J'ai finalement vu ce film hier soir,
Apt Pupil de son titre en anglais,
Un élève doué en français, et je confirme un peu le côté malsain.
Cependant, je sors du film avec deux impressions
1. une impression globale mitigée (par rapport au film en lui-même)
2. encore une fois, j'ai le sentiment (sans avoir lu la nouvelle de Stephen King) que le film est en-dessous.
C'est quand même assez dingue mais à chaque fois que je lis du Stephen King ou quasiment, je suis terriblement marqué, ça marque l'esprit au fer rouge, et quand je vois les films, mes impressions oscillent entre : "c'est un nanard", "c'est un film banal", "c'est un bon film de genre mais sans plus"
et là c'est encore autre chose, je ne saurais trop comment décrire ceci.
L'espèce de côté malsain je l'ai bel et bien ressenti, et il participe à ce qui m'a dérangé. Sauf que c'est justement un côté malsain qui ... me dérange (je suis sûr que si je lis la nouvelle de Stephen King, je vais percevoir quelque chose de différent, l'espèce de message profond du film, là où il veut en venir en gros. ce qu'il veut montrer
car j'imagine (connaissant Stephen King) que l'un des thèmes de cette histoire est : "comment le mal est contaminant"
comment l'espèce de mal (que beaucoup d'hommes ont finalement au fond d'eux-même) peut se réveiller à tout moment au contact d'un autre individu totalement noir, et dans un contexte donné. Autant dire que c'est un thème intéressant qui va bien au-delà du nazisme et des allusions à la Shoah.
Cependant, j'ai trouvé que le film le traitait de manière assez maladroite, un peu confuse, j'avais sans cesse du mal à me positionner.
Le jeune garçon finit apparemment dans la nouvelle comme un vrai psychopathe auteur de plusieurs meurtres. Or dans le film ça a été supprimé pour d'obscures raisons. Le réalisateur a apparemment voulu que ce soit moins malsain, moins terrifiant.
Mais c'est toujours l'énorme problème que je regrette avec les films hollywoodiens adaptations de Stephen King, ils essaient d'en faire des films moins terrifiants que les livres, plus "familiaux" ou de tendre juste vers le côté films de genre (pour les films d'horreur pure) alors que Stephen King est beaucoup plus qu'un simple "écrivain de genre".
Bref, pour revenir à ce film sinon, tout n'est pas mauvais. C'est même je dirais un film intéressant, à voir.
Pour le duo principal, le jeune acteur incarné par Brad Renfro, et notre bon vieux Ian Mc Kellen (Gandalf du seigneur des anneaux, Magnéto dans X-Men) qu'on retrouve ici dans un rôle auquel on ne s'attend pas trop d'ex nazi vivant caché dans une maison aux Etats Unis située non loin de la maison du jeune personnage.
Quand je dis "un rôle auquel on ne s'attend pas trop", en fait c'est à moitié vrai.
Si vous avez vu le film (et celui-là pour le coup m'avait bien marqué) "La forteresse noire", de Michael Mann, où il est déjà questions de nazis, de seconde guerre mondiale, de shoah, mais avec une vraie teinte fantastique en plus et des allusions à un gollem, on se souvient que dans ce film, ian Mc Kellen incarnait (très bien d'ailleurs), un vieux professeur Juif infirme. Alors là c'était pas un nazi mais un Juif
mais c'est la deuxième fois que je le vois dans ce type d'histoires à coloration nazi, et cette fois-ci dans le rôle inversé du nazi.
Ian Mc Kellen qu'on retrouve d'ailleurs dans plusieurs films de Singer aussi puisqu'il y incarne Magnéto dans les x-men. Il faudra d'ailleurs un jour se pencher de plus près sur la grande carrière de cet acteur au-delà de ses rôles dans les blockbusters fameux qui ont considérablement augmenté sa renommée dans les années 2000 (notamment sa carrière dans les années 80 , 90, et dans le théâtre) car il a joué dans plusieurs films intéressants.
Notons qu'on a aussi un acteur de Friends dans Un élève doué : David Schwimmer (qui joue le conseiller d'orientation du jeune personnage)
Sans trop spoiler, on dira d'ailleurs qu'il a un tout autre sort à la fin de la nouvelle de Stephen King lui ...
Certaines scènes du film
Un élève doué sont dérangeantes, notamment celle du chat (ceux qui ont vu le film comprendront), ou encore celle où il remet sous la pression du gamin son ancien uniforme de SS. La fin du film par contre vire un peu au grand guignolesque parfois, mais le film peine à vraiment faire peur. Ca doit venir de la mise en scène car tous les ingrédients étaient là pourtant, pour nous terrifier, nous interroger, mais pour moi il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. J'en sors un peu déçu.
