Messagepar Náin » mar. oct. 18, 2022 11:19 pm
Allez, lançons nous donc dans un petit bilan, maintenant que la saison est terminée.
Et bien inutile d'enfoncer des portes ouvertes en disant que c'est un sacré échec, aussi bien pour toute la démarche commerciale de l'entreprise que pour ses qualités d'objet cinématographique, d'œuvre artistique. Une catastrophe de bout en bout. C'est bien simple, pour ma part l'expérience a été désastreuse, pour la simple et bonne raison que, connaissant quand même assez bien les bases de l'œuvre originale, je n'ai cessé de voir des décisions marketings déborder de chaque tournure scénaristique, chaque choix narratif. Je n'ai pas eu une seule fois l'impression de voir les scénaristes tenter de raconter une histoire qui leur soit propre, qui les émeuve, qui les intéresse. Non, je n'ai vu uniquement que des "il faut tourner ça de sorte à ce qu'on gagne plus d'abonnés pour la prochaine saison" ; "il faut que l'on tourne tel personnage de sorte à ce que le grand public adhère" etc... etc... Cette série, ce n'est que ça. Comme on le craignait c'est un produit commercial pur, sans âme, sans amour, creux, vide, et de fait, à des lustres et des lustres de ce qu'est l'œuvre de Tolkien. Elle en est l'antithèse totale. L'œuvre de Tolkien était art pure, la série n'est que produit pure, un bas produit capitaliste. Critique d'autant plus pertinente lorsqu'on constate le changement opéré dans le dernier épisode sur la fabrication des Anneaux de Pouvoir. Tandis qu'ils sont nés, dans l'œuvre de Tolkien, de l'amour de l'art qui unit tous les Elfes, de cette nature subcréative qui sous-tend toute l'œuvre qui est elle-même une subcréation du point de vue de son auteur, ils ne sont plus que des objets servant une intrigue rafistolée à la va-vite et sans beaucoup de sens. Là où il y avait du subcréatif, de l'art, il n'y a plus que de la nécessité. Et Celebrimbor aura beau sortir ses plus beaux discours pour nous convaincre du contraire, les faits lui donnent bel et bien tort. Ses anneaux ne sont plus arts, mais des produits. Sans âmes. Métaphore guère subtile mais tout de même assez ironique, donc.
Et toute la série marche ainsi. Elle souhaite emporter l'adhésion du fan en citant des bouts de trucs, en faisant des références par-ci par-là, mais tout cela restera bel et bien superficiel et le fond ne sera ni présent, ni compris. Mais je reviendrais là-dessus plus tard. Car là où le bât blesse également c'est que, indépendamment de sa fidélité à une œuvre préexistante, la série n'est même pas une bonne série. Imaginons qu'il n'y ait aucune œuvre tolkienienne et que la série ait été une invention totale, la narration laisse décidément à désirer. Car comme je l'ai dit plus haut, la décision marketing transpire de partout. Un cahier des charges franchement beaucoup trop lourd et voyant pour nous y faire adhérer. Je suis persuadé que sans l'étiquette "Tolkien", la série aurait fait parlé d'elle tout autant que The Witcher ou Les Chroniques de Shannara ont pu le faire. En dépit de paysages spectaculaires, c'est incontestable, ces deux séries n'ont absolument rien à envier aux Anneaux de Pouvoir. Et je ne parlerais même pas d'une concurrente directe, cette critique se montrera suffisamment à charge pour ne pas humilier la série davantage. Les ressorts scénaristiques utilisés sont toujours les mêmes, vus et revus dans les mauvaises séries, avec des personnages mal écrits, sans aucune complexité, et voués à servir un cahier des charges qu'une foule d'actionnaires imagine correspondre à ce qu'attend un fan du Seigneur des Anneaux (film, j'entends). Inutile de chercher la moindre goutte de créativité dans les (trop) nombreuses intrigues servies par cette saison interminable. Dans l'ordre, nous avons :
- Des Hobbits, qu'Amazon a bien tenté de nous faire croire qu'il s'agissait d'un autre peuple un peu similaire ou éloigné, mais je le redis ici pour ceux qui nous liraient et ne connaitraient pas Tolkien : les Piévelus sont bel et bien des Hobbits, qui sont en fait séparés en trois clans différents. Les Piévelus sont ainsi autant des Hobbits que les Haradrim ou les Longues-Barbes sont respectivement des Hommes et des Nains. Donc bien évidemment, et cela a été confirmé par les Showrunners en interview, nous avons à nouveau droit à des Hobbits car pour le grand public, l'œuvre de Tolkien en est indissociable, c'est après tout inenvisageable de considérer un voyage en Terre du Milieu sans Hobbits. Pour le grand public mais aussi pour les showrunners, donc. Que la quasi intégralité du Silmarillion fasse l'impasse sur eux ne semble pas les empêcher de sortir d'innombrables bêtises tout en survendant leur amour et leur connaissance de l'œuvre. Hobbits qui sont donc absents de tout le Deuxième Âge, normalement. Sans parler de l'arrivée de Gandalf, qui n'a là également rien à faire ici, à cette époque.
