Mother ou Mère au Québec (hangeul : 마더 ; RR : Madeo) est un film dramatique sud-coréen écrit et réalisé par Bong Joon-ho, sorti en 2009.
Il a été présenté en compétition dans la sélection Un certain regard au Festival de Cannes.
Synopsis:
En Corée du Sud, une veuve vit avec son fils unique de 28 ans qui est sa seule raison de vivre, Yoon Do-joon, un déficient mental léger. Son fils, compte tenu de sa situation, de ses relations et de la précarité de son milieu, a souvent, semble-t-il, des démêlés avec la police. Un jour, une jeune fille est retrouvée morte et, malgré le combat de sa mère, Yoon Do-joon est jugé coupable et le jeune homme est condamné a de la prison. La mère va alors partir à la recherche du vrai meurtrier pour prouver coûte que coûte l'innocence de son fils…
Réception critique:
Le film reçoit globalement de très bonnes critiques presse. Il est nommé 10e dans la liste des dix meilleurs films de l'année par les Cahiers du cinéma. Sur AlloCiné, il obtient une note moyenne presse de 4.4/5 pour 21 critiques. Le Monde souligne que « la comédie, la chronique sociale, le récit policier s'y entremêlent avec un art virtuose, quoique discret, sans équivalent dans le cinéma contemporain », pour les Inrockuptibles, c'est « un mélo original (…) [où] Bong Joon-ho ne cesse d'égarer son spectateur sans jamais le perdre, formidable paradoxe », ou encore Le Parisien conclut que « cette histoire d'amour fusionnel, monstrueux même, oscille entre le tragique et le comique, tout en ménageant un suspense formidable ». Les critiques réservés soulignent une mise en scène au rythme lent, comme dans le Journal du dimanche qui souligne « une mise en place un peu lente », ou encore Première « assez vite, un malaise s'installe, avec l'impression de plus en plus pesante que le soin apporté à la réalisation cache un besoin de tourner autour du pot, faute de substance »
critique:
http://www.filmdeculte.com/cinema/film/Mother-2661.html
Note FilmDeCulte : 6/6
Une mère de famille sans histoire élève seule un fils au caractère asocial, qui passe ses journées reclus dans sa chambre. Un beau jour, un crime est commis en ville. Devant l'absence d'alibi du jeune homme, la police croit tenir en lui son coupable idéal. Sa mère décide de mener sa propre enquête.
SOUVENIRS D'UN MEURTRE:
Thriller (Memories of Murder), film de monstre (The Host) ou mélo familial (ce Mother), le Coréen magique Bong Joon-ho s'est fait une spécialité dans le bouleversement des genres, codes revisités et maltraitance des règles. Mais le genre importe t-il tant que ça dans son cinéma? Les films de Bong Joon-ho sont marqués par un art de la rupture et de la digression, où le plus éclatant des coups de sang peut être suivi d'une scène de comédie. Voir Mother, qui part d'un argument de mélo (une mère cherche à prouver l'innocence de son fils, handicapé mental et accusé de meurtre) pour suivre les traces du thriller (maman mène l'enquête), présentant des personnages aux pulsions qui n'ont rien à envier aux monstruosités de la bestiole de The Host. La liberté absolue du cinéaste coréen se sent à chaque plan, à chaque détail de scénario. Car Mother, comme les précédents longs-métrages de Bong, ne connait qu'une règle: celle de l'imprévisible.
Souvenirs d'un meurtre. Lors de moments de crise, le jeune fils appuie ses doigts contre ses tempes comme pour vider son cerveau, effacer une persistance. La mère, elle, affirme connaître le point précis d'acupuncture permettant d'apaiser le chagrin, comme si l'oubli se contrôlait d'un coup d'aiguille dans la cuisse. On retouche les photos, efface les cicatrices. Maman, bille en tête, est en quête de vérité, mais celle-ci se dérobe d'un témoignage à l'autre, oubli ou refoulement - comme lorsque le fils se souvient, subito, du sort que lui réservait jadis sa génitrice; épisode funeste qu'elle souhaiterait oublier mais qui, lui, ne s'effacera pas. La mise en scène hypersensible de Bong, avec ce cadre qui ne semble jamais vraiment là où on l'attend, épouse cette valse-hésitation, détresse et solitude d'une mère dans une société de brutalité, une vitre (de voiture, de parloir) la séparant toujours de son enfant, tragique poussé jusqu'au sublime absurde (voir la scène, magistrale, où l'héroïne s'introduit chez un gus qu'elle suspecte, marchant aussi bien comme un pur suspens qu'un gag de Miss Marple projetée au pays du matin calme).
On aura vite fait de ranger l'héroïne de Mother dans la douce et digne famille des mères courages. Mais de la même façon que Bong Joon-ho ne se laisse pas enfermer dans le carcan d'un genre, ses personnages ont plusieurs visages. Qu'est-ce qui fait marcher cette mère, indéfectible tailleur violet sur le dos, couleur des veuves et des martyrs? Son amour inconditionnel pour son fils, film d'une mère et de Mère, figure sacrificielle donnant tout pour sa progéniture. Mais la culpabilité aussi, regrets d'un crime passé et poids écrasant sur les épaules. Un sentiment qui la pousse jusqu'à la folie, donnant des coups de clef anglaise dans la figure de la vérité si celle-ci ne correspond pas à ce qu'elle cherche, lorsque l'horreur de se résoudre finalement à l'inconcevable est insurmontable. "Avez-vous une mère?", demande t-on à la fin du film, question cruciale, comme si l'infamie, la culpabilité, la douleur étaient moins fortes pour un orphelin - sa mère ne pourra pas souffrir pour lui. Ironie tragique du dénouement. Mère protectrice et prédateur acharné, Kim Hye-ja est absolument fantastique dans le rôle-titre. Accablée mais dansant malgré tout, de l'ouverture lunaire à l'épilogue amer.
. 
.