Parmi les points positifs, j'ai été très marqué par la musique lors de l'introduction du film (moins par la suite, elle se banalise un peu, mais le démarrage est très plaisant). Le compositeur se nomme
John Ottman et il a apparemment travaillé sur plusieurs films de Bryan Singer notamment X-Men 2, Superman Returns, Walkyrie (autre film sur des nazis avec Tom Cruise d'ailleurs) , ainsi que sur les X-Men plus récents, et sur le récent film Bohemian Rhapsody (lui aussi réalisé par Singer rappelons-le, et d'ailleurs, on en reparlera un peu plus tard dans ma critique)
Notons que Bryan Singer, le réalisateur de ce film est né dans une famille Juive, le sujet de la Shoah doit l'intéresser particulièrement.
à l'origine ce n'est pas lui qui devait adapter cette nouvelle de
Stephen King (nouvelle qu'on peut trouver dans le recueil très réputé
Différentes saisons de l'écrivain, que je vais m'empresser de lire aujourd'hui car je l'ai récemment reçu) ...
Le film devait d'abord, au milieu des années 80, être produit par Richard Kobritz et réalisé par Alan Bridges avec d'autres acteurs, notamment pour incarner le rôle du jeune garçon, on devait avoir Rick Schroder (l'acteur principal de Ricky ou la Belle Vie). Le tournage ayant même commencé en 1987 mais après 10 semaines de tournage (soit .. pas mal de temps finalement) tout a du être arrêté car la société de production Granat Releasing a fait faillite. Ils ont alors cherché d'autres moyens de financement mais le projet a trainé, le jeune acteur Schroder choisi initialement avait vieilli
c'est donc bien plus tard quand les droits d'adaptation ont expiré que Bryan Singer (qui avait lu et aimé la nouvelle de Stephen King) a voulu reprendre le projet. il a alors présenté un script à Stephen King, ainsi qu'une cassette de son fameux film Usual Suspect, qui a beaucoup marqué les esprits. King a été emballé et tout est parti ainsi. Bryan Singer a d'ailleurs refusé la proposition qui lui avait été faite de réaliser
The Truman Show (qui échouera finalement à Peter Weir), afin de pouvoir réaliser
Un élève doué.
Le film obtiendra un accueil critique mitigé, et une audience dans les salles pas folle non plus mais il semble mieux considéré dans le temps.
Parmi les critiques mitigées, Jean-Baptiste Herment, de Mad Movies, estime que l'interprétation de Ian McKellen « impressionne par sa justesse » et que le film comporte « quelques séquences glaçantes » mais « peine à convaincre » en grande partie à cause de son « scénario trop schématique » qui prend avec l'œuvre originale quelques libertés « qui jouent rarement en sa faveur »6. Pour Roger Ebert, du Chicago Sun-Times, le film est bien réalisé et interprété mais manque d'un message social clair, se complaisant même parfois dans l'opportunisme, et se révèle ainsi « indigne de son sujet ». Todd McCarthy, de Variety, estime que le film comporte « suffisamment de scènes dramatiques glaciales pour capter l'attention mais souffre d'artificialités dans son intrigue et d'insuffisances dans les motivations de ses personnages ».
Du côté des critiques négatives, Laurent Vachaud, de Positif, évoque un « faux-pas immature » de la part de Bryan Singer, dénonçant notamment « plusieurs invraisemblances entamant la crédibilité du sujet » et le « caractère trop prévisible de la progression dramatique ». Pour Jean-François Rauger, du Monde, c'est « un film superficiel et antipathique » qui s'appuie sur une idée forte mais n'arrive pas à l'exploiter convenablement. Michael O'Sullivan, du Washington Post, estime que le scénario est « absurde », notamment dans son postulat de départ, et que le film « échoue à répondre aux questions qu'il soulève sur la nature du mal ». Pierre Murat, de Télérama, « éprouve une gêne croissante devant ce film effarant » qui « vire au Grand-Guignol pénible »
(info qu'on peut lire sur wikipédia)
Il faut noter aussi que Bryan Singer a eu apparemment des déboires avec ce film, notamment suite à une grosse polémique liée à la scène de la douche (quand les jeunes se retrouvent après un match de sport, dénudés à plusieurs dans une douche collective)
apparemment certains jeunes se sont plaints de pressions, et il y a eu un procès à l'époque (fin des années 90 après que le film fut tourné)
La scène a du être retournée avec des acteurs adultes, et la justice a classé l'affaire sans suite.
Je ne sais trop que penser de tout ça, et je ne vais pas donner mon avis qui serait forcément biaisé mais quand on regarde un peu la biographie de Singer notamment plus récemment, il semblerait qu'il soit un peu louche (vers l'époque de l'affaire Harvey Weinstein notamment, et du tournage de Bohemian Rhapsody, le film sur Eddy Mercury) Singer a été viré du tournage et carrément remplacé. Apparemment il y avait de grosses tensions entre lui et l'acteur Rami Malek (Freddy Mercury dans le film, connu aussi pour son excellent rôle dans la série Mr.Robot) Il n'y a apparemment pas d'affaire de harcèlement ici, et je me demande aussi s'il n'a pas été évincé à cause justement de tout ce contexte de folie lié à l'affaire Winstein (où beaucoup se sont mis un peu à accuser tout le monde n'importe comment, pour n'importe quoi, ou en revenant sur de vieilles histoires judiciaires, comme on le voit aussi de nos jours avec toutes les dérives du mouvement metoo. J'ai en tout cas découvert ça hier soir en faisant des recherches sur le film et sur le réalisateur, j'ignorais ces histoires mais comme souvent, il faut en prendre avec des pincettes. En tout cas, c'est intéressant de rappeler ce contexte pour les 2 films.