- Une intrigue au Lindon développant une amitié Elrond/Durin pour représenter le rapprochement Elfes/Nains de cette époque. Evidemment dans les livres nous avons l'amitié Celebrimbor/Narvi, qui sera par ailleurs littéralement marquée au fer dans la mesure où cette amitié donna lieu à la porte de la Moria sur laquelle Narvi inscrivit son nom et celui du forgeron elfe. Evidemment, ces deux personnages étant inconnus du public s'en étant tenu aux films, nous échangeons cette amitié pour celle d'Elrond/Durin, Elrond étant lui connu du grand public.
- Toute l'intrigue de Galadriel, alors qu'elle est loin d'avoir un rôle pareil dans les livres. Mais comme le grand public la connaît, et qu'il faut un personnage féminin fort et guerrier pour entrer dans les mœurs d'aujourd'hui, nous la voilà qui vole ni plus ni moins que le rôle principal.
- Númenor, qui, alors qu'à cette époque il n'y a pas encore la fratrie d'Elendil ni Míriel, ni Pharazon, nous voilà bazardée avec tout cela à une époque où ils n'ont rien à y faire. La destruction totale de la chronologie, quand on sait le niveau de détails que Tolkien apportait à son œuvre, et quand on sait à quel point la constitution d'une chronologie a été un des nombreux points qui l'a fait réviser beaucoup de choses sur son Légendaire, est pour moi sans doute la pire entorse fait à l'œuvre originale avec la fabrication des Anneaux et la personnalité de Galadriel. Bref. Númenor donc, connue par les spectateurs les plus attentifs, via Aragorn, ne comportait ainsi aucun personnage connu. Qu'à cela ne tienne, en compressant la chronologie, nous voilà avec des figures déjà rencontrées comme Elendil ou Isildur.
- L'intrigue se passant en Terres du Sud est au final la seule ne renvoyant pas à un ou plusieurs personnages déjà rencontrés dans les adaptations de Jackson. Pour autant, nous revoilà avec une romance Elfes/Hommes afin de, TOUJOURS, faire en sorte que le spectateur se raccroche à ce qu'il connait déjà, se figure ce qu'est une histoire de Tolkien, etc...
Nous comptons donc cinq intrigues, un chiffre qu'il eut été facile de réduire afin de rendre le rythme beaucoup plus efficace, rythme qui fut l'objet de nombreuses critiques que je partage en partie. Je les partage en partie car si je suis d'accord pour dire que les épisodes sont trop longs en terme tout simplement de réalisation, de gestion du rythme (et non de temps, Peter Jackson a réalisé des films de plus de trois heures sans jamais m'ennuyer), je ne suis pas d'accord avec ceux qui crieraient au scandale car il manquerait de l'action, ou de l'épique. Vision héritée des adaptations de Jackson et qui ne sont nullement le seul et unique moyen de réussir une série. Cette dernière aurait pu en effet se poser, flirter avec l'esprit contemplatif à la Malick, ou que sais-je, sans être ou ennuyeuse, ou ratée. Or, inutile d'expliquer que la série n'a rien à voir avec la poésie et l'émotion d'un film de Malick. Non, la série, elle, aimerait être passionnante, et comporte son lot de scènes d'action à bien y regarder. Tout simplement, on remarquera d'une part une surcharge complètement maladroite des intrigues et des personnages, destinée à singer Game Of Thrones (car oui, contrairement à ce que certains arguent pour se rassurer ou par ignorance, c'était dans les premières directives de Jeff Bezos qui avait déclaré mot pour mot qu'il voulait son GoT) et de l'autre une écriture totalement grossière. Le problème c'est qu'encore une fois, la série étant surtout un produit commercial et donc surtout pilotée par des décisionnaires en col blanc, nos chers hommes d'affaire ont encore compris tout de travers. Car n'ayant repris que la multiplicité des intrigues, ils n'ont pas compris que c'était moins ça que l'écriture complexe de personnages risquant leur peau à chaque seconde, quelque soit leur place dans la hiérarchie des rôles, qui en a fait un grand succès. Bien évidemment, aucune once du courage via ses personnages fétiches de GoT n'a été reprise par les Anneaux de Pouvoir. La série multipliera les scènes indigestes où un personnage risque sa vie, avant d'être sauvé au dernier moment (Bronwyn obtient