de nous : Nos existences sont-elles contrôlées ?
Afin de devenir plus libres, devons-nous en quelque sorte ouvrir les yeux ?
La série westworld en interrogeant la nature des robots parle en réalité aussi et peut-être avant tout de nous-même.
Dans le générique Westworld, nous avons aussi des références au photographe britannique Eadweard Muybridge (1830 - 1904) , l'inventeur du Zoopraxiscope, un appareil qui permet la reconstitution du mouvement par projection.
Le générique de la saison 1 nous montre par ailleurs un couple robotique enlacé, ainsi qu'une femme à cheval lancée au galop, bras en avant, tenant un revolver.
Scène qui nous renvoie aux chevauchées de Dolorès à travers le parc et probablement aussi à ce qu'on verra davantage en saison 2 où Dolorès (libérée de son déterminisme robotique, et ayant accédé à la conscience) se lance dans une chevauchée vengeresse à travers le parc pour libérer ceux de son espèce.
Le générique de la saison 2 ne nous montre plus cette scène mais à la place, nous avons un robot féminin (mère) tenant un nourrisson dans ses bras.
Une scène qui fait référence à Maeve (le personnage robotique incarné par l'actrice Thandie Newton dans la série) et sa quête pour retrouver sa fille (qui est une fille virtuelle, puisque dans le fond un simple souvenir qu'on lui a programmé et implanté dans la tête.
On y retrouve aussi le plan du robot en cours de fabrication dans un liquide (nous renvoyant à l'homme de Vitruve de Léonard de Vinci) sauf que cette fois-ci le liquide n'est plus blanc laiteux, mais de couleur trouble, symbole de la frontière de plus en plus trouble et floue entre humains et robots dans la série.
Dans le générique de la saison 3 ce même plan reviendra avec cette fois-ci un liquide rouge couleur sang, pour souligner la guerre sanglante qui se déroule alors entre humains et robots.
Dans le générique de la saison 3 (saison intitulée : Le Nouveau Monde) on peut voir le corps d'un robot qui s'élève (à l'intérieur d'un liquide qui semble être de l'eau) vers la surface de celle-ci et voyant son propre reflet. Il se rapproche sans cesse de lui, bras et index tendu dans une posture qui rappelle fortement le célèbre tableau de Michel Ange : La création d'Adam, célèbre fresque qu'on peut voir sur les plafonds de la chapelle Sixtine.
La Création d'Adam est une illustration du texte biblique du livre de la Genèse: 1, 26-27 : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa »1. L’œuvre est particulièrement célèbre par le détail dans lequel l'index de Dieu, rejoignant celui d'Adam sans le toucher, donne vie à l'Homme
quelques captures de la scène en question (dans le générique)
Au moment où les deux reflets entrent en "contact", nous pouvons voir le visage du robot s'ouvrir, dévoilant toute sa machinerie électronique interne.
L'idée de ce genre de plans dans le générique nous renvoient au fait que les robots sont bien déterminés à prendre la place de leurs créateurs humains.
Hormis ces plans, nous pouvons voir (toujours dans le générique de la saison 3) des tiges de pissenlit dont les pétales se dispersent et qui deviennent des données virtuelles.
la transformation visuelle du pissenlit finit d'ailleurs par nous amener à la vision d'une grosse machine sphérique qui n'est autre que l'ordinateur Salomon (ou peut-être son successeur Rehoboam) que nous pouvons voir dans la série, et qui est capable par sa puissance de calcul d'anticiper toutes les évolutions des comportements humains dans leurs moindres détails, ce qui permet à son créateur (incarné par Vincent Cassel) de l'utiliser pour instaurer un Nouvel Ordre Mondial asservissant l'humanité.
Nous pouvons voir aussi des amas de cellules qui se forment ...
Ces évocations visuelles nous renvoient à la thématique phare de la série à propos de la frontière de plus en plus floues entre le monde organique et le monde des robots.
La symbolique des animaux
Dans le générique de la saison 1 nous pouvons voir un cheval, symbole de l'animal domestiqué par excellence, et du far west, monture des cowboys ..
Comme les robots du parc le cheval est domestiqué par l'homme, et à son service.
Dans le générique de la saison 2 nous pouvons voir que l'imprimante 3D fabrique un robot à l'apparence de bison (le bison, animal sacrifié par excellence, comme les robots du parc qui sont sans cesse sacrifiés pour assouvir tous les vices des humains)
nous retrouvons d'ailleurs un peu plus loin dans le générique notre bison en train de couler (en plus d'autres personnages et objets) dans un liquide, scène qui évoque probablement la grande inondation qui se produit en fin de saison 2 dans le parc et qui nouera une grande partie des robots
En saison 3, l'animal qui est montré est un pygargue, rapace qui est l'un des emblèmes des USA, et symbole de liberté. C'est d'ailleurs un animal qu'on retrouve sur le sceau officiel de la présidence des Etats Unis.
On peut remarquer que plus le générique défile plus il se rapproche d'un grand spot blanc et aveuglant, ses ailes finissant par se disloquer, vision qui n'est pas sans rappeler le mythe grec d'Icare, héros de la mythologie qui pouvait voler et qui voulut se rapprocher trop près du Soleil, finissant par se brûler les ailes et tomber ...
captures du générique :
cette vision très icarienne nous interroge et on peut se demander si les robots de la série comme Dolorès ne vont pas finir eux-mêmes par chuter à force de s'éprendre de liberté et de se rebeller.
Mais pour ma part ce mythe d'Icare dans le contexte de la saison 3 me fait aussi penser au personnage de Serac (incarné par Vincent Cassel) qui a voulu en quelque sorte se "prendre pour Dieu" , ou "recréer Dieu" à travers son super-ordinateur (Rehoboam) capable de faire des prédictions redoutables.
Voilà en gros ce qu'on peut dire à propos de ces génériques de la série Westworld, qui sont très riches. Et encore, comme je l'ai dis en intro, beaucoup d'idées ici présentes proviennent d'un podcast que j'ai pu écouter mais je pense qu'il y aurait encore d'autres symboliques à évoquer sur deux trois plans que je n'ai pas évoqué (notamment le chapeau noir - celui de William à priori - qui se noie dans le liquide et qui finit par éclipser la source blanche (à l'apparence du soleil), à l'image de sa personnalité "côté sombre" qui prend de plus en plus le dessus sur l'individu qu'il était au départ ..
Si vous avez d'ailleurs vous-même d'autres idées à avancer n'hésitez pas à en parler !!