Mais pour moi la scène de la douche dans Un élève doué n'est pas si absurde en soi du fait de la liaison mentale que le personnage fait avec les scènes dans les camps (à voir par contre si c'est une scène rajoutée ou si c'est chez Stephen King, je ne sais pas
)
Notons aussi que le jeune acteur finalement choisi, Brad Renfro, est mort jeune quelques années après, d'une overdose. Triste destin
Je complète par un texte de wikipédia qui évoque les différences entre le film et la nouvelle de Stephen King
L'action du roman commence en 1974, alors que Todd Bowden est âgé de treize ans, et se termine alors qu'il est dans sa dernière année de lycée, alors que dans le film, l'action se place en 1984 et Todd est déjà dans sa dernière année de lycée. Dans le roman, Todd et Dussander commettent, chacun de leur côté, plusieurs meurtres, alors que cela est réduit dans le film au meurtre d'un sans-abri par Dussander et Todd, Bryan Singer expliquant à ce sujet qu'il avait cherché à réduire la violence présente dans le livre. Les scènes de cauchemars où Todd rêve qu'il viole et torture des jeunes filles ont été remplacées par des scènes beaucoup plus édulcorées. Quand Edward French découvre dans le roman que Todd l'a dupé et lui demande des explications, le garçon le tue froidement et est pris ensuite de folie homicide avant d'être finalement abattu par la police, alors que la fin est totalement différente dans le film. Stanley Wiater, dans The Complete Stephen King Universe, écrit à ce sujet que Todd est ainsi encore plus pervers dans le film et que la fin, bien que moins brutale, est encore plus sombre. À l'inverse, Scott Von Doviak estime dans Stephen King Films FAQ que le final « manque de nerf » en occultant les tendances homicides de Todd
Sur le thème du nazisme et de l'holocauste :
L'obsession du nazisme et de la Shoah qui transparaît dans Un élève doué résulte du lien paternel existant entre Kurt Dussander et Todd Bowden. De tels liens sont un thème récurrent dans les œuvres de Stephen King, « la représentation du mal chez King exigeant souvent un lien fort existant entre un homme (souvent dans le rôle du père ou de substitut paternel) et un individu plus jeune et, à l'origine, innocent qui est initié au péché ». Dans le film, l'année 1984 met en lumière, en plus de sa dimension orwellienne, l'époque de l'histoire américaine où la Shoah était traitée comme faisant partie d'un cours tenant sur une semaine qui n'était pas remis en cause par un auto-questionnement plus profond. L'obsession de Todd pour la Shoah est un thème majeur où il apparaît que le passé prend le pas sur le présent. La première scène du film montre comment Todd voit l'histoire comme un simulacre qu'il peut adapter de son point de vue, comme le prouve son identification aux Nazis qu'il étudie. Même si l'histoire devient par la suite réelle pour lui, il la perçoit à travers ses perpétrateurs et non ses victimes, ce qui le définit comme « doué » dans le sens d'une « tendance naturelle en direction d'un comportement peu recommandable ».
Le langage est ici un moyen de transmettre la corruption à travers les horribles histoires que raconte Dussander à Todd qui, en y prêtant l'oreille, devient une « extension vampirique du mal » que Dussander expose. Cette transmission orale les conduit tous les deux à avoir des cauchemars qui, pour Todd, sont un signe que « le passé remplace le présent ». L'un des thèmes principaux du film est qu'une « porte qui est ouverte ne peut plus être refermée », image qui se réfère à la confession de Dussander sur les ordres que l'on doit suivre sans avoir aucun contrôle sur eux. Ce thème se répercute aussi dans la scène où Todd oblige Dussander à revêtir un uniforme SS et à marcher au pas. Dussander continue à marcher en dépit des injonctions de Todd pour qu'il s'arrête, comme dans le poème L'Apprenti sorcier dans lequel l'apprenti emploie la magie pour enchanter des balais mais n'a pas la compétence nécessaire pour les arrêter. Cette scène est « le tournant du film aussi bien au point de vue symbolique que littéral »
Bref en conclusion, moi je n'ai pas été totalement convaincu, mais c'est tout de même un film à voir, qui incite à la réflexion. un film comme souvent, sans doute inférieur à la nouvelle de Stephen King (d'ailleurs pour avoir écouté la récente critique du youtubeur Dirty Tommy lors de sa soirée "spéciale Stephen King", c'est aussi ce qu'il semble dire bien qu'il aime apparemment mieux le film que moi. Je vais maintenant m'empresser de lire la nouvelle et je vous donnerai mon avis sur l'autre version.