la palme, à ce titre). Et là encore, preuve à nouveau du ratage artistique de la série, outre l'utilisation de ressorts clichés qui peuvent malgré tout être efficaces lorsqu'on a des créateurs de talent, on pouvait créer à partir de ces clichés de vrais suspens ou enjeux dramatiques. Certes utilisés maintes et maintes fois, certes vus et revues dans des dizaines de films ou séries, mais toutefois efficaces et générant un suspens légitime lorsque l'opération est correctement menée. Rien de tel ici, évidemment, le sort de Bronwyn n'inquiète à aucun moment, tout comme celui d'Arondir, ou de Galadriel... Et ne parlons évidemment pas d'Isildur. Le seul vrai personnage à connaître une fin brutale sera Sadoc et même sa fin sera ratée étant donné que sa blessure ne l'empêchera malgré tout pas de bondir et rebondir dans une gestion de l'espace et des déplacements complètement insensée. Bref, là où, malgré une écriture clichée et ultra classique, pour ne pas dire ennuyeuse, des intrigues, il aurait pu il y avoir du suspens ou de l'émotion, rien de tout ça, la faute à une réalisation et à une écriture des personnages calamiteuses.
Et oui, car je n'ai fait qu'effleuré l'écriture bâclée de nos personnages. A nouveau on va reciter Galadriel, probablement la pire de toutes. Ne la comparons même pas à son homologue papier, ce sera pour une seconde partie. Détachons nous également de ce qu'elle peut être dans les films de Jackson. Qu'avons nous donc, défaite de son aura de personnage de Tolkien et renvoyant à la reine fée du Seigneur des Anneaux ? Et bien un nouveau personnage raté, mal écrit et grossier, le personnage féministe cliché que chaque col blanc s'imagine être, c'est à dire une femme de guerre conduisant des armées, en armure, affrontant les orcs et toujours en colère. Et alors qu'à nouveau on aurait au moins pu, avec ce cliché, avoir un personnage charismatique, avec un réel suspens la concernant à la manière d'une Arya, rien de tel. A la place, chaque décision du personnage est moquée avec raison, tant elles sont stupides et franchement immatures. Une boule de nerfs insupportable et agissant comme une adolescente. Le coup de grâce étant porté par la révélation d'Halbrand/Sauron, qui entérine le personnage de Galadriel comme une elfe stupide, incapable de se méfier de celui qu'elle cherche pourtant contre vents et marées (littéralement) jusqu'à s'aliéner les autres Elfes, dans la tête du spectateur. Alors que, petite dérive du côté des livres, elle est justement la première à s'en méfier. A cela ajoutons des cabrioles auxquelles Legolas n'à rien à envier, et une mise en scène tellement pompeuse qu'elle rate justement ce qu'elle tente de faire : nous servir des plans charismatique du personnage, dont on finit par se moquer et du manque de subtilité et des personnages qui sont, comme le spectateur est censé l'être, impressionnés de manière complètement surjouée. Bref, ça fait faux. Et l'on pourrait continuer comme ça longtemps. Nori n'est à nouveau qu'un énième personnage rêvant d'aventures (rappelons que Frodo et Bilbo, qui ont malgré tout ce désir là en eux, sont écrits avec plus de subtilité que ce ressort trop classique) quittant toujours le foyer familial pour se balader etc etc...
Même lorsqu'elle tente de nouvelle choses, installe des intrigues ou des relations qu'elle met en avant, la série se rate. On pourrait s'interroger par exemple sur la franche nécessité de nous resservir l'amour interdit entre deux personnages, mais alors qu'encore une fois c'eut pu au moins être traité, si non de manière bien faite, au moins... traitée, il n'en est rien ici. On nous apprend dans le premier épisode que l'amour entre Arondir et Bronwyn risque d'être compliqué et fortement désapprouvé par leur entourage, mais rien, rien, rien de rien. Les hommes du sud détestent les elfes et les elfes détestent les hommes du Sud, mais à aucun moment nous aurons droit à un véritable enjeu autour de cette intrigue servi par la série elle-même !!! Une ou deux répliques de Waldreg, et ce sera tout. Aucun intérêt, vide, rien. Aucune construction de personnage, juste un effet, un énième, effet d'annonce.
Enfin, mentionné plus haut sans que je n'ai développé plus que ça, le trop plein de personnages, alors même que l'excuse de l'adaptation n'a pas lieu d'être étant donné que la série en a inventé les 3/4 !! : Kemen, Bronwyn, Arondir, Théo, Eärien, Disa, Nori, Sadoc, Poppy, Adar, Halbrand (oui parce que si c'est Sauron, tout le parcours -et le nom- du personnage est inventé)... autant de personnages soit mal écrits, soit non développés, soit ennuyeux, soit carrément inutiles à toute l'intrigue (mention spéciale à Kemen et Eärien, et aux trois pseudo prêtresses, mais j'y reviendrais). Au milieu de tout ça nous avons également un Gil-Galad complètement raté entre un jeu d'acteur, déjà, qui m'a beaucoup déçu (alors qu'étrangement c'était visuellement le plus réussi des Elfes) et une écriture là aussi qui ne peut s'empêcher d'en faire un politicien plus qu'une figure héroïque de littérature. Là, encore, pour singer GoT. Et c'est ainsi pour tout le monde. Disa n'est pas apparu dix secondes à l'écran qu'elle est déjà insupportable, à se comporter comme une mère poule chaleureuse, sociable, censée nous faire croire à un caractère fort mais qui là aussi, manque cruellement d'écriture mature, le surjeu de l'actrice n'aidant en rien. Les seuls moments de grâce sont ceux où Durin et son père partagent l'écran. Et j'avoue également apprécier le personnage de Sadoc, surtout le jeu d'acteur, probablement le meilleur de la série. Et c'est à peu près tout. La relation Kemen/Eärien, également vendue par la promo agressive, ne sert à rien et alourdit davantage encore une série qui n'en finit plus de s'empêtrer dans ses diverses intrigues, en plus d'être mal jouée et pleine de non-sens. Pourquoi Isildur laisse-t-il s'échapper un homme qui vient de brûler un navire ? Pourquoi le tournage de cette scène même, quelle utilité, cela a-t-il vraiment changer quelque chose qu'il y ait trois navires au lieu de cinq ? Intrigues complètement alourdies par des sous et sous intrigues aux fraises, quand les "grandes" se permettent qui plus est de faire du surplace, de tourner en rond, de raconter exactement la même chose que la précédente. L'Etranger est gentil ? Ah non en fait il est dangereux il tue des lucioles. Mais il est quand même gentil car la scène d'après il sert à porter les roues. Ah mais il est dangereux car la scène suivante il fait de la magie et envoie Nori qui se blesse. Ah mais en fait il est gentil car il sauve les Piévelus des loups. Ah mais en fait il est dangereux et méchant car il fait s'effondrer un arbre manquant de tuer quelqu'un. Ah mais en fait il est gentil car l'arbre a repoussé et le verger refleuri... C'est non seulement poussif, mais là où cet infernal manège aurait pu au moins avoir un sens en développant la relation de l'Etranger et Nori, il n'en est rien. Il n'y a pas plus d'évolution de ce point de vue là dans leur relation que celle établie dès le premier épisode. Nori admire l'Etranger, et c'est à peu près tout. Ils n'ont rien accompli ensemble, et chaque aide apportée par l'Etranger est réduite à 0 par l'accident qui suit, ce qui fait que Nori se méfie de lui à nouveau et de la même exacte manière que les dix fois précédentes. Bref, un cercle vicieux qui fait et perdre du temps à la série, et du rythme, et une bonne dose d'attention au spectateur. Là où, et c'est d'autant plus incompréhensible, c'est bel et bien la fabrication des Anneaux expédiée dans le dernier épisode qui aurait du s'étaler sur une bonne moitié de la saison !
Continuons. Les dialogues ? Assez difficiles là aussi, la palme revenant généralement à Galadriel. La plupart ayant par ailleurs des expressions complètement incohérentes, car n'est pas Tolkien qui veut. Tandis qu'il y a là un petit effort de rendre ce monde vivable et authentique, on aura ainsi plusieurs expressions renvoyant aux modes de vie des différents peuples. Les Nains comparent la faiblesse au grès dans le granit, les Hobbits parlent de roues carrés pour tout ce qui est un obstacle majeur au voyage. Et les elfes... parlent de parents âgés. Ceux-ci étant immortels, et l'âge n'apparaissant chez ces dernier que très, très.... trèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèès tardivement, difficile là aussi de ne pas être choqué par ce genre d'expressions qui tranche justement avec la nature même des Elfes... Et c'est là bien sûr que du pinaillage comparé aux métaphores pondues par les scénaristes qui feraient mieux de ne pas se prendre pour de grands littéraires. Difficile de croire une seule seconde à la métaphore de la pierre qui coule et du bateau qui navigue, l'un attiré par la lumière et l'autre l'obscurité... c'est là que l'on comprends tout de suite que les showrunners n'ont absolument rien compris à cet enjeu chez Tolkien.
Bref, scénario, intrigues, personnages, nombre de personnages, nombre d'intrigues, dialogues, mise en scène.... peu de choses vont. Oui les effets spéciaux sont spectaculaires. Une coquille vide, comme on dit. Car comme je le disais plus haut, c'est le marketing à tous les niveaux. J'ai déjà dit en quoi aucune des intrigues lancées par la série ne se détachait de cette impression, mais c'est bel et bien à tous les niveaux que le marketing se remarque. Plutôt que de tenter quelque chose de courageux en construisant une intrigue inspirée de la narration des séries d'anthologie, plutôt que de développer avec sérieux ses personnages, plutôt que de prendre le temps de construire des scènes en y mêlant suspens, émotion, montée des enjeux ou que sais-je, la série d'Amazon se repose sur ses lauriers que sont sa marque et des ressorts moins narratifs que purement publicitaires. Tandis que Marvel se perd de plus en plus en astuces minables pour tenir son spectateur... accroché à son téléviseur (un certain daredevil dans une.. série ? Est-ce une série ? je ne sais même pas si elle mérite une quelconque appellation), Amazon utilise les mêmes procédés en jouant à Scooby Doo avec son spectateur. Où est Sauron ? Qui est l'Etranger ? Qui est Adar ? Autant de questions complètement superficielles dont les réponses ne racontent rien, qui ne sont là évidemment que pour donner envie au spectateur de rester pour voir la suite et avoir sa réponse. Adar, qui est-il, à quoi ressemble-t-il ? Si même son identité sera révélée au cours de la saison, un épisode jouera entièrement sur le mystère de son identité pour, bien évidemment, "teaser" son arrivée sans montrer son visage pour donner l'envie de voir le prochain épisode. Le personnage servira également à troubler les pistes sur qui est Sauron. Malheureusement pour Amazon, le mystère n'aura pas duré longtemps puisque la série, prenant définitivement son spectateur pour un idiot, a livré des indices bien trop évidents. Et c'est cette même logique qui justifiera à elle seul la présence de trois personnages, là aussi inventés, censés chercher l'Etranger et qui, à nouveau, et comme cela semble être la règle pour tous les personnages de cette série, ne serviront à rien. Prétextes à une scène d'action gênante, où la gestion de l'espace a autant de sens qu'un film de Dwayne Johnson, et à une fausse piste devant faire croire au spectateur que Sauron est l'Etranger, les fameuses "prêtresses" débarquent de nulle part pour repartir quasi aussi sec, non sans bien évidemment avoir contribué, encore une fois, à un cercle vicieux chez les Hobbits à coups de "et vlatipa qu'on a plus de pommes, et vlati qu'on en a plein, et vlati qu'on a à nouveau plus". Même chose pour le Balrog, teasé dès les bande annonces, qui ne servira à strictement rien du tout si ce n'est un teasing pour la saison 2. Une nouvelle preuve de la pauvreté extrême de l'ambition artistique de la série, qui n'a en réalité, rien à raconter, et dont les intrigues reposent essentiellement sur un effet de teasing superficiel mais, bien évidemment, ayant son intérêt en terme de box office. A ce jeu le fait que les identités de Gandalf et Sauron, comprises par une bonne partie du public assez tôt (voir même avant la sortie de la série pour Gandalf) ne soient révélés que dans le tout dernier épisode en dit long. Et demeure un paradoxe somme toute assez drôle. En effet tandis que l'identité d'un Sauron n'était pas le centre de grands enjeux et pouvait être révélé dès le départ (probablement que le potentiel dramatique de la série eut été plus grand d'ailleurs, le spectateur voyant quelques personnages être trompés par ce qu'il savait être l'ennemi), le sort réservé à Númenor aurait pu être gardé secret pour une bonne partie du public n'ayant pas lu les livres. Qu'à cela ne tienne, ce qui intéresse Amazon, c'est moins de raconter une histoire que de gagner des abonnements. La submersion de Númenor ne pouvant être teasée si l'on souhaite garder son sort secret, voilà qu'on la révèle dans un plan totalement inutile à coups de visions de palantíri qui n'ont non seulement rien à faire là, mais qui en plus, une nouvelle fois, ne serviront à rien dans l'intrigue de la saison, puisque ce n'est pas ça qui convaincra Míriel d'aller au secours des Terres du Sud. Mais nul doute qu'il fallait donner au grand public l'idée que Tar-Palantir ne s'appelait pas ainsi pour rien et qu'il était donc lié au pierres de vision, au détriment de la raison pour laquelle les deux s'appellent ainsi, indépendamment l'un de l'autre (puisque Tar-Palantir n'a jamais vu un palantir de sa vie). On a donc d'un côté des choses qu'il eut mieux valu garder secret pour un public qui ne pouvait se douter du sort de Númenor, révélées, et de l'autre des choses devinées pourtant par énormément de monde et sans réel intérêt narratif gardées secrètes jusqu'à la fin de la saison ! Le mieux que la série ait à offrir, est un jeu de Qui est-ce particulièrement raté pour garder ses spectateurs plutôt que de miser sur une écriture soignée et une narration fluide. Un bel aveu de faiblesse.
A cela s'ajoute d'autres innombrables problèmes de cohérence interne, comme Gil-Galad qui presse Elrond et Celebrimbor de trouver une solution mais la refuse lorsqu'elle se présente, lui qui manifestement plaçait la survie de son peuple au-dessus de tout, y compris des serments et de la morale, ou le simple intérêt d'Halbrand/Sauron. Son parcours d'un aucun sens de son propre point de vue. Qu'est-il allé faire en pleine mer ? Esperait-il y trouver Galadriel ? Si oui comment ? Si non qu'est-ce qu'il y faisait ? Pourquoi avoir souhaité rester à Númenor ? Pour au final repartir en Terres du Sud ? Pourquoi même jouer le roi du Sud qui ne veut pas y retourner ? Pourquoi jouer le roi du Sud tout simplement, d'ailleurs ? Il lui eut suffit de se faire passer pour un type normal du sud et il y serais resté, à Númenor. Et si cela était un mensonge et qu'il voulait aller aux Terres du Sud, un simple habitant aurait demandé à y retourner qu'on ne lui aurait pas refusé. Et c'est comme ça pour tout, chaque décision du personnage n'est là que pour servir le cœur complètement artificiel de cette saison : le mystère autour de sa personne. Avec au passage une référence ratée à Aragorn. La gestion des distances est aussi catastrophique que dans les dernières saisons de Game Of Thrones. 6 jours, c'est tout ce qu'il fallu à Galadriel et à Halbrand pour passer du Mordor à l'Eregion. Je laisse les fans même des films mesurer à quel point ça n'a aucun sens.
On pourrait également parler des environnement ou des régions qui se contentent de ne monter qu'une cité à chaque fois, créant ainsi une confusion entre la région et la cité, tout comme Minas Tirith finalement représentait à elle seule le Gondor dans les films de Jackson, là où il y avait champs florissants et nombreuses régions et cités outre la capitale. Númenor ? La confusion est présente jusque dans les dialogues qui assimilent Armenelos à l'île entière. Ost-In-Edhil ? Même pas mentionnée, qui est décrite à l'image comme le royaume d'Eregion. Royaume inexistant puisque Celebrimbor n'est pas roi et dépend entièrement de Gil-Galad. Et ne parlons pas de cet effet digne des pires nanar lorsque la police des lettres des Terres du Sud change à l'écran pour se transformer en Mordor sous une musique incroyablement clichée. Bref.
Autant dire que ça fait beaucoup de choses qui ne vont pas. Et ce, sans parler de la fidélité au matériau d'origine, car là, c'est l'escalade. La série aura beau eu déployer une promo agressive envers les tolkiendili en les traitant ou de racistes, ou de fanatiques religieux, ou de que sais-je encore, elle n'aura finalement tromper que les ignorants, surtout associée à la mauvaise foi immature des showrunners.
La série vise d'ailleurs un public assez peu identifié, entre casser du sucre sur les tolkiendili pour ensuite s'imaginer leur faire plaisir en leur servant des références superficielles. Quelques noms, quelques allusions histoire de faire plaisir aux fans, mais à aucun moment où ne retrouve ne serait-ce qu'un élément, qu'une philosophie, qu'une écriture inventive renvoyant à l'œuvre de Tolkien. On fait évidemment de l'œil aux fans des films, aussi, dans des dialogues creux et des répliques répétées et bazardées quelque soit le contexte, même si celui-ci ne s'y prête pas. Galadriel n'est jamais allée à Númenor, Halbrand comme Bronwyn ou Théo ou Kemen ou Eärien n'ont jamais existé. Les Hobbits n'apparaissent qu'au Troisième Âge, Elrond n'a jamais entretenu d'amitié avec Durin, et le mithril n'a jamais servi, ni à forger les anneaux (à part Nenya), ni à sauver les Elfes, et n'a jamais été issu d'un affrontement entre un Balrog et un Elfe. Les showrunners auront beau dire et répéter qu'ils connaissent l'œuvre autant qu'ils voudront, à nouveau, tout leur donnera tort. On peut faire dire à Durin que les nains ont des noms secrets, mais faire en sorte qu'Elrond connaisse le Khuzdul montre que vous ne comprenez même pas ce que ça implique. Difficile de toute façon de croire qu'un seul élément de la culture naine leur soit véritablement connu lorsqu'ils se permettent de faire cohabiter en même temps deux Durin, quand un est censé être la réincarnation du précédent et ainsi de suite jusqu'à Durin Ier. Et inutile de venir me dire qu'ils n'avaient pas le choix. Il suffisait de changer le nom de l'un ou de l'autre en Groin, ou autre nom de l'Edda. Pourquoi pas de carte du Beleriand ? Car (à l'exception de la question des droits) ça risquerait de perdre le spectateur non connaisseur, et qu'importe que ledit spectateur n'ai jamais été gêné de ne pas connaître la carte du Seigneur des Anneaux qui lui fut présentée dans l'intro de la trilogie de Jackson ! Difficile de se dire qu'ils aient compris l'œuvre du Professeur quand le nom de la hobbit principale est Nori, diminutif d'Elanor, nom de la fille de Sam, première hobbit à s'appeler ainsi en référence aux fleurs que Sam trouva dans la Lothlorien. A nouveau, une référence de surface, superficielle, sans en comprendre le sens, bazardée sans aucune connaissance. On peut difficilement prétendre à leur grand respect de l'œuvre du Professeur quand ils transforment des figures moralement héroïques comme Gil-Galad en personnage politique ouvertement gris, dans le seul but de faire référence à GoT, et donc, dans un intérêt purement marketing. Difficile de prétendre qu'ils soient respectueux quand ils explosent à coup de dynamite la continuité pourtant obtenue avec bien des corrections par Tolkien, qui la corrigeait sans cesse. Un autre exemple avec Adar, le prétendu elfe corrompu, qui n'est là en réalité que dans une volonté de répondre aux critiques des ignorants à l'encontre de l'œuvre de Tolkien. Là encore, purement marketing. Pourquoi une Miriel noire, alors qu'elle est blanche dans les livres ? Pourquoi une Miriel reine régnante d'ailleurs, alors qu'elle ne l'a jamais été dans les livres ? Car ça fait bien de prendre une reine noire pour la plus grande civilisation humaine de cet univers. Pourquoi des elfes noirs, pourquoi des nains noirs, pourquoi des asiatiques à Númenor, pourquoi des hommes blancs dans les Terres du Sud ? Parce que tout doit être multiculturel, puisque suivant les déclaration des showrunners, le monde de Tolkien doit maintenant correspondre à notre monde actuel, quand bien même le Legendarium raconte des événements censés se dérouler à une époque mythique et archaïque de notre Histoire. Et pourquoi donc un Adar ? Parce que ça fait un elfe méchant. Un corrompu. Mais pas trop, car une des nombreuses critiques de Tolkien, outre le racisme et la misogynie, est également le manichéisme, le fait que les orcs soient des créatures entièrement mauvaises qu'il faille éradiquer. De fait, ils deviennent une civilisation ayant son droit d'existence. De fait, Adar montre que les elfes peuvent être mauvais et méchants. Et tout cela est exécuté en contradiction totale avec ce qu'à écrit Tolkien. Non seulement les elfes ne peuvent être corrompus (rappelons qu'il souhaitait abandonner l'idée que les orcs descendent d'eux) mais, dans le cas d'Adar, qui est né au Beleriand, il est impossible qu'il ait été un des elfes récupérés par Morgoth, puisque ces derniers étaient des Avari, capturés bien avant que les Elfes ne partent pour Valinor. De même que le terme Uruk, même s'il signifie orc en parlé noir, désigne uniquement les orcs crées par Sauron et Saruman au Troisième Âge, capables de marcher à la lumière du jour sans se fatiguer. Encore une fois, des références bazardés sans connaissance. Tout comme la fausse révélation du mithril, Elrond le prenant entre ses mains et écarquillant ses yeux dans une grimace ridicule censée exciter le fan parce qu'il a découvert le mithril. Et pourquoi une origine au balrog et à l'elfe ? Parce qu'il fallait un balrog pour exciter le fan et teaser la saison 2. On nage dans la référence, la nostalgie, encore et toujours, sans fond, sans rien raconter, en pensant que ce sera suffisant. Mais la pire trahison, outre la chronologie, viendra et de la nature de Galadriel, et de la fabrication des Anneaux. Galadriel, sage, et ouvertement opposée à Fëanor dans les livres, subit dans la série le même mal qui a fait chuter son oncle. Fëanor a mené les Elfes à la ruine dans sa quête irraisonnée de vengeance. Et tandis que Galadriel fut sa plus grande adversaire sur la question, voilà qu'elle sombre elle aussi dans les mêmes travers, les mêmes défauts, alors qu'elle est censée en être l'exact opposée ! Et ce, dès sa vie à Valinor. De même, tandis qu'elle est l'une des premières à se méfier de la figure mensongère d'Annatar/Sauron, elle sera celle, dans la série, non seulement qui sera trompée par lui, mais également qui le ramènera en Terre du Milieu et qui le présentera à Celebrimbor, et donc indirectement responsable de la fabrication des Anneaux de Pouvoir ! une incompréhension totale et une totale trahison de ce qu'est le personnage sur le papier. Et pour finir sur les Anneaux, tandis que les Trois sont censés être fabriqués en dernier, et que Celebrimbor et Sauron fabriquent les autres anneaux ensemble, ici, non seulement les Trois seront fabriqués en premier, mais en plus, Sauron ne participera manifestement pas à la fabrication des autres ! A moins qu'il ne les forge tout seul en Orodruin, ce qui serait un autre non-sens. Bref. Les Trois sont forgés en dernier car en même temps Sauron se met à forger l'Unique, et c'est à ce moment là que Celebrimbor comprends la supercherie et les éloigne de l'influence de Sauron. C'est pour cette raison qu'ils ne seront pas touchés et corrompus, contrairement aux anneaux des Hommes et des Nains. Ici, la fabrication est bazardée en deux temps trois mouvements, Sauron n'y aura participé que quelques secondes, et les Anneaux auront été fabriqués par nécessité de survie, et non plus par volonté d'art, le cœur même de l'œuvre de Tolkien. L'art des Elfes, tourné vers la préservation de ce qui est dans un état de printemps perpétuel, est transformé en McGuffin de survie. Et c'est là probablement la pire entorse, et la preuve de l'ignorance crasse des showrunners qui, s'ils ont aimé un jour l'œuvre, n'en ont clairement eu que faire pour écrire cette saison. Et le fait qu'ils se soient lancés dans cette entreprise en ayant si peu de droits en est une autre preuve. S'ils avaient tenu à respecter Tolkien, si ça avait été leur principal soucis, ils ne se seraient pas lancés là-dedans. Encore une fois tout n'était que prétexte à un marketing. Et ce n'est pas faire une statue d'Ossë ou mentionner Fëanor qui changera quoi que ce soit. L'œuvre de Tolkien ce ne sont pas des références, c'est une œuvre monde, un objet littéraire aux ressorts narratifs empruntant à toute forme de littérature, variée, mondiale, et loin, très loin de se satisfaire de ressorts clichés, grossiers et immatures. Ce dont la série, elle, se satisfait sans en avoir quelque chose à faire : "hé, il y a le nom Tolkien, ça se vendra". Un pur produit commercial sans âme, alors que l'œuvre dont elle reprend le nom était tout le contraire et n'était que pure littérature, pur art, pure subcréation. Oui, on peut clairement parler d'échec, à tous les niveaux.